16/07/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Un budget stimulant

01/09/1991
L'offre et la demande peuvent se rencontrer plus aisément au Centre de commerce international de Taipei.

L'amélioration et l'expansion des infrastructures de Taiwan se feront au moyen d'un budget déficitaire que le Yuan exécutif (cabinet ministériel) souhaite utiliser pour stimuler la demande intérieure. Toutefois, une ombre plane. Cette politique risque de mener au gonflement du taux d'inflation et d'être préjudiciable à l'ensemble de l'économie. En effet, le budget national 1992 (juillet 1991-juin 1992) sera déficitaire de 11,4 milliards de dollars américains, un montant quatre fois supérieur au déficit de l'année budgétaire écoulée et de près d'un tiers le budget du gouvernement central qui est de 36,47 milliards de dollars américains.

Les réalités économiques ont conduit le Yuan exécutif à soumettre un déficit record. L'essoufflement de l'économie a malheureusement affecté les recettes des impôts et les revenus des entreprises publiques. Ainsi, neuf des 15 impôts nationaux qui composent, en terme de valeur, plus de la moitié du total des revenus annuels de l'Etat, tombent brusquement à court de leur cible dans la première moitié de cette année budgétaire. Cela comprend les principaux chapitres tels que les impôts sur le revenu, les impôts fonciers et les droits de douane. Comme on n'entrevoit aucun signe d'une relance économique vigoureuse dans l'année qui s'annonce, il serait trop optimiste de s'attendre à des recettes fiscales plus lourdes et des ventes plus fortes des entreprises d'Etat.

Quant aux dépenses, il existe un besoin urgent pour l'Etat d'accroître les infrastructures du pays. Quelque peu désuètes par rapport au rythme du développement, elles ont certainement ralenti l'activité générale de l'économie et nui à la qualité de la vie. Une extension massive des grands travaux publics pourraient justement amorcer la demande en ce temps de récession. Selon M. Yu Tchien-min, directeur de l'office de nationale et des Statistiques, il faut accroître les dépenses du secteur public pour relancer les investissements et la consommation en face de la faible demande des marchés intérieur et extérieur. C'est probablement la raison majeure du si grand déficit budgétaire proposé par le Yuan exécutif.

Il souhaite en fait que ces dépenses, qui sont donc déficitaires, encourageront l'économie à atteindre un taux de croissance annuel de 6,6% pour l'année budgétaire 1992, plus fort que celui de l'année 1990. Les responsables du gouvernement ne pensent pas que ces dépenses déficitaires en hausse puissent augmenter l'inflation qui croît à présent au rythme modéré d'un peu moins de 4%, au niveau de la consommation. Encore que quelques députés du Yuan législatif, tant du parti au pouvoir, le Kouomintang, que de celui de l'opposition, le parti démocrate-progressiste, s'inquiètent qu'un trop fort déficit budgétaire soit inflationniste et aient d'autres effets négatifs. Ils sont également préoccupés que le gouvernement soit finalement obligé de combler le trou budgétaire par une élevation des impôts, une méthode fort simple, mais hautement impopulaire.

Pour apaiser les esprits, le Premier ministre, M. Hau Pei-tsun a rappelé en plusieurs occasions que son gouvernement n'avait nulle intention de recourir à cette méthode. En fait, ce serait la dernière chose à faire, à savoir qu'une augmentation des impôts est politiquement impraticable, vu l'approche des élections nationales et locales. L'intense compétitivité ne permet pas aux hommes politiques de prendre le risque de perdre des voix sous le poids de nouveaux impôts, même en perspective. De plus, tandis que le climat économique et commercial traverse une certaine stagnation, une augmentation des impôts ne contribuerait qu'à la dissuasion de l'investissement.

Si l'accroissement des recettes publiques au moyen d'une plus forte levée des impôts est indésirable, les législateurs pourraient bien se tourner vers une réduction des dépenses de l'Etat. Mais cela est peu probable, car il leur serait assez difficile de procéder aux justes et substantielles réductions dans les principaux chapitres du budget. Un rapide coup d'œil sur chacun de ces principaux chefs de dépenses publiques proposés par le Yuan exécutif donne une réponse évidente.

Défense nationale

Comme à l'accoutumée, les affectations de fonds à la défense proposées dans le budget 1992 dépassent de loin celles des autres chefs de dépenses et s'élèvent à 25,2% du budget total. Toute tentative de réduction conséquente pour diminuer le déficit global budgétaire n'obtiendrait guère le soutien du public. Il existe depuis quelque temps un consensus général pour effectuer certaines dépenses dans cette matière afin de maintenir une force assez puissante pouvant repousser toute attaque du régime communiste chinois. En effet, Pékin a toujours refusé de renoncer à user de la force contre Taiwan, et a probablement même retenu cette dernière menace pour intimider l'île à une réunification de , selon ses conditions.

Développement économique

Ce chef de dépenses se place au deuxième rang du budget 1992 pour 17,9% de ce budget. Il est certes inférieur de 0,2% par rapport au même budget précédent, mais il ne comprend pas les affectations de fonds de plusieurs programmes de travaux publics de grande envergure distribuées dans un chapitre annexe spécial. Ce sont les travaux en cours du métro de Taipei, la seconde autoroute du nord de Taiwan et les bretelles de raccordement de l'autoroute Sun Yat-sen, ainsi que la voie ferrée Taipei-Kaochiong du TGV. Le coût total de ce chapitre annexe spécial, inclus dans le budget de l'année, s'élève à 4 milliards de dollars américains.

Il est peu probable que le public accepte une tentative de leur réduction par la législature, car celle-ci ne ferait que nuire aux projets d'infrastructure et autres programmes de développement économique de l'île. Ils sont tous nécessaires pour briser justement le ralentissement que connaît actuellement l'essor économique de Taiwan et pour mettre fin le plus tôt possible à cette amorce de récession.

Education, sciences et culture

Les dépenses de ce chapitre qui se place au 3e rang constituent 15,4% du budget 1992. Les députés se verront dans l'impossibilité de tailler sommairement ce chef de dépenses que protège et garantit justement de de Chine, qui stipule que les dépenses affectées à l'éducation, aux sciences et à la culture sont au moins de 15% du budget annuel de l'Etat.

Archives
Dernier coup d'œil sur un plan de vol avant le décollage.

Programmes administratifs

Ce chapitre, placé 4e dans le budget de cette année, consiste principalement en des fonds réservés aux activités de l'Etat et à ses fonctionnaires. Il compte pour 11,2% du budget 1992. Il représente une augmentation de 1,8% par rapport au chapitre correspondant du budget précédent, en proposant surtout de financer l'accroissement des forces de l'ordre et l'établissement de tribunaux additionnels. Cette hausse reflète expressément la volonté du gouvernement de mieux combattre la criminalité croissante et la corrosion de l'ordre social. Comme tel, ce chapitre a peu de chance de connaître une réduction.

Assurances sociales

Les dépenses proposées des assurances sociales se montent à 11% du budget national 1992. Cinquième chapitre de ce budget, il est en hausse de 1,2% par rapport à l'année précédente. Cette augmentation est rendue nécessaire par des affectations supplémentaires dues à l'extension des assurances sociales des agriculteurs et aux fonds pour les victimes des catastrophes naturelles. Ce chapitre, longtemps critiqué auparavant pour la faiblesse des fonds affectés aux assurances sociales, ne sera vraisemblablement pas diminué malgré son augmentation.

En somme, si les députés au Yuan législatif désapprouvraient sombrement la forte élévation du déficit de ce budget national, il leur sera toutefois très délicat de le réduire conséquemment sans heurter les objectifs de la défense, de l'économie, de l'éducation et du domaine social que le gouvernement désire parachever. De plus, on croit savoir que le Yuan législatif possède de nombreuses astuces pour rogner le budget. Ainsi, il peut refuser les affectations aux agences de l'Etat dont les fonctions s'empiètent et les forcer à fusionner ou encore quelques autres dépenses qui, par exemple, obligerait l'Etat à se débarrasser d'inutiles fonctionnaires.

Mais, ces mesures sont sans conséquence pour réduire le déficit budgétaire qui s'élèvera autour de 11,4 milliards de dollars américains après le vote du Yuan législatif. Néanmoins, une grande inquiétude persistera, notamment à propos des effets adverses éventuels qu'un tel déficit aura sur l'économie nationale.

Le Yuan exécutif projette de couvrir une partie de ce déficit en utilisant l'excédent budgétaire de 2,2 milliards de dollars américains des années précédentes, quand l'économie avait tout son allant, et les recettes publiques annuelles maintenues exédentaires. La valeur monétaire totale des obligations émises au cours de l'année doit atteindre 13,2 milliards de dollars américains (y compris celles du chapitre annexe spécial de 4 milliards de dollars américains).

L'émission d'obligations de grande valeur aura l'effet d'une ruée sur l'économie, selon M. Liu Shou-hsiung, chercheur à l'Institut de recherches économiques Tchong-houa (Chunghwa) à Taipei. Les gros emprunts effectués par l'Etat réduiront la masse monétaire et relanceront son coût. Comme l'Etat a l'avantage d'une excellente crédibilité et peut payer de hauts taux d'intérêts, le marché financier serré ne gênera très probablement que les emprunteurs privés.

Pourtant de nombreux hauts responsables de l'économie réfutent cette assertion. Mme Shirley Kuo, présidente de la commission d'Etat de l'Economie, a déclaré dans une prise de position publique que, selon les évaluations de ses propres services, l'épargne privée serait suffisante à couvrir les investissements tant du secteur public que du secteur privé pour les années qui viennent. Ainsi, elle ne croit guère que les larges dépenses de l'Etat ne puissent « pénétrer les activités du commerce privé ».

Une autre préoccupation importante des économistes est que ce large déficit pourrait plonger l'Etat dans une situation financière où il devra se couvrir de nouvelles dettes pour payer les anciennes. Ils soulignent le Plan de développement national de six ans, d'un coût astronomique de 300 milliards de dollars américains, qui vient juste d'être approuvé par le Yuan exécutif, fait appel à un investissement de la part de l'Etat pour quelque huit cents programmes d'infrastructure et d'autres développements entre 1991 et 1996. Cela signifie que l'Etat aura besoin d'un déficit budgétaire encore plus important pour le budget national 1993 prochain et ceux des années suivantes. En conséquence, le présent déficit bugétaire fera boule de neige et, au fil du temps, Taiwan pourrait bien avoir des problèmes économiques aussi graves que ceux qui minent les Etats-Unis. Le déficit budgétaire américain est depuis longtemps une source de menace inflationniste et d'autres maux économiques. Et la hausse du déficit budgétaire de Taiwan semble également être une cause de grands soucis. Mais, M. Shih Chien-sheng, président de la faculté des sciences économiques de l'université de chinoise à Taipei, estime que c'est une vision des choses assez pessimiste. Dernièrement dans un article, il a expliqué que les dépenses déficitaires amèneraient une augmentation des recettes grâce à l'effet de la « bousculade au portillon ». Il ne faut pas négliger, dit-il, le fait que la hausse des investissements du secteur public peut gonfler le revenu national et stimuler la consommation, qui, à leur tour, renforceront la demande en biens et en services. Il s'ensuivra alors une production accrue de ces biens et de ces services.

 

Photographies de Chen Ping-hsun.

Les plus lus

Les plus récents