07/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Un monde mereilleux qui sait s'exprimer

01/07/1985
Une écaille de tortue pour oracle avec ses inscriptions. (Dynastie Chang, XVIe-XIe siècle av. J.-c.)
Houaï-nan Tseu (淮南子), l'ouvrage philosophique de Lieou An (劉安), prince de Houaï-nan1, sous la dynastie Han, note que, lorsque Tsang Kié (倉頡), le « scribe» légendaire de l'Empereui Jaune, ou Houang Ti (黃帝), a inventt le chou-ki (書契), la première inscription compréhensible rapportant un événement sur un bâton entaillé, le Ciel sema des grains de millet afin qu'il ne puisse mourir de faim, tandis que les dieux et les esprits pleurèrent toute la nuit.

Malgré les opinions divergentes sur ce récit, les Chinois ont généralement accepté cette légende. L'invention de l'écriture chinoise était un événement si important qu'elle ébranla l'univers et ce fut le commencement de la grandiose civilisation chinoise. Et il est juste de dire que l'affection particulière que tous les Chinois, du paysan au lettré, portent  leur langue écrite est incroyable. Peut-être, plus qu'aucun autre peuple sur terre, les Chinois sont fascinés par le charme intrinsèque de leurs symboles écrits. Profondément influencés par la pensée confucéenne, qui en est issue, ils sont tout respectueux de leur expression écrite.

Les aînés ont toujours exhorté les plus jeunes de ne point jeter une feuille écrite dans un lieu indécent ou d'utiliser improprement un morceau de papiel écrit. De tels écrits devaient être braIés dans un lieu particulier appelé Si-tseu Ta (惜字塔), ou la pagode de la compassion des caractères, sinon le Ciel pourrait bien punir le profanateur. Dans les temps anciens, il était courant de voir de vieilles gens, portant des paniers, glaner les vieux papiers écrits dans les ruelles et venelles jusqu'à la pagode pour y être consumés. Il existe toujours à Taïwan une vieille et symbolique pagode de la compassion des caractères à Longtan (Lungtan), dans le hsien de Taoyuan, dans le nord de l'île. Ce lieu représente beaucoup plus qu'une superstition. C'est l'évidence du respect pour l'écriture, la culture et les anciens sages qui ont donné au peuple chinois cette identité si durable.

L'origine exacte des caractères chinois est toujours empreinte de mystère. Le chapitre Yi Hi Tseu (易繫辭) du Livre des Mutations, ou Yi-king (易經), un des cinq Classiques, dit:

« Dans les temps reculés, les gens faisaient des noeuds sur des cordelettes pour noter un événement, une action. Et les générations postérieures leur ont substitué le bâton entaillé. »

Le kié-cheng (結繩) , ou cordelette nouée, a probablement précédé l'« invention » du bâton entaillé de Tsang Kié. C'était un registre primitif de compte. Il devint rapidement la preuve de transactions commerciales. L'inspiration de Tsang Kié pour les formes d'entailles lui serait venue de son observation des traces des pattes d'oiseaux laissées sur le sol... ainsi que de la forme des ombres.

Cette grande invention a fait croire que Tsang Kié fut un personnage exceptionnel. L'ouvrage de Wang Tchong (王重, 27-97) sur cette légende lui prête une paire d'yeux supplémentaire et un double sens de perception. Le bâton entaillé de Tsang Kié était plus ou moins un moyen de communication visue avec des signes très limités. Avec le temps et les besoins, d'autres formel apparurent.

Les premiers caractères furent probablement utilisés sur les os et les écailles de tortue, ou kia-kou-wen (甲骨文), sous les dynasties Hia (XXe- XVIe siècle av. J.-C.) et Chang (XVIe-XIe siècle av. J.-c.). Les traits de cette écriture sont fins et appuyés, simples et rectilignes, dû au matériau et à l'outil de gravure.

Au XIXe siècle de notre ère, on a découvert à Siao-touen (小屯), près d'An-yang, dans le Honan, une ancienne capitale des souverains de la dynastie Chang, environ cent mille os d'oracle, utilisés par les Anciens pour la divination, le culte des ancêtres, les sacrifices religieux et aussi l'inscription d'événements. On a aussitôt étudié, analysé ce type d'écriture et répertorié deux mille caractères différents dont treize cents ont été définitivement déchiffrés et classés.

L'écriture sur os d'oracle a évolué grâce au aux styles en bronze plus maniables qui permettaient ainsi la gravure sur des planchettes en bois ou en bambou, ou sur les os et des écailles de tortue. Plus tard, on les grava directement sur le bronze. Les inscriptions des Chang en sont justement les témoins historiques.

Sur les bronzes de la dynastie Chang, on a retrouvé des inscriptions. Ces caractères, ou kou-wen (古文, ancienne écriture), sont en général des pictogrammes, ou des dessins d'objet. L'archéologue contemporain, Tong Tsouo-ping (董作賓, 1894-1963) les a datés du néolithique, juste après l'invention des premiers instruments aratoires. Il a soutenu que ces inscriptions remonteraient au moins à 4 800 ans, soit environ deux siècles avant la date hypothétique de l'Empereur Jaune. Cette hypothèse détruit complètement la légende du mythique Tsang Kié.

Face intérieure du tripode du duc Mao (Mao-kong Ting). En bas, calque de la «version de Tingwou» de Lan-ting Siu.

Pendant la première moitié de la dynastie Tcheou (XIe siècle -771 av. J.-c.), la plupart des inscriptions sur bronze, ou kin-wen (金文), avaient encore évolué. Les caractères étaient de taille variable et de densité assez inégale. Il n'y avait pas de normes, mais un tracé naturel général. Pendant cette période, un autre style s'est formé. Les traits devenaient plus souples, ils s'appuraient et s'arrondissaient. La disposition de l'ensemble et la composition des caractères s'équili­ braient et s'ordonnaient. Les inscriptions du tripode du duc Mao, ou Mao-kong ting (毛公鼎) et sur dix pierres cylindriques en sont les plus beaux exemples.

Sur ce tripode en bronze de la dynastie Tcheou, célèbre pour ces inscriptions, on a dénombré 497 caractères différents sur la cavité intérieure du vase. Le texte exprime la gratitude du duc Mao envers Siuan-wang (宣王, règne 827-781 av. J.-C.), souverain de la dynastie Tcheou. Ce vase, découvert vers le milieu du XIXe siècle, est aujourd'hui conservé au Musée national du Palais à Taïpeh.

Les inscriptions des tambours de pierre, ou che-kou-wen (石鼓文), qui comprennent dix courts poèmes gravés sur dix grandes pierres cylindriques, furent gravées sous les Tcheou ou les Tsin (221-206 av. J.-C.), selon le grand style des sceaux, ou grand sigillaire (大篆, ta-tchouan).Il ressemble assez au style courant peu avant l'unification de l'écriture chinoise par Che-houang-ti, de la dynastie Tsin, qui la décréta à travers l'empire. Toutefois, une école d'archéologie considère ce style des tambours de pierre comme l'intermédiaire entre justement le grand sigillaire et le petit sigillaire (小篆, siao-tchouan) dont on accorde la paternité à Li Sseu (李斯, m. en 208 av. J.-C.), le chancelier de Che-houang-ti.

Les caractères de ces pierres sont particulièrement loués dans le Chant des tambours de pierre (石鼓歌, Che-kou ko), un poème de Han Yu (韓愈, 768-824), de la dynastie Tang. Ces pierres furent découvertes dans le Chânsi2 au début de la dynastie Tang (début du VIIe siècle). Les poètes Han Yu et Wei Ying-wou (韋應物, 737-800) ont justement appelé ce style d'écriture « style de Tcheou », ou tcheou-wen (籀文), d'après l'historien officiel de la dynastie Tcheou (周). En fait, il définit le style en usage sous les Tsin (fin du IIIe siècle av. J.-c.), et non sous les Tcheou, comme l'ont notamment affirmé Eou-yang Sieou (歐陽修, 1007-1072), de la dynastie Song, ou Wang Kouo-weï (王國維, 1877-1927). [NDLR: Malgré la transcription homo­ graphe, il convient de distinguer le style de Tcheou (籀) de la dynastie Tcheou (周). En effet. ces deux mots sont différents en chinois par la forme et le ton.]

Du point de vue de l'esthétique, les inscriptions sur os découverts dans les ruines de la dynastie Chang et celles sur bronze sont d'une grande créativité calligraphique. Elles présentent une beauté naturelle comme les caractères des tambours de pierre qui, dans les formes presqu'unifiées de la dynastie Tcheou, sont très nets et équilibrés avec une excellente disposition et une forme stylisée.

Pendant la période des Printemps et des Automnes (770-481 av. J.-C.), la plupart des états indépendants chinois auraient usé du style de Tcheou. Sous la période des Royaumes combattants (403-222 av. J.-C.), chacun des royaumes possédait son propre style d'écriture, ce qui multiplia les formes de caractères.

Che-houang-ti, qui instaura l'empire en 221 av. J.-C. a unifié le pays non seulement par la conquête mais aussi dans différents domaines de la civilisation. Ainsi, il ordonna sur la suggestion de son chancelier Li Sseu que tous les véhicules à roues aient le même écartement sur essieu. Pareillement, la proposition d'uniformiser dans l'empire toutes les différentes écritures fut ainsi décrétée. Le petit sigillaire (ou siao-tchouan) fut créé par Li Sseu à partir d'une synthèse des formes les plus consistantes de l'écriture ancienne et du style des sceaux (篆, tchouan). Ce nouveau style, mieux équilibré, se traçait désormais selon un modèle, et surtout il était d'une taille uniforme contrairement aux styles antérieurs bruts et d'apparence hachée.

Cependant les scribes utilisèrent un autre style, appelé tsao-chou (草書), ou style cursif, beaucoup plus commode pour la transcription ou la copie de docu­ ments administratifs. Il était devenu le style formel, un peu comme l'est aujourd'hui le style droit, ou kaï-chou (楷書). La dynastie Ts'in institua pour la première fois un gouvernement central détenant un pouvoir s'étendant sur tout le pays. L'uniformisation qu'il apporta dans l'écriture a pourtant donné une impulsion à grande diversité.

A la chute des Han, il n'y avait pas moins de huit styles officiels: le grand sigillaire, le petit sigillaire, le ko-jou (刻符) (style pour la gravure sur planchette, généralement en bambou, utilisé par les militaires), le tchong-chou (蟲書) (style vermiculaire, utilisé sur les drapeaux et les bannières), le mo-yin (摹印) (style encré pour les sceaux), le chou-chou (署書) (style titulaire, pour la formulation des titres sur enveloppes et enseignes), le chou-chou (殳書) (style des lances, ou lancéaire, pour la gravure sur les armes) et le li-chou (隸書) (style des scribes, ou scribaire, pour tous les documents écrits). Ainsi, un même caractère pouvait donc être écrit de huit manières différentes selon sa destination. De ces huit styles seuls le petit sigillaire et le scribaire sont encore en usage de nos jours. [NDLR: Voici encore deux transcriptions homographes, distinctes en chinois par l'« orthographe» et la prononciation tonale. Le titulaire (chou3-chou1) et le lancéaire (chou1-chou1)l'exposant indiquant le ton en pékinois.]

En effet, cette normalisation avait fini par ouvrir la voie à la diversité sous la dynastie Ts'in et la suivante, Han (206 av. J .-C. - 220 ap. J.-c.), comme la calligraphie prenait essor.

La forme définitive du scribaire (隸書, li-chou) est attribuée à Tcheng Miao (程邈, pour avoir offensé l'empereur Che-houang-ti, fut mis en prison à Yun-yang. Pendant son incarcération de dix ans, il dessina environ trois mille caractères d'un style calligraphique nouveau que les scribes et les copistes utilisèrent bien vite pour la rédaction de documents. Cette oeuvre lui a non seulement acquis la liberté mais aussi une haute charge.

Les empereurs de la dynastie Han ont aussi attaché une grande importance à la calligraphie. Ils instituèrent un examen de calligraphie et attribuèrent de hautes fonctions dans l'administration à ces éminents calligraphes. A cette époque, âgés de plus de dix-sept ans, on était autorisé à passer cet examen qui comprenait, entre autres, l'écriture de neuf mille caractères en grand sigillaire (ta-tchouan) et la composition d'idéogrammes dans les huit styles cités plus haut. Ceux qui par leurs performances obtenaient la « mention bien » acquéraient une charge dans la fonction publique, celle de « chambellan» historiographe (chang-chou-cheu). Il n'y avait pas que la carotte ... mais aussi le bâton! Ceux qui échouaient lamentablement étaient sanctionnés d'un châtiment particulier. Les grands calligraphes qui brillèrent sous les Han occidentaux (206 av. J.-C. - 8 ap. J.-c.) furent Che Yeou (史游), Kou Yong (谷永), Tchen Tsouen (陳尊), Siao Ho (蕭何, m. en 193 av. J.-C.), Tchang An-che (張安世), Yen Yen-ni en (嚴延年) et sous les Han orientaux (25-220 ap. J.-C.) Tsao Hi (曹喜), Tou Tou (杜度), Tsoueï Yuan (崔瑗), Tsaï Yong (蔡邕).

Pendant cette période, le scribaire, pratique et aisé, s'était rapidement développé en style du « dos-à-dos », ou pa-jen chou (八分書, litt. style des "huit morceaux") dans lequel furent rédigées les Epitaphes de Kong Tcheou et de Tchang Kien. La paternité de ce style est attribuée à Wang Tseu-tchong (王次仲), « préfet» de Changkou.3 Les caractères sont plus carrés, plats et larges, « ayant la forme d'une queue d'oie sauvage ». Les calligraphes anciens et contemporains ont des opinions divergentes quant à la signification à donner au pa-fen-chou. Pao Ting-po (鮑廷博, 1728-1814), calligraphe de la dynastie mandchoue Tsing, a peut-être énoncé l'interprétation la plus raisonnable: « Pa (八, huit) signifie ici dos-à-dos, d'une forme archaïque semblable au chiffre huit (八); et pa-fen fut un terme employé par les Anciens pour désigner les apports extérieurs d'un idéogramme. »

Les styles calligraphiques utilisés sous les Han occidentaux ne se sont jamais étendus au-delà du grand et du petit sigillaire et des six styles des Ts'in (bien qu'on ait employé le scribaire pour les panégyriques sur tablettes de pierre).

Sous la dynastie Han, à côté du style pa-fen, la calligraphie. comprend le style particulier des inscriptions sur tuiles d'avant-toit, ou wa-tang wen-tseu (瓦堂文字); le style des sceaux; le style sur les planchettes en bois, ou tchang-tsao (章草), un genre de cursive; le style cursif; le style droit; et le feï-poï-chou, caractéristique par ses traits ajourés, comme si le pinceau était à moitié sec.

Sur cette lanterne de papier,les idéogrammes chinois sont à la fois dédicace et ornement.

L'art particulier de fabriquer de la céramique, notamment les tuiles pour avant-toits et auvents, était à son apogée sous les dynasties Ts'in et Han. Sous les Han, les briquettes et les tuiles furent très élégantes, avec un soin exquis pour le dessin des caractères chinois. Le style jes scribes était principalement à l'honneur pour les briques d'ornement sous les Han. Les caractères les plus courants sur ces briques étaient wou-ki ( 無極, «un état d'esprit qui évite tous les ennuis, les désirs et les plaisirs »), yen-nien (延年, la prolongation de la vie) et tchang-Io wan-soueï (長樂萬歲, bonheur éternel et longévité infmie). Le nombre de caractères qui apparaissait sur une tuile de cette époque était fort limité et atteignait la douzaine. Ils sont tracés dans le style des sceaux emprunté, ou meou-tchouan (繆篆), un des six styles en usage sous le ministère et le règne de Wang Mang (王莽, 45 av. J.-C. -23 ap. J.-C.). Neveu de l'impératrice douairière de Yuan-ti, il usurpa le trône à son profit en 9 ap. J.-c. Style calligraphique issu du petit sigillaire des Ts'in, le meou-tchouan est plus simple que ce dernier, mais plus complet que le scribaire, un peu semllable à la « calligraphie artistique» pomlaire et moderne. Ses jolies formes lien équilibrées sont sa qualité essentielle.

Il y a plusieurs dizaines d'années, des scientifiques et des archéologues chinois et étrangers ont découvert dans les provinces de Kansouh et de Sinkiang (Turkestan chinois) de nombreuses planchettes en bois datant des premiers siècles avant et après J.-C. (milieu de la dynastie Han). L'archéologue Louo Tchen-yu (羅振玉, 1866-1940) a écrit Planchettes en bois dans les sables mouvants, une analyse fort intéressante de cette découverte. Ces planchettes donnent des informations de valeur pour l'histoire, ainsi que pour l'évolution des styles cursif, lié et droit. Ces planchettes en bois furent entièrement composées pour la pratique, et la plupart, concernant des pièces officielles ou des documents privés, sont écrites sans soin. Ces planchettes qui servaient aux exercices d'écriture quotidiens furent en effet très importantes pour l'évolution de la calligraphie chinoise. Malgré l'engouement des autorités impériales haniques (ou des Han) pour la calligraphie, les scripteurs sont restés assez indifférents à tout recherche artistique. C'est pourquoi, ces pièces, comme les inscriptions sur tablettes en pierre, ne portent pas le nom du scripteur.

De toute l'histoire de Chine, les temps de la dynastie Han sont généralement décrits comme naturels et sincères. Sous les périodes suivantes des Trois­ Royaumes (220-265) et de la dynastie Tsin (晉) (265-460), l'art commence à prévaloir. En effet, malgré les grands troubles de cette période (IIe-Ve siècle), de grands calligraphes se sont révélés, tels Tchong Yao (鍾繇縣 151-230) et son élève, Dame Wei Chouo (衛鑠), épouse de Li Kiu (李矩), Wang Hi-tche (王羲之,321-379) et Wang Hien-tche (王獻之, 344-388). De plus, on a compté d'éminents calligraphes parmi les militaires. Les styles calligraphiques de cette époque sont issus des dynasties précé­ dentes, Ts'in (秦) et Han (漢), et ces maîtres de cette époque ont encore ajouté des normes, un événement capital dans l'art calligraphique fort bien représenté grâce à deux modèles, le paï-pan (碑版, frottis d'inscriptions stélaires) et le fa-tié (法帖, manuel d'exercices).

Sous la dynastie orientale Han (Ier-IIe siècles de notre ère), les funérailles rituelles compliquées étaient très courantes. Et, de l'empereur au commun des mortels, tous les morts étaient honorés par l'érection de tablettes gravées en pierre en forme d'animal. En 205 ap. J.-c., Tsao Tsao (曹操), prince de Wei, fut le premier à faire interdire cette pra­ tique. Son fils, Tsao Pi (曹丕), qui parvint à monter sur le trône en 220 (empereur Wen-ti, de la dynastie Wei), insista sur la simplicité du rituel des funérailles. En 278, l'empereur Wou-ti (règne 265-290), de la dynastie Tsin, interdit à nouveau les rites funéraires compliqués et l'érection de tablettes en pierre en forme d'animal. La plupart des stèles que l'on a retrouvées portent des inscriptions en style pa-fen. Certaines sont en style des scribes ou des sceaux.

Calque de la « version de Tingwou» de Lan-ting Siu.

A cette époque, les manuels d'exercices aux caractères modèles, ou fa-tié, ont particulièrement fleuri. La meilleure oeuvre du genre est certainement Réunion au pavillon des orchidées, ou Lan-ting Siu (蘭亭序) de Wang Hi-tche. En 353, neuvième année du règne de Mou-ti (règne 344-361), de la dynastie Tsin, l'auteur et quarante-deux autres lettrés se réunirent au Pavillon des orchidées, sur le mont Kouaï-ki (province de Tche-kiang), pour écrire de la poésie. Wang Hi-tche écrivit cette oeuvre d'un style très vif et enjoué sur du papier de soie avec un pinceau fait de moustaches de souris, ces deux matériaux étant confectionnés pour la circonstance.

Le Lan-ting Siu fut conservé par les descendants de l'auteur comme un legs inestimable. Sous la dynastie Soueï (581-618), la précieuse oeuvre poétique était en possession du moine Tche-yong (智永), descendant de Wang Hi-tche à la septième génération. A sa mort, il le légua à un autre moine Pien-tsaï (辯才). L'empereur Taï-tsong (règne 626-649), de la dynastie Tang, acquit l'ouvrage qu'il considérait comme un trésor inestimable et nomma à titre posthume Wang Hi-tche, grand maître calligraphe impérial. A sa mort, il avait ordonné que le Lan-ting Siu soit déposé avec ses cendres. Mais auparavant, il avait de­ mandé à des calligraphes de renom, Tchou Soueï-liang (褚遂良, 596-658) et Eou-yang Siun (歐陽修, 557-640, d'en faire des copies. Une copie d'Eou-yang Siun fut retranscrite sous l'empereur Tchen-tsong (règne 997-1022), de la dynastie Song, sur une stèle qui fut déposée plus tard à Tingwou. Cette « version» d'Eou-yang Siun est aussi appelée « version de Tingwou ».

Pendant la division de entre les Dynasties du Nord et du Sud (420-589), dans le Sud de , le style calligraphique de la dynastie orientale Tsin se modela sur celui de Wang Hi­ tche et de Wang Hien-tche (les deux Wang). Les manuels de calligraphie se répandirent très vite alors que les frottis d'inscriptions stélaires furent beaucoup moins nombreux. Par contre, dans le Nord, un grand nombre de tablettes commémoratives furent érigées sur les tombeaux et dans des grottes bouddhistes, creusées dans les montagnes. Ces inscriptions ont aussi pu passer à la postérité jusqu'à nous. Leurs scripteurs sont en général inconnus car, probablement influencés par leurs prédécesseurs sous les Han, les calligraphes de cette époque ne signaient pas leurs oeuvres. Les inscriptions stélaires de la dynastie Wei du Nord ont certainement une valeur artistique plus considérable: elles étaient naturelles, solennelles, insolites, puissantes. Les styles calligraphiques des ces inscriptions ont constitué un pont, une sorte de lien entre le sigillaire et le scribaire de la dynastie Han. Elles grandement marqué les oeuvres des dynasties suivantes (VIIe s. -XIIIe s.), pendant les­ quelles eut lieu l'introduction de la calligraphie chinoise au Japon.

Ainsi, au Sud, la calligraphie fut beaucoup plus élégante et plus recherchée alors qu'au Nord, c'est plutôt la puissance et la créativité qui marquent. L'ensemble des oeuvres calligraphiques sur tablette en pierre de cette période évoque « une sorte de voyage au milieu de montagnes en jade à travers de nombreux sentiers qui partent à l'infini. »

Du IIIe au VIe siècles, plus de trois cents ans de divisions, de bouleversements et de luttes intestines ont embrasé ce n'est qu'après avoir mis fin au royaume Tchen, dépositaire nominal de la souveraineté impériale, que Yang Kien (楊堅) rétablit l'unité de l'empire chinois en 589. Malgré la durée éphémère de la dynastie Soueï, partisane du bouddhisme renaissant, l'influence bouddhiste fut considérable sur le pays. La renaissance des arts sous les Soueï en sont une caractéristique, dont la calligraphie suit le chemin précédemment tracé: clarté et éclat avec une touche de netteté et des formes nobles. On ne constate pas de variations importantes dans la composition des caractères ni la formation de leurs traits.

Seuls quelques manuels de calligraphie (fa-tié) nous sont parvenus. L'un d'eux porte le titre ésotérique d'Authentique oeuvre du moine Tche-yong sur les Mille Caractères. Habitant au temple de Yongsin, à Houhing (Woohing), dans le Tchekiang, le moine Tche-yong produisit pas moins de huit cents manuels sur le modèle des Mille Caractères, ou Tsien­ tseu wen (千字文), un manuel d'écriture pour enfants rédigé avec mille caractères différents par Tcheou Hing-sseu (周興嗣 m. 520 ap. J.-c.). Le moine Tche-yong avait fait distribuer ses manuels aux temples voisins du Kiangsi. Durant toute sa vie, il n'ajamais cessé d'améliorer sa calligraphie. Les pinceaux écornés ou tordus étaient systématiquement en­ châssés dans des cannes de bambou à cinq sections qu'il enterrait au tumulus des pinceaux usagés, ou toueï-pi tchong (退筆塚). Le seuil de son logis était si usé par les visiteurs qui venaient sans cesse chercher une composition calligraphique qu'il dut y poser une plaque de métal.

Après les Soueï, la dynastie Tang, notamment la première période de cent cinquante ans, brille de toute splendeur tant artistique que militaire. Si la civilisation se polissait sous la dynastie Tcheou, on peut dire qu'elle se développa sous les Han et atteignit une apogée sous les Tang. (En effet, les réalisations des Tang dans le domaine des arts doivent être at­ tribués aux empereurs de la première moitié de cette période dynastique, les­ quels eurent une plus grande ouverture d'esprit et une compréhension plus profonde du monde.) En calligraphie, les grands maîtres furent Eou-yang Siun, Tchou Soueï-liang, Yu Che-nan (虞世南, 558-638), Yen Tchen-king (顏真卿, 708-784) et Lieou Kong-kiuan (柳公權, 778-865) .

Sous la protection des empereurs Taï-tsong (règne 626-649) et Hiuan-tsong (règne 712-756), la calligraphie a produit des oeuvres au moins comparables à celles des Tsin orientaux ou des Wei du Nord. Bien que les Tang instituassent des degrés spéciaux en calligraphie pour stimuler le développement des arts, presque tous les calligraphes s'en sont tenus à la tradition, sans trop oser outrepasser les limites de cette « étroite voie ». Pourtant, quelques artistes ont tenté un style propre, mais leurs oeuvres ont failli à l'« élégance classique ». Il était impossible de revenir à l'atmosphère plus légère de la période précédente pendant laquelle tous les styles se disputaient la première place.

Sous les Tang, il était encore très populaire d'ériger des stèles dont beaucoup nous sont parvenues. Sur l'une, est la calligraphie de Yen Tchen-king, un grand nom depuis Wang Hi-tche. Pendant son enfance, il était d'une si grande pauvreté qu'il n'avait pas de quoi s'acheter des pinceaux et du papier. Il pratiqua la calligraphie sur les murs en traçant des caractères à l'aide de boue faite de loess. Plus tard, il devint un grand érudit particulièrement versé en prose et poésie. Il fut aussi très respecté pour son courage et sa probité. Sa calligraphie est magnifique; les traits sont vifs et majestueux. Un homme de lettres de la dynastie Song, Sou Tong-po (蘇東坡, 1036-1101), de son nom Sou Che (蘇軾), fit cette réflexion vivante: « La prose a atteint son apogée avec Han Yu, la poésie avec Tou Fou et la calligraphie avec Yen Tchen-king.» Le style de Yen Tchen-king a profondément marqué les générations postérieures.

« Cursive folle» du Moine ivre, Houaï-sou. (Dynastie Tang)

Le moine Houaï-sou (懷素, 725-785) avait une fois attribué sa soudaine maîtrise des secrets du style cursif à l'inspiration qu'il eut de la vision de nuages poussés par le vent un soir d'été. Franc et sincère, il n'était pas un parangon de vertu. Il allait souvent boire et écrivait sur les murs des temples, généralement après avoir bu plusieurs fois dans la journée, un fait que les gens de son époque avait vite remarqué au point de le surnommer le « Moine ivre ». Il était connu surtout pour sa « cursive folle» qui n'était pas du tout inspirée, au moment de la composition, des nuages ... Lui aussi eut une enfance trop pauvre pour obtenir du papier. On raconte qu'il planta plus de dix mille bananiers afin de pouvoir en utiliser les larges feuilles pour pratiquer la calligraphie. Sa cursive (frottis) des Mille Caractères est de toute beauté, nette et élégante. Toutefois dans d'autres oeuvres, elle est beaucoup moins nette avec plus ou moins de retenue; les traits sont insolites, reflétant une fureur vive.

Lieou Kong-kiuan possède un style qui au premier coup d'oeil, peut être pris pour celui d'Eou-yang Siun. Mais les traits sont plus anguleux et la composition du caractère plus allongée. A partir de son écriture, il n'est guère difficile d'imaginer l'homme. Lieou Kong-kiuan était très méticuleux du début à la fin d'un texte. Un jour, un empereur de la dynastie Tang lui demanda gentiment de quelle façon il composait. « Si le sentiment de l'artiste est sincère, son pinceau tracera alors des traits justes », répondit-il simplement. Lieou Kong-kiuan excellait notamment dans le style droit, et de Hiuan-mi est l'une des plus intéressantes tablettes de pierre que, septuagénaire, il écrivit. C'est justement vers cette époque que les Japonais se sont tournés vers cet art chinois.

Depuis l'aube de , la calligraphie et la peinture sont restées inséparables. On croyait alors que « tout ce qui pouvait se peindre pouvait s'écrire ». Sous les Song, la peinture et la calligraphie atteignirent leur apogée.

Calligraphie de l'empereur Houeï-tsong, de la dynastie Song.

La plupart des grands calligraphes de la dynastie Song sont de la première moitié de cette période dynastique, ou Song du Nord. En plus des empereurs eux-mêmes, qui malgré leurs occupations aux affaires de l'empire, excellaient en calligraphie, notamment Tcheng­ tsong (règne 997-1022), Jen-tsong (règne 1022-1063) et surtout Houeï-tsong (1100-1125), il y eut Sou Tong-po, Sou Siun (蘇洵, 1009-1066), Houang Ting-kien (黃庭堅, 1045-1105), Mi Fei (米芾, 1051-1107), ou le Grand Mi, et Tsai Siang (蔡襄 1012-1067). Avec l'empereur Kao-tsong (règne 1127-1162), Tchou Hi (朱熹, 1130-1200), Lou Yeou (陸游, 1120-1210), Yué Fei (岳飛, 1103-1141) et Wen Tien-siang (文天祥, 1236-1289) furent à la fois des hommes militaires et politiques qui appartenaient aux Song du Sud. Leurs oeuvres calligraphiques ne possèdent plus cette haute maîtrise du pinceau. On les a plus distingués pour leur intégrité, leur oeuvre littéraire et autres mérites comme chef ou homme d'Etat, ce qui fut, après tout, une grande réussite.
La calligraphie des Song a généralement suivi celle des Tsin et des Tang même si quelques oeuvres furent plutôt influencées par la période des Six Dynasties (IIIe-Ve siècles). On constate d'une manière générale que les calligraphes des Tsin ont recherché l'esthétique, ceux des Tang se sont fixés des règles, enfin ceux des Song ont poursuivi la même conception artistique. Sous l'influence du Li Hiué (理學), l'école philosophique néo-confucianiste idéaliste, les gens de la dynastie Song étaient plus orientés vers les études artistiques et académiques, comme la calligraphie. Les commentaires apposés sur des oeuvres calligraphiques et les traités sur cet art étaient devenus plus populaires sous les Song. Beaucoup d'anciens bronzes et objets en pierre furent mis au jour sous les Song, et de nombreuses études sur ces découvertes furent publiées. De tous les styles calligraphiques des Song, le cheou-kin-chou (瘦金書, litt. « style doré svelte »), lancé par l'empereur Houeï-tsong lui-même est particulièrement si­ gnificatif. Les traits fins de ce style semblent tant sans consistance qu'ils n'au­ raient pas la force de résister au moindre souffie. Cependant, on peut ajouter que la main de l'empereur Houeï-tsong est belle, élancée, svelte et délicate. (Yoir page 25)

Les grands pinceaux de la brève dynastie mongole (ou Yuan, 1271-1368) furent Tchao Meng-fou (趙孟頫, 1254-1322), Ni Tsan (倪瓚, 1301-1374), Sien-yu Chou (鮮于樞, 1256-1301), Yang Wei-tcheou (楊維禎) et Teng Wen­ yuan (鄧文原). Influencés par les divers courants de la peinture, les calligraphes des Yuan ont-donné plus d'importance à l'esthétique romantique dans leurs oeuvres. Reprenant les styles de Tchong Yao (IIIe siècle) et de Wang Hi-tche (IVe siècle), la calligraphie des Yuan possède une beauté toute délicate et un certain charme.

Un paravent, un éventail et d'autres objets d'ornement décorés d'une simple calligraphie.

Sous les Yuan, la calligraphie excella dans les styles « liés »; sous les Ming (1368-1644), la calligraphie se raidit avec le style droit mais se défoule aussi avec la « cursive folle» du Moine ivre. Et sous les Tsing, on devint plus sérieux avec le sigillaire et le scribaire.

Sous ces deux dernières périodes dynastiques, le goût pour les techniques de la peinture et leur charme se sont mieux révélés dans la calligraphie, en particulier, celles de Houang Tao-tcheou (黃道周,1585-1646), Tchang Joueï-tou (張瑞圖), Tcheng Sié (鄭燮, 1693-1765) et Tchao Tche-kien (趙之謙, 1829-1884). Ces oeuvres se rapprochant assez sensiblement de la peinture sont pleines d'esprit et d'humour et, libérées des contraintes de la réalité, elles cherchent par­ fois à pénétrer le royaume bouddhiste zen (禪, tchann). ■

(1) Lieou An, prince de Houaï-nan, petit-fils de l'empereur Kao-ti, fondateur de la dynastie Han, fut un grand écrivain du ne siècle av. J.-c. On lui attribut aussi l'invention de la fabrication du tofou (caillebotte du lait de soja). (Cf. le numéro de mars-avril 1985 de libre, p.13.)

(2) Chânsi (陜西): Celte province, capitale Si-an, a normalement une transcription homographe avec celle de Chansi (山西), capitale Taï-yuan. Toutefois, pour distinguer ces deux provinces «homophones», la première a souvent été abusivement transcrite dans divers ouvrages °Chensi (avec un e au lieu d'un a, quelle que soit la langue de transcription). Il convient mieux d'utiliser la différence tonale de ces deux noms, Quand faire se peut, plutôt Que de créer une prononciation inexacte.

(3) «Préfet»: c'est la traduction consacrée du terme chinois kiun-cheou (群首). Cette circonscription et son office sont aujourd'hui abolis. Cette traduction qui fait référence aux préfets de l'Empire romain est assez inexacte puisque le kiun-cheou relevait directement du gouverneur de province comme «préfet» de première classe.

[NDLR: Nous écrivons Eou-yang au lieu de Ngeou-yang du système de l'EFEO qui maintient devant les voyelles inférieures initiales le groupe NG. Ce groupe qui n'existe pas à l'initiale en pékinois n'a aucune utilité d'être transcrit. Par ailleurs. l'EFEO n'emploie aucun signe diacritique dans sa transcription conventionnelle du chinois (excepté la notation des tons). Mais pour l'usage courant, ces signes sont indispensables pour certains sons (la voyelle é ou les diphtongues et eï). Mais le groupe vocal eou [E (pour eu) + OU liés] de ce système est écrit sans accent aigu dans celle revue. En effet, il veut traduire, assez maladroitement, la diphtongue oou, ou (cf. anglais go), proche du groupe français eau. Toutefois, dans nombre d'ouvrages et d'articles traitant de , il est très souvent écrit éou (avec l'accent) .

D'autre part, dans ce texte, les Han occidentaux (206 av. J.-c. - 25 ap. J.-C) et orientaux (25-220) forment la même dynastie Han, de même les Tsin occidentaux (265-317) et orientaux (317-420) constituent la dynastie Tsin et les Song du Nord (960-1127) et du Sud (1127-1279) la dynastie Song. La période des Six Dynasties (220-589) comprend plusieurs dynasties éphémères et les Tsin (265-420) .]

 

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