08/05/2025

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Les enfants d’immigrés, ponts entre Taiwan et l’Asie du Sud-Est

10/10/2020
Les étudiants d’un lycée professionnel observent des ouvriers travaillant sur une voiture lors d’une visite au Vietnam de Taiwan Enterprise Phuc Lap Motors Co., une activité prenant place pendant un voyage organisé dans le cadre du Programme pour l’expérience de travail internationale des enfants de nouveaux résidents du ministère de l’Education.
Aimable crédit de l’administration de la Scolarité obligatoire (K-12) du ministère de l’Education

Des projets gouvernementaux permettent aux enfants de nouveaux immigrés d’établir un lien avec le pays d’origine de leur parent venu d’Asie du Sud-Est.

Quand il repense à l’été 2019, Chen Kuan-chang [陳冠璋] ne peut s’empêcher de sourire. Né d’un père taïwanais et d’une mère thaïlandaise et ayant grandi à Taiwan, la Thaïlande restait pour lui un pays relativement inconnu. Quand l’occasion s’est présentée l’an dernier de se rendre dans la ville d’origine de sa mère, dans la province de Phitsanulok, il a rapidement accepté.
 
« Je me suis assis dans l’ancienne salle de classe de ma mère, j’ai joué au basket avec mes cousins et j’ai visité des sites historiques, détaille Chen Kuan-chang. Ce voyage m’a rapproché de ma mère et m’a ouvert les yeux sur les merveilles de la Thaïlande », ajoute-t-il.
 
L’expérience de Chen Kuan-chang n’est qu’une parmi d’autres à Taiwan car les enfants des nouveaux immigrés aspirent à se tourner vers le pays de leur parent d’origine étrangère, en quête de leur propre identité. Ce fut également le cas de Cheng Huai-en [程懷恩], étudiant en finance à l’université Lunghwa des sciences et des technologies et qui s’est rendu en 2017 dans le pays d’origine de sa mère, le Vietnam. Au cours d’un voyage de sept jours dans la province de Binh Duong, située au nord de Hô-Chi-Minh-Ville, il a ainsi visité cinq entreprises taiwanaises en compagnie de 30 autres lycéens.
 
« J’ai beaucoup appris sur la façon de développer une entreprise au Vietnam et sur les défis que peuvent rencontrer les entreprises étrangères sur place, indique Cheng Huai-en. Ça m’a vraiment ouvert les yeux, ça allait plus loin que les expériences habituelles que l’on peut faire quand on est lycéen. »

Chen Kuan-chang fait un selfie avec sa mère pendant la visite d’un temple en Thaïlande. Le voyage a été financé par le Programme de développement pour la deuxième génération de nouveaux résidents du ministère de l’Intérieur. (Aimable crédit de Chen Kuan-chang)

Retour aux sources

En tant qu’enfants nés de mariages mixtes, Chen Kuan-chang et Cheng Huai-en ont pu se rendre dans les pays d’origine de leurs mères grâce à deux projets gouvernementaux visant à renforcer les liens entre les descendants des nouveaux immigrés et les pays ayant vu naître leurs parents, à savoir le Programme de développement pour la deuxième génération de nouveaux résidents du ministère de l’Intérieur et le Programme pour l’expérience de travail internationale des enfants de nouveaux résidents du ministère de l’Education.
 
Les jeunes Taïwanais dont l’un des parents est originaire d’Asie du Sud-Est sont les principaux participants à ces projets. Ils sont considérés comme des éléments clefs pour mettre en œuvre avec succès la Nouvelle Politique en direction du Sud lancée en 2016. Il s’agit d’une importante stratégie de développement national qui vise à approfondir les liens agricoles, économiques, culturels, éducatifs, touristiques et commerciaux de Taiwan avec les dix pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), six Etats d’Asie du Sud, ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
 
Selon l’agence nationale de l’Immigration, qui dépend du ministère de l’Intérieur, un tiers environ des personnes d’origine étrangère mariées avec des citoyens taïwanais viennent d’Asie du Sud-Est, soit environ 180 000 personnes. Cela en fait le deuxième groupe après les conjoints originaires de Chine. Par ailleurs, les Etats membres de l’ASEAN occupent la deuxième place derrière la Chine en matière d’accueil des investissements taïwanais, le Vietnam se situant en tête avec près de 60 000 gens d’affaires taïwanais présents sur son sol, un nombre bien plus élevé que dans les autres pays de la région.
 
A ce jour, le programme du ministère de l’Intérieur a aidé quelques 500 jeunes à se rendre dans les pays d’origine d’un de leurs parents. Les participants voyagent avec leur parent d’origine étrangère, parfois accompagnés de professeurs ou de travailleurs sociaux qui leur fournissent un soutien quand cela est nécessaire. Chaque individu reçoit une aide d’au moins 20 000 dollars taiwanais (666 dollars américains) pour financer le séjour, afin de s’assurer que personne ne passe à côté de cette expérience pour des raisons financières.
 
Pour les enseignants et les travailleurs sociaux qui interagissent avec les immigrés et leurs enfants de façon régulière, le programme offre une chance de mieux comprendre les différences culturelles tout en découvrant les histoires familiales de chacun, explique Lee Ming-fang [李明芳], cadre supérieure à l’agence nationale de l’Immigration.

Le parcours personnel de Chen Kuan-chang comprend des cours de langue thaï. (Aimable crédit de Chen Kuan-chang)

Des bénéfices économiques

Le Programme pour l’expérience de travail internationale des enfants de nouveaux résidents du ministère de l’Education organise, en direction des lycéens parlant le vietnamien, des visites des entreprises taïwanaises au Vietnam, mettant ainsi en avant les avantages économiques potentiels pour ces jeunes issus de l’immigration. A partir de 2021, l’Indonésie sera ajoutée à la liste des destinations, augmentant ainsi de façon conséquente le nombre de personnes concernées.
 
« Les entreprises appartenant à des investisseurs taïwanais sont très actives en Asie du Sud-Est et sont toujours à la recherche de personnes talentueuses connaissant bien la région », explique Tsai Chih-ming [蔡志明], agent en charge de superviser le projet au sein de l’administration de la Scolarité obligatoire (K-12) du ministère de l’Education.
 
Ce programme a très certainement été une inspiration pour Cheng Huai-en, qui espère maintenant mettre à profit ses compétences linguistiques en travaillant pour une entreprise taïwanaise au Vietnam une fois son diplôme universitaire en poche. Parmi les entreprises visitées par l’étudiant se trouvait Foming Bicycle Parts Co., où il a par la suite effectué un stage. « Je n’avais jamais pensé travailler en Asie du Sud-Est avant ce voyage, avoue Cheng Huai-en. Le Vietnam se développe très rapidement et il y a beaucoup d’opportunités à saisir. »
 
A l’image de Cheng Huai-en, Tsai Chih-ming s’attend à voir de plus en plus d’individus développer les liens entre Taiwan et les pays ciblés par la Nouvelle Politique en direction du Sud dans les années qui viennent. « Ces jeunes constituent l’avant-garde de la diplomatie taïwanaise. Ils sont très bien placés pour améliorer la compréhension mutuelle entre les nations. »

Huang Huai-hsien (à g.) prépare des plats vietnamiens avec sa mère (au centre) et sa grand-mère. (Aimable crédit de Huang Huai-hsien)

Un avenir multiculturel

Selon Tsai Chih-ming, les programmes des ministères de l’Intérieur et de l’Education vont de pair avec les politiques gouvernementales d’éducation linguistique qui visent à favoriser l’émergence d’une véritable société multiculturelle à Taiwan. Cela comprend la mise en place, du primaire au lycée, de cours facultatifs pour sept langues d’Asie du Sud-Est, à savoir le birman, le khmer, le philippin, l’indonésien, le malais, le thaï et le vietnamien.
 
« A Taiwan, les enfants ayant un parent originaire d’Asie du Sud-Est cachent souvent cette facette de leur identité à cause de la discrimination, déplore Tsai Chih-ming. Ils manquent parfois de confiance en eux et l’enseignement de ces langues aide à éliminer le sentiment de stigmatisation et à leur faire ressentir une certaine fierté à l’égard de leur héritage. »
 
En participant au programme du ministère de l’Intérieur en 2018, Huang Huai-hsien [黃懷嫻] a eu l’occasion de visiter la province de Hau Giang au Vietnam. Elle est heureuse de constater que ses camarades de classe peuvent maintenant apprendre la langue maternelle de sa mère. L’adolescente de 13 ans a compris pendant son voyage l’importance du dialogue interculturel. « Cela me donne envie de travailler plus dur pour apprendre le vietnamien, et j’essaie de le parler tous les jours avec ma mère. »
 
Au vu du succès de ces programmes gouvernementaux, Lee Ming-fang est sûre que les enfants des nouveaux immigrés assureront le succès à long terme de la Nouvelle Politique en direction du Sud. « Si on leur en donne l’opportunité, ces jeunes peuvent devenir des atouts pour Taiwan, explique-t-elle. Jeunes, audacieux et avec une grande capacité d’adaptation, ils ont tous les outils nécessaires pour réussir leur carrière et accroître le rayonnement du pays à l’étranger. »

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