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Sang de cordon : un espoir pour l'Avenir

01/02/2008

>> Avec la naissance d'un enfant se posent quantité de questions, dont celle-ci : faut-il ou non stocker le sang de cordon du nouveau-né dans le but d'utiliser les cellules-souches qu'il contient?

En février 2007, le professeur Lin Kai-hsin [林凱信], du service de pédiatrie de l'hôpital de l'université nationale de Taiwan, à Taipei, a tenté une transplantation sur un bébé de 16 mois qui souffrait de paralysie cérébrale due à une hypoxie (manque d'oxygène dans le cerveau). Pour éviter une injection dangereuse dans la zone du cerveau, le professeur Lin a préféré injecter à l'enfant des cellules souches provenant de son cordon ombilical.

« C'est son propre sang de cordon, alors il ne le rejettera pas. C'est plus sûr que d'utiliser celui d'une autre personne » , a expliqué le professeur Lin. Bien que cette pratique soit devenue plus courante, les experts continuent de débattre de son utilité réelle, remettant en question notamment le fait que les cellules du cerveau endommagées par une hypoxie puissent vraiment être réparées par ce biais.

Lin Kai-hsin rappelle deux cas de patients ayant fait des progrès notables aux Etats-Unis et dit qu'après six mois sous observation pédiatrique, le petit Wang peut se lever et marcher. Mais jusqu'à quel point cela est-il dû aux cellules souches ? Les cellules du cerveau de l'enfant vont-elles se régénérer ? Il faudra encore de longs mois d'observation avant de savoir si cette première trans plantation de sang de cordon à Taiwan débouchera sur un succès.

Rattraper le retard

Bien qu'encore rares, les transfusions de sang de cordon ont dépassé les 10 000 à travers le monde depuis un premier succès en France en 1988. A Taiwan, ce sont 40 000 échantillons qui ont été stockés dans des banques de cellules souches spécialisées.

C'est en 1990 que le professeur Lin a appris aux Etats-Unis les techniques de stockage et d'utilisation du sang de cordon. De retour à Taiwan, il en a recueilli auprès de proches des frères et sœurs, surtout d'une trentaine d'enfants atteints de leucémie et de neuroblastome infantile. Mais seuls cinq d'entre eux étaient vraiment compatibles. En outre, comme ces cas étaient graves, aucun ne survécut.

En 1995, le professeur Lin injecta à un garçon de 9 ans souffrant de leucémie le sang de cordon de sa sœur (premier cas taiwanais de transplantation au sein d'une même famille). L'intervention sembla réussir. Mais il fallait malgré tout administrer des médicaments contre les rejets, et cela affecta le système immunitaire du jeune garçon, qui succomba à une infec tion.

Un bébé atteint de mucopolysaccharidose fut le premier à subir une transplantation de sang de cordon hors cercle familial à Taiwan. La mucopolysaccharidose est une maladie génétique dont trois des garçons de la même famille souffraient, ce qui rendait impossible une transplantation de cellules familiales. Ce furent donc les banques de sang de cordon et de moelle épinière qui furent mises à contribution.

En 2000, le professeur Lin trouva un sang compatible parmi les échantillons de la banque de sang de cordon créée en 1999 par Taiwan Blood Services Foundation (TBSF). Mais les cellules ne se développèrent pas comme prévu. Après six mois, d'autres échantillons de sang furent trouvés à la banque du centre cancérologique Sun Yat-sen, à Taipei, mais le corps de l'enfant rejeta la transplantation, et il décéda d'une infection.

A quoi servent les cellules souches ?

Les cellules souches ont deux fonctions : l'hyperplasie la capacité d'une cellule de se démultiplier et la différenciation cellulaire la capacité des cellules à se transformer et adopter des fonctions physiologiques différentes.

Chang Nan-chi [張南驥], fondateur de la Société taiwanaise de recherches sur les cellules souches et professeur à l'Institut de microbiologie et d'immunologie de l'université Yang Ming, à Taipei, distingue quatre générations de cellules souches, selon leur degré de différenciation.

Avant leur division en quatre à huit cellules, les cellules souches sont totipotentes (une seule cellule peut générer un organisme entier). Après plusieurs divisions, les cellules deviennent pluripotentes (capables de se transmuer en cellules d'un autre type). Viennent ensuite les cellules multipotentes (dont la moelle osseuse) qui ont des fonctions immunitaires et d'hématopoïèse, et enfin les cellules unipotentes qui ne peuvent que se reproduire à l'identique.

Les cellules souches se trouvent dans tous les organes, où elles assurent la réparation et la régénération des cellules. Mais comme elles sont rares et difficiles à trouver avec la technologie actuelle, une solution consiste à extraire du sang du placenta et de cordon ombilical à la naissance pour le stocker dans le cadre d'une éventuelle utilisation future. Sinon, on trouve aussi des traces de cellules souches dans la moelle osseuse ou dans le sang retournant vers le cœur. Chacune de ces trois sources a ses avantages et ses inconvénients. Mais la plus grande concentra tion de cellules souches se trouve dans le sang de cordon.


Sang de cordon : un espoir pour l'Avenir

Une rencontre organisée par BabyBanks entre une petite fille (3e à d.), atteinte de la maladie de Cooley, une forme d'anémie grave, et le petit garçon dont le sang de cordon a été utilisé pour la soigner.

Le don de moelle osseuse nécessite une intervention chirurgicale, et certains donneurs peuvent avoir ensuite des douleurs persistantes dans le dos. Si aucune chirurgie n'est nécessaire pour donner du sang retournant vers le cœur, des expériences sur les rats ont démontré des risques importants de leucémie, même si cela n'a pas encore été vérifié chez les êtres humains.

Le don de sang de cordon est quant à lui sans douleur, mais le problème est qu'il n'y en a pas assez. Cependant, contrairement aux deux autres sources, il contient des cellules souches de première génération, qui offrent des applications plus larges, permettant de traiter des lésions cérébrales comme celles dont souffre le petit Wang. En outre, les risques de rejet sont plus faibles, car les cellules sont plus jeunes.

Les recherches sur les cellules souches sont séparées en deux. D'un côté les cellules hématopoïétiques, qui peuvent se développer dans le sang et les tissus immunitaires, de l'autre les cellules multipotentes, qui se différencient en neurones, cellules hépathiques, cellules du myocarde... Les premières sont largement utilisées en traitement clinique pour lutter contre l'insuffisance médullaire, la thalassémie, la leucémie et d'autres maladies du sang. Les recherches sur les secondes en sont encore au stade expérimental.

Des cellules souches toutes puissantes ?

Bien que la transplantation soit une technique simple et peu coûteuse, la quantité de sang de cordon oscille entre 80 et 140 ml, ce qui ne représente qu'un nombre limité de cellules souches. « Le nombre de cellules souches compatibles est la clef du succès d'une transplantation », estime le professeur Lin. La transplantation n'a d'intérêt que dans le cas d'enfants de moins de 30 kg, en raison de la faible quantité de cellules souches contenue par le sang de cordon.

Les enfants atteints de leucémie doivent suivre un traitement de chimiothérapie ou d'électrothérapie avant une transplantation, afin de détruire les cellules cancéreuses. Tant que les cellules n'ont pas la taille leur permettant de fonctionner, le patient n'a pas de fonction hématopoïétique et présente des carences en globules blancs et plaquettes. Les risques d'infection sont particulièrement importants pendant cette période.

La compatibilité est essentielle. Les gènes HLA ( Human Leucocyte Antigen) sont situés en six différents points d'un chromo some, dont les HLA-A (396 génotypes), les HLA-B (669 génotypes) et les HLA-DR (494 génotypes). Il faut que cinq d'entre eux au moins soient compatibles pour éviter un rejet, sans compter les gènes secondaires qui viennent s'y ajouter, et dont on ignore les effets.

«Une seule personne au monde est parfaitement compatible avec vous: vous-même!», explique Chang Nan-chi, pour qui des slogans comme «Stockez le sang d'une personne et toute la famille en bénéficie», ou «Sauvez grand-mère : faites un enfant ! » sont des mensonges. Même pour des proches, les risques d'incompatibilité sont importants, et c'est pourquoi il fait la promotion du stockage de sang de cordon : « Par exemple, le HLA des aborigènes de Taiwan est différent de celui des autres habitants de l'île. C'est pourquoi ils ont plus de raison encore de conserver le sang de cordon de leurs enfants. » Ils ont en effet beaucoup moins de chances de trouver des donneurs compatibles étant donné qu'ils sont peu nombreux.

Ressources publiques ou banques privées

Il existe plusieurs banques taiwanaises de stockage du sang de cordon. Celles qui sont publiques, comme la TBSF, la fondation Tzu Chi de la compassion bouddhique, le centre Sun Yat-Sen ou StemCyte, font des prélèvements gratuits. Les banques privées, elles, font payer ces prélèvements jusqu'à 80 000 dollars taiwanais mais, en contrepartie, les donneurs et leurs proches bénéficient des stocks en priorité. On compte neuf banques privées à Taiwan, dont BabyBanks, qui appartient à Bionet, une entreprise créée il y a huit ans.

La différence entre les organismes publics et les banques privées est parfois insignifiante. BabyBanks offre ainsi gratuitement du sang de cordon à ceux qui attendent une transplantation, à condition que le donneur l'autorise. Si tel est le cas, ses frais de stockage lui sont reversés, et il bénéficie d'un stockage gratuit pour un futur enfant, ainsi que d'une priorité s'il lui faut trouver du sang compatible. « Notre principal rival est la poubelle » , explique Chris Tsai [蔡正憲], président de Bionet. Dans 90% des naissances, le placenta est détruit, et nous devons lutter contre cela, continue-t-il.

En avril, BabyBanks a participé au premier sauvetage d'une vie à Taiwan grâce à du sang de cordon. La femme de Liu Min-tse [劉民澤] avait une maladie cardiaque congénitale, et le sang de cordon de leurs deux enfants fut stocké. Quand ils apprirent que le sang de leur plus jeune garçon, Chien-an, était compatible avec celui d'une petite fille du nom de Yeh [葉], âgée de 3 ans, qui souffrait de thalassémie, ils acceptèrent de lui en faire don. Wu Kang-hsi [巫康熙], docteur en hématologie-cancérologie à l'hôpital universitaire de la République de Chine, fit la transplantation qui donna les résultats attendus.

« C'est formidable ! » s'enthousiasme Liu Min-tse, pourtant réticent au départ à donner le sang de son fils. « En médecine, les inconnues sont légion. Personne ne sait ce que seront les futures technologies. Mais même si ce n'est pas pour soi, les dons peuvent aider les autres, c'est encourageant », note le professeur Lin.

Des soins fiables et accessibles

Taiwan a 5 à 7 ans de retard en matière de transplantation de sang de cordon. Mais le professeur Lin remarque que, depuis 2000, le sujet est pris au sérieux. Les infections après transplan tation sont désormais mieux anticipées. De plus, les nouveaux médicaments antiviraux ont moins d'effets indésirables, et 60% des greffes sont désormais un succès.

« Nous savons que plus la compatibilité est grande, plus les chances de succès sont élevées. Mais le pire peut toujours arriver », résume-t-il. Si les six régions HLA sont compatibles, les risques de rejet sont de 25%, tandis qu'une transplantation avec trois ou quatre régions compatibles équivaut à un « homi cide légal », fait-il remarquer.

Le sang de cordon étant fragile et les risques de pertes importants, les hôpitaux taiwanais doivent encore faire des progrès dans le transport, le stockage et la transplantation.

Les médecins ont le devoir de sauver leurs patients, mais les opinions divergent quant à l'efficacité des traitements à base de sang de cordon. Avec la thalassémie, par exemple, vaut-il mieux une armada de piqûres et de transfusions ou une transplantation de sang de cordon ? Les malades atteints de thalassémie qui avaient autrefois des injections quotidiennes et une transfusion mensuelle reçoivent désormais des médicaments par voie orale, ce qui améliore leur vie. Mais ils devront toutefois prendre des médicaments durant toute leur existence.

Aller de l'avant

Les recherches sur les cellules souches avancent, mais on ne sait pas encore si elles finiront comme la thérapie génétique, qui avait soulevé d'énormes espoirs qui ont laissé la place à une sérieuse désillusion.

Le nombre d'utilisateurs de sang de cordon n'est que de 1 pour 20 000 et, comme l'explique le professeur Lin, « quasiment nul en ce qui concerne l'utilisation de son propre sang de cordon ». Mais les espoirs sont permis qu'un jour, d'autres cellules souches pourront être stockées et utilisées, ce qui résoudra le problème des quantités.

Chang Nan-chi se rappelle qu'en 2000, 5 ans après un accident dû à des irradiations dans une classe, cinq enfants de l'école Yungchun sont morts d'une leucémie en attendant de recevoir un don de moelle osseuse. « Grâce aux banques de sang de cordon ouvertes depuis 1999, nous espérons qu'une telle tragédie pourra être évitée à l'avenir » , déclare Chang Nan-chi. Le sang de cordon n'est pas une panacée, mais à la vitesse à laquelle la science avance, il sera peut-être un jour indispensable.■

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