12/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

TSMC joue en solo

01/11/2007

L'une des plus brillantes réussites industrielles insulaires est certainement celle de Taiwan Semiconductor Manufacturing Corp. (TSMC). Fondée en 1987 avec une cinquantaine de salariés, la firme en compte aujourd'hui plus de 20 000 dans le monde entier. Plus de la moitié des plaquettes de silicium produites en sous-traitance autour du globe sortent de ses fonderies.

Depuis sa création, TSMC connaît un rythme de croissance moyen supérieur à 40% par an. En 2006, son chiffre d'affaires a approché 10 milliards de dollars américains. Quant à sa valeur boursière, elle tourne autour de 52 milliards de dollars.

Tout commence en 1974, lorsque 6 universitaires et hauts fonctionnaires se lancent ensemble dans l'aventure, au cours d'un petit déjeuner informel sur Linsen North Road, à Taipei. En 1985, Morris Chang [張宗謀], l'ancien vice-président de Texas Instruments et directeur général de General Instrument, est recruté pour diriger l'entreprise qui prend deux ans plus tard son nom actuel.

Cela fait donc 20 ans que TSMC existe et, pour son anniversaire en avril cette année, la firme a convié un millier de personnes triées sur le volet. L'une d'entre elles, le professeur Michael Porter, qui enseigne à l'université Harvard, aux Etats-Unis, et est un stratège du monde industriel bien connu, est intervenu à la tribune pour souligner le rôle social des grandes entreprises. Sans relation avec TSMC ? Non, ce sujet au contraire lui convient parfaitement puisque, comme aime à le répéter Morris Chang, il s'agit là d'une entreprise où l'on s'efforce de toujours mettre en avant des valeurs telles que intégrité, engagement, innovation et partenariat.

Etre différent

Lorsque Morris Chang a fait le pari de lancer TSMC dans une activité nouvelle de production en sous-traitance, les observateurs n'ont pas donné cher de l'avenir de la firme.

L'opportunité était pourtant là, et TSMC s'est fait connaître des bureaux qui dessinaient des circuits intégrés. Une technologie adaptée, un taux de défaut moins élevé, ainsi que des délais de livraison strictement respectés, ont permis d'abaisser les coûts de production, donc de rendre plus compétitifs les circuits intégrés de l'entreprise insulaire.

Un autre avantage a été que ses clients ne craignaient pas avec elle de voir pirater leurs derniers circuits, puisque TSMC ne produisait pas sous sa propre marque. Celle-ci a donc bâti sa réputation sur la rigueur et la confiance.

« Nous nous présentons comme une entreprise de service, pas de production », insiste d'ailleurs Morris Chang qui mène la firme sans cesse plus loin sur la voie de l'excellence technologique, tout en développant ses capacités de production.

On peut d'ailleurs s'étonner de cette contradiction dans la direction de l'entreprise : l'une de ses priorités est bien de limiter les coûts de production, alors qu'on y privilégie la notion de valeur ajoutée.

Pendant longtemps, TSMC s'est illustré par un taux de 100% d'exploitation de ses capacités, une stratégie que ses dirigeants ont accepté de revoir, en abaissant aujourd'hui ce taux à 85-90%, afin de laisser aux clients la liberté de se livrer à des changements tardifs et afin de se garder une capacité disponible pour répondre à une commande imprévue.

Fabrication virtuelle

A une époque, il y a une dizaine d'années, où la concurrence était exacerbée, lorsque quelques secondes de plus ou de moins dans le processus de production pouvait faire toute la différence, TSMC a façonné le concept de « fabrication virtuelle » ou « e-fonderie ». Sans rentrer dans les détails, les clients bénéficient d'une plus grande transparence dans le suivi du processus de la production de leurs commandes.

En 2000, TSMC a développé une plate-forme de travail commune avec Electronic Design Automation qui a permis à l'entreprise de se rapprocher encore davantage des besoins de ses clients en facilitant la prise de leurs commandes et en leur permettant de la modifier, si nécessaire.

Dans le même temps, l'entreprise a mis en ligne une « bibliothèque » de modules offrant à ses utilisateurs la possibilité de dessiner leurs propres produits, ce qui a considérablement réduit pour eux les difficultés. Toujours au service de ses clients, elle a mis à leur disposition certains de ses brevets. Et TSMC en a beaucoup, puisque, cette année, dans le classement des 100 premières entreprises qui ont fait enregistrer des brevets à Taiwan, elle arrive en première position avec 441 dossiers déposés et acceptés.

Un partenariat fondamental

Toujours dans le but d'améliorer son service, TSMC prend en charge toutes les étapes postérieures à la production comme les tests, l'emballage, l'étiquetage et la livraison. En fait, une sorte de tout-en-un depuis la première étape, la commande - que doit encore donner le client - jusqu'à la dernière de ce cycle. Les coûts s'en trouvent réduits, et ce sont là des avantages que les clients ne peuvent négliger, lorsque les marges sont limitées.

TSMC a eu l'intelligence, en amont, de s'associer avec des concepteurs et des dessinateurs, jusqu'à une centaine d'équipes ou d'entreprises en général de taille modeste et assez spécialisées. Ce partenariat leur permet de se mettre en situation idéale pour rivaliser avec des groupes de dimensions internationales. C'est grâce aussi à ce type de collaboration que TSMC a pu prospérer.

« Le succès de nos partenaires est le nôtre ! Nous leur souhaitons de réussir encore mieux » , a déclaré Morris Chang, lors de la fête organisée à l'occasion du 20e anniversaire de la société.

La préoccupation qui vient en tête pour le dirigeant de la firme, avec le service aux clients et la collaboration avec les partenaires, c'est l'innovation. Un prix intitulé Innovation Award and Customer Partnering Award a d'ailleurs été mis en place par le groupe, avec, pour le lauréat, 10 millions de dollars taiwanais à la clé.

A l'échelle nano

Toutes ces qualités sont importantes pour TSMC, mais ce qui prime par-dessus tout, c'est la maîtrise du processus de fabrication. Alors que les acheteurs veulent des plaquettes de plus en plus grandes (de 6 à 8 pouces, puis 12 et maintenant jusqu'à 18) avec, en parallèle, des espaces entre les circuits de plus en plus restreints, de 1,5 micron à 45 nanomètres), les producteurs sont contraints de se lancer dans une course technologique qui leur coûte cher en perpétuelles remises à niveau.

L'année 2000 a été celle des avancées techniques pour TSMC, puisque la firme a décliné une offre d'IBM qui lui proposait une collaboration concernant le développement des circuits à 0,13 micron, choisissant finalement de se lancer seule dans cette aventure. C'est d'ailleurs depuis ce moment-là que le fabricant taiwanais a creusé l'écart avec ses rivaux.

Les semiconducteurs de la génération à 0,13 micron figurent parmi les plus difficiles à développer, et des progrès ont finalement été obtenus grâce à l'application de deux nouvelles technologies. TSMC a eu l'intelligence d'opter pour la plus appropriée et de la maîtriser, ce qui lui a permis de s'élever rapidement au-dessus de ses concurrents, tel IBM, parvenant ainsi à se hisser juste derrière Intel, le no1 mondial dans ce domaine. Désormais, TSMC est en avance sur la plupart de ses concurrents dans la production de masse des 0,13 micron.

Une concurrence acharnée

Mais la réussite actuelle n'a rien de permanent si elle n'est pas entretenue par de nouveaux efforts. United Microelectronics Corporation (UMC), le premier concurrent de TSMC dans l'île, lui a abandonné le terrain des 0,13 micron pour se concentrer sur une technique encore plus performante, celle dite des 90 nanomètres, tandis que Chartered Semiconductor, de Singapour, et IBM se sont associés pour exploiter le procédé des 65 nanomètres.

En parallèle, d'autres fabricants se sont distingués d'une manière ou d'une autre, sortant du lot à Taiwan, comme SMIC, ou ailleurs, en Allemagne, en Irlande ou en Malaisie. La rivalité ne diminuera pas : au contraire, elle sera plus intense, prédit Rick Tsai [蔡力行], le directeur général de TSMC.

L'avenir

Pour Morris Chang, l'avenir n'est plus aussi serein. Il envisage un ralentissement dans son domaine d'activité dont la croissance annuelle ne serait plus estimée qu'entre 5 et 10% d'ici dix ans.

Le président de TSMC considère que les concepteurs et les fabricants doivent resserrer encore leurs liens, sur le modèle d'une course de relais. Rien que cet effort de rapprochement déboucherait d'ici 2018 sur un gain de croissance annuel de 5 à 10%.

L'investissement reste un point capital de cette croissance. Or, les besoins en capitaux ne cessent d'augmenter. A l'ère des plaquettes de 8 pouces, une fonderie coûtait 1,2 milliard de dollars américains. Lorsque sont arrivées les plaquettes de 12 pouces, le prix d'une fonderie est passé à 3 milliard de dollars. Il sera de 12-15 milliards pour la prochaine génération des 18 pouces - des investissements de plus en plus significatifs et qui constitueront une barrière pour ceux qui ne parviennent pas à réunir les capitaux suffisants.

Il n'y a pas que le prix des infrastructures qui augmente, celui du design aussi, puisque si la conception au niveau de la technologie à 0,13 micron a coûté 10 millions de dollars, celle du procédé à 65 nanomètres a atteint 45 millions. Ce qui signifie que certains vont devoir réduire leurs coûts de production et de recherche en renonçant à financer leurs propres bureaux de de sign, pour s'en remettre à TSMC. Question de survie. L'entreprise taiwanaise pourrait trouver là l'occasion de se mettre en avant de façon fort habile.

Autre élément clé du développement futur de TSMC, la diversification avec l'entrée en production dans ses usines de nouveaux produits tels que les DRAM, mémoires flash, mémoires niches... Beaucoup d'autres domaines dans lesquels TSMC ne s'était encore jamais aventuré.

Sans limites

Rick Tsai l'a répété lors de son intervention pour le 20e anniversaire de l'entreprise : les produits de l'industrie des circuits intégrés sont maintenant partout utilisés, et ils changent la vie des gens. C'est pourquoi le directeur de TSMC a demandé à ses collègues d'aller encore plus loin mais en restant au même rythme que l'industrie.

L'avenir des microprocesseurs est en train de se dessiner sur une partition à trois, avec Intel pour fabriquer les CPU, Samsung pour les mémoires et TSMC pour les plaquettes en sous-traitance. Drôle de trio dans lequel la firme taiwanaise, dans son domaine particulier, joue de plus en plus en vedette. ■

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