>> Dans le district de Pingtung, le petit port de pêche de Tungkang s’est découvert, grâce au thon, une nouvelle vocation touristique et culturelle
« 8,8 millions ! 8,8 millions les trois ! » La vente aux enchères des trois premiers thons du festival de Tungkang, dont tous les bénéfices ont été reversés à une organisation de charité, a rapporté gros cette année. La présence du président de la République, en tant qu’invité d’honneur, avait jeté une fois encore un éclairage médiatique spécial sur une manifestation de plus en plus populaire, en dépit de ses origines très locales. Au total, ce sont 18,8 millions de dollars taiwanais qui ont été réunis pour financer un fond d’aide à l’enfance.
Le festival du Thon rouge de Tungkang, un petit port du district de Pingtung, prend de l’ampleur depuis sa première édition il y a 5 ans, le plus célèbre de ses visiteurs étant le chef de l’Etat qui ne l’a jamais manqué jusqu’ici. La manifestation figure aujourd’hui parmi les trois principales de l’île, à tel point que certains n’hésitent plus à dire que le meilleur endroit où déguster du thon est Tungkang.
C’est que l’opération de promotion qui l’entoure dure plusieurs mois pendant lesquels apparaissent dans la presse des centaines de recettes sur la façon d’accommoder ce poisson. La campagne de relations publiques met aussi en avant les attraits touristiques de la région de Pingtung, ses paysages et ses traditions. Un autre objectif est de promouvoir la cuisine locale. Après, il ne s’agit plus que d’informer les médias en insistant sur « la fraîcheur, l’énergie, l’intérêt, le caractère unique et authentique » que dégage le festival.
Un des hommes pivots derrière cette réussite est Hung Wan-lung [洪萬隆]. Agé de 57 ans, ancien dirigeant de la faculté de musique de l’université Sun Yat-sen, à Kaohsiung, il est arrivé à Pingtung il y a cinq ans pour prendre la tête des services culturels du district.
Assumant ses fonctions, il mit alors en place un comité chargé d’évaluer le potentiel des industries locales en termes culturels. De toutes les industries proposées initialement par les membres du comité, aucune ne put satisfaire aux trois critères qui avaient été choisis au préalable : une activité ayant un chiffre d’affaires annuel de plus de 200 millions de dollars taiwanais, une dimension saisonnière évidente, ainsi qu’une histoire et un patrimoine culturel qui puissent être mis en avant. C’est alors que le secteur de la pêche au thon attira l’attention de Hung Wan-lung. Cette activité génère 300 millions de dollars de chiffres d’affaires annuel. La période de pêche va de mai à juin, et tout un riche fond culturel entoure cette industrie locale. Les trois conditions initiales étaient remplies.
Le thon a donc son festival. Mais pour quelle audience ? Il a fallu cibler le public concerné, avant de se lancer dans des partenariats multiples avec toutes les organisations qui pouvaient servir de relais au niveau local.
Aujourd’hui, l’événement génère des revenus importants pour la municipalité de Tungkang. Ajoutons à cela ce que les visiteurs dépensent en nuits d’hôtel, en repas au restaurant, en transports, en achats divers, et on estime que le festival pèse annuellement près d’un milliard de dollars.
En tout cas, il y a eu une influence importante au niveau culinaire dans la petite ville, puisque les restaurants y rivalisent de créativité pour proposer aux visiteurs de nouveaux plats à base de thon.
L’ambition des organisateurs du festival est cependant de faire plus que la simple promotion du thon rouge. Il ne s’agit pas plus de simplement venir déguster. Pour Hung Wan-lung, le festival doit aussi contribuer à faire évoluer la région. Il faut faire apprécier la culture locale, et pas seulement les restaurants, aux visiteurs qui viennent de toute l’île.
Le district de Pingtung n’est plus l’arrière-cour de Kaohsiung. Grâce au festival du thon rouge, Tungkang et ses environs font désormais l’objet d’un intérêt particulier, les Taiwanais redécouvrant cette région hors du commun qu’ils avaient quelque peu négligée. ■