02/08/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Des lieux au plus près de l’Histoire

30/03/2024
Les vestiges d'un bâtiment de la dynastie Qing sont l’attraction principale de l’école primaire Yongfu, à Tainan dans le sud du pays.
Photo : Chen Mei-ling / MOFA

Des fouilles révèlent les liens avérés les plus anciens de Taiwan avec le reste du monde.

En janvier 2018, une équipe de construction commençait des travaux de démolition et de construction à l’école primaire de Yongfu, à Tainan, ville du sud du pays. Mais au bout de quelques mois seulement, ce qui ne devait être qu’un chantier de routine, a révélé une trouvaille qui nécessitait une investigation poussée. Des experts invités par la municipalité ont ainsi déterminé que l’équipe avait découvert une partie d’un bâtiment de la dynastie Qing (1644-1911). Et la conception de l’école a alors été revue pour protéger et mettre en valeur ces vestiges, ainsi que pour inclure un centre éducatif et un espace d’exposition.

Des chercheurs examinent une fosse excavée à l'église Todos los Santos sur l'île de Heping. (Avec l'aimable autorisation d'Ellen Hsieh)

« Tainan s’est toujours efforcé de préserver les sites historiques », a déclaré son maire, Huang Wei-che [黃偉哲], lors du vernissage de l’exposition le 11 octobre 2023. De fait, la découverte d’une construction de la dynastie Qing sur le campus a conduit à son inscription au registre des sites historiques en décembre 2020. Le maire a également ajouté qu’il était impatient de voir Yongfu tirer le meilleur parti de cette opportunité éducative enrichissante pour les étudiants de Tainan et de tout le pays.

La façon dont la municipalité a géré la découverte de Yongfu est une indication de l’importance nationale que revêtent ces découvertes archéologiques. Les sites du pays, comme ceux de Tainan et de la ville portuaire septentrionale de Keelung, où les explorateurs espagnols ont fait des incursions à partir des années 1620, permettent d’approfondir l’exploration de l'histoire moderne de Taiwan. De même, les archives de la période coloniale japonaise, plus récente (1895-1945), ont été d'une valeur inestimable pour les chercheurs de l’université nationale Tsing Hua (NTHU), à Hsinchu dans le nord de Taiwan, lors d’une fouille récemment achevée sur l'île de Heping.

Le centre d'exposition archéologique de l’école primaire de Yongfu est installé sur un véritable site de fouilles. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)

Des espaces sacrés

Une équipe d’archéologues dirigée par des universitaires de l’Institut d’anthropologie de la NTHU a utilisé des documents et des photos prises pendant la colonisation japonaise sur cette île située au large de la ville portuaire de Keelung afin de guider les fouilles. Depuis des décennies, les historiens et les archéologues savaient que l’îlot était lié aux explorateurs coloniaux espagnols, mais peu de preuves tangibles avaient été mises au jour jusqu’en 2011, lorsque l’Academia Sinica, la principale institution de recherche du pays, a entrepris un projet visant à localiser le fort San Salvador et l’église de Todos los Santos, établis avant que les Espagnols ne soient chassés de Taiwan par les Néerlandais en 1642. Le site présumé du fort étant occupé par un grand chantier naval, les archéologues se sont intéressés à l’église, dont les ruines étaient censées se trouver sous un parking voisin.

Des chercheurs mettent au jour des restes humains sur l’'île de Heping. (Avec l'aimable autorisation d'Ellen Hsieh)

La municipalité de Keelung a commencé à s’impliquer davantage dans l’exploration de l’île de Heping en 2019, en chargeant l’équipe de la NTHU de poursuivre les fouilles de Todos los Santos grâce à un financement du ministère de la Culture. Alors que les fondations de l’église étaient progressivement mises à jour grâce au travail de plusieurs équipes sur plusieurs années, la dernière phase des fouilles s’est achevée à l’automne 2023. La dernière partie des excavations a consisté à déterrer les reliques trouvées aux endroits où seront placés les piliers de soutien d’un centre éducatif prévu sur le site archéologique. « Voir les contours de l'église nous rappelle qu’en plus des raisons commerciales et politiques de leur venue à Taiwan, les Espagnols, qui se considéraient à l’époque comme les gardiens du catholicisme, sont également venus à des fins prosélytes », explique ainsi Ellen Hsieh [謝艾倫] qui a pris la tête de l’équipe de la NTHU en 2022.

Parmi les découvertes importantes faites sur le site, on compte 24 squelettes. Si certains des vestiges et objets trouvés sur place datent de la brève période coloniale espagnole, d'autres remontent à la dynastie Qing ou à l’ère japonaise, plus récentes, et quelques-uns peuvent être retracés jusqu'à l’âge néolithique, il y a 4 000 ans. « Le site abrite des objets provenant de différentes périodes de l’histoire, ce qui le rend unique », ajoute la chercheuse. Tous les objets excavés sont actuellement conservés à l’Institut d’anthropologie de la NTHU, mais certains ont été envoyés à des laboratoires nationaux et étrangers pour y être analysés.

Une supervision municipale

Alors que Keelung poursuit ses fouilles archéologiques, Tainan pourrait servir de modèle. « Dans la plus ancienne ville de Taiwan, différentes agences municipales coopèrent pour protéger nos sites archéologiques », explique Sayun Li [李貞瑩], chef de la section de recherche sur le patrimoine culturel (CHRS) de l’administration du patrimoine culturel de Tainan. Depuis 2015, les promoteurs sont tenus d’inviter l'unité à étudier les terrains à bâtir pour en déterminer la valeur historique, et la construction n’a lieu qu’une fois que le bureau des travaux publics est informé que le processus est terminé. Si le CHRS trouve des indications de vestiges archéologiques significatifs, le promoteur doit mandater des experts pour planifier la minimisation des dommages dus aux travaux de construction. Le secteur public est supervisé par une unité similaire mise en place par la collectivité locale.

Une boucle en métal et un fragment de grès découverts sur l'île de Heping. (Avec l'aimable autorisation du musée national du Palais)

Les mécanismes de protection ont conduit à la découverte et à la préservation de sites tels que le bastion manquant du fort Zeelandia. Construit par les Hollandais dans l’actuel arrondissement d’Anping, le fort aurait, selon les documents historiques, été doté d’un bastion à son angle nord-est afin de préparer l’arrivée d'une flotte dirigée par le général chinois Koxinga [鄭成功] pour expulser les colonisateurs occidentaux de Taiwan. En 1662, il atteint son objectif et les Hollandais désertent leurs possessions, laissant le fort se déliter au fil des siècles. En 2020, des excavations sur un terrain privé du fort ont été interrompues lorsque le CHRS a signalé la découverte de vestiges historiques, dont il a été prouvé par la suite qu’il s'agissait de vestiges du bastion. « Les documents anciens peuvent faire référence à des sites d’un grand intérêt, mais seules des fouilles sur place permettent de confirmer leur existence et leur emplacement exact », précise Sayun Li.

La municipalité collabore également activement avec l’Institut d'archéologie de l’université nationale Cheng Kung (NCKU), basée à Tainan, dans le cadre de fouilles importantes au Fort Zeelandia. Un projet mené en 2021, qui a conduit à la découverte d’un système de drainage sur le mur ouest du fort, a également fourni des informations sur la position de Taiwan dans les opérations commerciales hollandaises. Parmi les objets découverts lors des fouilles de 2020 et 2021 figuraient des fragments de céramique Kraak, un produit fabriqué en Chine et destiné à l’exportation. « Les Néerlandais ont manifestement utilisé Anping comme centre de transbordement pour importer la porcelaine de Chine et l’expédier vers l’Occident, ce qui montre que Taiwan fait depuis longtemps partie du réseau commercial mondial », note Sayun Li.

Des objectifs interconnectés

De retour à Keelung, une nouvelle fouille sur l’île de Heping permettra d’explorer l’histoire d’une communauté du peuple autochtone Basay. « Les populations autochtones sont souvent associées à des sites préhistoriques, mais elles font également partie de l’histoire plus récente, explique Ellen Hsieh. En explorant ce qu’ils ont laissé derrière eux, nous pouvons mieux comprendre comment ils ont vécu et interagi avec différents groupes au fil du temps. »

Les membres de l'équipe archéologique travaillant sur Todos los Santos montrent l’étendue de leurs progrès alors que les fouilles touchent à leur fin à l’automne 2023. (Avec l'aimable autorisation d’Ellen Hsieh)

La municipalité prévoit d’utiliser le centre éducatif situé sur le site de l’église catholique comme base pour une exploration plus large de Taiwan à travers le prisme de l’île de Heping. À plus long terme, la ville souhaite que l’ensemble formé par le fort, l’église et la communauté autochtone soit ajouté à la liste nationale des sites archéologiques. « Heping a été l’un des premiers lieux de rencontre entre Taiwan et l’Occident, et nous nous préparons aujourd'hui à utiliser le site pour sensibiliser les visiteurs au passé du pays », déclare Kuo Li-ya [郭麗雅], chef de la section du patrimoine culturel du bureau des affaires culturelles de Keelung.
 
Les archéologues travaillant à Anping s’efforcent également d’informer le grand public sur les liens entre le passé et le présent. Pour ce faire, ils s’intéressent à une ville construite à l’origine par les Hollandais près de Fort Zeelandia. Basé sur des recherches menées par le département d’architecture de la NCKU sur une carte cadastrale de la région datant du milieu des années 1640, le projet, lancé en 2022, vise à donner une image plus claire de la façon dont les gens ordinaires vivaient à Anping. Les premières découvertes de vestiges de la période hollandaise et de la dynastie Qing sont encourageantes. « Les découvertes archéologiques sont d’autant plus importantes que la ville organise cette année des événements pour célébrer les 400 ans de l’arrivée des Hollandais, explique Sayun Li. Lorsque les gens en apprennent davantage sur le passé de Tainan, ils acquièrent une perspective plus large sur l’ensemble du pays. »

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