L'Assemblée nationale a amendé de de Chine l'été dernier, non sans de véhémentes controverses à propos de questions allant de la révision du régime législatif à la réunification. La polémique fait encore rage quant au problème de savoir si cette révision de aura des conséquences positives ou négatives sur la vie politique de Taiwan.
Après une session de trois mois secouée par de vifs débats, d'obstructionnisme, de protestations surprises et même de scènes de pugilat, nationale a voté dix amendements à le 29 juillet 1994.* C'était la troisième fois que ce corps parlementaire entreprenait la révision de depuis 1990. Les amendements adoptés portent essentiellement sur un ensemble de textes proposés par le Kouomintang, qui s'est appuyé sur sa majorité (plus des trois quarts des sièges) pour outrepasser les objections du Parti démocrate-progressiste et des autres partis minoritaires.
Les plus importantes modifications sont celles que stipulent les deux premiers amendements [articles additionnels] :
─ L'élection du président de au suffrage universel direct. Le 2e amendement [Article additionnel 2 § 1] commence ainsi : Le président et le vice-président de sont élus au suffrage universel direct sur tout le territoire libre de de Chine. La première élection présidentielle sera tenue en 1996. Depuis 1948, le président de était élu par l'Assemblée nationale.
─ La limitation du droit du Premier ministre de contresigner les décrets de nomination et de destitution signés par le président de 2e amendement [Article additionnel 2 § 2] stipule également que les décrets de nomination et de destitution de personnalités aux postes de l'Etat pris par le président de et approuvés par le Yuan législatif ou l'Assemblée nationale ne requièrent plus le contreseing du Premier ministre (ou président du Yuan exécutif). Cela affaiblit légèrement les pouvoirs du Premier ministre et renforce ceux du chef de l'Etat.
─ L'extension des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Traditionnellement, les principales obligations de l'Assemblée nationale étaient d'amender et d'élire le président et le vice-président de tous les six ans. De 1947 à 1991, elle ne s'est réunie que pour accomplir cette dernière tâche, ainsi qu'en quelques autres sessions pour amender les Dispositions provisoires en vigueur pendant la période de mobilisation générale pour la répression de la rébellion communiste.
Le premier amendement [Article additionnel Ier] comprend plusieurs clauses renforçant les obligations et les responsabilités de l'Assemblée nationale. Une clause la dote notamment d'un président et d'un vice-président chargés de présider aux séances. Ils remplaceront l'actuel præsidium lors de nationale qui sera convoquée en mai 1996. Il est aussi stipulé que l'Assemblée nationale se réunira au moins une fois l'an en session ordinaire, et que, si les deux cinquièmes de ses membres le jugent nécessaire, des sessions extraordinaires pourront être tenues après soumission d'une pétition au président de , le point le plus controversé est la clause finale de cet amendement [Article additionnel Ier § 9] : « La procédure concernant l'exercice des pouvoirs de l'Assemblée nationale est déterminée par l'Assemblée elle-même. » Beaucoup d'hommes politiques craignent que cette clause ne donne carte blanche à l'Assemblée nationale pour déterminer de ses propres pouvoirs.
Le renforcement des pouvoirs de l'Assemblée nationale est un des points les plus controversés de cette dernière révision de hommes politiques, notamment des députés à l'Assemblée nationale, y sont favorables. Ils aimeraient transformer leur assemblée en une seconde assemblée législative, créant ainsi un régime bicaméral. D'autres, souhaitant justement abolir l'Assemblée nationale, comme les députés du Parti démocrate-progressiste, s'y opposent.
Pour analyser la signification que ce nouvel amendement a dans la vie politique de Taiwan, l'Agence centrale de Presse a invité le 3 septembre 1994 quatre hommes politiques et politologues à participer à une table ronde. Ce sont MM. Shieh Lung-sheng [謝隆盛], directeur général du Comité de coordination Parti-Gouvernement du Kouomintang à l'Assemblée nationale, Hsu Yang-ming [許陽明], chef du groupe du Parti démocrate-progressiste à l'Assemblée nationale, Su Yeong-chin [蘇永欽], professeur du droit à l'université nationale Chengchi à Taipeh, et Lu Ya-li [呂亞力], député du Kouomintang à l'Assemblée nationale, politologue et professeur de sciences politiques à l'université nationale de Taiwan. En voici quelques extraits :
M. Shieh Lung-sheng :
Le Kouomintang, détenant les quatre cinquièmes des sièges de l'Assemblée nationale, domine la révision de dépit d'un certain nombre de polémiques, d'importants pas en avant ont été accomplis durant la session.
D'abord et avant tout, l'amendement autorisant l'élection au suffrage universel direct des président et vice-président de est une grande étape vers une véritable démocratie et peut entraîner des changements radicaux dans la vie politique de Taiwan.
En second lieu, le pouvoir du Premier ministre de contresigner les nominations ou destitutions présidentielles a été restreint. Cela permettra un développement plus tempéré de notre démocratie constitutionnelle.
Ensuite, comme un président et un vice-président remplaceront l'actuel præsidium de l'Assemblée nationale, celle-ci ne sera plus sous une direction collective et cela devrait donner plus d'efficacité à nos séances.
Enfin, les clauses concernant les entreprises d'Etat et les indemnités parlementaires des députés traduisent la volonté du Kouomintang de ne pas séparer les réformes sociales des réformes politiques. [En effet, le 9e amendement [Article additionnel 9 § 3] stipule : « L'Etat gère les entreprises publiques selon les principes de la gestion commerciale. L'administration, le personnel, les budgets, la vérification annuelle des comptes et les données statistiques des entreprises de l'Etat sont tout spécialement fixés par la loi. » Le 7e amendement [Article additionnel 7] stipule notamment : « Le traitement et les indemnités des membres de l'Assemblée nationale et du Yuan législatif sont fixés par la loi. »]
A mon avis, la principale cause des conflits qui ont éclaté entre le Parti démocrate-progressiste et le Kouomintang pendant cette session de l'Assemblée nationale consiste en les conceptions différentes qu'ils ont de l'identité nationale. Ainsi, le Parti démocrate-progressiste désirait modifier les termes de « réunification nationale » en « développement national » et de « territoire libre (de de Chine) » en « Taiwan » ou « Taiwan, Penghou, Kinmen et Matsou ». Si de telles divergences idéologiques ne peuvent être réduites, les mêmes désaccords ne cesseront de ressurgir. Les deux partis devraient rester en communication.
La révision de est si importante que nous devons parvenir à un consensus entre les divers partis politiques. Il n'est pas sage de la réviser chaque année à moins d'une nécessité particulière. Le plus important est de donner leur signification à ces nouveaux amendements en élaborant des lois et en les mettant en œuvre aussi vite que possible.
M. Hsu Yang-ming :
Je ne suis pas d'accord sur plusieurs des points que vient d'énoncer M. Shieh Lung-sheng. En premier lieu, il parle des résultats de cet amendement constitutionnel comme d'un succès. A mon avis, ce n'est absolument pas un succès. Je dirais même que cette nouvelle révision de mine le régime politique de Taiwan.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l'Assemblée nationale a si peu fait au cours de cette session. La première a été le manque de consensus sur des problèmes tels que l'identité nationale, le type de système et la protection des droits civiques. Il est regrettable que le Kouomintang ait cherché à imposer ses vues. Et c'est bien naturel qu'il ait rencontré de la résistance.
En second lieu, alors que la population réclame un système où ceux qui détiennent le pouvoir assument les responsabilités correspondantes, nous ne voyons nulle part cette idée dans les nouveaux amendements.
Le troisième point est que la justice a été compromise parce que le Kouomintang a fait fi des procédures. Le but des révisions de est de sauvegarder les droits fondamentaux du peuple et de relancer le développement national. Dès lors, doit être acceptable pour tous les partis politiques, et en particulier les partis minoritaires. Sinon, dès qu'un parti minoritaire prend le pouvoir, il refusera de respecter stitution. Pendant cette session, les députés du Kouomintang à l'Assemblée nationale ont plusieurs fois violé les procédures afin de faire voter leurs propositions. Dans ces conditions, le Parti démocrate-progressiste n'endossera certainement pas cet amendement.
M. Shieh Lung-sheng attribue le désordre des séances aux disputes entre le Parti démocrate-progressiste et le Kouomintang à propos de l'identité nationale. Je me permets de contester ce point. L'identité nationale n'a pas été une question majeure soulevée par le Parti démocrate-progressiste à cette session. Pendant les premières lectures, par exemple, sur les 33 contre-propositions du Parti démocrate-progressiste, une seule a trait aux questions territoriales. Dans celle-ci, il demande une simple clarification, à savoir que tion s'applique à la région de « Taiwan, Penghou, Kinmen et Matsou ». Le terme de « République de Taiwan » n'est jamais apparu dans ces contre-propositions.
Les débats se sont concentrés sur le régime politique. Le Parti démocrate-progressiste maintient que Taiwan doit mettre en place un régime présidentiel [plutôt que le régime actuel où le président de et le Premier ministre partagent le pouvoir] afin de donner au chef de l'Etat plus de pouvoirs et de responsabilités. Mais le Kouomintang insiste sur son adhésion à la formule de gouvernement des « cinq pouvoirs » [composée des Yuans exécutif, législatif, judiciaire, des Examens et de Contrôle] et sur seulement quelques ajustements à , nous avons deux chambres parlementaires, le Yuan législatif et l'Assemblée nationale. Ce régime politique bicéphale gêne le développement de la démocratie.
M. Su Yeong-chin :
En réalité, les controverses concernant les procédures et autres désaccords prennent source dans les élections de l'Assemblée nationale de décembre 1991, où le Parti démocrate-progressiste a gagné moins d'un quart des sièges [un parti doit détenir au moins un quart des sièges pour disposer d'un droit de veto à un amendement constitutionnel]. Dans une démocratie bipartite, le parti minoritaire n'a recours qu'à deux stratégies pour exercer son pouvoir : ne s'opposer à la majorité que sur les différends majeurs ou adhérer à tous ses principes sans compromis. Dans le cas du Parti démocrate-progressiste, la première approche est peu probable, étant donné le fort soutien dont il dispose parmi les électeurs, comme l'ont montré les dernières élections. Le Kouomintang ayant de son côté une solide majorité à l'Assemblée nationale, il est difficile de persuader ses députés de faire des concessions au Parti démocrate-progressiste. Par ailleurs, le pluralisme grandissant au sein du Kouomintang a rendu plus difficile un certain consensus parmi ses députés eux-mêmes. Telles sont les raisons pour lesquelles la révision de a été si agitée.
Il y a deux façons d'aborder une révision de : l'une, modérée, consistant à apporter des amendements à un texte original conservé intact; l'autre, consistant en une réécriture complète du texte. Le Kouomintang a préféré la première, qu'il croyait conforme aux désirs du peuple. Mais en choisissant cette voie, le Kouomintang a esquivé des questions constitutionnelles de la plus haute importance. Ainsi, l'avenir de l'Assemblée nationale est devenu une source de frictions majeure. Si cette question n'est pas réglée, il s'en suivra de plus grandes perturbations. Malheureusement, pendant la dernière session de l'Assemblée nationale, le Kouomintang n'a même pas effleuré le problème, étant donnée l'absence de consensus. Nous devons pourtant nous décider entre les régimes législatifs unicaméral et bicaméral. Et le plus tôt sera le mieux.
M. Lu Ya-li :
Il ne faut pas réviser tion en se focalisant sur tel ou tel article particulier, mais en envisageant l'ensemble des problèmes de structure inhérents au développement d'une démocratie. Plus d'attention devrait être portée à l'application et à l'interprétation de Hsu Yang-ming vient de dire que, si le Parti démocrate-progressiste prenait le pouvoir, il pourrait réécrire est inquiétant. Le succès d'une Constitution dépend en effet de l'interprétation et de l'application qui en sont faites.
Le dernier amendement constitutionnel aura des répercussions sur la vie politique. Tandis que le pouvoir de contreseing du Premier ministre a été abrogé, les pouvoirs du président de ont été étendus. L'élection du président de au suffrage universel direct signifie aussi que l'opinion publique pèsera davantage dans les décisions politiques. Un tel changement affectera le gouvernement d'une manière aussi bien positive que négative.
Les élections présidentielles au suffrage universel direct auront trois conséquences. La première est que la tâche majeure de tous les partis politiques sera de préparer les élections présidentielles. Ainsi, l'influence des factions locales, qui jouent actuellement un rôle crucial aux élections, s'estompera. La deuxième, les groupes civiques deviendront plus importants dans la mesure où leur soutien pourra être décisif en cas d'élections présidentielles serrées. La troisième, les candidats en appelleront directement aux électeurs; et les médias, notamment la télévision, seront un outil capital pour la campagne électorale. En revanche, les politiciens locaux de bas étage [qui s'approprient le soutien accordé par le public à l'ensemble du parti politique] auront beaucoup moins d'importance.
Un autre problème soulevé par les derniers amendements est que les positions de l'Assemblée nationale et du Yuan législatif doivent être clarifiées. Avec la création d'un poste de président, l'Assemblée nationale peut se réunir de façon régulière.
Par ailleurs, elle peut user de son pouvoir d'amender pour consolider sa position et accroître son influence politique. Cela envenimera ses relations avec le Yuan législatif. Contrairement au système britannique et japonais où la chambre basse détient le pouvoir réel, l'Assemblée nationale et le Yuan législatif, ont de véritables pouvoirs; la première révise tution et la seconde légifère. En cas de conflit entre les deux chambres, c'est le Conseil des Grands Juges qui tranche le différend par une interprétation de pourquoi l'interprétation et l'application de tution sont une œuvre capitale.
M. Shieh Lung-sheng :
En tant que membre de la commission du Kouomintang pour de , j'ai contribué à l'élaboration des propositions constitutionnelles au sein même du parti et j'aimerais apporter quelques précisions aux points soulevés aujourd'hui par les participants à cette table ronde.
Le professeur Su Yeong-chin vient de déclarer que le problème majeur de cette révision réside dans la clause [Article additionnel Ier § 9] qui stipule : « La procédure concernant l'exercice des pouvoirs de l'Assemblée nationale est déterminée par l'assemblée elle-même. » La raison d'être de cet amendement est que le Yuan législatif a récemment créé un comité chargé de proposer des amendements constitutionnels. Or, c'est l'Assemblée nationale qui a le pouvoir de voter de tels amendements soumis par le Yuan législatif, il est donc nécessaire d'énoncer des règles pour examiner de telles propositions.
Le Professeur Lu Ya-li s'inquiète de ce que la création d'un président et d'un vice-président de l'Assemblée nationale donne à cette institution un pouvoir significatif [alors que beaucoup souhaitent son abolition]. C'est un poste en réalité symbolique qui a pour simple fonction de « représenter l'Assemblée nationale et de présider à ses séances » [d'après le premier amendement (Article additionnel Ier)]. Le président remplacera le præsidium, organisme semblable aux directions collectives des pays communistes. Actuellement, les 33 membres du præsidium de l'Assemblée nationale [élus par elle et en son sein] prennent à tour de rôle la présidence des séances. En vertu de ce système, le président de séance de l'après-midi ignore souvent les décisions prises par le président de séance du matin, ce qui entraîne l'inefficacité et même le désordre. Le principal avantage que présente un tel poste de président est que l'Assemblée nationale a désormais une personne qualifiée pour présider à ses séances.
Le Professeur Lu Ya-li se demande également si, avec un président, l'Assemblée nationale ne sera pas trop fréquemment convoquée. En tout état de cause, le premier amendement [Article additionnel Ier] stipule que seul le président de peut convoquer une session extraordinaire [à l'exception de séances destinées à mettre en accusation ou à destituer le président ou le vice-président de ]. Donc, c'est le président de qui décide de la nécessité d'une telle session.
J'aimerais une fois encore souligner que, en dépit des dénégations de M. Hsu Yang-ming, le grand désaccord qui sépare le Kouomintang du Parti démocrate-progressiste est bien la question de l'identité nationale. Si nous avions accepté sa proposition de modifier le terme « territoire libre (de de Chine) » en « Taiwan », cela aurait signifié que nous abandonnions nos prétentions sur le territoire continental et l'objectif de voir les deux rives se réunifier. La réunification nationale est un principe vital; et on ne peut transiger sur ce point.
Un autre différend grave est la réforme législative. Alors que le Parti démocrate-progressiste plaide pour l'établissement d'un système législatif unicaméral, le Kouomintang favorise le modèle « un parlement et deux chambres ». Le Kouomintang estime qu'il serait dangereux de supprimer l'Assemblée nationale et de donner tous les pouvoirs au Yuan législatif. De plus, une surcharge du Yuan législatif ralentirait inévitablement l'adoption de lois, ce qui pose déjà de sérieux problèmes. Cela gênerait non seulement l'activité du Yuan exécutif, mais aurait aussi un impact négatif sur la situation politique de Taiwan.
De surcroît, si nous supprimions l'Assemblée nationale pour renforcer le Yuan législatif, il faudrait réviser plus de 50 articles de pourquoi le Kouomintang entend maintenir l'Assemblée nationale. Nous étudierons soigneusement le nouveau système de gouvernement, mais nous ne voulons prendre de décision qu'après être parvenus à un consensus.
M. Hsu Yang-ming :
Je préciserai à nouveau que la véritable divergence entre le Parti démocrate-progressiste et le Kuomintang concerne le choix notre régime politique. Le Kouomintang argue de l'identité nationale comme d'un prétexte pour défendre sa position.
Le Parti démocrate-progressiste estime qu'il faut une révision de fond en comble de a été écrite dans les années 40 sur le continent chinois et n'est plus adaptée à Taiwan. Après plus de 40 années de transformations radicales, Taiwan a complètement changé. Il est clair que ne répond plus à ses besoins.
Le professeur Lu Ya-li a dit avec raison que, si le Parti démocrate-progressiste devenait le parti de la majorité, il pourrait réviser tion. Nous pensons de fait que , telle qu'elle se présente de nos jours, est inapplicable. Et s'il existe des difficultés dans son application, le Kouomintang doit en prendre l'entière responsabilité.
Nous entrevoyons déjà plusieurs problèmes avec l'actuelle Constitution. Primo, tout le monde agrée l'élection présidentielle au suffrage universel direct, mais sa mise en œuvre est source de complications dont la plus grave tient à ce que les pouvoirs et les responsabilités du président de ne sont pas clairement définies. Cela est particulièrement problématique maintenant que le poste de gouverneur de la province de Taiwan est électif depuis décembre 1994. Les interactions entre le président de , le Yuan exécutif, l'Assemblée nationale et le Yuan législatif devront faire face à de nouveaux défis. Un gouverneur directement élu sera probablement plus puissant que le Premier ministre qui est nommé [par le président de avec l’approbation du Yuan législatif]. Et s'ils appartiennent à des partis différents, ce sera une source de conflits.
M. Shieh Lung-sheng dit que le poste de président et de vice-président de l'Assemblée nationale sont purement symboliques. Mais ce point de vue ne vaut que dans une situation où le président de , le Premier ministre et la majorité de membres de l'Assemblée nationale appartiennent au même parti, comme c'est le cas actuellement. Cette situation ne durera pas toujours. Si un jour un président de l'Assemblée nationale, appartenant à un parti de la minorité, ne partageait pas tout à fait la politique du président de , il pourrait mettre en difficulté ce dernier. Aussi, la création d'un président de l'Assemblée nationale renforce bien les pouvoirs de l'Assemblée nationale. De plus, la clause autorisant l'Assemblée nationale à déterminer elle-même la procédure concernant l'exercice de ses pouvoirs pourrait bien conduire à des absurdités, comme le contrôle des dépenses sur son propre budget.
La proposition du Parti démocrate-progressiste d'abolir l'Assemblée nationale a été repoussée cette fois-ci, mais nous la soumettrons à nouveau. Si l'Assemblée nationale continue d'exister, comment pouvons-nous établir une vraie démocratie? Le Kouomintang doit regarder la réalité en face et répondre à cette question. Il n'y a que si les deux partis politiques réduisent leurs divergences que des négociations sur le régime politique pourront avancer. Dans le cas contraire, on peut déjà envisager d'autres problèmes. On ne peut plus entreprendre des révisions partielles simplement parce que le Kouomintang veut absolument s'en tenir au système des « cinq pouvoirs » ou à sa politique de réunification.
M. Su Yeong-chin :
Durant la dernière session de l'Assemblée nationale, la source des désaccords n'a pas nécessairement été la question de l'identité nationale : les divergences sur le régime politique étaient aussi graves. L'approche idéaliste du Parti démocrate-progressiste, tentant d'entreprendre des réformes constitutionnelles radicales, prenait le contre-pied des efforts du Kouomintang pour le maintien du statu quo. D'un point de vue purement académique, l'approche pragmatique du Kouomintang, qui s'en est tenue à des révisions, procédait d'une meilleure prise en compte de la situation politique actuelle.
Le Parti démocrate-progressiste plaide pour un régime présidentiel, mais il devrait vérifier si cela répond exactement aux besoins du pays. Etant donnés les conflits actuels entre les partis politiques, il est impossible de mettre en œuvre un régime présidentiel, surtout si le président de et celui de l'Assemblée nationale appartiennent à des formations politiques différentes. M. Shieh Lung-sheng avoue que le Kouomintang n'a pas recherché de compromis; cette attitude bornée ne peut conduire à la sagesse politique. Le Kouomintang devrait être plus souple et le Parti démocrate-progressiste moins idéaliste. Nous savons tous que le Parti démocrate-progressiste a de nombreux programmes de valeur et qu'il est sensible aux aspirations du peuple, mais plus de pragmatisme serait préférable. Les deux partis doivent chercher un terrain d'entente afin de réussir les révisions constitutionnelles.
Quant au poste du président de l'Assemblée nationale, je suis d'accord avec M. Shieh Lung-sheng. Selon le premier amendement, hormis le cas d'une session de l'Assemblée nationale pour la mise en accusation ou la destitution du président ou du vice-président de , toute autre session extraordinaire ne peut être convoquée que par le président de médias ont un peu exagéré l'étendue des pouvoirs du président de l'Assemblée nationale.
Je pense que nous devrons bientôt affronter le problème du régime législatif unicaméral ou bicaméral. M. Shieh Lung-sheng prétend que le Kouomintang est en train d'instaurer un système bicaméral. Ce n'est pas vrai. Le Kouomintang ne s'est pas employé à cela. Et les jeunes députés à l'Assemblée nationale, notamment ceux de Taipeh et de Kaochiong, n'ont pas œuvré à l'installation d'un système bicaméral. D'autre part, le Parti démocrate-progressiste tend à ignorer certains des problèmes soulevés par M. Shieh Lung-sheng. Par exemple, le maintien d'un régime unicaméral pourrait aggraver les problèmes actuels du Yuan législatif, comme la paresse et l'abus de pouvoir. Il ne faut pas s'attendre à leur disparition avec le temps, sans que nous ne fassions rien.
Si nous voulons conserver le régime unicaméral, nous devons régler les problèmes du Yuan législatif, c'est-à-dire clarifier ses procédures et définir ses responsabilités de façon rationnelle. Tant que le Parti démocrate-progressiste militera en faveur d'un régime unicaméral, il ne pourra ignorer ces questions.
Je suis d'accord avec l'analyse que fait M. Shieh Lung-sheng de ces problèmes, mais je ne crois pas qu'un régime bicaméral puisse fonctionner. C'est faire preuve de trop d'optimisme. Cela pourrait engendrer de plus graves problèmes. On ignore souvent le fait que les deux chambres ne se confèrent pas nécessairement un rôle de checks and balances (contrôle et équilibre). Il faut aussi qu'elles soient structurées différemment. Beaucoup soutiennent le régime bicaméral, mais jusqu'ici, personne n'a discuté de la structure de ces deux chambres. Si nous n'y prenons pas garde, nous nous retrouverons avec deux Yuans législatifs. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le régime bicaméral a un arrière-plan historique. Je suis ne pas favorable à son adoption pour Taiwan. Je pense que le régime unicaméral est plus apte à résoudre nos problèmes. Si nous examinons bien les problèmes existant au Yuan législatif, nous parviendrons à un consensus en faveur du régime unicaméral d'ici un ou deux ans. Je regrette que les prochaines révisions constitutionnelles soient repoussées au-delà des élections présidentielles. Lorsqu'il existe un consensus, il faut agir. Quand devrions-nous décider de l'installation d'un régime législatif unicaméral ou bicaméral? Maintenant.
M. Lu Ya-li :
M. Hsu Yang-ming a dit que le Parti démocrate-progressiste ne reconnaissait pas en vigueur et que, si des problèmes apparaissaient dans son application, le Kouomintang devrait en être entièrement tenu responsable. Quel genre de problèmes faut-il craindre?
D'abord, considérons la situation où le président de appartiendrait à un parti politique différent de celui de la majorité parlementaire. S'il appartenait au Kouomintang et que le Yuan législatif était dominé par le Parti démocrate-progressiste, le président de devrait nommer un Premier ministre membre du Parti démocrate-progressiste. Mais un président de élu au suffrage universel direct est supposé être directement responsable devant la nation. Etant donnée la discorde actuelle entre les partis politiques, cela aboutirait au chaos politique.
Deuxièmement, les rapports entre le Yuan législatif et l'Assemblée nationale pourraient s'envenimer. Le Kouomintang détient la majorité à l'Assemblée nationale et les décideurs politiques du parti contrôlent encore les membres du parti. Mais, lors de la prochaine Troisième Assemblée nationale, ce pourrait bien ne plus être le cas. Et dès lors, il est probable que de graves conflits éclateront. Pour réduire les probabilités de tels conflits, chaque parti politique devrait renforcer son rôle en consolidant, par exemple, l'appareil de décision politique. Une plus grande attention devrait être accordée à l'interprétation de , et l'information du public sur les institutions démocratiques devrait être renforcée. Nous ne devrions procéder à une nouvelle révision de tion qu'en dernier ressort, et seulement si un consensus sur les points litigieux évoqués a été atteint.
Troisièmement, malgré la détermination du Kouomintang à le maintenir, le régime politique des « cinq pouvoirs » apparaît comme n'ayant plus d'autre existence que nominale. En effet, tous les membres du Yuan de Contrôle sont nommés par le président de ; et le Yuan des Examens n'est une assemblée (yuan) qu'en théorie, il devrait être abaissé au rang de commission du Yuan exécutif. Ainsi, on peut imaginer que notre pays aura enfin un système politique à trois pouvoirs.
(V.F., Jean de Sandt)
* En fait, nationale a adopté en bloc le 28 juillet 1994 un seul amendement comprenant 10 articles, lors de la 32e séance plénière de sa 4e session extraordinaire. Cet amendement, dit Articles additionnels de de de Chine, a été promulgué le 1er août 1994 par le président de remplacent les 18 articles additionnels des précédents amendements votés en 1991 et en 1992. (NDLR)