18/07/2025

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Fuli : de fameuses rizières

01/06/2005
Les rizières de Fuli. Un patchwork de couleurs.
C'est dans la partie la plus étroite de la vallée de Huatung, dans le district de Hualien, au cœur de ce mince corridor de terres fertiles coincé entre les imposants massifs montagneux du Centre et de la côte Est, dont certains sommets atteignent jusqu'à 3 000 m d'altitude, que s'étalent les 13 villages de la commune de Fuli. Inutile de dire qu'ici le rôle des montagnes et des rivières est central.

Eaux célestes
La côte est de Taiwan est caractérisée par un relief extrêmement plissé, héritage de la rencontre des plaques Eurasienne et de la mer des Philippines. Au fur et à mesure que les montagnes s'élevaient, des rivières, alimentées par l'eau des versants, se formèrent, créant un lieu propice à l'installation de l'homme. Ce furent d'abord les aborigènes Ami et Puyuma qui occupèrent les lieux. Sous la dynastie Qing, n'y vivaient pas plus de 2 000 personnes et la présence de Chinois han y était exceptionnelle. Les Japonais organisèrent ensuite dans cette région une immigration soigneusement planifiée pour des raisons de développement agricole et de sécurité.

Militaires et commerçants japonais commencèrent donc à s'y établir, les premiers envoyés en mission, les seconds attirés par la richesse du sol et par un environnement particulièrement approprié à l'agriculture. La région connut un essor spectaculaire auquel la construction d'un réseau de transport moderne contribua largement. Au début du siècle, cinq lignes de chemins de fer à écartement étroit étaient prévues. En 1926, après moult aménagements et retards, la ligne Huatung fut enfin opérationnelle. Ce fut le vecteur d'une importante immigration, les immigrants devenant au bout de quelques années plus nombreux que les aborigènes, au grand soulagement des Japonais qui entretenaient des relations très difficiles avec ces derniers. Cette ligne fonctionna en l'état pendant 56 ans jusqu'à ce qu'elle soit rénovée par l'administration du Rail de Taiwan dans les années 80. La ligne ferroviaire et la Route provinciale 9 restent, pour les habitants de Fuli, les deux seuls liens avec l'extérieur. La commune compte d'ailleurs trois gares : Tungli, Tungchu et Fuli.

Dans les annés 50, une coopérative agricole fut créée pour assurer une activité aux militaires à la retraite. La dernière grosse vague de migrants dans la région remonte aux années qui suivirent les inondations historiques du 7 août 1959. De nombreux paysans de la côte ouest perdirent leurs terres et se réfugièrent dans les montagnes. Ceux qui arrivèrent à Fuli étaient pour la plupart originaires de la commune de Hsilo, dans le dis trict de Yunlin. Ils s'établirent sur le mont Liushihtan, seul espace cultivable encore disponible.

Fuli : de fameuses rizières

La rue principale de la petite ville.

Rythme monacal
A la tombée de la nuit, le village devient silencieux. Dès 19 h, seule l'épicerie-pharmacie du Banian est encore ouverte. Passé 20 h, c'est l'extinction des feux, car le lendemain c'est une nouvelle journée de labeur qui attend les habitants de Fuli. Difficile d'imaginer qu'auparavant le village était animé jusqu'à 22 h, comme en témoigne le cinéma Jueiwutan, fermé depuis presque 20 ans ! Pour le maire Teng Kuo-hsiang [鄧國祥], l'absence de vie nocturne est un problème majeur. Les touristes s'en plaignent. Quant au manque d'opportunités d'emploi, il n'incite pas les jeunes à rester sur place. Du coup, il est presque impossible d'y maintenir un commerce rentable, ce qui n'encourage pas l'initiative ; un cercle vicieux difficile à briser. Dans les années 60, la commune abritait 30 000 âmes. A cette époque, il y eut jusqu'à cinq cinémas en activité. Depuis, la population n'a cessé de décroître, se stabilisant aujourd'hui autour de 12 000 personnes.

Les trois joyaux
A l'approche du Nouvel An chinois, les champs de colza en fleur, que l'on peut admirer dans toute leur splendeur mi-janvier, ne forment plus maintenant que des taches jaunes au milieu des 2 500 ha de rizières couvertes de pousses vertes. En effet, depuis quelques années, le riz de Fuli, récolté deux fois dans l'année, a vu son cours grimper jusqu'à 1 400 dollars taiwanais par sac de 60 kg. Un chiffre qui, comme le fait remarquer Hsu Yi-ming [徐意鳴], directeur de l'Association des agriculteurs de Fuli, est bien supérieur à la moyenne taiwanaise.

Ici, les deux principaux éléments sont l'eau et les montagnes. Que ce soit la Pieh ou la Chiu-an qui descend directement des sommets de la région de Loshan pour rejoindre en amont la Hsiukuluan, ces rivières apportent en abondance à la commune une eau bénie des dieux qui sert tant à l'irrigation qu'à l'usage quotidien.

Ces dernières années, la situation de Fuli s'est beaucoup améliorée. Dans le domaine agricole, les « trois joyaux » de la région - le riz, les lis et les champignons - ont acquis une réputation incontestée dans l'île. Mais aussi sur le plan touristique, puisque plus de 300 000 visiteurs viennent chaque année admirer les champs de colza en fleur, la magnifique vallée de Hsiaotienhsiang, les cascades, les geysers de boue de Loshan et se baigner dans les sources thermales d'Antung.

Auparavant, à Fuli, on disait que les plus talentueux partaient, tandis que restaient ceux qui avaient le sens de la famille. Chang Chi-chao [張智超] regarde ce qui se passe aujourd'hui avec optimisme : c'est peut-être l'occasion pour les jeunes d'imaginer enfin un avenir au pays. Quoi qu'il en soit, le riz reste ici au cœur de la vie.

Fuli : de fameuses rizières

Fuli, entre champs de colza et rizières.

Quand le bio entre en scène
Ces dernières années, afin de mettre en valeur l'emplacement unique de Fuli, de nombreux festivals ont fait leur apparition, comme celui du Lis au mont Liushihtan ou celui des Fleurs de colza, à chaque début de printemps. Pour ce dernier, le ministère de l'Agriculture a distribué des graines de colza aux habitants de la région. Au départ, les villages voisins se sont moqués de l'initative mais maintenant ils s'y sont associés et, au moment des récoltes, toute la vallée rayonne d'un jaune éclatant.

Beaucoup espèrent que le nouvel essor touristique autour du mont Liushihtan aura des retombées positives sur l'économie locale. Le ministère des Transports et des Communications a prévu d'investir 1,3 milliard de dollars taiwanais dans la construction d'un téléphérique qui serait a priori un atout touristique non négligeable. Un appel d'offres a été lancé et, au cas où il échouerait, le ministère s'engage, en ultime ressort, à prendre complètement à sa charge la construction. Certains groupes écologistes s'inquiètent un peu de la répercussion de ce projet sur l'environnement, tandis que les habitants semblent, eux, impatients de le voir aboutir.

Le village de Loshan, près du mont Liushihtan, en est séparé par un cours d'eau. Entouré sur trois côtés par les montagnes, il a accès à une source. Cet emplacement idéal a non seulement permis de pratiquer des méthodes d'agriculture biologique, mais il positionne aussi le village au centre du projet de développement de la commune de Fuli.

Loshan a, il y a quelques années, été choisi dans le cadre d'un projet pilote de renouveau agricole national pour être doté de nouvelles infrastructures telles qu'un système d'égouts, ainsi que l'enterrement des câbles électriques et téléphoniques.

Au même moment, on mettait en place le premier projet de Village biologique à Fuli. Pour cela, il a fallu encourager les agriculteurs à utiliser des engrais biologiques pour rééquilibrer les sols. Il s'agit d'un processus qui s'est échelonné sur ces dix dernières années. Afin de promouvoir ce type d'agriculture, les pouvoirs publics ont instauré un système de garantie des prix. Alors, petit à petit, les agriculteurs ont adhéré à ce nouveau mode de culture.

A la coopérative de Loshan, on inspecte le riz, et on sélectionne les grains qui pourront obtenir les labels « Riz de Fuli » et « Ag riculture biologique ». Il y a un an, le riz de Fuli a fait son entrée sur le marché japonais, et cette année, la récolte devrait atteindre 208 t. Quant au Village biologique de Loshan, son inauguration est programmée pour 2007. On y produira du riz et des fruits, le tout biologique évidemment !

Fuli : de fameuses rizières

Les grains de riz sont triés, empaquetés, avant d'être servis, par exemple, dans une boîte-repas.

Harmonie communautaire
Les cours d'écoles résonnent de voix aux multiples accents. Ici, de nombreuses communautés ethniques vivent ensemble sans aucun problème. « Les enfants issus de milieux culturels différents sont habitués dès leur plus jeune âge à se côtoyer. Ici, se moquer de « l'autre » est pratique courante mais l'intention n'est jamais discriminatoire, affirme Lin, professeur à Fuli depuis un an. Actuellement, la population est composée de Hoklo, majoritaires, de Hakka, d'aborigènes et de Chinois issus d'une immigration plus récente. »

Un paysage magnifique et serein, une eau excellente, tels sont les atouts de Fuli qui depuis 160 ans a vu défiler des générations de migrants. Aujourd'hui, les habitants sont fiers de leur commune et de ce qu'ils y ont bâti.

Fuli : de fameuses rizières


Le riz de Fuli à la conquê du marché japonais

Fin 2004, 200 agriculteurs de la commune de Fuli, dans le district de Hualien, se sont rendus au port de Kaohsiung pour y voir le fruit de leur labeur prendre le large pour le Japon. Dix-huit tonnes, c'est peu mais c'est aussi beaucoup, car c'était la première fois en 33 ans que du riz taiwanais était autorisé à être commercialisé dans l'archipel nippon. Fuli produit un riz excel lent qui pousse dans un environnement idéal. Longtemps pourtant, la compétition avec la commune voisine de Chihshang, dans le district de Taitung, dont la réputation en matière de riziculture n'est plus à faire, a été féroce. En effet, qui, à Taiwan, ne connaît pas les boîtes-repas Chihshang dont des générations de Taiwanais se sont régalées ? Mais, aujourd'hui, Fuli prend sa revanche : son riz vient de faire son entrée au Japon !

Chang Chih-chao [張智超], ancien responsable de l'Association des agriculteurs de Fuli, est indigné par la discrimination à laquelle le riz taiwanais fait face. En effet, celui-ci doit passer par 127 tests de contrôle de qualité avant d'être accepté à l'import au Japon, contre 70 pour un riz américain ou australien. Toutefois, il se réjouit de cette introduction sur un marché nippon connu pour être très sélectif sur la qualité mais aussi pour ses prix élevés.

Lorsqu'en 2000, Chang Chih-chao a participé pour la première fois au Salon alimentaire d'Hokkaido, au Japon, les coopératives agricoles des villages voisins se sont moquées de son audace. Fort d'une décennie de pratique de l'agriculture biologique, il passa outre et continua d'envoyer des échantillons de sa production de salon en salon. Hsu Yi-ming [徐意鳴], l'actuel président de l'association, nous confie que les Japonais n'avaient aucun doute sur l'excellente qualité du riz, qui restait tout de même un cran en dessous du leur à cause des variations qui subsistaient dans la couleur et la forme du grain.

Heureusement, ce problème là est maintenant réglé. Le riz est trié par trois fois de façon mécanique. Une fois empaqueté, la qualité est homogène. Fuli a déjà exporté 108 t de riz au Japon (18 en décembre 2004, puis 90 en janvier 2005). Pour l'ensemble de l'année en cours, ce sont 208 t qu'il est prévu d'exporter vers l'archipel nippon. Et c'est seulement un début, les agriculteurs espérant que cette coopération sera longue et fructueuse. D'ailleurs, en janvier, une délégation japonaise s'est rendue à Fuli pour une inspection en bonne et due forme.

Bien qu'ils se soient beaucoup investis pour promouvoir leur riz à l'exportation, les agriculteurs de Fuli n'en ont pas pour autant négligé le marché intérieur national. Ils ont l'ambition d'y occuper une place importante, développant une technologie et des services afin d'y parvenir. Ils ont même signé un contrat avec une chaîne de télé-achat !

Contrairement aux riches rizières de l'ouest taiwanais, Fuli est située dans l'étroite vallée de Huatung et ne bénéficie donc pas d'autant d'heures d'ensoleillement. Il faut compter 140 jours pour qu'une récolte arrive à maturation contre 90 jours dans les districts de Chiayi et de Tainan. Heureusement, grâce à ses avantages naturels, à l'absence de pollution et de pesticides, à de bonnes méthodes agricoles et à l'utilisation exclusive de la variété Kaohsiung 139, Fuli a pu développer un riz d'excellente qualité.

Pour la production de riz biologique, l'Association des agriculteurs de Fuli assure à ses membres un cours supérieur aux 1 260 dollars taiwanais par sac de 60 kg garanti par les autorités. Cela encourage les agriculteurs à se tourner vers ce type d'agriculture et à travailler plus étroitement avec la coopérative pour l'amélioration de la qualité.

Avant l'entrée de Taiwan à l'Organisation mondiale du com merce (OMC), le gouvernement avait décidé de mettre la commune de Fuli en jachère, mais les agriculteurs n'ont pas abandonné leur combat, et actuellement, la hausse des prix leur donne raison. Chien Ming-chih [簡明志], agriculteur âgé de 60 ans, nous confie qu'au Japon, un riz de très bonne qualité peut se vendre jusqu'à cinq fois plus cher qu'un riz ordinaire, il faut donc con tinuer à travailler dur dans cette direction et sortir du lot. ■

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