01/07/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Le charme de la compétence

01/10/2008
Alors membre de l’unité spéciale travaillant sur le dossier de la participation de Taiwan à l’OMS, Michelle Chiang pose dans les tribunes réservées au public durant la session de l’Assemblée générale de la santé en mai 2007, AIMABLE CREDIT DE MICHELLE CHIANG

>> Longtemps restée chasse gardée des hommes, la diplomatie taiwanaise est aujourd’hui aussi servie par des femmes. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à choisir cette carrière

Avant 1980, il n’y avait aucune femme au gouvernement. Un coup d’œil à la liste des membres du Cabinet en place aujourd’hui permet de constater qu’il en compte une douzaine, dont la ministre de l’Information et porte-parole du gouvernement Vanessa Shih [史亞平], qui est une ancienne diplomate, la ministre de la Justice Wang Ching-feng [王清峰] ou encore celle du Travail, l’avocate Jennifer Wang [王如玄], illustre figure du mouvement des droits des femmes. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le ministère des Affaires continentales, un poste particulièrement sensible, a été confié à une femme : Lai Shin-yuan [賴幸媛]. C’est par ailleurs à Taiwan qu’on trouve le plus fort pourcentage de femmes députées en Asie. La parité est donc en marche. Mais la route a été longue, peut-être plus aux Affaires étrangères qu’ailleurs.

Au mois de septembre a été recrutée la 41e promotion de diplomates de la République de Chine, et ce sont pour moitié des jeunes femmes. Quel contraste avec la promotion de 1965, où on ne leur avait réservé que deux places… Les quotas ont finalement été supprimés en 1996, et depuis, la répartition des sexes, qui se fait naturellement, est à peu près équitable, voire penche en faveur des femmes.

Ninon Tsai [蔡靜如], Michelle Chiang [江慧芬], Aline Tsui [崔巧臨] et Wu Wen-ching [吳文靜], toutes les quatre très à l’aise en français, sont entrées aux Affaires étrangères à l’issue d’un concours très sélectif, avec chacune des motivations différentes. Elles sont un peu le reflet d’une société taiwanaise égalitaire et ouverte sur le monde.

Ninon, recrutée il y a une dizaine d’années, explique que les Affaires étrangères ont gardé quelques traces de cette culture masculine propre aux ministères en général, mais que l’évolution est évidente. Le temps est loin où les chefs de service jetaient avec mépris les dossiers sur les bureaux de leurs subalternes. Le respect pour les supérieurs est resté, mais la communication se fait normalement. Cette évolution, estime Ninon, a été rendue possible par la présence de davantage de femmes à tous les échelons.

La diplomatie, poursuit-elle, c’est avant tout l’art de la communication. « L’important est de savoir mettre les gens en confiance, et c’est peut-être un des points forts des femmes. Nous ne prenons pas les missions comme des ordres militaires, nous cherchons d’abord comment les interpréter. »

Michelle, qui a travaillé à la division des affaires européennes du bureau de représentation de Taipei à Bruxelles, en Belgique, décrit ses interactions avec les eurodéputés et leurs assistants comme très amicales. Peut-être est-ce parce qu’elle privilégiait l’aspect humain de son travail ?

Ses collègues hommes, a-t-elle constaté, sont toujours très directs lorsqu’ils s’adressent à leurs interlocuteurs. « Ils vont droit au but et diront d’entrée : “Aujourd’hui, nous allons parler de tel sujet, et nous avons besoin de votre soutien”. Moi, j’ai une autre approche. Si je rencontre quelqu’un qui vient de Lituanie par exemple, je commence par lui poser des questions sur son pays, sa culture... Nos amis européens savent très bien sur quels sujets nous avons besoin de leur soutien. Ce n’est pas intéressant d’en parler pendant une demi-heure ! »

Michelle explique qu’une répartition des tâches s’est ainsi naturellement opérée avec son supérieur : « Quand il y avait une communication urgente à faire, c’est lui qui s’en chargeait, mais quand on voulait commencer par détendre l’atmosphère, je prenais la parole en premier… »

Les femmes diplomates auraient-elles plus de facilités ? Il n’y a pas de différence dans la prise de décision, insiste Ninon, mais c’est dans la mise en application que l’approche est différente. « C’est vrai que l’humour, les émotions, tout cela est important, et les femmes sont plus conscientes justement de ces éléments-là dans une conversation », dit-elle. Cette capacité à communiquer se ressent également fortement chez Aline, qui rentre d’un stage de 7 mois au Parlement européen, une expérience qu’elle décrit avec enthousiasme.

Mais le charme de ces jeunes femmes ne doit pas faire oublier leurs compétences. Lorsqu’on les interroge sur leurs perspectives de carrière, elles ne perçoivent d’ailleurs aucun obstacle à leur progression.

Si des problèmes devaient survenir, s’accordent-elle à dire, ils viendraient plutôt de leur vie privée. « Il faut trouver un équilibre entre vie de famille et travail, dit Ninon. Et c’est encore plus important lorsqu’on est en poste à l’étranger. » Il n’est d’ailleurs pas facile de trouver un partenaire qui soit prêt à suivre sa femme à l’étranger, disent-elles dans un bel ensemble. Aline remarque toutefois que les temps ont heureusement changé et qu’on ne s’étonne plus que les femmes ne soient pas mariées. Dans son cas personnel, dit-elle, l’important pour ses parents était qu’elle soit indépendante.

Son assurance, Aline la doit peut-être à un parcours atypique : après une maîtrise de linguistique en France, elle décide d’y rester pour suivre une formation dans un domaine qui la passionne : la coiffure. Elle passe alors le Certificat d’aptitude professionnelle puis le Brevet professionnel. Le destin la détournera de cette carrière. « C’est en fait sur un salon international de la coiffure à Paris que j’ai rencontré une diplomate taiwanaise qui m’a encouragée à passer les concours d’entrée au ministère des Affaires étrangères. » L’option la séduit, parce qu’elle a l’impression qu’elle pourra se rendre utile pour son pays. « J’ai envie de faire changer les choses », dit-elle, en évoquant le sentiment d’injustice qu’elle a ressenti alors qu’elle était en France et que, stagiaire dans un salon de coiffure, son patron a refusé de demander un visa de travail pour elle à cause de sa nationalité…

Déterminée elle aussi, Wen-ching est en charge des dossiers concernant la Libye, avec laquelle les relations se sont étoffées depuis une visite à Taiwan en janvier 2006 de Saif al-Islam Khaddafi, le fils du chef de l’Etat libyen, et la conclusion d’accords dans le domaine de la prospection pétrolière. Elle explique que son modèle est Bernard Kouchner, le fondateur de Médecins du monde, qui est aujourd’hui ministre français des Affaires étrangères. « C’est quelqu’un de très compétent, qui conçoit sa mission de façon très universelle. J’aimerais beaucoup le rencontrer, mais tant qu’il est ministre des Affaires étrangères, cela risque d’être difficile. » Souhaitons-lui de réaliser ce rêve. Après tout, Bernard Kouchner a montré en maintes occasions qu’il n’aimait pas se laisser dicter sa conduite par les conventions ou les dogmes politiques.

En conclusion, ce serait une erreur de ne voir dans ces jeunes femmes qu’un bataillon de charme. Fines et l’esprit bien trempé, elles sont plutôt le fer de lance de la diplomatie taiwanaise. ■

(Dans le sens des aiguilles d’une montre) Michelle Chiang, Aline Tsui, Wen-ching Wu et Ninon Tsai.


Siao-Yue Chang. AIMABLE CREDIT DE LA REPRESENTATION DE TAIPEI EN GRANDE-BRETAGNE

« NI HÉSITATION, NI REGRETS »

>> Ancienne vice-ministre des Affaires étrangères, Siao-Yue Chang [張小月] est peut-être la plus connue des diplomates taiwanaises. Elle revient sur ses trente années au service de l’Etat

Taiwan aujourd’hui : Quels ont été les temps forts de votre carrière ?

Siao-Yue Chang : Entre autres missions, j’ai été ambassadrice de la République de Chine à Saint-Christophe-et-Niévès de 1998 à 2000. Sur cette petite île dépourvue de ressources, ma mission principale était de consolider les relations diplomatiques malgré le peu de moyens à ma disposition. Nous avons mis en place des projets de coopération bilatérale dans les domaines de l’agriculture, du tourisme, de la formation à l’outil informatique et de la médecine. Lorsque j’étais en poste, Taipei a aussi envoyé sur place des missions médicales et offert des bourses d’étude à des jeunes de Saint-Christophe. Ces contributions ont été saluées par cet Etat des Antilles, avec lequel les relations restent solides, et par la population.

De retour à Taiwan, j’ai été porte-parole du ministère des Affaires étrangères, de 2001 à 2002. C’est là aussi une expérience inoubliable. On dit parfois du porte-parole du gouvernement qu’il est sa « maquilleuse »… Mon rôle était plutôt celui de « journaliste des journalistes ». Mon travail consistait à aider les reporters à informer le public sur le travail du gouvernement. Face aux médias, j’adhère toujours au principe de l’honnêteté. J’ai fait de mon mieux pour leur expliquer la situation dans laquelle se trouve Taiwan sur le plan diplomatique. Je suis convaincue qu’en améliorant la communication avec les médias, on renforce l’équilibre entre le droit de savoir des citoyens et les intérêts nationaux.

Ensuite, entre 2003 et 2005, j’ai été nommée représentante de Taipei aux Pays-Bas. Durant ce séjour, j’ai beaucoup appris sur l’histoire, l’art et la musique des pays européens. Cela a enrichi ma vie et ma vision des choses. J’ai concentré mes efforts sur les échanges culturels, économiques et scientifiques, et je suis contente que les relations bilatérales aient progressé.

En 2006, j’ai été nommée vice-ministre des Affaires étrangères. C’était à la fois un grand honneur et un défi important, car il s’agit d’un poste qui demande de la prévoyance, des compétences de planificateur et de larges perspectives. Durant les deux années que j’ai passées à ce poste, j’ai rencontré des politiciens de différents pays en des occasions très diverses. Par exemple, à l’occasion de la Conférence internationale pour la démocratie qui s’est tenue à Taipei en janvier dernier, j’ai rencontré les anciens présidents de la Corée du Sud, Kim Young-sam, de l’Afrique du Sud, Frederik de Klerk, ainsi que de la Pologne, Lech Walesa. Leur persévérance dans la lutte pour la démocratie a fait de leur rêve une réalité, et ils ont marqué l’Histoire. Les conversations que j’ai eues avec ces figures du combat pour la démocratie m’ont beaucoup inspirée.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes diplomates ?

Elles sont de deux ordres : celles liées à la vie de famille et celles en rapport avec le travail. Dans la tradition chinoise, c’est la femme qui doit suivre son mari. Quand une femme est affectée dans un pays étranger, la question se pose de savoir si son mari et ses enfants doivent la suivre. Si le mari travaille, doit-il abandonner sa carrière ? Est-ce qu’il pourra retrouver un emploi à l’étranger ? Devra-t-il rester à la maison pour s’occuper des enfants ? Et s’il accepte cette inversion des rôles, quelle sera la réaction de la famille et des amis ?

Nous, les diplomates travaillons de 7 h à 22 h tous les jours de l’année et restons fréquemment au bureau le week-end. L’éducation des enfants dans un pays étranger peut aussi poser des problèmes pratiques.

Nous rencontrons également des difficultés au travail. Il nous arrive souvent d’avoir à accueillir des délégations à l’aéroport, d’assister à des réceptions le soir… Les effectifs sont réduits, et chacun a une lourde charge de travail. Si une délégation arrive à 3 h du matin, qui va la chercher à l’aéroport ? Est-ce que le directeur peut emmener une collègue en mission sans qu’il y ait d’équivoque ? Quand une soirée se termine à 23 h et qu’une collègue ne conduit pas, qui doit la ramener chez elle ? Et il est difficile d’envoyer des femmes dans des pays qui connaissent des problèmes de sécurité.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes diplomates ?

De n’avoir ni hésitation, ni regrets. Les femmes diplomates travaillant à l’étranger doivent faire face à davantage de défis, mais il ne faut pas qu’elles se sentent frustrées. Il n’y a pas de travail sans difficulté. La chancelière allemande Angela Merkel et la Secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice ont gagné le respect par leur compétence. La diplomatie a beaucoup à offrir aux femmes, elle peut leur permettre de développer pleinement leur potentiel. Mes conseils à celles qui ambitionnent une carrière dans les affaires étrangères sont de ne s’épargner aucun effort pour surmonter les difficultés, d’obtenir le soutien et l’aide de leur famille et de ne pas oublier leurs droits et leurs devoirs.

Quels sont vos souhaits pour l’avenir ?

On dit que les pays faibles n’ont pas place dans le monde de la diplomatie. Eu égard à la situation particulière de Taiwan, nous avons besoin de plus de jeunes pour renforcer nos rangs. J’ai eu le grand honneur de servir mon pays au cours des trente dernières années, et j’ai connu bien des joies et des épreuves. Je suis ravie de ces expériences qui ont enrichi ma vie. Aujourd’hui, j’ai gardé confiance et enthousiasme pour mon travail. La diplomatie est au premier plan de la défense nationale, et elle a besoin de sang neuf. J’espère que davantage de femmes nous rejoindront.


Marietta Kao Liau.

« UNE CARRIÈRE FAITE POUR LES FEMMES »

>> Aujourd’hui directrice générale de l’Institut de formation des diplomates, Marietta Kao Liau [高青雲] fut l’une des premières femmes ambassadrices de la République de Chine. Elle revient pour nous sur sa carrière.

Taiwan aujourd’hui : Que pensez-vous de la nouvelle génération de jeunes femmes diplomates ?

Marietta Kao Liau : Elles sont très vives et déterminées. La 41e promotion, celle qui vient d’être intégrée, est composée pour moitié de filles. Certaines sont actuellement à l’étranger pour suivre des cours de langues étrangères.

Avant, il y avait un nombre limité de sièges pour les femmes au concours d’entrée aux Affaires étrangères, mais ce n’est plus le cas depuis 1996. En fait, elles obtiennent de meilleurs résultats aux examens que les garçons. Ce sont eux maintenant qui s’inquiètent !

Dans la société taiwanaise traditionnelle, on était plutôt machiste, même si les femmes pouvaient occuper une place éminente au sein de la famille, en particulier les belles-mères… On n’encourageait pas les femmes à étudier ni à faire carrière. On leur disait de ne pas occuper les postes réservés aux hommes, qui assument les responsabilités familiales. Aujourd’hui, l’égalité est totale.

En fait, la diplomatie est un métier qui correspond bien aux qualités des femmes, elles y ont la possibilité de faire des choses intéressantes. Aujourd’hui, comparée aux autres pays asiatiques, Taiwan est sur ce plan très avancé.

Quels sont les atouts et les avantages des femmes ?

Je me souviens qu’à mes débuts dans la diplomatie, les gens n’étaient pas habitués à voir une femme à un poste à responsabilité, ils commençaient toujours par s’adresser à mes collègues masculins… Pour être diplomate, il faut non seulement être compétent et intelligent, mais aussi avoir ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle et ne pas s’énerver pour un rien ! Il faut dire aussi que certaines femmes encouragent les comportements machistes, parce qu’elles n’ont pas fait leur révolution intérieure.

Un atout important pour les femmes, c’est qu’elle ne se mettent pas facilement en colère, ce qui fait que leurs interlocuteurs sont désarmés. Elles font aussi plus attention aux détails, sont plus patientes et rejettent rarement leurs responsabilités.

Je n’ai jamais cherché à mettre en avant le fait que je suis une femme, mais c’est vrai que cela a pu aider. Il y a par exemple eu une réception de l’Association économique Asie-Pacifique allemande (OAV) à laquelle j’ai été invitée lorsque je dirigeais la représentation de Taipei à Hambourg, et où je portais un qipao – une robe chinoise – en soie. Peut-être le fait qu’il y ait eu peu de femmes présentes ce jour-là explique-t-il que j’ai été remarquée et prise en photo avec le ministre allemand de l’Economie et le président de l’OAV… Une occasion rare pour un diplomate taiwanais !

En tant que femme, j’ai été amenée à participer plusieurs fois aux réunions de l’International Women’s Club qui est très actif. C’est un très bon terrain d’action pour les femmes diplomates et un endroit idéal pour se faire des amis, en particulier pour les Taiwanaises.

Lorsque j’étais ambassadrice à Saint-Christophe, je me suis tellement identifiée à ce pays que j’avais l’impression que c’était devenu le mien. A cette époque, je me souviens comment, avec Siao-Yue Chang, qui était alors vice-ministre des Affaires étrangères, nous avons travaillé efficacement en procédant étape par étape. C’est la meilleure façon d’éviter les problèmes. C’est une approche plutôt féminine du travail. D’une manière générale, quand on travaille avec des femmes, les situations sont plus claires, plus transparentes. Je ne veux pas dire que les hommes font moins bien, mais en général, les femmes sont plus prudentes dans les affaires financières et plus responsables.

Le ministère des Affaires étrangères a-t-il évolué au même rythme que le reste de la société ?

Aujourd’hui, il y a une relativement grande égalité, et nous n’aurions plus besoin de nous soucier des problèmes d’équité si les aides étaient encore renforcées en faveur des femmes défavorisées. On encourage plus les femmes à se mettre en avant. Et puis elles sont plus nombreuses au sein des administrations donc elles ne risquent pas autant d’être montrées du doigt.

Sur le plan des mutations à l’étranger, il y a des pays où les femmes sont plus rarement envoyées : les pays musulmans pour des raisons évidentes, mais aussi le Japon, qui reste très conservateur, où il est difficile pour les femmes diplomates de travailler normalement. En tant que diplomate, on peut être amené à avoir des conversations en tête-à-tête avec un homme, à se rendre en pleine nuit à l’aéroport pour accueillir des visiteurs, etc., et il ne faut pas que le fait d’être une femme nous empêche de mener à bien notre mission.

Quelles sont les personnalités féminines qui vous ont marquée ?

Il y en a beaucoup. La Vénérable Cheng Yen [證嚴法師], Mary Robinson qui fut la première présidente de l’Irlande, ou encore Siao-Yue Chang avec laquelle j’ai souvent travaillé. Il y a aussi Julie T. Chien [錢田玲玲], l’épouse de l’ancien ministre des Affaires étrangères Frederick Chien [錢復] , Chou Mei-ching [周美青], l’épouse du président Ma Ying-jeou [馬英九], et la sénatrice Hillary Clinton pour sa capacité à faire face à l’adversité. Ou encore Nana Mouskouri, que je considère comme un modèle positif pour la société, et l’ancienne vice-présidente de la République Annette Lu [呂秀蓮] qui a joué un rôle important dans l’avancement de la condition féminine à Taiwan. Il y a aussi le prix Nobel 1976 Betty Williams, une femme ordinaire qui a beaucoup fait pour la paix en Irlande. J’ai également beaucoup d’admiration pour Ma Yi-kong [馬以工], qui est membre du Yuan de contrôle, et qui a beaucoup travaillé sur les questions de santé publique et d’environnement. Je citerais encore Janice Lai [賴瑟珍], directrice générale de l’office national du Tourisme, et la ministre de l’Information et porte-parole du gouvernement Vanessa Shih [史亞平]. Mais il y a aussi des femmes dont la contribution est remarquable sans qu’elles aient pour autant une position élevée.

D’ailleurs les femmes sont actives dans beaucoup de domaines comme le droit et la justice, ainsi que dans le commerce. On peut dire qu’elles représentent le dynamisme de Taiwan.


« LA PROMOTION D’UN TRÈS BON PRODUIT : MON PAYS »

>> Titulaire d’un mastère en droit de l’Université Berkeley, Anne Hung [洪慧珠] est entrée au ministère des Affaires étrangères en 1983. Après huit années en poste aux Etats-Unis, elle dirige aujourd’hui le département des Affaires européennes

Taiwan aujourd’hui : Est-il important d’être forte lorsqu’on est diplomate ?

Anne Hung : Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être dure. A Washington, j’étais directrice du bureau en charge des relations avec le Congrès américain. Ma mission consistait à me faire le plus d’amis possibles parmi les 20 000 à 30 000 personnes qui travaillent à Capitol Hill – les membres du Congrès et leurs personnels – afin de trouver des soutiens dans notre travail de promotion des intérêts de Taiwan.

Bien sûr la plupart des membres de l’Administration américaine sont des hommes, et il y a des règles du jeu. En tant que femme, on ne peut pas se comporter comme un homme, aller dans les bars, etc., car on y perdrait son prestige…

Ces six années à Washington ont été la meilleure école. J’y ai beaucoup appris sur le plan politique. Pour moi, Capitol Hill, c’est aussi un « marché » où faire la promotion d’un très bon produit, mon pays. On peut y interagir avec des diplomates du monde entier.

En 1998, j’ai été la première femme à diriger le bureau de liaison avec le Congrès à Washington, et le reste du personnel était entièrement masculin. Je dis en plaisantant que j’ai un peu joué le rôle de nounou pour ces jeunes hommes… Quoi qu’il en soit, pour atteindre ses objectifs, il faut savoir négocier avec ses collègues et faire des concessions, et je pense que nous avons formé une bonne équipe.

Votre famille vous a-t-elle soutenue quand vous êtes rentrée aux Affaires étrangères ?

Vous touchez là un point essentiel. C’est probablement la plus grosse difficulté à laquelle les femmes doivent faire face dans la société taiwanaise : elles travaillent de 9 h à 17 h au bureau, puis doivent rentrer s’occuper de leur famille le soir.

Ce n’est pas facile de trouver un mari qui vous soutienne, comprenne votre travail, soit d’accord pour abandonner sa propre carrière et vous suive à l’étranger. Heureusement, lorsque les deux conjoints sont diplomates, ils ont maintenant l’autorisation de travailler dans le même bureau à l’étranger.

L’éducation des enfants est aussi un casse-tête. C’est impossible de se concentrer sur sa mission quand on a des problèmes à régler à la maison. Par exemple, j’ai emmené ma fille avec moi à Washington quand elle avait 7 ans. Nous avons eu de la chance d’habiter dans un quartier où il y avait une bonne école. Les problèmes sont apparus lorsque nous sommes rentrés à Taiwan : elle avait grandi aux Etats-Unis, et elle a eu un choc culturel. Malgré la distance, j’ai finalement décidé de la mettre à Hsinchu dans un des rares établissements proposant un enseignement en anglais et qui sont ouverts aux enfants taiwanais. Il faut savoir qu’à Taiwan, les écoles étrangères sont réservées aux enfants détenteurs de passeports étrangers.

Les relations de travail entre hommes et femmes ont-elles évolué au ministère ?

Jusqu’en 1996, il n’y avait que 5 places réservées à des femmes sur un total de 50. Comme les autres femmes recrutées au même moment que moi, je n’ai pas ressenti beaucoup de difficultés, nous avons été bien traitées car nous étions peu nombreuses. Réussir le concours d’entrée est une chose, mais l’avancement de carrière en est une autre : c’est pour cela qu’il faut savoir saisir les opportunités qui se présentent pour gagner la confiance de ses supérieurs. J’ai été traitée différemment en ce sens que je n’ai pas été envoyée dans des postes à risques. C’était peut-être du machisme, mais j’avoue avoir apprécié ! J’ai passé la majeure partie de ma carrière, au cours des vingt dernières années, au sein du département des Affaires nord-américaines, à Taiwan ou aux Etats-Unis.

A Taiwan, les femmes de ma génération sont très protégées par leur famille, elles n’ont pas été élevées comme les Occidentales, elles n’ont pas eu l’occasion de faire des choses un peu risquées comme monter à cheval ou conduire un camion. Je pense que nous devons essayer de faire la même chose que les hommes, mais parfois ce n’est pas possible, et nous devons l’admettre. L’avantage, c’est que nous sommes plus prudentes. Au fond, ce n’est pas le fait que vous soyez un homme ou une femme qui compte, mais vos compétences.

Que diriez-vous de la place de la femme dans la société taiwanaise ?

Pour ce que j’en sais, elle est ici meilleure que partout ailleurs en Asie. Le gouvernement fait de son mieux pour répondre aux besoins des femmes dans toutes les situations. J’ai beaucoup d’admiration pour le travail des avocates des droits des femmes.

Il y a 2 ans, en réponse aux demandes de militants à l’extérieur du ministère, nous avons créé des comités ad hoc sur le thème du gender mainstreaming (intégration des considérations liées aux sexospécificités). L’administration précédente apportait beaucoup d’importance à la protection des droits de l’homme. Chaque ministère, chaque agence gouvernementale a maintenant sa structure chargée de cette question.

Je suis membre du comité qui s’occupe des discriminations contre les femmes dans les politiques gouvernementales et du harcèlement sexuel. Les droits des femmes sont très bien protégés sur le lieu de travail. S’il reste des problèmes, ils sont plutôt d’ordre privé, et là, on ne peut pas faire grand-chose de plus, à part monter davantage de structures d’écoute et de conseil – même pour les hommes d’ailleurs. En fait nous sommes très rarement sollicités, mais le mécanisme est sain, du moins au niveau de l’administration centrale et des grandes villes. Je dirais que nous en sommes à 60 ou 70% de notre objectif. En réalité, les discriminations qui subsistent découlent surtout de la culture familiale.

Les amendements à la législation sur le divorce ont beaucoup contribué à protéger les droits des femmes. Les couples peuvent même choisir quel patronyme leurs enfants porteront. Je crois qu’on a plus ou moins procédé à toutes les améliorations possibles de la législation dans ce domaine.

Vous avez fait toute votre carrière au département des Affaires nord-américaines avant de prendre la direction des Affaires européennes. Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

L’Europe est très différente des Etats-Unis. Nous devons faire davantage d’efforts pour connaître et comprendre les pays européens et l’Union européenne. Sur le plan diplomatique, nous avons plus de problèmes avec les Européens parce qu’ils adhèrent de façon très stricte au « principe d’une Chine ». Et puis, l’UE ne fonctionne pas sur le même système politique que les Etats-Unis.

Nous voulons développer les relations avec les pays européens et étendre les échanges dans les domaines de la culture, des technologies, des sports, des arts… pour paver la voie d’une coopération plus importante. Nous allons mettre en place de meilleurs mécanismes d’échanges comme des rencontres annuelles qui auront lieu alternativement à Taipei et à Bruxelles. Nous avons maintenant des échanges très avancés avec certains pays de l’Union, en particulier avec la France dans le domaine des sciences et technologies.

Les Européens vont bientôt créer un centre d’information sur l’Europe dans une université taiwanaise qui n’a pas encore été choisie. De notre côté, nous voudrions réactiver un programme créé par les Jeunesses chinoises et inviter davantage d’étudiants européens à Taiwan pendant une ou deux semaines. ■

Anne Hung.

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