09/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

L'épisode français peu connu des Pescadores

01/07/2002
Cette photographie de militaires français posant aux côtés d'habitants des Pescadores fut retrouvée dans un album personnel de Prosper Giquel, le constructeur de l'arsenal de Mawei, et est probablement l'un des clichés les plus anciens des Pescadores qui nous soient parvenus.

Du « Sac du Palais d'été », en 1860, sous le règne de Napoléon III, jusqu'à la guerre de Corée, en 1953, la France a été à plusieurs reprises en guerre ouverte avec la Chine.

La destruction par les troupes anglaises et françaises de la résidence impériale dans la banlieue de Pékin en est l'épisode le plus connu et reste inscrite dans la mémoire des Chinois qui visitent les ruines qui subsistent des « pavillons dans le goût de Versailles » construits par les Jésuites à la demande de l'empereur de Chine. Chez les Français, de temps à autre, des ventes aux enchères d'objets d'art chinois, ou la visite des collections conservées au château de Fontainebleau, remettent devant les yeux les pages sévères de Victor Hugo sur ce pillage.

Un autre affrontement, tout aussi important sinon plus est enfoui dans les livres d'histoire des étudiants français en science politique ou en histoire. Taiwan a été sous la IIIe République au coeur de l'un de ces conflits militaires franco-chinois, peut-être le plus significatif par l'importance des troupes et le nombre des navires engagés : la guerre qui se développa du Tonkin jusqu'à l'archipel de Zhoushan, au Zhejiang, conduite par l'amiral Courbet sous le gouvernement de Jules Ferry, se déroula en très grande partie des deux côtés du détroit de Taiwan, et en particulier aux Pescadores (Penghu).

En août 1884, l'amiral Courbet va détruire une grande partie de la flotte chinoise, construite sur des plans français dans le chantier naval (arsenal) de Mawei à Fuzhou, et l'arsenal lui-même.

Ce chantier naval, probablement l'ensemble industriel moderne le plus important d'Asie pour l'époque, avait été édifié par le Français Prosper Giquel entre 1867 et 1875, à la demande de Li Hongzhang, le Premier ministre de l'empereur Qing, employant des milliers de travailleurs chinois apprenant la langue française et la technologie européenne auprès d'une cinquantaine d'experts français. En valeur, machines et emplois constituaient à l'époque l'essentiel des exportations françaises vers la Chine et Fuzhou comptait alors l'une des communautés françaises les plus importantes d'Asie.

De l'autre côté du détroit, les ports de Tamsui et Keelung, que la France voulait constituer en « gages » de guerre, firent l'objet d'affrontements très meurtriers. L'amiral Courbet voulait porter la puissance de feu considérable de son escadre (une quarantaine de navires et les lance-torpilles les plus modernes de l'époque) jusque dans le nord de la Chine, à Port-Arthur (Dalien), mais il en sera empêché par le gouvernement français qui lui demandera de limiter ses ambitions à la prise de Keelung,puis à l'occupation de l'archipel des Pescadores (mars 1885).

Quelques semaines plus tard, un traité diplomatique signé avec la Chine et la chute du gouvernement Ferry déterminent un retrait total de l'escadre et de son corps expéditionnaire français de Keelung, puis l'abandon des Pescadores dont l'amiral Courbet voulait faire un « Hongkong français ».

C'est dans ce contexte que le 11 juin 1885 va mourir de maladie l'amiral Courbet, sous les yeux de l'officier de marine Pierre Loti, à bord du Bayard, en rade de Makung. Ne reste de son passage à Penghu qu'un monument commémoratif, sa dépouille ayant été rapatriée en France une dizaine de jours plus tard. Une stèle et un monument aux morts rappellent aujourd'hui aux touristes que Makung fut sous administration militaire française pendant quelques semaines. 

rene.vienet@free.fr
Sur le même sujet, consulter l'ouvrage de Christophe Rouil, Formose, des batailles presque oubliées, paru en 2001 aux éditions Le Pigeonnier. www.lepigeonnier.com

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