22/07/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Le Nouvel An chinois

01/01/1995

Les Chinois du monde entier vont faire reluire leur demeure, craquer des pétards et préparer la table des fêtes pour célébrer l'année du Cochon.

Cette année, le Nouvel An chinois tombe le 31 janvier. Ce jour-là, le cochon sera roi.

Dans l'astrologie chinoise, les douze Rameaux terrestres et les dix Troncs célestes se combinent pour démarquer les heures, les jours, les mois et les ans du calendrier lunaire chinois. Douze animaux dotés d'une grande force symbolique dans la civilisation chinoise, correspondant aux Rameaux terrestres, ont été adoptés pour représenter les différentes années lunaires en leur ser­vant de référence commode.

Parmi ces animaux du zodiaque chinois, appelés cheng-chiao [生肖], le Cochon occupe la dernière place. Les autres sont, par ordre de succession dans le cycle lunaire, le Rat, le Bœuf, le Tigre, le Lapin, le Dragon, le Serpent, le Cheval, le Bouc, le Singe, le Coq et le Chien.

Les Chinois ont deux opinions tout à fait opposées du cochon, l'animal étant à la fois un signe de pauvreté et un symbole de bonne fortune.

L'image traditionnelle du cochon a été fortement influencée par le roman de la dynastie de Ming (1368-1644), Voy­age vers l'Ouest, qui raconte les aventures d'un moine bouddhiste et ses trois dis­ciples en route vers l'Inde. Le principal personnage y est tourné en dérision : supposé être la réincarnation d'un porc, il est décrit comme sale, paresseux, laid, stupide et glouton.

La représentation négative des porcins s'exprime également dans un dicton populaire chez les paysans sous la dynastie mandchoue de Ts'ing (1644­-1911) : « La pauvreté arrive quand un porc apparaît sur le seuil de la porte. »

Comparons encore cette affirmation avec ce que dit encore le même dicton : « La richesse arrive quand un chien apparaît dans la cour, et la venue d'un chat indique une prochaine fortune, suffisante à construire une grande maison. »

Cependant, M. Chuang Po-ho, spécialiste des us et coutumes de Taiwan, explique que, dans la société moderne, le cochon est considéré comme un animal de bon augure. Il évoque ainsi de nombreuses décorations chinoises, comme le papier découpé et la broderie, qui dépeignent un porc gras tirant un sac bourré de trésors jusqu'à la porte d'une maison.

Une autre tradition taiwanaise veut que les jeunes époux qui mangent du porc au dîner nuptial soient bénis d'une nombreuse progéniture mâle.

Les Chinois croient que les natifs de l'année du Cochon sont aimables, gentils, diligents, chanceux et dévoués. Ils pensent qu'ils sont aussi capables de diriger et de faire face à l'adversité.

Selon M. Chuang Po-ho, le porc entretient avec l'homme des relations depuis des centaines de milliers d'années. A l'âge de la pierre, le sanglier était la cible favorite des chasseurs en même temps qu'une nourriture de base, souligne-t-il ainsi.

A l'époque reculée où l'homme s'abritait dans les arbres, le porc commença à être domestiqué et à servir de gardien contre les bêtes sauvages et les serpents, poursuit-il.

Dans la société agraire chinoise, l'élevage du porc était crucial dans les revenus d'une famille. Le nombre de verrats que possédait un paysan déterminait sa richesse, même si la viande de porc apparaissait rarement sur la table.

L'animal était principalement élevé pour être vendu au marché, sa viande étant alors une denrée de luxe à l'époque. Le commun qui voulait en goûter devait attendre la célébration du Nouvel An chinois ou d'autres fêtes importantes où le porc servait d'offrande, explique M. Chuang Po-ho.

Les classiques chinois ne manquent pas d'anecdotes illustrant le prix attaché au porc par les paysans. Han Feï Tseu, de Han Feï (vers 300 av. J.-C.), relate ainsi que, en partant un jour faire ses courses, une femme persuada son jeune fils, qui voulait l'accompagner, de rester à la maison en lui promettant de lui acheter un morceau de porc.

Lorsque son époux et philosophe, Tseng Chen, vit qu'à son retour, elle n'avait pas la viande promise, il courut à la porcherie pour tuer un cochon.

Etonnée, elle lui demanda : « Pourquoi es-tu si inquiet? » Il lui répliqua : « Un enfant a l'esprit pur et naïf. Si nous lui mentons, il apprendra à mentir aux autres. Alors je dois tuer un cochon. »

Dans une autre histoire, le philosophe Mencius qui, encore enfant, vivait près d'un abattoir demanda un jour à sa mère : « Pourquoi, nos voisins tuent-ils des porcs? » Celle-ci répondit en plaisantant : « Pour pouvoir te servir une soupe au porc. »

Elle réalisa immédiatement que ce pieux mensonge pouvait avoir de conséquences néfastes sur la pensée de son jeune enfant et, pour reparer les choses, elle alla chez le charcutier acheter un morceau de porc et prépara un délicieux mets pour son fils.

Les porcs ont tôt acquis leur place dans la société à Taiwan. Outre leur tra­vail aux rizières, les paysans de l'île élevaient des porcs derrière la maison, qu'ils vendaient pour se faire un peu plus d'argent ou qu'ils tuaient pour les offrandes durant les fêtes.

En fait, depuis les temps les plus anciens, le porc a été utilisé dans la société chinoise comme offrandes destinées à apaiser les esprits ou à manifester le respect des vivants pour les dieux et les ancêtres. Sous la dynastie de Tcheou (1122-221 av. J.-C.), le porc était l'un des trois animaux qui devaient être présents sur l'autel pendant les rites religieux royaux.

Aujourd'hui, à Taiwan, les commu­nautés rurales tiennent des concours pour voir qui a offert au temple le porc le plus gras lors de la célébration de l'anniversaire de l'Empereur du Ciel, le 9e jour de la nouvelle année lunaire.

Selon la croyance populaire, un verrat énorme est la plus noble offrande qu'on puisse faire aux dieux. Les paysans font ainsi un extra pour engraisser à outrance une bête avant le jour de fête. Des porcs de cérémonie pèsent parfois jusqu'à près de 600 kg, constituant des offrandes de très bon augure.

Bien que le porc ait souffert d'une mauvaise réputation dans les siècles passés, les spécialistes soulignent aujourd'hui que c'est en fait un animal actif et intelligent, qui profite à la société de multiples façons.

Utilisé comme engrais dans les champs, le purin permet ainsi des récoltes plus riches. L'animal est aussi une véritable source de protéines dans de nombreuses préparations alimen­taires. De plus, la peau sert à faire des articles de cuir et les soies à fabriquer des brosses.

En outre, on retrouve les organes du porc dans la fabrication de recons­tituants spéciaux et l'animal intervient dans certaines expériences médicales.

La recherche scientifique a décou­vert que le porc était le plus intelligent des animaux domestiques. En effet, il sait résoudre des problèmes. Par exemple, on a vu des porcs tourner le robinet pour étancher leur soif. On a entraîné des porcs à tirer des charrettes et à renifler les mines pendant la guerre.

En 1982, un couple japonais a fait la une des journaux pour avoir enseigné à un porc comment faire des acrobaties, telles que sauter à travers des cerceaux et faire des tours de balle. On a même vu des porcs danser.

Mais à Taiwan, l'élevage de porcs n'est pas seulement un loisir. C'est devenu une industrie, l'ancienne activité accessoire des fermes ayant été complètement modernisée et automatisée.

Selon l'institut de recherches du Porc de Taiwan, la plupart des revenus des exploitations porcines proviennent de l'exportation de verrats vivants et de viande de porc au Japon, aux Philip­pines, en France, à Hongkong et aux Pays-Bas. En 1993, les exportations de porcs de Taiwan se sont élevées à 283 000 tonnes, les troisièmes du monde.

Un rôle important, pour un animal parfois mal compris.

Diana Lin

(V.F., Jean de Sandt)

Aimables crédits photographiques de la commission d'Etat de la Culture.

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