04/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La culture du lotus

01/03/1984

Ses fleurs ont inspiré et exalté poètes et artistes

Un bouton de lotus émerge des feuilles.

La fleur de lotus qui captive depuis longtemps les artistes possède bien d'autres atouts. Ses feuilles peuvent être cuites, donnant au gruau de riz du matin une légère teinte verte et un agréable parfum d'herbe fraîche. Son rhizome cui­siné est très apprécié par les gourmands, et même par les gourmets. Ses graines peuvent être servies en dessert et sa cupule est un ingrédient pour la méde­cine chinoise. Le lotus est donc une plante utilisée d'un bout à l'autre.

Sous un soleil de plomb, un im­mense étang projette à perte de vue les formes délicates mais fascinantes de fleurs de lotus. Au-dessus de l'eau, les feuilles en ombrelle ondulent légèrement sous le souffle de la brise. Tel est le pay­sage que l'on peut rencontrer un peu par­ tout dans l'île de Taïwan par un jour d'été torride. Dans le Sud, les étangs à lotus sont particulièrement nombreux.

Lientan (l’étang aux lotus"), une petite commune du hsien de Tainan, ne compte pas plus de cinquante foyers, dont la plupart des familles se nomment Lai. C'est un phénomène assez courant dans les villages retirés de la montagne ou isolés le long de la côte. Comme les habitants de ces régions sont assez con­servateurs, ils restent en général dans leurs villages et n'acceptent guère l'intru­sion des étrangers. Dans ce village de Lientan, comme son nom l'indique, les habitants cultivent bien sûr le lotus.

Le lotus pousse particulièrement bien sous la chaleur et une forte humi­dité, c'est ce que nous explique M. Laï Pen-fen, employé de l'Institut agricole de Lientan. Après le tsieou-jen, ou l'équi­noxe d'automne, quand la récolte du riz est terminée, on inonde les rizières pour noyer et faire dépérir les racines et les tiges flétries restées après la moisson. Les premières pluies de printemps arri­vant, les paysans commencent à planter le lotus. Comme ce dernier pousse dans des eaux peu profondes, on peut voir les vieux rhizomes de l'an passé se redresser.

Vers mai ou juin, la saison approche. Les fleurs de lotus, énormes et pleines d'éclat, jaillissent d'entre les feuilles, et les canotiers viennent ramer au milieu des fleurs, profitant de la fraîcheur procu­rée par l'ombre de ces larges feuilles res­semblant à des parasols. Un poète a décrit parfaitement la scène:

Fleurs en pleine floraison,

Exubérance de feuilles,

On rame dans l'ombre,

On pêche sur les bords de l'étang.

Sous une légère brise,

Un nuage flotte dans le ciel.

Quel paradis en ce torri de jour d'été!

La récolte des graines de lotus.

Mais les habitants de Lientan travail­lent activement. Les fleurs de lotus res­tent épanouies pendant une semaine en­viron. Puis les fleurs commencent à se faner et les pétales tombent, annonçant la saison de la récolte des graines de lotus. Il s'agit d'arracher les cupules en forme de pomme d'arrosoir, d'en retirer les graines, puis de les décortiquer et fi­nalement d'extraire l'amande. Cela re­quiert des heures et des heures de travail. En général, tout le monde, les jeunes et les vieux, participent à la récolte pendant tout l'été.

"On emploie depuis plus de vingt ans une technique qui nous vient de Liuchia (un bourg dans la vallée) pour la culture du lotus. Comme ce dernier rapportait beau­coup à l'époque, on a agrandi de plus en plus les étangs à lotus. Lorsque le marché du lotus est arrivé à saturation, les étangs couvraient déjà plus de cent hectares à Lien­tan. Par la suite, les rendements baissèrent, et les surfaces consacrées au lotus ont sensi­blement rétréci," disait M. Laï Pen-fen avec un certain regret dans la voix. A Taïwan, les paysans pratiquent générale­ment l'alternance des cultures tout au long de l'année. Ils cultivent par exemple le riz en été et les légumes en hiver, ou bien alors le lotus et le riz.

Pour la récolte des graines de lotus, les paysans chaussés de hautes bottes et munis de gants en caoutchouc marchent d'un pas lourd dans la boue collante au milieu des lotus plantés de manière très dense. Les lotus comportent des épines au niveau des feuilles, et des tiges. Leurs piqures ne sont pas douloureuses, mais sous le soleil de plomb, elles provoquent de désagréables démangeaisons.

"Pour gagner du temps, lorsqu'on cueille les cupules, on casse aussi les feuilles de chaque côté pour marquer l'endroit où l'on est déjà passé." M. Laï Yuan-jong, au teint très basané, qui cultive le lotus sur six hectares depuis plus de dix ans ajoute "On tirera davantage profit d'une ri­zière si l'on pratique l'alternance lotus et riz. Bien entendu, il y a des risques car la récolte des graines de lotus correspond à la saison des typhons, et un seul typhon peut ravager toute la récolte."

Cupule et graines.

Au moment de la récolte, toute la fa­mille participe aux différentes tâches, de la cueillette des cupules à l'extraction de l'amande. Comme la main-d'oeuvre coûte trop cher, on s'aide généralement au moment des récoltes. Chez une fa­mille, quand les graines de lotus sont prêtes à être récoltées, les voisins vien­nent donner un coup de main. Les graines de lotus prêtes à déguster se ven­dent environ trois dollars américains la livre. Et lorsque la récolte des graines tire à sa fin, les paysans doivent déjà s'at­teler au ramassage des rhizomes.

La récolte des rhizomes est également très laborieuse. Dès le lever du jour, les Laï se rendent à l'étang qui est alors à sec et d'où les feuilles sèches de lotus sortent à peine de la boue sale. Mais les rhizomes à ramasser sont bien enfoncés. Choisissant une tige de lotus assez grosse, on en arrache le rhizome avec une herse. Dans un sol boueux, le rhizome compte généralement cinq à sept sections. Lorsqu'on vient de le dé­terrer, il n'est vraiment pas appétissant. Mais un bon lavage fait apparaître une tige qui comporte des cavités longitudi­nales d'un gris rosé beaucoup plus allé­chante. Lorsque la nouvelle récolte arrive sur le marché au milieu de l'été, les prix sont beaucoup plus élevés. La queue de rhizome crue, juteuse et déli­cieuse, se vend 2 dollars les cinq ou six morceaux. La tête est plus fibreuse mais peut agrémenter un ragoût de porc ou être pressée pour son jus.

Comment choisir les rhizomes? Un rhizome dont les sections sont trop longues ou trop courtes est rarement déli­cieux. Il faut choisir des rhizomes de taille moyenne, d'un gris rosé.

Pétales de lotus ... Héroïnes de jadis.

Les sous-traitants achètent les rhi­zomes des paysans en été. Ils en vendent une partie immédiatement et congèlent le reste pour plus tard. Ainsi, les consom­mateurs peuvent se régaler de lotus toute l'année.

Un dicton chinois, ngeou-touan-sseu­ lien (藕斷絲連), décrit d'une manière très imagée une caractéristique du rhi­zome de lotus qui, même cassé, a encore ses fibres reliées. On emploie cette ex­pression pour décrire l'affection ou l'amitié qui subsiste entre deux per­sonnes après une séparation définitive, comme le divorce.

La cueillette des macres

La macre est une autre espèce de plante subtropicale comestible poussant aussi en eau peu profonde. Elle se sub­stitue parfois au lotus. Elle pousse et se récolte aux mêmes périodes que ce der­nier. Quand la saison est venue, de jeunes femmes dans des barques de bois viennent récolter ses fruits qu'elles ramassent en fredonnant ce vieux refrain d’amour, La cueillette des macres.

Nous sommes seuls, toi et moi,

[à ramer sur cette barque

A la cueillette des macres,

Tu ne me quittes pas.

Je ne m'éloigne pas de toi;

Telles les deux pointes de la macre

Qui ne se sont jamais séparées.

 

 

 

 

La racine de lotus coupée en tranches: un médicament et un mets.

Ce chant décrit à la fois le fruit et les espérances des jeunes filles. La fruit de la macre a une forme amusante: sa graine, rappelant le bicorne de Napoléon, est recouverte d'une écorce pourpre. Bouil­lie, elle a le goût de la noix ou de la châ­taigne et peut être dégustée avec un apéritif.

Mais les graines et rhizomes de lotus, les macres n'intéressent guère le paysan que pour le profit qu'il peut en tirer. Une vision bien différente de celle du voyageur qui entend admirer le pay­sage, apprécier l'harmonie des plantes ... pour mieux les savourer au dîner.

 

 

Récolte de la macre, en famille.

 

 

 

 

 

 

Au coin des rues, la macre cuite à la vapeur.

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