07/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Le goût de l’excellence

01/07/1999
L'eau de feu en bouteilles de collection. « Ça ne fait pas mal à ta tête. »
a rigueur du froid hivernal et les vents violents ne sont pas les meilleurs souvenirs que ramènent à Taïwan les soldats ayant servi sur la ligne de front de Kinmen. Le remède traditionnel qu'ils utilisent le plus souvent pour vaincre le froid est un petit verre de Kaoliang, l'alcool local. A tel point que pour beaucoup cette boisson est devenue synonyme de Kinmen.

Kaoliang est le mot chinois pour désigner le sorgho, qui sert d'ingrédient de base pour la préparation de cet alcool. La boisson a été produite pour la première fois à Kinmen en 1953, lorsqu'une distillerie tout simplement appelée la Distillerie d'alcool de Kinmen a été créée sous la responsabilité de la commission des finances du gouvernement local. Avec un sol de qualité médiocre et des précipitations annuelles dépassant à peine une centaine de millimètres d'eau (moins de 60 % de l'évaporation annuelle), la culture du riz n'est pas possible à Kinmen, mais le sorgho et l'arachide y poussent fort bien. La distillerie troquait le riz qu'elle importait de Taïwan, contre une égale quantité de sorgho de la récolte des producteurs locaux. Elle disposait ainsi de la matière première nécessaire à la production du Kaoliang. De plus, cela apportait plus de riz aux habitants de l'île qui le préféraient de beaucoup au sorgho pour leur alimentation de base.

Désormais 45 années ont passé, et le Kaoliang de Kinmen a conquis le cœur des amateurs d'alcools. « Le Kaoliang de Kinmen ne vous donnera pas de maux de tête, c'est ce qui le rend si bon », dit M. Shin Kuan-te, directeur général de la distillerie. Il considère que c'est important, car son taux d'alcool est comparable à celui du cognac et de quelques whiskies qui donnent facilement à leurs consommateurs la gueule de bois. M. Shin, qui a visité des distilleries en France et au Royaume-Uni, attribue les qualités particulières du Kaoliang de Kinmen à la manière dont on le fait fermenter. « Au cours du processus de fermentation de nombreux alcools étrangers, du sucre et de l'eau sont additionnés aux matières premières. Nous, nous ne rajoutons strictement rien au sorgho lors de cette étape. C'est là la différence principale entre le Kaoliang de Kinmen et les autres alcools », note M. Shin. En dehors du conditionnement traditionnel en bouteilles de verre, on peut également se le procurer dans des bouteilles spéciales en céramique. Elles sont dessinées et produites par la Fabrique de céramique de Kinmen, une entreprise d'état, et sont mises sur le marché lors d'occasions spéciales, par exemple pour la Fête nationale. Elles ont aussi valeur de souvenir et de bibelot pour les touristes.

La Distillerie d'alcool de Kinmen est également connue pour ses vins à base de raisin et à vertus médicinales. Mais le kaoliang a toujours été son principal produit. Chaque année, les 600 employés de la distillerie assurent une production de 18 millions de bouteilles, dont 15 % pour le marché local. 80 % sont expédiés vers Taïwan par le Bureau des Tabacs et Alcools de Taïwan qui vend le Kaoliang de Kinmen depuis 1977. Les 5 % restants sont destinés à l'exportation vers l'étranger. Il se vend si bien que la distillerie apporte annuellement un revenu de 2,1 milliards de TWD (63,63 millions d'USD) dans les caisses du gouvernement du hsien. Selon M. Shin, cela représente à peu près 1/3 des finances du gouvernement local. « Si la distillerie ne faisait pas de tels profits, le gouvernement serait dans l'impossibilité de payer ses employés », observe-t-il.

Le kaoliang jouit d'une telle réputation depuis tant d'années, que l'offre n'arrive pas à satisfaire la demande. Aujourd'hui, en partie à cause de cette demande croissante mais aussi parce que les paysans locaux cultivent chaque année de moins en moins de sorgho, les 4/5 de la matière première sont importés de Taïwan, de Chine continentale et d'Asie du Sud-Est. La demande accrue pour cette boisson a décidé la Distillerie d'alcool de Kinmen à construire une nouvelle unité en 1995. Elle a débuté ses opérations en 1997. Un autre changement est en cours après l'annonce faite en début d'année de la privatisation de cette entreprise d'état, prévue pour la fin de l'an 2000.

Actuellement le Kaoliang de Kinmen courant est vendu à 350 TWD (10,60 USD) la bouteille, un cru plus ancien à 1 600 TWD (48,50 USD), et un très vieux cru peut coûter jusqu'à 4 500 TWD (136 USD) ou plus, si tant est que vous puissiez en trouver.

La Distillerie d'alcool de Kinmen va devoir désormais affronter la concurrence d'une nouvelle distillerie moderne construite par le Bureau des Tabacs et Alcools de Taïwan. Elle est située à Chiayi dans le Sud de Taïwan, et est totalement opérationnelle depuis la fin de l'année dernière. Produisant lui-même cet alcool, le Bureau va-t-il poursuivre la vente du Kaoliang de Kinmen ? « Je l'ai envisagé et m'y suis préparé, dit M. Shin. En août de l’année dernière, la Distillerie d'alcool de Kinmen et le groupe Président ont commencé à étudier un projet de collaboration. Président, leader de l'industrie et de la distribution alimentaire, et aussi franchiseur de la chaîne de commerces de proximité 7-Eleven sera notre distributeur à Taïwan. »

Alors, quel est l'avenir de la Distillerie d'alcool de Kinmen ? Un nouveau printemps ou une âpre guerre de concurrence ? Prenez donc un ou deux petits verres de Kaoliang de Kinmen, et il se pourrait que la réponse vienne toute seule.

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