(Traduction : libre)
de Chine à Taiwan est internationalement connue pour la croissance de son économie et la compétitivité de ses produits sur le marché international. Ainsi, elle est le 11e pays exportateur du monde en 1986. Mais cela ne signifie pas que toute la nation s'est adaptée aux seuls besoins du commerce. C'est tout à fait le contraire. La population de de Chine, officielle et autre, garde une vision du monde qui comprend beaucoup plus que des bilans commerciaux, des calendriers de tarifs douaniers et des portefeuilles d'investissements. Les problèmes de politique internationale et de développements militaires préoccupent aussi les responsables de tous les milieux de l'intelligentsia de de Chine. Un cas particulier est la réaction locale à l'Initiative de défense stratégique (IDS) récemment proposée.
Depuis que le président des Etats-Unis, M. Ronald Reagan, a fait sa déclaration sur la « guerre des étoiles » le 23 mars 1983, la proposition n'a jamais soulevé tant d'intérêts et de discussions dans des domaines aussi variés que possibles. L'un des sujets les plus débattus, pour autant que de Chine soit concernée, comprend les questions technologiques du programme.
Ceux qui sont en faveur des propositions de l'IDS ont en général tôt mis l'accent sur les défis technologiques de la proposition reaganienne, ainsi que sur la recherche en aval et l'aubaine de la production qui peuvent en être tirée. Les questions de politique générale mises à part, les specialistes et les hommes de sciences font remarquer que le programme en soi n'est encore qu'à son étape initiale, signifiant par là qu'une recherche considérable les attend avant qu'un jugement puisse être pris sur la valeur et l'efficacité globales du programme. Ils ont cependant fait remarquer la direction générale de la recherche et les défis qu'il présente.
Mais une hypothèse sous-jacente est que tout système d'armement en fin de compte produit dépend du temps; il doit pouvoir parvenir à l'efficacité avant qu'un autre ne vienne le contrer pour le neutraliser. Néanmoins, on espère, comme beaucoup de collègues scientifiques américains et ouest-européens, que cette nouvelle technologie aura tendance à rendre les armes nucléaires obsolètes.
Les opposants à l'IDS ont un argument contraire. Ils affirment que l'incertitude de tout le programme en matière technologique devrait rendre les Etats-Unis plus prudents sur le sujet. Les deux rapports de tribune de Hoffman et de Fletcher ont apparemment échoué dans la tentative de les convaincre de la faisabilité de l'initiative de défense stratégique (IDS) ; et leurs critiques ne sont pas si différentes de celles exprimées aux Etats-Unis. Ils s'interrogent également à propos des évaluations des besoins de défense des Etats-Unis, des généralités hypothétiques des mesures de contrôle de l'armement et surtout des relations Est-Ouest. Les hommes de sciences de de Chine, tout comme leurs homologues étrangers ont tiré des conclusions particulières pour une nécessaire réévaluation du traité contre les engins balistiques et des réactions probables de l'Union soviétique au programme de la « guerre des étoiles » — problèmes qui pourraient rendre l’idée de l'IDS contreproductive dans la recherche de la sécurité du monde contre les menaces de destruction nucléaire —.
Lin Ming
Les caractères « Ne compter que sur soi » ornent le nez des avions d'entraînement AT, de fabrication chinoise.
Ces opposants soulignent en effet qu'une attention insuffisante a été donnée à la réponse critique de Moscou au programme. Il est nécessaire, disent-ils, d'évaluer les doutes de Moscou avant toute décision relative à l'IDS. Ils croient que, étant donnée l'extrême sensibilité concernant sa sécurité, l'Union soviétique pourrait être amenée à intensifier des plans de réarmement. Si cela arrivait alors que les Etats-Unis poursuivent leurs recherches dans le cadre de la « guerre des étoiles », les résultats donneraient exactement le contraire de ce que l'Administration Reagan a proclamé. Au lieu de rendre des armes nucléaires impuissantes, il y aura une intensification de la course aux armements et une augmentation du danger de la guerre nucléaire, ébranlant toutes les assises réelles de la dissuasion nucléaire.
En fait, la dépendance d'une vulnérabilité réciproque pour la paix du monde est imparfaite, mais la dissuasion basée sur un équilibre de la terreur a néanmoins travaillé avec efficacité pendant ces quarante dernières années. Les opposants à l'IDS de de Chine recommandent donc de plus grandes initiatives de la part des deux superpuissances pour le contrôle des armes et le désarmement. Ils se font l'écho de l'opinion exprimée par quelques spécialistes américains, à savoir que le système de défense par des engins balistiques n'est pas capable de pousser les Soviétiques à rechercher un accord sur la réduction des forces. Pire, il minerait plutôt la sécurité des Etats-Unis.
Mais les deux groupes de de Chine semblent d'accord sur plusieurs problèmes importants. La nouvelle direction en matière de politique militaire changera probablement la façon des Etats-Unis de mener la recherche spatiale et déterminera les domaines qui recevront la priorité de financement et d'attention des planificateurs. A contrecœur ou non, les deux groupes sont aussi en faveur des efforts de recherche en technologie de défense aux Etats-Unis — et admettent l'importance du leadership américain en matière de sciences et techniques —, car le monde libre est tout entier concerné par une possible détérioration de la puissance américaine puisqu'elle serait au détriment des intérêts de celui-là. En somme, il y a un concensus profond qui serait pour une augmentation significative des capacités américaines afin de contrer l'expansion militaire soviétique, qui n'est peut-être pas forcément celle des moyens.
Joseph Chen
Défilé de tanks M-48. Les armes conventionnelles font face aux nouvelles menaces des systèmes spaciaux d'armement.
Les hommes de sciences de de Chine connaissent aussi parfaitement les limites de leur influence dans les cercles de la recherche de l'IDS.
Il est donc très difficile, voire impossible, pour les agences gouvernementales de de Chine de participer aux décisions américaines concernant la défense spatiale ; les déclarations officielles sur les problèmes relatifs à la sécurité font seulement état depuis 1983 du désir de Taipei de maintenir des relations étroites avec Washington. Si la réponse politique à la nouvelle orientation de défense de Washington reste silencieuse, un autre domaine plus actif de de Chine en donne une. C'est sans nul doute celui du domaine de la recherche et de ses possibilités économiques.
Un certain nombre d'hommes de sciences ont manifesté tout leur intérêt pour le programme de l'IDS, principalement grâce au désir personnel d'entreprendre une recherche scientifique un peu marginale. L'IDS offre une chance à saisir dans certains domaines de première pointe de la recherche spatiale qui ont fait preuve dans le passé d'être une grande source de sous-produits sur un terrain ferme. De plus, l'effort de de Chine pour élever son niveau technologique de défense a influencé l'élite à se tourner vers des programmes de recherche de défense nationale d'autres pays industrialisés.
Le gouvernement de République de Chine a fait d'énormes dépenses depuis 1979 pour la modernisation de la défense nationale, en particulier à cause de la cessation des relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Dans toutes les couches de la société, on note un plus vif intérêt pour le développement de missiles et autres armes nécessaires à la défense de Taiwan. Les articles et commentaires sur les nouvelles technologies et armes de défense paraissent souvent dans la presse locale, et des colloques sont tenus par des universités et des organisations de recherche pour discuter des problèmes concernant la sécurité et le développement industriel de Taiwan. Le besoin de plus en plus grand de ce genre d'informations se traduit amplement par un volume croissant de publications scientifiques et technologiques à Taiwan. Il est naturel que tout potentiel technologique qui apporterait de nouveaux moyens de défense attire l'attention des hommes de sciences de de Chine.
Il suffit de rappeler que le débat sur l'IDS chez les scientifiques de de Chine s'approfondit donc en fonction des intérêts professionnels de chacun liés aux estimations du programme. Ils sont en bonne compagnie puisqu'ils partagent des sentiments communs de l'Europe de l’Ouest : c'est-à-dire, le vif intérêt pour la nouvelle initiative stratégique américaine est la participation possible à une recherche technologique qui serait hautement lucrative. Devant la compétition croissante asiatique dans les domaines du commerce et de la technologie, le zèle ouest-européen pour une croissance industrielle plus rapide et une innovation technologique accélérée est compréhensible. C'est précisément pour cette raison que de nombreux Européens de l'Ouest considèrent l'IDS comme une chance inespérée ; et les hommes de sciences de de Chine de partager le même sentiment.
Ces derniers admettent certes que le niveau technologique des nouveaux pays industriels (NPI) de l'Asie est encore loin derrière l'Europe occidentale, mais ils ne se font aucun doute sur la participation des NPI d'Asie au programme dans le cadre de la soustraitance. Bien que Taipei et Washington entretiennent actuellement des relations non officielles et que presque toute la recherche pour l'IDS soit effectuée par des laboratoires du gouvernement américain, les hommes de sciences de de Chine pensent pouvoir aussi contribuer de leurs grandes qualifications à ce programme.
Il s'en suit que les scientifiques locaux regardent bien en avant pour nouer de plus grandes relations avec la communauté universitaire américaine et sont sur le pied d'alerte pour décrocher des domaines particuliers de la recherche scientifique qui ont trait aux plans généraux de l'IDS. Justement à cause de cette volonté professionnelle, l'IDS attire fortement l'attention de de Chine.
Alors que le programme de la « guerre des étoiles » est un luxe que les NPI d'Asie ne peuvent s'offrir, cela ne signifie nullement qu'ils n'ont aucun rôle à y jouer. Il est hautement probable que la recherche n'aura pas lieu dans un seul laboratoire ni dans un seul pays, et les scientifiques asiatiques trouveront la possibilité de se joindre à cette recherche, même d'une manière indirecte. Pour un programme de recherche scientifique qui sera international dans la recherche et multinational dans le personnel, il y a d'excellentes perspectives dans une coopération mondiale.
Lin Bih-jaw,
doyen ad interim et maître de conférences de de droit international et de diplomatie de l'Université nationale Chengchih, à Taipei.