28/04/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Vapeurs d’hinoki

01/02/2012
En ce mois de janvier, Taiwan a revêtu son manteau de gaze. Aux cimes des montagnes s’accrochent des écharpes de brouillard et de brume, tandis que les villes frissonnent dans le vent humide et la bruine. Un temps idéal pour les bains chauds.

Dans ces moments-là, la vénérable boutique de la famille Lin (une affaire fondée en 1928) sur l’avenue Zhongshan, à Taipei, dégage comme un magnétisme qui fait s’arrêter net les passants transis. Dans la poussière et les copeaux de bois, baignoires, baquets, pots à riz, tonneaux, paniers à vapeur en cyprès formosan captent le moindre rayon lumineux pour composer une étrange marqueterie aux couleurs chaudes. Soudain, la main effleure le rebord légèrement biseauté d’une baignoire cerclée de métal : difficile de résister à l’attraction de cet objet emblématique d’un certain art de vivre hérité de la lointaine époque coloniale japonaise.

Le bois blond non verni, au toucher velouté, embaume, et il flotte dans l’air un parfum reconnaissable entre tous : celui du cyprès formosan (Chamæcyparis formosensis ou hinoki) qui séduisit tant les Japonais lorsqu’ils prirent possession de Formose, à la fin du 19e s.

Tout comme le camphre qui entrait dans la fabrication de nombreux produits pharmaceutiques ou industriels (jusqu’aux pellicules cinématographiques !), les cyprès de Taiwan furent mis en coupe réglée. Les plus beaux troncs, ramenés d’Alishan et d’ailleurs, étaient envoyés au Japon pour la construction des temples shinto et de leurs tori, leurs immenses portes. Une grande partie du bois d’hinoki allait à la fabrication des ustensiles indispensables au quotidien comme ces grands baquets qui servaient – et servent encore – aussi bien à la confection du tofu qu’au délassement des corps fourbus.

Cela dit, la baignoire en bois est de nos jours plutôt considérée comme un bel objet, un luxe qui rend toute leur volupté aux ablutions chaud-froid, dans l’intimité d’une salle de bains. Mode d’emploi : une bonne douche glacée pour décaper le corps de ses impuretés, et ensuite, un quart d’heure extatique dans l’eau quasi-bouillante. Retour aux grandes gifles d’eau glacée, assis sur un tabouret, la tête dans une serviette-éponge, avant de replonger dans la baignoire d’eau chaude, et ainsi de suite, jusqu’au départ définitif des idées noires et l’installation d’une douce quiétude.

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