13/12/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La tribu Lukai entre la tradition et la vie moderne

02/01/1984

Des enfants Lukai étonnés.

L'une des neuf tribus aborigènes de Taïwan, la tribu Lukai, se regroupe à l'extrême sud et au sud-est de la chaîne centrale de l'île. Bien que le nombre de ses habitants ne dépasse pas 5 000, elle est divisée en 26 clans dis­persés dans les districts de Pintung et Kaohsiung. Les six hameaux du village de Wutai - dans la région montagneuse de l'est de Pingtung - constituent sans doute le principal lieu de réunion de la tribu.

Grâce à sa situation géographique, le village de Wutai jouit d'un climat agréable tout au long de l'année, ce qui l'a fait surnommer " de For­mose" par référence au célèbre site tou­ristique des Philippines.

Les quelque 200 familles de Wutai sont divisées en trois groupes. En géné­ral, les nobles et les chefs se regroupent dans la partie inférieure du village. Leurs demeures, anciennes ou modernes, sont relativement spacieuses et comprennent - comme mobilier le plus luxueux ­ des céramiques, des porcelaines et des urnes léguées par les ancêtres. Les vête­ments traditionnels pleins de couleur font partie de ces trésors et aujourd'hui encore, il n'est pas rare d'apercevoir une femme assise derrière une fenêtre enfi­lant des perles multicolores ou brodant des vêtements à la façon ancienne. Une grande cour aménagée de tables et de chaises taillées dans des blocs de pierre, occupe le devant de la maison d'un noble.

Pendant les vingt minutes que dure le trajet en charrette depuis le bas de Wutai, on peut admirer une douzaine de maisons bâties le long du sentier de mon­tagne. La partie haute de Wutai forme un angle droit. De nombreuses maisons, un poste de police, des bureaux administra­tifs et une école primaire s'agglomèrent au sommet de la colline.

Wutai est connue pour ses réserves de pierres à bâtir, en majorité de grands blocs durs comme le marbre. Les villa­ geois utilisent ces matériaux pour cons­truire maisons, tables, chaises, lits, cours ... et même pour paver les routes. Ce n'est pas sans raison que Wutai a été nommée le village des blocs de pierre.

Le concours de balançoire.

La tribu Lukai croit que ses chefs sont les descendants d'un serpent de "cent pas". La légende veut que dans le lointain passé de Wutai, rares étaient ceux qui se rendaient dans les régions montagneuses reculées, entourées de mystère. Les gens des environs croyaient qu'elles étaient le lieu de rési­dence d'êtres immortels. D'après la tra­dition; une jeune femme tomba amou­reuse d'un beau jeune homme qui vivait près du lac des Fantasmes. Il était fort et sage comme un dieu. Mais, aux yeux des étrangers, il n'était autre que le serpent de "cent pas". Un jour, alors que le couple dérivait jusqu'au milieu du lac, deux cygnes glissèrent tranquillement sur l'eau et depuis jamais on n'entendit plus parler des deux amoureux. La lé­gende ajoute que leurs enfants furent re­connus plus tard comme les chefs des Lukai. Dès lors, le serpent de "cent pas" devint le symbole des chefs et seuls ces derniers ont le privilège de décorer de son image leurs vêtements, leurs outils et leurs demeures.

Les aborigènes de Lukai sont très ha­biles à tailler la pierre et à travailler le fer. Les figurines sculptées dans le bois, les têtes humaines et les modèles de ser­pents et de cerfs caractérisent la force pri­mitive. La vie de la tribu Lukai est pai­sible et riche; maïs, patates douces, millet et autres céréales constituent la base de leur alimentation. La source de revenu principale des villageois provient de la récolte des paulownia.

Au cours des dernières années, le gouvernement a consacré de nombreux efforts à l'amélioration des conditions de vie des tribus aborigènes de Taïwan. Il a notamment contribué à la promotion du tourisme qui est un apport financier non négligeable. Chaque hameau de Wutai possède maintenant de petites épiceries et des restaurants où les touristes trou­vent articles d'artisanat et spécialités culinaires. Un petit hôtel de six chambres peut héberger une dizaine de touristes. Ceux-ci se déplacent à bicyclette et peu­vent ainsi se reposer des tensions cita­dines et apprécier le style de vie des abo­rigènes. Des six hameaux de Wutai, Haocha, beaucoup plus difficile d'accès, est celui qui a été le moins affecté par la civilisation moderne. L'un des centres d'activités de Haocha est décoré de sta­tues, de dieux, de figures masculines et féminines et de tablettes couvertes d'ins­criptions. C'était autrefois un lieu litur­gique et un centre éducatif.

Les sculptures Lukai, une tradition vivante.

Ce qui distingue le plus les Lukai des autres aborigènes, c'est leur passion pour les montagnes escarpées, véritables bastions de leurs activités. Plus la mon­tagne est élevée, plus ils se sentent en sé­curité. Ils vivent à l'écart dans les zones montagneuses reculées où il faut de 5 à 24 heures pour atteindre les villages voi­sins. Tous les cinq ans, une grande céré­monie religieuse, pour demander une ré­colte abondante, a lieu dans le village de Wutai. Parents et amis renouent leurs liens au cours de cette fête qui dure deux jours entre la récolte d'automne et les se­ mailles de printemps. L'an dernier, jeux et rencontres sportives étaient au pro­gramme des activités de la fête.

A l'aube du 24 août, les habitants Lukai quittèrent Wutai en voitures, chars à boeufs, motos et bicyclettes. Leurs amphitryons, jeunes et vieux, se lèverent tôt pour nettoyer les habitations, les cours et surtout le stade de l'école primaire de Wutai, centre princi­pal des activités du festival. Ils dressèrent des pavillons en bambou tout autour du terrain de jeux pour que les représentants du village puissent s'y reposer. Des effi­gies du serpent des "cent pas" et du dieu du soleil furent apposées sur les stands, donnant à l'ensemble un air primitif et mystérieux.

Les vêtements traditionnels dont les Lukai s'étaient parés pour l'occasion in­diquaient l'identité de la tribu et le statut social de ceux qui les portaient. Les cos­tumes brodés de motifs de serpents sont ceux des chefs, alors que les vêtements de calicot que portent les jeunes signi­fient qu'ils sont encore célibataires. Les différentes fleurs dont les jeunes filles ornent leur chevelure ont chacune une signification. Les hommes parés de plumes d'oiseaux dans les cheveux de­vaient faire preuve de leur résistance dans le marathon, et ils occupaient tous de hautes fonctions dans l'organisation du village. Les hommes de la tribu sont tenus de chasser. Ils utilisent les dents et la peau de leurs gibiers comme parures pour la chevelure.

Un archer démontrant son adresse.

A neuf heures du matin, après la cé­rémonie d'inauguration, les jeunes Lukai formèrent un cercle, allumèrent leurs torches, puis se mirent à chanter et à danser. Vint ensuite le grand moment de la fête, le concours de balançoire. L'é­chafaudage forme un trépied gigantesque en cannes de bambou et en osier, les an­neaux d'acier et les clous étant interdits. Le trépied, qui mesure 13 mètres de haut, est monté par les membres du vil­lage. A chacun de ses craquements, on sent de grands frissons dans le public. Mais aucun accident n'est jamais arrivé.

Des perches sont suspendues au sommet de l'échafaudage pour les con­currents, qui prennent place debout, à trois mètres et demi du sol. Les enfants ne sont pas admis au concours. Chaque équipe est composée d'un homme et d'une femme. La jeune fille se tient debout sur le balancier pendant que son compagnon le met en mouvement en tirant sur une corde. Les juges sont préci­sément les parents des participants et la courtoisie règne toujours: c'est un privi­lège pour le jeune homme que d'aider sa partenaire à descendre du balancier. Quand le maître de cérémonie annonce le début de la compétition, toutes les acti­vités cessent et la foule se presse pour as­ sister à cet événement exceptionnel. Les meilleurs concurrents sont les jeunes de vingt ans à peine revenus du service mili­taire et bien entraînés.

Les membres de la tribu Lukai sont fiers de leur adresse au tir à l'arc et chaque village envoie plusieurs de ses meilleurs archers participer à la fête. Ils se servent d'arcs et de flèches artisanaux. La cible représente un cerf placé à cin­quante mètres de distance. Une flèche dans le cou de la bête rapporte cent points, une dans le ventre quatre­ vingt-dix et dans la partie postérieure de l'animal cinquante. Le chef Tu Kuo-fu remarqua qu'en suivant un entraînement professionnel, les jeunes Lukai auraient de grandes possibilités dans le concours national de tir à l'arc.

La coutume veut, chez les Lukai, que l'on respecte les femmes. Lorsqu'ils suivent un chemin qui longe un préci­pice, par exemple, le mari doit soutenir sa compagne le long du parcours dange­reux. Dans des cas extrêmes, il peut abandonner ses enfants, mais jamais son épouse. Cela ne signifie pas cependant que les femmes Lukai soient fragiles. Elles portent sur la tête des jarres d'eau de vingt kilos pendant une course rapide de cinquante mètres. Elles sont aussi fortes que les femmes du Moyen-Orient, capables de porter le berceau de leur enfant sur la tête tout en gravissant une montagne.

Il faut aussi noter que tous les partici­pants de la fête Lukai se portèrent volon­taires pour les différentes compétitions. Leur respect des décisions du jury leur valurent beaucoup d’éloge.

Les jeunes Lukai, diplômés de l'école secondaire, peuvent maintenant se permettre d'équiper leurs maisons d'appareils électriques comme la télévi­sion ou le réfrigérateur. Certains étaient même armés d'appareils photo et de mini-cassettes tout en participant aux jeux. Si le revenu familial des Lukai reste encore inférieur à celui des familles des villes et des campagnes de Taïwan, il ne semble pas qu'ils attachent une grande importance aux biens matériels. Ils veulent plutôt mener une vie paisible sans s'éloigner des traditions anciennes de la tribu ■

 

 

 

 

 

 

 

 

Les coureurs de marathon entament une course qui pourrait les mener à la gloire.

Détail d’un vêtement.

Les jeunes Lukai en habits de fête.

Les maisons du clan dans les montagnes.

Une vieille femme en habit traditionnel.

Le toit et la cour sont recouverts de dalles.

Mur de pierre d'une maison Lukai.

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