18/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Un engagement de haut vol

01/07/1987

L'enlèvement de cerf-volant

« Un jour de février de cette année, un cerf-volant chinois coloré d’étoiles volait dans le ciel de Paris près de comme un acr-en-ciel, il s’accrochait tranquillement dans les airs en admirant la beauté de  ; plus loin, comme un petit dragon, il voletait vivement autour du monument métallique en applaudissant la stature magnifique de la plus célèbre  tour du monde... » rappelle lentement M. Hsieh Kin-kan, plongé dans des souvenirs inoubliables. Voliste de grand talent, il est président de l’Association des volistes de de Chine.  

Ce dragon dans les airs exige équilibre et flexibilité.

En Chine, il existe deux versions de l'invention du cerf-volant. La première est le chapeau de bambou d'un paysan incidemment enlevé par le vent; la se­conde est une feuille s'échappant d'une toile d'araignée et s'envolant au gré du vent. Depuis, le cerf-volant a une longue histoire.

En Europe, les Grecs ont longtemps revendiqué la paternité du cerf-volant. Un certain Archytas l'a inventé (ou mieux introduit) au Ve siècle avant l'ère chrétienne, mais il est évident que les peuples d'Asie, Perses, Indiens, Malais et Chinois, le connaissaient déjà bien avant cette époque.

Son invention est assurément bien antérieure, comme le prouve son utilisation dans les rites religieux du monde chinois. Ainsi, en Chine antique, on fai­sait souvent flotter la nuit des cerfs­ volants de couleur déterminée au-dessus des habitations pour écarter les esprits malins. Parallèlement, on leur donnait une signification métaphysique lors d'un enlèvement réussi d'une offrande au ciel.

Au cours de cette même période, lors de campagnes militaires, le cerf­-volant fut souvent un moyen tactique des troupes, sémaphore, fanal, poste d'observation, et aussi moyen de trans­port léger pour l'établissement de tête de pont lors de traversée de fleuves, de lacs ou d'étendues d'eau. Les Coréens et les Japonais, à l'imitation des Chinois, lui ajoutaient une lanterne pour servir de fanal aux troupes la nuit.

Dans le domaine des sciences, le cerf-volant servit à la démonstration de l'électricité dans l'air. Au moyen d'un cerf-volant métallique enlévé par un temps d'orage, Benjamin Franklin (1706-1790) découvrit en 1752 aux Etats-Unis la nature électrique de la foudre. Cette démonstration lui permit d'inventer le parafoudre, plus communé­ment appelé paratonnerre.

Le premier usage militaire du cerf­-volant semble se situer lors de la guerre entre le Han et le Tch'ou. Peu avant que l'empereur Kao-tsou, de la dynastie (de) Han* (206 avant J.-C. - 220 après J.-C.), ne monte sur le trône, Han Sin, son général qui l'aida à s'établir sur le trône impérial fit confectionner de grands cerfs-volants munis d'un sifflet et de cordes en vue de donner l'assaut contre les troupes de Hiang Yu, l'autre rival prétendant au trône de Ts'in, cam­pant à Kaï-hia. Ce lieu fut aisément em­porté la nuit grâce au sifflement aigu et terrible de ces petits aérostats en vol qui étaient invisibles du camp ennemi. A l'assaut final, les soldats de Han Sin chantaient en même temps des chansons du pays de Tch'ou. Tout ce vacarme des sifflements et d'un fond mélodieux mêlant la surprise et la peur dans les rangs des troupes de Hiang Yu provoqua leur débandade dans l'obscurité. Grâce aux cerfs-volants siffleurs, les troupes de Han Sin remportèrent une victoire écla­tante et décisive.

Beaucoup plus tard, on note encore l'utilisation du cerf-volant à des fins mili­taires. L'empereur Wou ti (502-549), de la dynastie (de) Liang, fut assiégé dans sa capitale sans plus aucune issue de se­cours. Pendant la fureur des combats aux remparts de la ville, il fit confection­ner un peu hâtivement un grand cerf­-volant pour tenter une sortie. Cet «engin» put s'enlever dans les airs mais les brides fixées à terre n'en permirent pas le vol. Ces attaches furent contraires au tirant de l'air, et ce grand cerf-volant humain alla s'écraser un peu plus loin chez les ennemis. Malgré cet échec, c'est surtout la première tentative d'échappée par voie aérienne.

 

 

 

 

 

M. Hsieh Kin-kan et ses amis volistes européens après une grande partie.

L'enlèvement d'un cerf-volant était en Chine une récréation populaire pour les paysans pendant leurs temps de loisir. Comme plusieurs volistes faisaient enlever leurs cerfs-volants en même temps dans le ciel, les brides de cerf­ volant s'emmêlaient fréquemment les unes et les autres, ce qui provoquaient des disputes. Celui qui avait aucune raison valable devait, en général, s'excu­ser et donner en compensation un spec­tacle pour divertir les autres. La récréa­tion augmentant en participants et en spectateurs, ce fut le tour du village tout entier qui engageait la bataille du cerf­-volant contre le village voisin. Le voliste dont le cerf-volant était tombé le premier devait de la même façon un spectacle de divertissement aux gens du village voisin. C'est pourquoi, les volistes d'un même village faisaient tous leurs efforts pour améliorer ensemble la forme et la structure de leurs cerfs-volants afin de surpasser les villageois rivaux. Ils consi­déraient que le triomphe de cette «guerre» du cerf-volant leur apportait un grand honneur.

Ces mêmes coutumes existaient éga­lement à Taïwan parmi les paysans chi­nois sous l'occupation japonaise (1895-1945). Mais elles furent dracon­niennement interdites par les autorités occupantes dès l'ouverture des hostilités entre de Chine et le Japon.

Après la guerre et la rétrocession de Taïwan à de Chine, malgré la reprise de ces jeux, le cerf­-volant n'a plus jamais eu l'importance d'avant. La nouvelle direction de la so­ciété et la limitation de l'espace l'avaient complètement laissé aux mains des en­fants jusqu'à ce que le gouverneur de la province de Taïwan, M. Hsieh Tung-min (vice-président de de Chine de 1978 à 1984), préconisât et promût ce jeu traditionnel chinois, l'en­lèvement du cerf-volant recommença à devenir à la mode grâce aux aides du mi­nistère de l'Education et de l'Office de Tourisme.

En chinois, fong-tcheng [ 風箏 ] est le nom courant du cerf-volant. Il doit son nom pour être muni d'un sifflet que le vent faisait entendre, tel que le décrivent les anciens ouvrages chinois. L'appellation littérale du cerf-volant est de pou­voir s'entendre comme un luth (tcheng) dans le vent (fang). Mais qu'en est-il des cerfs-volants «silencieux»? Ils sont alors appelés tche-yuan [ 紙鳶 ], le milan en papier. Sa forme et son piqué en tombant le faisait ressembler à ce rapace. Les peuples européens l'ont aussi comparé et dénommé assez diversement. Au­ jourd'hui, le cerf-volant est indifférem­ment appelé des deux noms en chinois.

 

 

 

 

Dans son atelier, à la recherche du plus ingénieux et du plus spectaculaire.

La fabrication d'un cerf-volant est assez minutieuse et demande quelque patience. Etant avant tout destiné au vol, il doit se conformer par la forme et le matériau aux lois de la sustentation dans l'air. La forme, le matériau léger (papier, tissu ou plastique), le fuselage, l'équilibre et la flexibilité de la voilure sont impératifs pour la confection d'un cerf-volant. Son «ingénieur» pourra faci­lement en fabriquer un, selon la méthode traditionnelle chinoise en suivant un ordre pour traitement des pièces à éla­borer : la forme et le choix des maté­riaux, une voilure légére fixée à un corps nuide dans l'air, en l'occurence le bambou. Une attention particulière est donnée à la déchirure, la souplesse des différentes pièces de bambou, le chauf­fage de la charpente, le montage du fuse­lage et de la voilure et enfin la décoration et l'attache des fils et cordons. Il faut bien souvent se creuser la tête pour trouver le point plus ingénieux et rendre un cerf-volant plus spectaculaire dans les airs. « C'est justement tout l'art de la con­fection d'un cerf-volant qui est favorable à sa popularisation », dit avec sourire M. Hsieh Kin-kan.

C'est toujours une expérience ma­gnifique qui se produit lors de l'enlève­ment d'un cerf-volant. A son âge, cela rappelle souvent des souvenirs d'en­fance. Ce jeu dans la nature donne notamment une certaine satisfaction quand on regarde un cerf-volant confectionné par soi-même qui vole bien haut dans le ciel bleu au gré du vent. « Quelle joie de contempler une telle scène au grand vent sous un ciel immaculé, un fil à la main et les yeux tournés au flottement d'un cerf-volant fait de ses mains dans les airs. On a un sen­timent non seulement de plaisir et de fierté de pouvoir dompter des lois de la nature, mais aussi de passer dans un monde serein et tranquille qui se renouvelle sans cesse », dit âvec amusement M. Hsieh Kin-kan.

M. Hsieh Kin-kan a consacré tous ses efforts au développement du cerf-volant à Taïwan. Depuis l'enfance, il joue au cerf-volant. Aujourd'hui à 63 ans, il a dépassé la fascination au point d'en oublier la fatigue. Le premier Tournoi international d'enlèvement de cerf-volant de 1985 qu'il a organisé à Taïpei a attiré beaucoup de volistes venus de différents pays. Cela l'a bien étonné et surtout l'a encouragé dans la promotion de cette coutume tradition­nelle chinoise à l'étranger lors d'un voyage d'affaires. Il fit une tournée en Europe au mois de février 1987 en visitant , l'Allemagne de l'Ouest, , les Pays-Bas et l'Espagne. Il fut chaleureusement accueilli par les volistes européens qui ont ap­plaudi dans le cerf-volant chinois la déco­ration, l'ingéniosité, la finesse, ainsi que la forme et la technique d'enlèvement. Ils ont tous exprimé l'espoir de participer au prochain Tournoi international de Taïpei. Quant à lui, M. Hsieh Kin-kan, lors de ce voyage, a emporté un grand succès, en plus des amitiés des volistes européens. Il a aussi réussi à comprendre les concepts de l'extérieur en ce domaine et en particulier a redonné un élan à l'ac­tivité récréative qu'est l'enlèvement de cerf-volant. « Je ne suis pas allé en vain cette fois-ci! » sourit-il.

« ... Détendu comme un arc-en-ciel qui applaudit la texture magnignifique de la tour ... »

L'Association des volistes de ­publique de Chine fut créée en 1984 par quelques-uns d'entre eux. Après trois ans de présidence, M. Hsieh Kin-kan juge le succès assez limité. « Actuelle­ment, du fait de certaines contraintes, les facteurs météorologiques et d'emplacement convenable pour l'enlèvement, par exemple, nous posent un problème. C'est pourquoi, le développement et la popularisation du cerf­-volant ont quelque difficulté à s'épanouir », se plaint M. Hsieh Kin-kan. Mais il n'abandonne pas pour autant ses efforts initiaux et déploie toute son énergie à l'enseignement de la confection de cerf­-volant. La plupart de ses élèves sont des enfants à qui il souhaite offrir le plaisir permanent de pouvoir fabriquer leur propre cerf-volant. C'est une base solide à la popularisation du cerf-volant. Dans le même temps, pour surmonter la limi­tation du temps et de l'espace, après plu­sieurs essais, il a créé un mini-cerf-volant qu'on peut faire enlever dans une salle bien aérée, tout en évitant le problème de la pluie. Et il a gratuitement fourni des mini-cerfs-volants aux écoliers. Ces mini-aérostats furent à l'occasion montrés aux volistes européens pendant sa tournée en Europe. Ceux-ci lui de­mandèrent de bien vouloir leur rédiger la méthode de fabrication en langue européenne.

En pespective, « l'enlèvement du cerf­-volant est un engagement agréable pour les hommes et les femmes de tout âge. Il  permet d'affermir le caractère et d'équilibrer la vie monotone de tous les jours. Si la créa­tion et la qualité peuvent toujours répondre à la demande, le cerf-volant se développera sûrement, et même du point de vue commer­cial », ajoute impertubablement le prési­dent de l'Association.

 

 

* Malgré l'homonymie de transcription, le nom de la dynastie (de) Han n'a aucune relation avec le général Han Sin qui contribua à sa fondation. Han (dy­nastie) est le nom du fief de Lieou Pang qui disputa le trône à Hiang Yu, prince (seigneur) de Tch'ou.

 

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