Mais qu'est-ce que donc que l'Austronésie ? Aujourd'hui, cela correspond à une immense communauté linguistique de 300 millions de personnes s'étendant entre l'océan Indien, la mer de Chine et l'Océanie, avec des liens communs qui ne cessent de se resserrer au gré des récentes découvertes scientifiques.
Si le grand public connaît ceux qui existent entre les Tahitiens, les Hawaïens ou les Maoris de Nouvelle-Zélande, il ignore bien souvent en revanche que Taiwan et ses premiers habitants non seulement appartiennent au monde austronésien mais qu'en plus, l'île a été l'un des berceaux de cette culture.
C'est par les langues notamment que l'on avait d'abord établi ces liens extraordinaires entre des peuples séparés par des milliers de kilomètres d'océan, les linguistes retrouvant dans celles parlées par les aborigènes de Taiwan les plus anciennes de l'ensemble austronésien.
Puis des travaux menés à la fin des années 90 ont permis d'établir de façon indubitable que les Maoris partageaient un lien génétique avec des peuples qui habitaient Taiwan il y a 5 000 ou 6 000 ans et dont les de scendants aujourd'hui sont les aborigènes de l'île.
Si on dispose désormais d'informations plus exactes, d'autres données récentes sont venues éclairer d'un jour nouveau certaines des étapes initiales de cette fabuleuse aventure qu'a été la conquête du Pacifique par les Austronésiens. Il y a quelques années, l'une des éminences dans ce domaine, Peter Bellwood, de l'université nationale d'Australie, avait notamment affirmé que l'analyse des jades excavés sur des sites de la région apportait des réponses intéressantes aux questions qu'on se posait au sujet des échanges dans la région.
Une équipe de son université s'est livrée à des analyses spectroscopiques de ces jades, et les étonnants résultats de leurs travaux, rendus publics récemment, montrent que, pour la plupart, ces pièces de jade retrouvées lors de fouilles en Malaisie, aux Philippines, en Thaïlande et au Viêt-nam, proviennent de gisements insulaires.
Ces informations capitales prouvent qu'un réseau étendu de commerce maritime existait, et cela beaucoup plus tôt qu'on avait pu l'imaginer. En outre, on a découvert que ce jade était emporté dans toute l'Asie du Sud-Est par des artisans talentueux qui le sculptaient, à la commande, là où ils le revendaient, exportant probablement en même temps les langues austronésiennes.
D'autres éléments nouveaux, captivants, ont été annoncés encore le mois dernier, confirmant une nouvelle fois, par le biais de l'analyse génétique, que non seulement 85% des Taiwanais aujourd'hui ont du sang aborigène à des degrés divers mais qu'en plus, leur patrimoine génétique les rapproche des populations du Viêt-nam - ce qui va dans le sens d'autres hypothèses sur les origines ou les liens avec l'extérieur des populations de l'île.
Gageons que les travaux des scientifiques sur ces questions nous réserveront d'autres surprises de taille dans les années à venir. En attendant, voilà de quoi rappeler que, si une grande partie de leurs ancêtres viennent de Chine, les Taiwanais sont aussi tous des Austronésiens ! ■