23/06/2025

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La légende du Serpent blanc

01/09/1994

La version de la Légende du Serpent blanc de M. Lee Tien-lu est une intrigue au déroulement rapide. Mêlant les forces de l'amour et de la vengeance dans une bataille épique d'esprits malins, elle traite des relations de cause à effet, de ce qu'on récolte pendant cette vie ou la suivante.

Dans l'histoire originale Le Serpent blanc, écrite il y a plusieurs siècles, le brave bonze Fa-haï empêche son ami Hiu Sien de se marier à la belle Paï Sou­-tchen qui n'est en réalité que l'Esprit du Serpent blanc métamorphosé en femme. Mais dans l'œuvre de M. Lee Tien-lu, le bonze lui-même est la réincarnation de l'Esprit du Mille-Pattes, qui veut se venger d'avoir été antérieurement battu à mort par le Serpent blanc.

Dans ce scénario, le Serpent blanc, après sa métamorphose, n'a pas l'intention d'avaler Hiu Sien maintenant que ce dernier est tombé amoureux de lui (elle). Il ne désire que lui exprimer sa reconnaissance : dans une vie antérieure, il l'avait sauvé en l'empêchant d'être tué par un chasseur. A ses côtés, se tient la fidèle Siao-tsing, en réalité l'Esprit du Serpent vert. Le bonze et les deux esprits de serpent se sont engagés à suivre les préceptes de Bouddha afin de se libérer de leur sort d'esprits animaliers et de parvenir à un royaume plus élevé. Le combat qui a lieu dans cette histoire est peut-être une épreuve pour déterminer le meilleur di­sciple de Bouddha.

Dans une des plus fameuses scènes de cette pièce, les deux serpents, métamorphosés en jolies dames, de­scendent sur terre et rencontrent Hiu Sien sur les berges du magnifique Lac de l'Ouest (Xihu), près de Hangtcheou (Hangzhou), Tchekiang (Zhejiang). Il se met à pleuvoir, et Hiu Sien offre de partager son parapluie aux deux femmes. Il les raccompagne chez elles où elles l'invitent à rester au lieu de repartir sous la pluie. L'endroit de la rencontre crée un cadre parfait pour l'amour naissant entre Hiu Sien et Paï Sou-tchen, le Serpent blanc.

Comme l'histoire se poursuit, le bonze Fa-haï apprend leurs préparatifs de noces et décide de les rompre. Il donne à Hiu Sien une potion qui devra rendre à sa femme sa forme originale. Lorsque Hiu Sien trouve un immense serpent blanc ondulant dans le lit de noces, il est tué sous le choc. Paï Sou-­tchen, avec l'aide de sa compagne Siao­-tsing (le Serpent vert), retrouve un élixir qui rend la vie à son mari. Celui-ci s'en va alors dire à Fa-haï de ne point se mêler de leurs vies. Mais le bonze enferme Hiu Sien qu'il fait garder par un enfant-bonze. Prenant pitié de Hiu Sien, ce dernier finira par le libérer.

Quand Paï Sou-tchen et sa servante Siao-tsing arrivent pour délivrer Hiu Sien, Fa-haï les réprimandent : « Com­ment deux petits diables comme vous osez entrer dans un endroit aussi sacré qu'un temple bouddhique! » Elles rappellent au bonze que lui aussi n'est en réalité que l'Esprit du Mille-Pattes. Une grande bataille surnaturelle s'en suit. Fa-Haï fait appel à un dragon crachant le feu et à une armée de guerriers célestes tandis que Paï Sou-tchen se tourne vers le Diable-Serpent d'eau qui inonde le tem­ple. Un combat a lieu entre les soldats célestes et les diablotins de la rivière composant l'armée du Diable-Serpent d'eau. Enfin, Paï Sou-tchen est faite prisonnière par Yang Tsien, le chef de guerre céleste. Mais, comme Paï Sou­-tchen est enceinte, elle est autorisée à enfanter avant d'être enfermée. Et l'enfant est confié à la belle-sœur de Hiu Sien.

Le Serpent vert ne peut alors rien faire d'autre que de retourner à la Grotte aux serpents où il continue de suivre les enseignements de Bouddha tout en se concentrant à la confection d'une puissante boule de feu. Plusieurs années ont passé. Emportant sa boule, elle se met en route à la recherche du méchant bonze qui, après une violente bagarre, a été réduit en cendres. Paï Sou-tchen est délivrée, réunie à Hiu Sien et leur fils, Hiu Mong-kiao, devenu grand et qui vient de passer brillamment les examens impériaux. Tandis que ce dernier se prépare à une magnifique carrière de mandarin-lettré, Hiu Sien et Paï Sou­-tchen s'envolent tous deux ensemble dans les cieux.

 

DISTRIBUTION

Paï Sou-tchen
(Le Serpent blanc)
Rôle féminin principal.

Comme beaucoup de ces figures vedettes du théâtre des marionnettes, Paï Sou-tchen [白素貞, Bai Suzhen] est l'adaptation d'un personnage typique et bien connu de l'opéra de Pékin : un ou-tann [武旦, wudan], une jeune femme pratiquant magnifiquement les arts martiaux. Pour jouer ce personnage, il faut non seulement être une actrice de talent, mais être une acrobate douée. Les dons physiques de Paï Sou-tchen sont particulièrement mis en lumière dans la scène de combat avec le bonze Fa­-haï. En harmonie avec ses gestes acrobatiques, elle porte des vêtements aux lignes longues et droites.

Quoiqu'experte en arts martiaux, Paï Sou-tchen est aussi une jeune femme élégante. Les broderies somptueuses de ses robes, les bijoux étincelants de sa coiffure et les souliers fins recourbés témoignent de la prééminence de sa famille. Sa voix est délicate et ses gestes de bonne éducation. Le style de sa coif­fure avec une courte frange indique également qu'elle n'a pas trente ans.

Paï Sou-tchen est aussi une femme respectueuse et fidèle aux principes de la piété filiale, conformément au thème général des histoires chinoises. Comme ses parents sont décédés, elle s'habille toujours de blanc, la couleur du deuil, en souvenir d'eux. Mais, sa robe blanche est aussi indicatrice de son origine.

Hiu Sien [許仙, Xu Xian] appartient au personnage dit wen-cheng [文生, wensheng], l'homme de lettres. Son pen­chant vers les études ne lui laisse guère de temps ni ne lui donne de raison de s'adonner aux arts martiaux. Ce n'est pas un homme dénué de réflexion, mais un homme au caractère loyal. Quand il n'étudie pas, il prend plaisir à contempler les beautés de la nature ­— ce qu'il faisait lorsque Paï Sou-tchen l'a rencontré sur les bords du Lac de l'Ouest. Ses bonnes manières sont mises en évidence dans la fameuse scène où il offre galamment son parapluie à Paï Sou-tchen et à sa compagne en les regardant regagner leur logis sous la pluie.

Homme cultivé, Hiu Sien parle un langage châtié sur un ton toujours courtois sans aucune rudesse ou brutalité. Son comportement est également raffiné et il se déplace avec beaucoup de retenue et grâce. Et, quoique jamais présent en personne dans les combats, il demeure un homme d'honneur et de courage moral.

Son costume reflète également l'image de son rôle. Il porte une robe bleue et le bonnet carré des lettrés. Ses souliers plats et en toile indiquent qu'il n'est pas aristocrate, mais d'extraction ordinaire.




Photo de Chang Su-ching

Siao-tsing
(Le Serpent vert)
Rôle féminin secondaire.

Comme son mentor Paï Sou-tchen, Siao-tsing [小青, Xiaoqing] est un personnage du type ou-tan. Elle est belle et gracieuse, quoique capable de grandes prouesses physiques. Ses ta­lents en arts martiaux sont merveilleusement déployés lors du violent combat contre Fa-haï où finalement elle vainc le méchant bonze et délivre Paï Sou­-tchen de sa prison.

Siao-tsing manifeste une des vertus essentielles du pratiquant en arts martiaux : la loyauté. Au combat comme au mariage de Paï Sou-tchen, elle est toujours aux côtés de son amie. Quand Paï Sou-tchen est capturée, Siao­-tsing dépense toute son énergie à ima­giner un moyen de la délivrer.

Siao-tsing porte des vêtements semblables à ceux de Paï Sou-tchen, avec de jolies broderies sur sa robe sobrement taillée. Toutefois, sa robe est verte à l'image du serpent dont elle est l'Esprit.

 







Le bonze Fa-haï
Rôle masculin secondaire.

Le rôle du bonze Fa-haï [法海, Fahai] est particulier dans la mesure où il ne correspond à aucun type de personnage de l'opéra de Pékin. C'est un homme de contemplation et de science religieuse qu'on peut retrouver à son office en train de composer une lettre ou en prière dans son temple. Mais, disposant aussi de pouvoirs surnaturels, il est toujours prêt à s'en servir dans un combat. Il tient une canne qui est en fait sa baguette magique et qu'il peut transformer en un dragon volant et crachant le feu.

Son grand front et sa calvitie, de même que sa robe toute simple et ses sandales indiquent que c'est un bonze. Sa coiffe en forme de couronne atteste qu'il est de haut rang. Fa-haï joue souvent son rôle avec un point rouge frappé sur le front, un signe témoignant de l'élévation de son accomplissement spirituel à travers les pratiques du bouddhisme. Sa longue barbe blanche révèle sa cinquantaine passée, un âge respectable qui lui assure une certaine notoriété.

 

 

Photo de Chang Su-ching

Yang Tsien
Chef des soldats célestes

C'est un homme au port féroce. Yang Tsien [楊戩, Yang Jian] est l'exemple du personnage ou-cheng [武生, wusheng], un personnage masculin qui excelle dans les mouvements acrobatiques et les arts martiaux. C'est essentiellement un homme d'action sans aucun goût pour les activités culturelles. Mais, chef des armées du ciel, il possède quelque chose de surnaturel, encore que ses pouvoirs soient strictement restreints à un usage guerrier.

Des personnages talentueux comme Yang Tsien ont porté le théâtre de marionnettes taiwanais à un niveau supérieur avec des tours de force acrobatiques et innovateurs, des talents de stylisation des scènes de combats, des sauts dans les airs ou des culbutes à l'intérieur et l'extérieur des fenêtres.

Les épais sourcils arqués et le re­gard perçant de Yang Tsien sont suffisants pour arrêter l'ennemi dans son élan. Il apparaît souvent avec un troisième œil peint sur le front. Sa robe lourdement brodée, son couvre-chef ouvragé et son trident laissent apparaître qu'il est un homme de guerre courageux et de haut rang.

 

 

Photo de Chang Su-ching

Le Diable-Serpent d'eau
Chef des diablotins-soldats de la rivière

Le Serpent d'eau est comme le bonze un personnage singulier du théâtre de marionnettes sans équivalent réel dans l'opéra de Pékin. On l'appelle aussi kouaï-teou [怪頭, guaitou], c'est-à­-dire « tête bizarre », à cause de son as­pect monstrueux de forme animale.

Son visage ressemble à un dragon, rappelant une idée de l'iconographie chinoise qu'un serpent est en fait un petit dragon. Roi de la rivière, le Diable­Serpent d'eau porte une robe ample brodée d'un dragon, un motif réservé au souverain. La couleur bleue et brillante de sa peau indique qu'il est bien une créature aquatique.

Ses prouesses acrobatiques et ses tours surnaturels sont mis en valeur dans la mémorable scène de combat contre Yang Tsien, le chef de guerre céleste.

 










AUTRES ACTEURS

Les diablotins-soldats de la rivière

Tous ces personnages kouaï-teou apparaissent avec des têtes de poisson, de crevette, de pieuvre et d'autres créatures aquatiques ou marines. Les vêtements, de couleurs simples, rappellent les grands traits de la créature représentée. Ils n'interviennent que dans des combats martiaux et non dans des dialogues.

Les soldats célestes

Les soldats célestes sont de véritables guerriers. Ils ont l'expression féroce et portent une robe qui rappelle une armure. Comme les diablotins­-soldats de la rivière avec qui ils se battent, les soldats célestes exécutent des acrobaties de haute performance sur la scène. Leur jeu est un des plus beaux moments de la pièce.

L'enfant-bonze

Avec son crâne rasé et sa robe safran, ce garçon ne pourrait qu'être pris pour un jeune novice-bonze. Il est obéissant et parfois naïf. Mais son inno­cence penche justement en faveur de ceux qui ont véritablement besoin de son aide.

La belle-sœur de Hiu Sien

Cette femme d'âge mûr a un rôle bien modeste, toujours prête à assumer toutes les responsabilités. Sa coiffure toute simple indique son âge, elle ne porte pas de bijoux, ce qui laisse croire qu'elle est d'humble condition, comme Hiu Sien. Sa tunique et sa culotte bleu sombre attestent aussi ses origines modestes.

Hiu Mong-kiao
Le fils de Hiu Sien et de Paï Sou-tchen

Comme son père, Hiu Mong-kiao [許夢蛟, Xu Mengjiao] est un lettré. Il porte le bonnet et la robe brodée des lettrés. Mais il arbore aussi un ruban rouge qui marque son rang de tchouang­-yuan [狀元, zhuangyuan], le plus haut rang des candidats ayant réussi les examens impériaux.

(V.F., Jean de Sandt)

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