En plus de pratiquer régulièrement une activité physique pour se maintenir en forme, Kristina Yu a commencé à s’intéresser, il y a 5 ans, à différents soins esthétiques auprès des centres de beauté de son quartier. Elle voulait améliorer les traits de son visage. Au début, elle a souhaité se faire retirer ses tâches de rousseur au moyen d’une thérapie au laser. Le résultat a été très satisfaisant selon elle. Elle a ensuite essayé un traitement au Thermacool, ce qui a permis de renforcer la fermeté de sa peau, et depuis, elle effectue une visite tous les trois mois au centre de beauté pour des traitements à la lumière pulsée intense (IPL), une technique utilisée pour traiter les signes du vieillissement. Et en plus, elle suit d’autres traitements cosmétiques. « Je suis toujours en train de travailler, et quand ce n’est pas le cas, je suis à la maison occupée par les tâches ménagères. J’ai aussi la flemme d’utiliser les produits de maquillage et pour avoir un teint agréable, tous ces traitements sans aucun risque me conviennent parfaitement, explique Kristina Yu. En principe, je ne fais appel qu’à des traitements sans chirurgie. Je veux juste avoir l’air jeune et fraîche. »
La demande pour ce type de traitements contre le vieillissement de la peau ainsi que les soins de beauté pour les femmes est en train d’exploser à Taiwan. Elle est également alimentée par une certaine gent masculine très soucieuse de son image. Les centres de beauté se sont équipés en conséquence, à grand renfort de décoration intérieure, d’équipements dernier cri et de technologies à la pointe du progrès médical et ils semblent désormais se multiplier sur l’île.
Simon Wu [吳瑞星], président de la Société taiwanaise de chirurgie plastique esthétique (TSAPS), explique que plusieurs études montrent que ceux qui jouissent d’une apparence agréable bénéficient d’un nombre plus important d’opportunités dans leur vie, notamment professionnelles, mais aussi sociales. Avec l’évolution technologique des traitements médicaux, la chirurgie esthétique est devenue plus socialement acceptable, moins suspecte, et beaucoup considèrent aujourd’hui qu’elle représente un investissement intéressant pour renforcer l’assurance et la confiance en soi. Selon les estimations de Simon Wu, on compte actuellement près de 1 200 cliniques et centres de beauté à Taiwan tandis que 6 000 à 8 000 médecins sur les 40 000 que compte l’île exercent aujourd’hui dans le domaine de l’esthétique.
Aux yeux de tous
« C’est dans la nature humaine d’aimer les choses belles. L’évolution de la notion de beauté a permis de donner un coup de pouce intéressant à ce secteur, explique Simon Wu. Auparavant, les gens avaient l’habitude de se faire opérer en secret, mais aujourd’hui, ils en parlent librement et certains vont même jusqu’à poster sur leur compte Facebook les photos d’avant et après l’opération. La médecine esthétique est, qu’on le veuille ou non, en train de devenir une tendance de fond. »
Charles Liu [劉致和], directeur du service de chirurgie plastique à l’Hôpital général Cathay, à Taipei, tient le même discours. Cette tendance, dit-il, a conduit un certain nombre d’établissements hospitaliers à proposer de nouveaux traitements, ce qui a très vite représenté une nouvelle source de revenus pour eux. L’Hôpital Cathay a été le premier établissement privé à s’engouffrer dans cette brèche, dès 1996. Aujourd’hui, son centre de beauté est géré par une équipe d’une dizaine de médecins spécialisés dans la chirurgie plastique et la dermatologie. Il propose une variété d’interventions chirurgicales dont les plus prisées sont la blépharoplastie (soit le débridage des yeux), à laquelle ont souvent recours les Asiatiques, les implants mammaires, les injections de Botox ou encore les implants capillaires.
Pour Celine Wang [王玉如], directrice générale du centre de chirurgie esthétique La Forme, à Taipei, les interventions non chirurgicales sont les plus demandées. La majorité de ses clients est aussi consciente de l’importance et de la nécessité des soins dermatologiques réguliers après une intervention esthétique. Avec ses 27 centres répartis dans toute l’île, La Forme est la plus grosse clinique de l’île spécialisée dans la chirurgie esthétique. Elle est co-dirigée par Benson Wang [王秉森], l’époux de Celine Wang, qui est aussi le président du groupe. « Dans le passé, il était commun de voir arriver certaines clientes avec la photo d’une actrice ou d’une chanteuse célèbre en déclarant qu’elles souhaitaient subir une opération chirurgicale qui leur permette de leur ressembler, déclare Celine Wang. Mais ces dernières années, les choses ont changé et la plupart de nos clientes réclament maintenant des procédures non invasives et destinées à mettre en valeur leur beauté naturelle. Elles souhaitent simplement avoir l’air au mieux de leur éclat. »
Depuis que Celine Wang a débuté dans ce secteur, en 2000, sa clientèle n’a jamais cessé de croître et aujourd’hui, des personnes des deux sexes et de tous âges viennent la voir. Elle précise que leurs goûts et leurs besoins varient énormément. Par exemple, les jeunes adultes ne veulent plus être victimes de l’acné tandis que ceux âgés de 40 à 45 ans souhaitent des interventions au laser ou des traitements en injection pour revigorer leur peau. Ceux âgés de plus de 45 ans sont ouverts à n’importe quel type de traitement pour éliminer les rides et les taches dues au vieillissement cutané. Il y a aussi les clients de plus de 60 ans qui, le plus souvent, souhaitent un lifting ou alors se faire ôter les poches sous les yeux.
Aujourd’hui, grâce à ses infrastructures hospitalières de qualité, un personnel médical compétent et des prix très compétitifs, Taiwan est prêt à développer un tourisme esthétique. Simon Wu, qui en est persuadé, vante la qualité du personnel médical : « En plus de recevoir une solide formation dans les écoles de médecine locales, les médecins taiwanais sont enthousiastes face aux opportunités de formation continue. Ils sont toujours demandeurs pour perfectionner leur savoir-faire. »
Fondée en 1994, la TSAPS a pour ambition de faire la promotion de la chirurgie esthétique comme d’une spécialité médicale à part entière à Taiwan. Pour entrer dans l’association, les médecins doivent avoir suivi au moins 6 ans d’études spécialisées dans ce domaine. La TSAPS organise des séminaires, des conférences et des rencontres pour ses membres.
Preuve de la compétence des Taiwanais, la Société taiwanaise de chirurgie plastique (TSPS), une autre organisation professionnelle, a été la première en Asie à signer, en novembre 2011, un protocole d’accord avec la Société américaine des chirurgiens plastiques, ce qui a permis à beaucoup de ses membres de rejoindre l’organisation américaine. En effet, il faut pour cela faire état d’installations accréditées et subir des inspections portant sur le respect des normes en matière d’équipements et de personnel et destinées à garantir la sécurité du patient. L’accord avec l’organisation américaine a également pour objet de faciliter les échanges dans le domaine de la formation.
Une offre compétitive
Simon Wu estime qu’une opération de chirurgie esthétique à Taiwan est, en moyenne, 50% moins chère qu’en Corée du Sud et trois à cinq fois moins chère qu’à Hongkong et qu’en Chine. Avec cet avantage, Taiwan est bien doté pour attirer une clientèle internationale et régionale, explique-t-il en citant le Cambodge, la Chine, la Malaisie, la Birmanie et le Viêt-nam. Pour le moment, poursuit-il, c’est la Chine qui représente le principal marché, et on s’attend là-bas à une forte croissance de la demande avec 32 milliards de dollars américains de valeur annuelle d’ici 2015.
« La demande en procédures esthétiques sur le continent a déjà dépassé l’offre et il n’y a plus assez de médecins, ce qui pousse les Chinois à se tourner vers l’étranger, continue Simon Wu. Je pense que les clients chinois préféreront venir à Taiwan plutôt qu’en Corée, notamment du fait de la proximité linguistique, culturelle et géographique. »
Benson Wang cite la grande qualité de l’offre hospitalière à Taiwan, ce qui représente un argument supplémentaire pour la clientèle internationale. Plus d’une dizaine de cliniques taiwanaises ont obtenu une certification de la Commission internationale conjointe (JCI), une organisation de renommée internationale basée aux Etats-Unis et dont l’objet est la promotion de la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins médicaux.
Les Wang ont également travaillé à bâtir des partenariats avec un certain nombre d’hôpitaux pour parfaire leur offre médicale. La plupart des instituts La Forme sont implantés au sein de centres médicaux.
« Nous travaillons seulement avec les hôpitaux accrédités par le ministère de la Santé ou la JCI, ainsi qu’avec des médecins des services de dermatologie et de chirurgie plastique, insiste le président du groupe. Notre avantage sur les cliniques classiques est que nous pouvons proposer des traitements sûrs, sous le contrôle de professionnels. » Benson Wang se plaint du grand nombre de praticiens qui cherchent maintenant à entrer sur ce marché, attirés par les profits, ce qui commence à poser la question de la politique de prix et de la qualité des prestations médicales. Par exemple, on s’inquiète aujourd’hui du nombre croissant de gynécologues et de pédiatres, par exemple, qui pratiquent des interventions de chirurgie esthétique parce qu’aucune loi ne le leur interdit.
Pour assurer la sécurité des patients et la qualité des opérations et encadrer la profession, le ministère de la Santé a lancé en janvier 2013 un programme de certification des pratiques chirurgicales. La commission d’accréditation hospitalière de Taiwan mène ainsi des inspections au sein des instituts qui déposent une demande de certification. Ces inspections portent sur différents aspects tels que les équipements utilisés, la l’hygiène, la gestion de l’information, les médicaments prescrits, l’environnement, la nature des services offerts et la formation du personnel. La commission offre deux certifications aux institutions respectant certaines normes de qualité : un label vert pour les structures qui offrent des procédures non invasives comme les injections ou les traitements photo-électriques, et un label rouge pour ceux qui pratiquent des actes de chirurgie esthétique comme la pose d’implants mammaires.
Le ministère de la Santé a également formulé une série de normes pour les médecins qui souhaitent obtenir une certification pour les opérations de chirurgie esthétique. Le programme a été conjointement élaboré par la TSPS, l’Association taiwanaise des dermatologues et la Société des anesthésistes de Taiwan, mais seuls les chirurgiens qualifiés peuvent participer à ce programme de certification. En plus, depuis le début de l’année 2012, le ministère de la Santé a donné l’autorisation à 39 hôpitaux d’aider les patients chinois désireux de subir des opérations esthétiques à Taiwan dans leurs démarches auprès de l’Immigration. Charles Liu de l’Hôpital général Cathay pense que la combinaison d’un système de certification allié à celui de visas médicaux offerts aux Chinois devrait contribuer à l’essor de ce secteur.
Benson Wang souligne de son côté que le marché de la médecine esthétique à Taiwan a de beaux jours devant lui et que son groupe a pour ambition de porter à 50 le nombre de ses instituts. La Forme a également ouvert des co-entreprises sur le continent, notamment avec un hôpital de chirurgie esthétique à Pékin en 2012, et prévoit l’ouverture d’établissements similaires à Nankin et à Canton très prochainement. Benson Wang espère qu’en introduisant en Chine continentale le savoir-faire et la qualité des services insulaires, son groupe pourra s’arroger une part croustillante du marché chinois.
La clinique Chang Hung, ouverte en 1990 à Taipei, se félicite également d’avoir élargi son marché au-delà des frontières de l’île. Le docteur Yang Chih-hsien [楊志賢], son directeur général, explique que 30% de sa clientèle est originaire de Chine et d’Asie du Sud-Est.
Afin de faire la promotion des services taiwanais auprès d’une clientèle internationale, le docteur Yang Chih-hsien explique qu’il a participé à plusieurs salons organisés par le TAITRA, l’agence en charge du commerce extérieur, et a travaillé avec des agences de voyages et la compagnie aérienne nationale, China Airlines, dans la mise en place d’offres de voyages orientées autour des services médicaux. Avec un effort consenti sur le plan du marketing et une attention particulière accordée aux besoins de ses patients, la clinique Chang Hung a engrangé une progression annuelle de 10% de son chiffre d’affaires, déclare fièrement le docteur Yang Chih-hsien.
Satisfaction garantie sans douleur
Les opérations classiques de chirurgie esthétique visant à remodeler le visage supposent une convalescence assez longue, dit Yang Chih-hsien, alors que les nouvelles technologies permettent, avec une simple injection, de perdre dix ans. La majorité des clients du docteur Yang Chih-hsien ont entre 40 et 70 ans. Leurs demandes portent souvent sur les pommettes, les lèvres et le nez, ainsi que sur le comblement des rides. Yang Chih-hsien s’appuie principalement sur les techniques d’injection et les traitements photo-électriques.
Les deux cliniques du médecin sont équipées de 30 lasers et deux chambres d’oxygénothérapie hyperbare pour renforcer les effets des autres traitements. Il détient également six brevets pour des appareils utilisés en chirurgie esthétique dont un fixateur d’injections qui permet de positionner les aiguilles de manière extrêmement précise, une règle servant à mesurer les proportions des différentes parties du visage et un mannequin qui aide à mieux visionner les effets des micro-traitements. « Nous nous efforçons de maximiser les bénéfices en combinant ces traitements médicaux, techniques et matériaux nouveaux grâce à des appareils sûrs dont nous détenons les brevets », souligne Yang Chih-hsien.
Aujourd’hui, la médecine esthétique est devenue une industrie en pleine croissance malgré les réserves d’une partie de l’opinion publique sur sa nécessité. Winnie Yang [楊惠琳], 44 ans, qui est pleine de reconnaissance pour son médecin, en est une preuve vivante : « Me sentir belle à n’importe quel moment me donne de la confiance en moi et dans ces cas-là, je suis très agréable avec mon mari et mes enfants », explique cette mère de famille qui subit régulièrement des traitements à l’IPL et de blanchissement de la peau depuis qu’elle a 35 ans.