19/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Un monde de couleur et de finesse

01/05/1986
Hibiscus et papillons. (Dynastie Song)

La lueur de la chandelle dansait sur son visage. Il était tard, mais la jeune femme restait toujours devant son tambour, les doigts s'agitant fébrilement dessus comme un papillon, disparaissant derrière sous un large tambour de satin laissant apparaître un magnifique travail de broderie.

C'était un travail commandé, mais la jeune ouvrière était bercée par une immense joie. En quelques jours, son délicat travail se révélerait sous les yeux admiratifs de parents et d'amis, conviés à ses noces. C'était une broderie ornant chaussures, petits sacs, mouchoirs, taies, couvertures ou habits, Depuis sa tendre enfance, avec tout ce dévouement de peine et de souffrance, c'était tout le trousseau de la mariée qu'elle avait entrepris depuis des centaines et des centaines de jours et de nuits.

Bien sûr, on admirerait sûrement son talent, qui attestait le goût et l'habi­leté dactyle de la mariée. Un couple de sarcelles(1), exprimant finesse, douceur par ses couleurs, dans une atmosphère particulière d'affection, de tendresse et de bonheur éternel, un autre couple, le noble dragon et l'élégant phénix, aux fils d'argent et bourres dorées, déployaient toute leur magnificence. Et les autres objets qu'elle avait brodés étaient assuré­ment de toute finesse, mais ils expri­maient vivacité et esprit.

«Caille et chrysanthèmes». de Houang Tsiuan. (Cinq Dynasties)

Vu dans une plus grande perspective, chaque point cousu par cette jeune femme de ancienne faisait partie d'une tradition aux lointaines ori­gines, tradition qui a longtemps soumis la femme chinoise à multiplier les motifs de broderie et qui, finalement, a développé l'art de la broderie jusqu'à un très haut perfectionnement.

Dans ancienne, comme dans de nombreuses autres civilisations, les travaux d'aiguille étaient réservés à la femme. Mais nulle part ailleurs, la bro­derie n'a occupé une place si importante. Une jeune fille chinoise apprenait à coudre puis à broder à partir de six ou sept ans. Et elle devait le savoir pour confectionner presque toute la lingerie, depuis le petit chausson jusqu'aux draperies de literie, avec justement toutes les mille et une attentions d'une brodeuse.


A partir d'aiguilles en os et d'autres reliques similaires retrouvées dans les habitations néolithiques de Chine, on peut en déduire que les tous premiers travaux de couture très grossiers étaient déjà à l'honneur il y a dix mille ans pour devoir assembler des peaux de bête. Les Chinois ont commencé à peindre et à broder des motifs complexes sur les vê­tements voilà déjà au moins quarante­trois siècles, très probablement une forme artistique issue de la coutume tri­bale du tatouage. Et selon le dessin peint ou brodé, son port avait une fonction spécifique : déterminer la marque ou le rang social.

Rideau brodé de la dynastie Song.

Les Annales des Chang, ou Chang Chou [尚書], rapportent que le souverain légendaire Chouen [舜] légua à son successeur non moins légendaire Yu le Grand [禹], fondateur de la dynastie Hia, «six insignes» (soleil, lune, étoile, montagne, dragon et faisan) peints sur la partie supérieure de l'habit impérial, et six autres dessins (le tsong-yi[宗彝]), un instrument sacrificatoire, une élodée, une flamme, un grain de riz, une hache et un fou [黻], une figure noire et bleue comprenant le caractère ki [己] disposé dos à dos) brodés sur la partie inférieure de cet habit. Les nobles et autres officiers arboraient un nombre décroissant de ces motifs selon leur rang ou dignité.

Ainsi furent institués les apparats de la dignité avec l'«équipage» et l'«habille­ment », en chinois yu fou [輿服] , qui se transmit de dynastie en dynastie jusqu'à format de ces dessins allait subir de grandes transformations au cours des siècles. Ainsi, sous les Ming (1368-1644) et les Ts'ing (1644-1911), les symboles étaient spécifiquement brodés sur des bandeaux carrés, un oiseau pour les officiers civils et une bête pour les officiers militaires. Cela rend compte de l'importance de la bro­derie dans impériale.

Selon le Livres des Rites, ou Tcheou Li [周禮], traditionnellement un ouvrage du XIe siècle avant notre ère par le duc de Tcheou, mais scientifiquement attesté de la période des Royaumes combattants (403-221 av. J.-C.), la dynastie Tcheou (XIe s. -256) maintint des artistes au palais pour broder les attributs officiels de la famille royale. Sous la dynastie Han (206 av. J.-c. - 220 ap. J.-C.), les bro­deuses était sous l'autorité directe de la cour. En ce temps-là, la broderie ne décorait pas seulement les vêtements de cour mais aussi de nombreux autres ar­ticles, étendards et bannières, draperies de véhicules et chars, objets personnels.

Comme les textiles sont biodégra­dables, il y a très peu de broderies anciennes qui nous sont parvenues. Mais à en juger sur le petit nombre convervé, la broderie sous les Royaumes combattants reflète généralement vivacité et splen­deur à travers la variété de dessins simples mais puissants. Sous la dynastie Han, les motifs sont essentiellement des figures géométriques, des oiseaux ou des bêtes tandis que les fonds aux cimes voilées, aux jeux follets et aux parties de chasse semblent moins majestueux quoique toujours élégants et somptueux.

«L'Impératrice de l'Ouest sur un phénix», selon le style de Kou sieou. (Dynastie Ming)

Comme la broderie vestimentaire était d'ordre plus pratique qu'esthétique, des Tcheou aux Han, elle était principalement travaillée au point de chaînette. Finement serré, d'un lien à un autre, ce point était surtout plus durable que le point de tige, devenu à la mode plus tard. Le point de tige, cousu en lignes pa­rallèles, donne plus de lustre. Il fut em­ ployé dès les Han occidentaux (206 av. J .-C - 25 ap. J.-C.) , avec le point ta-tseu [打籽], réalisé en entourant plusieurs fois l'aiguille avec le fil puis en tirant l'ai­guille vers l'arrière sur le tissu à l'endroit même où il est sorti. C'est l'équivalent du point d'Alençon. Il fut appliquer pour l'addition de tissus de soie ou de plumes à la broderie. Cependant, le point de chaînette est resté le principal point de la broderie.

Sous les Tsin (265-420) et les Dynas­ties du Nord et du Sud (420-589), la né­cessité de broder les visages de bodhisattva et l'introduction d'images plus réelles, comme la fleur de lotus, la pivoine, la sarcelle, ont grandement favo­risé l'utilisation du point de tige. Et à partir des Tang (618-907), ce point a peu à peu atteint un niveau d'expression sur­ tout sous des formes plus complètes. Ce­ pendant ce n'est pas avant le perfection­ nement des points de broderie sous la dynastie Song (960-1279) que la broderie ornementale et «purement artistique» prit naissance. La broderie chinoise avait dèjà acquis ce cachet caractéristique du somptueux.

 


 

«L'enfant et la chèvre». (Dynastie Song)

Pendant la période des Trois Royaumes (IIIe s. de notre ère), il y a deux illustres brodeuses. L'impératrice Tchao [趙], épouse de Souen K'iuan, l'empereur Ta-ti de l'empire de Wou (règne 222-252), et Siué Ling-yun [薛靈雲] ont reçues diverses appellations ho­norifiques, comme Maîtresse de l'ai­guille, ou Tchen Kiué [針絕], ou bien Déesse de la broderie, ou Sieou chen [繡神]). L'impératrice Tchao, avec ces scènes et ces batailles d'une grande fi­nesse, est certainement le premier nom que l'histoire de la broderie a enregistré.

Sous la dynastie Tang, la broderie se développa rapidement. Une jeune fille de 14 ans, Lou Meï-niang [盧美娘], broda les sept volumes du Code boud­dhiste Fa Houa King [法華經], traduit en chinois sous les Tsin (IIIe- Ve siècles), sur une seule pièce de soie d'un pied (env. ) de long. Bien que les idéo­grammes chinois aient la grandeur de grains de millet, il ne leur manque pas un seul trait. Du fait de l'influence du boud­dhisme dont la popularité grandissait chaque jour, un nombre important de brodeuses des Tang a puisé ses sujets dans la religion. Et pour mieux exprimer leur piété, ces fidèles ont souvent tra­vaillé plus de dix ans sur des scènes bouddhiques. On trouve aujourd'hui quelques-unes de ces merveilles au Shoso-in à Nara (Japon) qui conserve beaucoup de trésors artistiques chinois du VIIIe siècle.

 

 

 

Fleurs et papillons diffésentes présentation. (Dynastie Tsíng) Illustrations de chaque côté.

On a découvert d'autres œuvres aussi splendides de la même époque dans les Caves aux mille bouddhas, à Touen-houang (Kansouh). La pièce la plus remarquable est sans doute l'image du bouddha çâkya-mouni, de la taille d'un homme, prêchant sur le mont Grdhrakouta. Elle fait partie de la collec­tion Stein du British Museum. On faisait déjà particulièrement attention aux cou­leurs et à leurs nuances avec un jeu d'ombre très subtile. Et le nouveau style p'ing-kin [平金] se voulait d'y apporter un effet tridimensionnel grâce à un tor­sadé de fils d'or ou d'argent lié par de petits points à intervalles réguliers, semblablement au point de trait pour l'ob­tention d'une valeur chromatique.

La politique délibérée des Song de stimuler l'effort intellectuel sur l'art martial a décidé de l'âge d'or des beaux­ arts en Chine. Le véritable essor de la broderie est aussi apparu à travers cette atmosphère.

Sous le règne Siuan-ho (1119-1125) de l'empereur Houeï-tsong (1083-1135, règne 1100-1125), des ateliers de brode­rie furent officiellement installés à p'ien­-king (auj. K'aï-fong, dans le Honan), la capitale impériale des Song. Plus tard, après l'invasion en Chine du Nord des Djourtchètes(2), ils furent transférés à Sou-tcheou (Kiangsou) et Hang-tcheou (Tchekiang), la nouvelle capitale méri­dionale de l'empire de Song. Le seul ate­lier de la capitale employait 300 bro­deuses de grande classe pour la produc­tion d'œuvres de qualité ordinaire ou supérieure.

 

Sous l'influence de l'école de pein­ture de la cour, ou yuan ti houa [體院畫], de la dynastie Song, la «peinture-broderie» et la «calligraphie-broderie», utilisant aiguilles et fils au lieu de pin­ceaux, pigments et encre, fut très à la mode. A l'inverse des œuvres entière­ment brodées des dynasties précédentes, celles des Song l'étaient sur un fonds non brodé. Seuls quelques dessins parti­culiers le furent complètement, au plu­metis. Cette nouvelle mode de la brode­rie se distingua plus nettement avec le temps des styles populaires et pratiques pour se rapprocher de la peinture: elle excella alors dans le motif floral et aviaire, le paysage et le visage. Enfin, la tendance se tourna directement vers le sujet pictural, et l'artiste brodeuse se chargeait des matériaux et des couleurs. Pendant un temps, les peintures de fleurs et d'oiseaux de Houang Tsiuan [黃荃] (903-965) et la calligraphie de Sou Che [蘇軾] (1036-1101)(3) ou de Mi Feï [米芾] (1057-1101) furent les modèles particulièrement populaires de la broderie. Comme la «peinture-broderie» cher­chait à imiter les nuances de la peinture ou l'intensité de l'encre, un grand nombre de points et de fils de couleur se développèrent pour transmettre la «véracité» de l'original. Il y avait quinze ou seize sortes de points de tige qui furent utilisés sous la dynastie Song dans de telles œuvres. Ces différents points se re­trouvèrent tous dans la broderie popu­laire de la même période, en plus du point courant, le tchouo-cha [戵紗], pour lequel on comptait les interstices sur le support où l'on cousait les grandes lignes en point de croix. Ils ont tous eu une grande influence sur l'évolution de la broderie chinoise. En fait, sous. les dy­nasties Tang et Song, la variété des points de la broderie populaire augmentait sans cesse. Grâce à la force de sa créativité, la broderie populaire offrit un nouvel apport à la broderie d'«art».

Une peinture-broderie de sarcelles, de Ma Liang-siuan.

L'arrivée du lamaïsme bouddhiste, sous la dynastie Yuan (1271-1368) replongea la broderie dans les thèmes religieux. Pendant cette période, l'usage fré­quent de fils d'or et d'argent firent de la broderie un véritable luxe. Malheureuse­ment, peu d'exemplaires nous sont parvenus.

La dynastie suivante Ming redonna un nouvel essor à la broderie chinoise qui se détacha carrément des thèmes religieux. Hormis les fils de soie et d'or tra­ditionnels, les matériaux de la broderie comprenaient aussi des perles, les pointes de plumes caudales de coq de combat du Siam et mêmes des cheveux. Le matériau devenait de plus en plus dé­licat et la texture de la broderie plus raffi­née. Les nuances de couleur contras­taient avec les teintes «moelleuses» héri­tées des Song. En général, les couleurs ont pris plus de vigueur et de teneur. Par­ fois, le pinceau ajoutait couleur à un jour, mêlant ainsi la peinture et la brode­rie sur une nouvelle voie.

Le plus célèbre style de broderie de la dynastie Ming est celui de Kou-sieou [顧繡], c'est-à-dire de la famille Kou, de Song-kiang(4) (Kiangsou). L'innovation d'une épouse de Kou Houeï-haï, Madame Mieou [繆] : le style de Kou­-sieou recherchait une application libre des effets de différentes aiguilles, la ri­chesse de ses nuances de couleur et la netteté de ses points. Le chef-d'œuvre de Madame Mieou, Les huit coursiers, fut longtemps estimé de même valeur que celui de Tchao Tseu-ang [趙子昂] (1254-1322), peintre de chevaux de la dynastie Yuan. Han Si-meng [韓希孟], épouse de Kou Cheou-kien, qui la conti­nua, excella dans les motifs floraux et aviaires. Son élégant album de broderie reproduisant des tableaux des Song et des Yuan est unique en son genre.

Ma Liang-siuan. une grande artiste contemporaine.

Stimulée par l'évidente popularité du Kou-sieou, la broderie devint vérita­blement à la mode. Sous les dernières dynasties Ming et Tsing, les ateliers de broderie privés se créèrent un peu par­tout dans l'empire tandis la haute compétitivité du marché de la broderie en en­courageait la créativité. Ainsi, différentes méthodes de travail locales se firent jour l'une après l'autre, comme les racines de bambou après une averse printanière. Vers la fin de la dynastie Tsing, les styles régionaux étaient en pleine floraison dont les plus remarquables sont le Sou­-sieou [蘇繡] , de Soutcheou (Bas­-Kiangsou), le Siang-sieou [湘繡], du Hounan et le King-sieou [京繡], de Pékin.

Le Sou-sieou a pratiquement dominé la même région que l'avait fait aupara­ vant le Kou-sieou en le supplantant pendant qu'il en retenait l'élégance.

Le Siang-sieou est peut-être moins brillant que le précédent. Après être dé­ roulées du cocon puis traitées, les fibres de soie se divisent en une vingtaine de fi­laments qui sont le matériau du Siang­-sieou. La fine texture et les nombreuses nuances colorées de ce style sont incom­parablement naturelles et harmonieuses, donnant à chaque œuvre une apparence aussi lustrée qu'une peinture.

Le King-sieou tient son origine des mains habiles des courtisanes palatines (du Palais impérial) qui contrairement à la croyance populaire avaient besoin d'obtenir quelque argent de poche. Leurs broderies comprenaient divers articles, du petit sachet aux rideaux et passemen­teries religieuses.

Un dragon qui émerge des brumes célestes, de Ma Liang-siuan

La broderie fut activement encoura­gée à la cour. En 1736, l'empereur Kaotsong (règne K'ien-Iong 1736-1795) créa un atelier du Palais employant hommes et femmes pour la broderie religieuse et les vêtements de cour. Courtisans et courtisanes, ainsi que les domestiques palatins, étaient somptueusement vêtus, chacun avec une marque décorative dis­tincte correspondant non seulement à son rang ou dignité mais aussi à son as­ cendance familiale. Le vêtement spécial et unique était la «robe aux neuf dra­gons» de l'empereur. Pendant l'ère de paix des empereurs Cheng-tsou, Che-tsong et Kao-tsong (règnes K'ang·hi, Yong-tcheng et K'ien-long de 1662 à 1795), la société s'était re­lativement stabilisée, ce qui favorisa l'épanouissement de la broderie. Cet art millénaire chinois ne se confina plus aux thèmes traditionnels; des points de toutes sortes furent habilement mélangés pour obtenir des effets compliqués et harmonieux. Et la broderie s'intéressa soudain à tous les aspects de la vie quoti­dienne. Le talent en broderie se définis­sait comme une rare vertu féminine dans tous les foyers.

En fin connaisseur, une vénérable cliente examine une paire de chaussons.

Sous l'empereur Siuan-tsong (règne Tao-kouang 1821-1850), le Manuel de la broderie, ou Sieou P'ou [繡譜], de Ting P'eï [丁佩] fut le premier ouvrage chi­nois jamais publié sur la broderie. Avec le (plus tardif) Manuel de la broderie de Siué-houan, ou Siué-houan Sieou-p'ou [雪宦繡譜], de (Madame) Chen Cheou [沈壽], tout le monde pouvait désormais ac­céder à une excellente explication de cet art qu'est la broderie.

Chen Cheou, après la chute des Ts'ing et la fondation de , put appliquer à la broderie chinoise des techniques de la peinture occidentale, telles que le clair-obscur ou la perspec­tive, lui ajoutant ainsi une nouvelle dimension. Surtout adepte de la figuration, Chen Cheou obtint un grand succès avec son œuvre représentant une reine italienne.
Avec l'influence croissante de la peinture occidentale sur la broderie, vers les années vingt et trente, Yang Cheou-yuh [楊守玉] annonça le style de louan-tchen-sieou [亂針繡], une broderie utilisant une texture d'empiètement à fils multidirectionnneis qui donne l'appa­rence d'une peinture à huile avec un peu de recul. En acceptant une synthèse avec les cultures «exotiques», la broderie chi­noise par son contenu a repris plus que jamais de vigueur, de richesse.

Aujourd'hui, en République de Chine à Taïwan, grâce à une plus grande utilisation du métier à broder et de la machine à coudre polyvalente, la broderie manuelle a laissé la place à celle mécani­sée bien que les traditions de la broderie se perpétuassent dans l'artisanat. Parmi les plus remarquables brodeuses à Taïwan, il faut citer Ma Liang­ siuan [馬良宣] pour son style du Hounan (Siang-sieou) de peinture-broderie; Yang Sseu-siué [楊嗣雪] et Li Hien-chou [李賢淑] pour leurs œuvres en louantchen-sieou; et Yang Sieou-tcheu [楊秀治] pour sa peinture-broderie très déli­cate faite à la machine. Leurs œuvres sont souvent très originales et créatives(5).

«Doux nid». de Li Hien-chou. selon le style de louan-tchen-sieou.

Beaucoup de brodeuses, dont la plu­part des femmes de militaires qui vinrent à Taïwan en 1949 avec les éléments de l'Armée nationale, ont depuis continué la broderie à la main traditionnelle avec pantoufles, sacs, taies, tapisseries murales pour les boutiques de borderie. L'une d'elle, de grande renommée à Taïpeh, vient de fêter ses trente années d'existence.

Il y a de nombreux admirateurs et collectionneurs d'article brodés. Les musées nationaux du Palais et d'Histoire de Taïpeh conservent chacun des trésors de la broderie chinoise de grande signifi­cation historique. Au Musée national du Palais à Taïpeh, il y a la collection de 179 pièces, comprenant bannières et rouleaux muraux de paysage (peinture­-broderie), s'étalant sur une longue pé­riode, depuis la dynastie Song (fin Xe siècle). Deux pièces remarquables des Song furent exposées en Europe et en Amérique: un faucon marbré, attaché à son perchoir par une chaîne aux fins dé­tails, brodé sur fond bleu sombre; et la bodhisattva Kouan-yin aux mille mains (déesse de ) assise sous un dais et sur un trône aux feuilles de Iotus. (Voir illustrations page 40 et couverture.)

La collection du Musée national d'Histoire de Taïpeh comprend essen­tiellement des pièces des Ts'ing, notam­ment des robes aux dragons dorés cou­sues au cordon, ainsi que des nappes et des tentures d'ornement brodées de dragons, phénix, moineaux, hérons, visages humains et paysages complets.

«Peine». de Yang Sieou-tche.

Tandis que ces broderies fines d'une coloration «simple» depuis les plus an­ciens trésors de Chine ne sont jamais fades ou insipides, celles faites avec des couleurs complexes sont particulière­ment chaudes et harmonieuses. La diversité des couleurs employée en brode­rie chinoise est littéralement merveil­leuse; ainsi, pour la seule couleur brune, il existe trente à quarante nuances. Le Manuel de broderie de Siué-houan fait la liste de 88 couleur différents qui, com­posées, donnent 745 tons nuancés.

Bien que le travail et la couleur aient toujours varié, l'autre qualité de la bro­derie chinoise reste sa particularité qui maintient toujours à l'heure actuelle une touche nationale.■

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ma Liang-siuan. une grande artiste contemporaine.

(1) symbole chinois de la fidélité conjugale.

(2) II s'agit de l'empire de Kin. Le chef Akouta [Aguda] parvint à réunir le peuple djourtchète, en chinois nu-tchen [女真], un peuple d'origine ton­gouse (on écrit aussi toungouse) qui occupait la vallée moyenne de l'Amour et celle de son afnuent Songari, dit rivière d'Or. II s'en proclama khan (em­pereur) et prit le nom dynastique de Kin (= or), du nom de la rivière. Grâce à ses forces militaires gran­dissantes, il attaqua l'empire de Liao (ou de Khitaï) qu'il détruisit avec l'aide des Chinois de Song et se retourna brusquement contre ses alliés en investis­sant P'ien-king, la capitale Song. L'empire de Song sombra deux ans plus tard dans le triste sac de p'ien­-king où la cour disparut captive en Chine du Nord. Les Djourtchètes s'emparèrent de du Nord pendant que l'empire chinois de Song se ressaisissait en Chine méridionale, de là l'appellation historique Song du Sud. L'empire djourtchète fut à son tour dé­truit par les Mongols en 1234 et les populations re­conduites dans leurs terres d'origine. Au XVIe siècle, les Djourtchètes, scindés en plusieurs hordes, reformèrent leur unité sous l'autorité d'un autre chef Nourkhatchi [Nurhači] qui en 1616 se proclama khan de Kin. En 1621, il pénétrail en Mandchourie du Sud (sous l'autorité des Ming) et s'emparait de Shenyang (Moukden) dont il fit sa capitale. Son fils Abakhaï titrait en 1635 tous les Djourtchètes de Mandchous [de manču, merveilleux] en proscrivant toutes les autres appellations et changeait le nom dy­nastique de Kin (or) en Ts'ing (pur). Les raisons en sont mal connues, est-ce pour unifier son peuple et se distinguer des autres peuples (notamment des Chinois) de l'empire grandissant, ou, selon d'autres, pour s'affranchir de toute dépendance historique et autre. II profita de graves troubles dans l'empire chi­nois de Ming pour s'y ingérer mais mourut avant d'entreprendre une expédition. Son frère Dorgon, régent de son neveu Fou-lin (empereur Che-tsou), s'empara de Pékin sur les séditieux en 1644. II pro­clama son neveu «empereur de toute » sous le même nom dynastique de Ts'ing après le suicide de l'empereur Ming, Sseu-tsong (ou Tchouang-lié ti) qui avait élé trahi pendant que les armées mand­ choues conquéraient l'empire du Milieu.

A propos du nom des Djourtchètes, il convient d'en souligner les nombreuses orthographes. Celle, francisée, de ce texte est conforme aux ouvrages français les concernant et à son origine propre [du mandchou Jurčid, (ancien) nom de ce peuple]. Le terme Nutchen (Nüchên) est le nom chinois plus courant pour lequel on trouve aussi une transcription approchante mais peu orthodoxe, Joutchen Juchên).

(3) Sou Che eslle nom vérilable de Sou Tong-p'o.

(4) Le texte original indique Changhaï. Or cette ville n'a acquis «droit de cité» qu'après le traité de Nankin en 1842. II s'agit de la ville historique de Songkiang, au sud-ouest de la grande métropole ac­tuelle, noyée dans sa banlieue.

(5)L'orthographe des noms de ces personnalité actuelles en usage à Taïwan est respectivement Ma Liang-hsuan, Yang Szu-hsueh, Li Hsien-shu et yang lIsiu-chih.

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