Play
Dix titres, dix tubes ? Pour son 13e album, Jolin Tsai [蔡依林] n’a rien laissé au hasard, explorant tous les registres ou presque. Espiègle avec « Play », la chanson qui donne son nom à l’album, grave sur « The Third Person And I », égérie du mariage pour tous avec « We’re All Different, Yet The Same », alter ego de l’idole japonaise Namie Amuro sur « I’m Not Yours », rendant hommage à Simone de Beauvoir avec « Gentlewomen », la star de la pop taiwanaise achève la mue entamée avec Muse, son précédent opus. Ses habits de jeune fille prodige définitivement rangés au placard, elle réalise ici un sans faute. (P.-Y.B.)
Warner Music, 2014.
STÉPHANE CORCUFF
Une tablette aux ancêtres
S’écartant du carcan de l’écriture universitaire, Stéphane Corcuff livre avec une certaine candeur dans ce court récit les clés de son attachement à Formose. C’est au détour d’une balade dominicale que ce spécialiste de Taiwan s’empare, dans quelque localité du centre de l’île, d’une tablette aux ancêtres semble-t-il laissée à l’abandon. La présence dans son appartement taiwanais de cet objet de culte, dont il n’ignore pas qu’elle enfreint les tabous, provoque chez ses proches des réactions contrastées, qu’il expose ici avec acuité. Il entreprend aussi de démêler l’écheveau des sentiments que suscite en lui cette tablette, imaginant l’histoire de ces ancêtres d’adoption avant, finalement, de trouver un endroit où leur esprit pourra reposer en paix. (P.-Y.B.)
L’Asiathèque, 2015.
DOCUMENTAIRE
Flowers of Taipei – Taiwan New Cinema
Hou Hsiao-hsien [侯孝賢], Edward Yang [楊德昌], Wu Nien-jen [吳念真], Hsiao Yeh [小野]… tous ces cinéastes qu’on associe à la Nouvelle vague du cinéma taiwanais ont eu une influence décisive sur le septième art à Taiwan, cela a été documenté à l’envi. Mais quid de leur rayonnement au-delà des mers ? C’est la question que s’est posée Chinlin Hsieh [謝慶鈴] dans Flowers of Taipei, un documentaire en forme d’enquête sorti en salle en avril. La réalisatrice, qui vit en France depuis 1998, pose un regard nouveau sur cet héritage, sans verser dans le panégyrique, en allant recueillir des commentaires sans fard, des histoires vécues, de Buenos Aires à Paris, de Bangkok à New York. Le chorégraphe Lin Hwai-min [林懷民] ouvre cet album de photos de famille en rappelant la répression des émotions qui caractérisait Taiwan sous la loi martiale. Le Français Pierre Rissient nous parle de l’éblouissement qu’il ressentit en découvrant Les garçons de Fengkui, le Britannique Tony Rayns note à regret que les thèmes de ce Nouveau cinéma taiwanais sont trop complexes pour un public occidental, l’Argentin Martin Rejtman explique qu’il a grandi avec ce cinéma-là, et l’artiste chinois Ai Weiwei [艾未未] met en valeur son humanisme. Chinlin Hsieh met en scène ses témoins avec un remarquable sens de la composition. Entre deux extraits de films mythiques, chaque intervention est comme traversée par un instant de poésie lorsqu’on voit entrer, dans le champ de la caméra, ici un vendeur des rues, là un enfant qui joue – des éléments tirés de « l’humain » qui est justement la matière même des « fleurs cinématographiques » de Taiwan. (L.M.)