La ville de Tainan [臺南], située sur la côte sud-ouest de l'île de Taiwan, occupe aujourd'hui une superficie de 175,2 avec une population de 612 000 habitants. Bien qu'elle ne soit pas la plus grande ni la plus peuplée de l'île, c'est assurément la plus ancienne tant du point de vue historique qu'économique.
La cité est considérée en outre comme un grand centre culturel traditionnel chinois. Elle possède près de la moitié des reliques culturelles et historiques de l'île et plus de deux cents temples dont beaucoup datent de plusieurs siècles.
Aussi n'est-il pas surprenant que les habitants de Tainan en soient très fiers, manifestant un sens plus aigu de provincialisme que tous les autres insulaires de Taiwan. Leur sens inné de supériorité se révèle inconsciemment; notamment quand ils effectuent un voyage en d'autres points de l'île, y compris la capitale métropolitaine de Taipei, les Tainanais effectuent alors « une tournée dans la campagne ».
La Grand-Porte du Sud. Une rare photo prise sous les Ts’ing.
L'île de Taiwan est longtemps restée en marge de l'Empire du Milieu et de son autorité. Sous les Han (206 av. J.-C - 220 ap. J.-C.), l'île semble désignée comme la « terre de Yangtcheou ». Elle fut reconnue comme Yitcheou [夷州], « terre barbare », au IIIe siècle de l'ère chrétienne par une expédition de l'empire de Wou, né du morcellement de l'empire de Han, mais fut vite oubliée par les autorités dès l'avènement de la dynastie suivante.
L'archipel des Penghou et l'île de Taiwan ont néanmoins servi de havre aux pêcheurs et aux voyageurs chinois au large des côtes pendant les siècles suivants comme l'indiquent plusieurs ouvrages littéraires qui malheureusement n'en précisent pas la situation géographique. Les Penghou, alors Pinghou [平湖], le « Lac calme », probablement ainsi nommé d'après le lagon aux eaux calmes, formé par l'archipel, au milieu du Détroit si dangereux, et l'île de Taiwan, alors Yitcheou, ont entretenu de nombreuses légendes de terres éloignées à l'accès si terrifiant puisque situées au-delà des forts courants du détroit de Taiwan qui emportaient les embarcations légères. Au Xe siècle, sous les Song, les progrès de la construction navale et de la navigation permettent bien sûr de meilleures communications. Le petit archipel formera d'ailleurs assez tôt un hsien [縣] dépendant de la préfecture, fou [府], de Tsiuantcheou. Quant à l'île de Yitcheou, elle recevra en 1206 la protection officielle de l'empereur de Song. L'île fait alors une entrée historique dans le giron du monde chinois. Les Mongols ne font que confirmer cet état de fait, même si Marco Polo semble l'ignorer dans le récit de ses pérégrinations. Elle était alors habitée de peuples proto-malais venus des îles du Sud et, sur les côtes, de colons chinois.
Le caractère yi, la droiture, décore harmonieusement l'entrée du temple de Kouan-yu, dieu de la Guerre.
Sous les Ming (1271-1368), elle porte le nom d'île de Lieou-kieou [溜求], le « Havre en dérive ». Mais l'édit impérial de 1387 qui interdit toute implantation de Chinois au-delà des côtes de terre ferme semble abandonner les deux terres insulaires. Pourtant, Tcheng Ho, grand ministre de l'empereur Tcheng-tsou (règne Yong-lo 1403-1424) et grand navigateur, en déterminera la position exacte.
Plus tard après l'arrivée des Espagnols dans les eaux extrêmes-orientales, ils la reconnaissent Leoqueo Pequeño, la « Petite Lieou-kieou », d'après les dénominations locales. Mais en 1590, les navigateurs portugais découvrent les Penghou qu'ils dénomment Ilhas dos Pescadores (îles des Pêcheurs) et l'île de Lieou-kieou qu'ils baptisent Ilha Formosa, ou Formose ().
L'interdit de colonisation dans l'archipel des Penghou et l'île de Lieou-kieou par les autorités Ming en fait des terres non revendiquées. Aussi vers 1620, les Hollandais, cherchant des points d'appui sur leur « route de Zipangu » (ou du Japon) où ils sont parvenus à établir et maintenir un comptoir, s'installent aux Penghou. Quatre ans plus tard, ils débarquent au sud de l'île de Formose après en avoir délogé les pirates japonais. Ces derniers se retrancheront plus à l'est dans les îles qui portent désormais le nom de Lieou-kieou (ou Ryu-kyu) [琉球].
Près de la mer, les Hollandais bâtissent le fort Zeelandia, puis, dans la plaine de l'actuelle Tainan, au lieu-dit Tchikkam [赤嵌](en pékinois Tcheuk'ien), élèvent le fort Providentia, aujourd'hui le fort Tcheuk'ien. En 1626, les Espagnols des Philippines s'emparent du nord de l'île, laissant à Koélang (devenu Kilong) et Hobé (aujourd'hui Tamsouï) une petite garnison de surveillance des lignes maritimes, mais ils en seront chassés par leurs voisins du Sud en 1640. Les Hollandais consolident les fortins espagnols et assurent leur souveraineté sur toute l'île de Formose. Ils y exploiteront à fond les ressources dont ils ont besoin en favorisant l'immigration chinoise, mais la contrôleront sévèrement et l'imposeront lourdement.
Statue de Coxinga dans la grande salle du temple du Prince de Yen-p'ing (Coxinga).
Le fort Zeelandia se situe dans l'arrondissement actuel Anping [安平] de Tainan. Sa construction commença dès le début de l'occupation hollandaise de l'île et fut achevée dix ans plus tard. Le fort mesurait environ 1 de circonférence avec des murs d'une hauteur de 10 mètres. Pour l'élever, on avait utilisé un ciment spécial pour tenir les briques ensemble. C'était un mélange de riz gluant, de sirop de sucre, de coquilles d'huîtres broyées et d'argile.
Le fort Zeelandia avec ses hauts murs et ses canons puissants aurait pu rester imprenable mais il fallait compter sans la bravoure et l'audace de Coxinga1, aujourd'hui un héros local déifié et vénéré par les Chinois, non seulement de Tainan mais de toute l'île depuis plus de trois siècles.
Un matin, le gouverneur hollandais de Formose fut brusquement réveillé par le bruit sourd des gros canons du Fort Zeelandia qui tirait à coups rapides. Il apprit que le patriote Tcheng Tcheng-kong [鄭成功] conduisait une flotte renforcée dans son attaque de la forteresse hollandaise, mais le gouverneur Frederik Coyett faisait confiance en la puissance de feu de ses canons pour repouser aisément les forces navales chinoises dans la baie. Il ne savait pas encore que le chef de guerre chinois, connu sous le nom de Coxinga avait débarqué en secret des milliers de soldats à Lou-eul-Men [鹿耳門], juste à l'arrière de la forteresse pour appuyer son attaque par mer. Egalement soutenu par les habitants hostiles à la présence hollandaise dans l'île, Coxinga s'était vite emparé du fort Providentia, dans la plaine, et entreprenait le siège du fort Zeelandia, près de la mer.
La cour spacieuse du temple du Prince de Yen-p'ing.
Comme les Hollandais refusaient ses conditions, rendre Formose à l'autorité chinoise et quitter l'île, Coxinga fit donc encercler leur citadelle. Au bout d'un siège de neuf mois, les forces hollandaises épuisées capitulèrent le 1er février 1662. Par un traité entre le « Seigneur Koxin » et le gouverneur Coyett, ou « Kouï-yit » [癸一] (en pékinois Koueï-yi), les forces hollandaises abandonnaient définitivement toutes leurs positions dans l'île et regagnait Batavia à Java.
Ce fait était en réalité un aboutissement de troubles plus graves qui se déroulaient sur le continent, la main mise des forces mandchoues sur l'empire du Milieu. La dynastie nationale Ming, sur le trône impérial depuis 1368, avait perdu son empereur à la suite d'une sédition générale et, surtout, le contrôle du terrain devant l'avancée des forces mandchoues venues du nord. Cependant les forces loyalistes Ming se regroupèrent au sud vers Foutcheou autour du prétendant dynastique puisque l'empereur Sseu-tsong s'était suicidé devant le succès mitigé des Mandchous et des forces rebelles à son autorité. On élabora plusieurs plans pour reprendre le terrain perdu, mais les espoirs Ming s'évanouirent assez vite. En 1646, le prince de Tang, proclamé empereur sous le nom de Chao-tsong (règne Long-wou), fut tôt défait par les Mandchous à Tingtcheou, dans le Foukien. Prisonnier, il est exécuté peu après par les vainqueurs. Coxinga avait reçu le privilège impérial de « prince du Sang », d'où l'appellation populaire de Kouosing Yé [國姓爺], Seigneur au nom impérial, en sud-foukiénois Kok-sing A, altéré par les Portugais en Coxinga. Durant cette période de lutte contre l'envahisseur, il s'était rallié à la cause de la cour Ming qui lui conféra le titre de commandant des armées du Sud-Est chinois.
Kouan Kong, le dieu de la Guerre, à la hallebarde.
Coxinga et ses troupes connurent au début des succès mitigés. Malgré la prise de Foutcheou par les Mandchous, il fut capable de se maintenir sur l'île-forteresse de Hiamen, ou Amoy (d'après la prononciation locale). Après avoir écrasé la flotte des Mandchous composée de 800 jonques de guerre, il put en chasser les troupes des côtes foukiénoises et cantonaises et commença une expédition navale de douze années vers le nord jusqu'à Nankin. A l'assaut de cette ville, où fut fondée la dynastie Ming trois siècles plus tôt, le mécontentement de ses troupes et le manque d'appui des autres troupes Ming plus au sud-ouest l'acculèrent à une défaite en 1659. Il y subit de lourdes pertes, mais put se retirer à Amoy.
Pendant plusieurs années, Coxinga avait « coopéré » avec les Hollandais en établissant une navette, transportant hommes et marchandises à bord de ses vaisseaux entre le continent et l'île. Ayant des intelligences chez ces autres étrangers, il avait rapidement appris le départ de la flotte néerlandaise pour Batavia (Java) ne laissant qu'une petite garnison sur l'île. Profitant de cette absence de surveillance, il rassembla une flotte d'environ 900 jonques de guerre et une armée de 25 000 soldats pour conquérir l'île. Au bout d'un mois de préparatifs et ordonnancements, il l'atteignit le 30 avril 1661 après une longue escale aux Penghou qu'il avait fortifiées.
Vieillies par le temps, ces têtes en bois sculptées de divinités semblent bien être mises à la retraite.
Cette expédition avait fait l'objet d'une préparation judicieuse. Puisque la flotte hollandaise était en route vers Batavia au moment de l'attaque, il ne rencontra aucune résistance dans le détroit. Il n'en eut qu'avec la défense soutenue du fort Zeelandia.
Coxinga restaura aussitôt l'autorité et les coutumes chinoises dans l'île et rebaptisa les lieux-dits. Il avait distribué des terres exemptes d'impôts à ceux qui désiraient les cultiver. Malheureusement, avant d'avoir pu s'engager plus dans la restauration nationale des Ming, il tomba gravement malade et mourut âgé seulement de 38 ans cette même année où il avait expulsé les Hollandais. Cette perte sonna le glas de presque tous les espoirs d'une renaissance Ming à partir des forces installées à Taiwan.
Et l'agglomération Tchengtien [承天] autour des forts Zeelandia et Providentia, érigée en préfecture, grandit en capitale insulaire. Quelque vingt ans plus tard, les forces mandchoues s'emparaient de l'île en 1683. Tcheng-tien fut alors rebaptisée Taiwan et créée préfecture du Foukien, ayant juridiction sur toute l'île. Et l'île de Formose, au nom chinois quelque peu oublié, devint vite l'île [de la préfecture] de Taiwan.
Les ouvertures de fort sont des lieux agréables et très fréquentés par les touristes.
Mais les efforts de Coxinga ne furent pas totalement vains. L'encouragement à l'agriculture, les conditions libérales pour les paysans émigrés, ainsi que les abondantes récoltes, firent la réputation de la préfecture (ou de l'île). Avec l'armée de Coxinga, plus d'un millier de lettrés et de mandarins Ming s'étaient établis à Tchengtien, donnant quelque éclat culturel à cette cité, non seulement à travers l'île, mais aussi dans tout le sud de tard, la ville de Taiwan continua à grandir et à prospérer sous les Mandchous qui en avaient fait un centre politique, économique et culturel de l'île pour près de deux siècles. C'est peut-être aussi à cause de la politique mandchoue d'avoir voulu limiter les rapports entre Taiwan et Amoy, donc le commerce entre le continent et l'île, que la province insulaire dut se suffire. En effet, les droits d'émigration vers l'île étaient très élevés, « trois onces d'or pur et d'une tête de bœuf par personne ». Cette politique qui avait pour but d'enrayer le regroupement des sentiments antimandchous finit par protéger le développement du commerce de Taiwan et de l'île homonyme.
En 1874, les Japonais tentèrent un débarquement sur l'île. Aussi, pour y conserver le soutien populaire, l'empereur Te-tsong (règne Kouang-siu 1875-1908) autorisa expressément l'année suivante la construction d'un temple en l'honneur de Coxinga qui était pardonné à titre posthume d'avoir combattu l'autorité mandchoue et même proclamé héros national. Le grand temple qui lui est dédié se nomme Yen-ping Kiun-wang Tseu [延平郡王祠], ou Temple du prince de Yenping, situé sur l'avenue de Kaïchan [Kaishan]. Construit en 1875, il possède la structure impressionnante du style traditionnel chinois avec une immense cour où deux banyans jumeaux forment une arche devant la porte principale. Là, chaque année, des cérémonies commémorent le débarquement de Coxinga sur l'île en 1661, ainsi que son anniversaire célébré le 14e jour de (du calendrier traditionnel chinois). L'enseigne de la grande salle où l'on lit « Loyauté et bravoure » rappelle à elle seule l'immense popularité et le grand rôle historique du chef chinois.
Une rébellion éclata en 1883 et précipita les événements. Après un apaisement difficile, la cour impériale se pencha sur l'« île négligée ». En 1885, elle était séparée du Foukien et élevée au statut de province à part entière avec son propre gouverneur.
Cela eut des conséquences très importantes pour la ville de Taiwan qui perdit définitivement son nom en devenant Tainan, ou « Sud de Taiwan ». En effet, la nouvelle capitale désignée, située au centre de l'île, en prenait le nom. Mais comme les lieux de la nouvelle préfecture étaient impropres à l'installation d'une administration provinciale, le nouveau gouverneur l'installa dans l'agglomération prospère du nord, appelée Taipei, ou « Nord de Taiwan ». La « nouvelle » capitale, ne sera en fait nominale qu'une dizaine d'années puisque les Japonais occupent l'île dès 1895. Ils la renommeront bien vite Taïtchong, ou « Centre de Taiwan » (de l'île cette fois-ci).
L'enclos du tombeau des Cinq Favorites (Wou-feï) situé derrière le temple dédié à leur mémoire.
Tainan, originellement dénommée Tsikkam [赤堪] (en pékinois Tcheuk'an)2 par les premiers immigrants du Foukien, d'après, rapporte-t-on, une tribu aborigène qui aurait habité la région, ne possède malheureusement pas de documents historiques pour attester exactement l'arrivée des premiers colons que l'on peut situer entre le VIIe et le XIIIe siècles de l'ère chrétienne. Malgré cette longue période d'incertitude, on peut croire que les Chinois étaient bien établis sur le côtes de l'île quand elle fut déclarée « protectorat de l'empire chinois » en 1206.
Devenue un nid de pirates, elle fut vite abandonnée par les Ming, mais l'arrivée des Européens dans la région et la présence de forces chinoises contre les forces mandchoues lui donnèrent quelque importance. L'île est dès 1684 constituée en préfecture de la province du Foukien, dépendant directement de l'intendant (taotaï) d'Amoy (Hiamen). Tainan en sera donc la capitale, sous le nom de Taiwan Fou [臺灣府] jusqu'en 1886 quand l'île devint une province de l'empire. Elle perd alors son nom et son rang pour ne rester qu'une préfecture aux dimensions beaucoup plus réduites de la nouvelle province de Taiwan.
Un ancien portique, aujourd'hui dans le parc de Tainan, érigé sous les Ts'ing par le mandarin-lettré Lin Tchao-ying.
Pendant ces longs deux siècles, Taiwan était devenue le centre culturel, économique et politique de l'île qui allait porter son nom. Une promenade dans les larges avenues et rues du centre-ville ne révèle pas immédiatement au visiteur son noble et prestigieux patrimoine. C'est une ville moderne avec tous les aménagements désirés même si la vie y est plus calme et la circulation moins dense et congestionnée que Taipei. C'est pourquoi, il est nécessaire de percer cet aspect ordinaire aux effets instantanés. Une visite, même brève, dans les nombreux sites historiques, à présent reconnus par l'Etat, de la ville force rapidement l'imagination à un retour dans le passé de Tainan.
Après sa victoire, Coxinga installa ses nombreuses troupes dans l'île et fit du fort Anping, précédemment fort Zeelandia, son quartier général. Ce fut le centre politique de toute l'île redevenue chinoise. Après la conquête des forces mandchoues en 1683, il fut réparé plusieurs fois, mais comme le port s'envasait, le fort perdit toute valeur stratégique. Pourtant en 1869, il fut bombardé par les Britanniques qui ne laissèrent que des ruines. Le fort Anping fut restauré par les Japonais en 1920 pendant leur occupation. Les fondations et plusieurs pans de mur sont toujours d'origine. En effet, cette grande entreprise a bien relevé les ruines du fort avec ses réfections et ses compléments, mais ne lui a guère rendu son allure martiale d'antan.
La présence de Coxinga est à l'histoire de Tainan toute son apogée, et la cité, devenue un grand centre culturel et commercial, est demeurée tranquille et modeste, toute empreinte de son ancienne fidélité aux Ming et, delà, à la culture traditionnelle.
Dans la rue Wou-feï est le temple du même nom. En 1683, comme les Mandchous attaquaient l'île, le prince Ning-tsing [寧靖], de son nom Tchou Chou-koueï [朱術桂] préféra la mort plutôt que de se rendre aux forces ennemies. Quand ses cinq favorites (wou feï) l'apprirent, elles revêtirent leurs plus beaux habits et se pendirent dans l'espoir de s'unir à leur prince dans l'autre monde. Deux jours plus tard, après avoir ordonné ses affaires, le prince fit servir un grand banquet pour ses amis et ses serviteurs, officia devant l'autel familial et rejoignit ses favorites dans la mort. Les cinq femmes furent enterrées dans un tombeau commun derrière le temple commémorant leur acte de fidélité.
Les fleurs de nénuphar, symboles de la tranquillité céleste, ajoutent quelque éclat à la ville de Tainan.
Les lettrés qui s'étaient retiré à Taiwan avec Coxinga étaient pour la plupart de stricts adeptes de l'école confucéenne. Dès leur arrivée, ils firent élever un grand temple en l'honneur du grand sage chinois. Les travaux du temple de Confucius de Tainan, qui est le plus grand et le plus ancien de l'île, furent entrepris dès 1665 pour s'achever deux ans plus tard sous l'autorité de Tcheng King [鄭經], le fils de Coxinga. C'est Tchen Yong-houa [陳永華], un grand lettré loyaliste Ming, qui en avait fait la recommandation. Le ton solennel de ce temple est vite rappelé à l'esprit par la grande plaque en pierre placée à l'entrée principale et gravée aux termes impératifs : « A tous les officiers militaires et civils, les soldats et les civils, on se découvre ici. »
Le service annuel se tient dès l'aube du 28 septembre en l'honneur du grand Sage. Rites, danses et musique d'un style particulier fixé sous les Ming composent la cérémonie commémorative de deux heures à laquelle participent les plus hauts responsables, notables et invités de la ville. En temps ordinaire, le temple de Confucius s'anime d'une activité autre; les habitants viennent se délasser ou rechercher un repos à l'ombre des deux banyans âgés de 200 ans à l'entrée de la cour.
Les autres vestiges de Tainan sont dispersés à travers la ville. De l'ancienne enceinte, construite à partir de 1722 pour défendre la ville des séditions fomentées dans l'île contre l'autorité mandchoue, il ne reste plus que trois portes sur les huit originelles. Dans la ville, mêlées aux structures architecturales les plus modernes, les nombreuses arcades sculptées comportent des inscriptions de lettrés renommés.
Près d'Anping, cette digue de mer a un aspect plus pacifique que les mêmes rivages du temps de Coxinga.
Les nombreux anciens temples de Tainan sont chacun dédié à une figure religieuse populaire, telle le dieu de , la protectrice des marins (Matsou) et bien d'autres divinités bouddhiques, taoïques et locales. La plupart de ces temples qui rivalisent en finesse d'architecture ont tous des histoires merveilleuses. Possédant des sculptures rares qu'on ne peut voir ailleurs, ils sont des sites touristiques et culturels de tout premier ordre.
Bien que Tainan se soit vue ravir son siège politique et économique par Taipei, il ne fait aucun doute dans les esprits des habitants de Taiwan que la capitale traditionnelle reste sans contestation possible Tainan. Si Coxinga n'a pas pu réaliser son rêve d'une restauration Ming, il est assuré que Tainan, et l'île entière, est tout sauf un petit coin tranquille de à l'histoire si longue et si riche.■
Note :
1. On écrit aussi Koxinga.
2. Les Japonais ont corrigé le second caractère (voir plus haut), probablement par confusion de lecture, la même en sud-foukiénois ou en japonais.
Photographies de Lin Tien-tu.