Les restaurants végétariens gagnent en popularité grâce à la créativité des chefs et à la richesse des ingrédients locaux.
Le chef exécutif de TAWI, Tim Hsu, présente le « Buddha bowl », l'un des plats vedettes de Little Tree Food. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)
C’est l’objectif de la caméra qui se régale toujours en premier chez Little Tree Food, où chaque repas est un festin pour les yeux comme pour l’estomac. L’un des plats emblématiques des restaurants végétariens de la chaîne à Taipei est le « Buddha bowl » (bol de Bouddha), une entrée copieuse composée d’edamame frais et de légumes verts à feuilles, de pois chiches frits dorés, de pâte de piment cramoisie et d’une cuillerée d’avocat de couleur émeraude, le tout agrémenté de fines lamelles de jeunes radis roses et de courgettes jaunes et vertes. Ce plat multicolore est l’un des préférés des internautes sur les réseaux sociaux, mais ce n’est pas seulement dû à son aspect esthétique.
« Les plats proposés par Little Tree Food sont non seulement délicieux et agréables à l’œil, mais aussi nutritifs », déclare ainsi Ava Wang [王馨瑜], directrice associée de Twice A Week Inc. (TAWI), qui gère un portefeuille de restaurants végétariens, dont Little Tree Food. Elle détaille aussi les principaux ingrédients du bol, notamment les pois chiches riches en protéines, l’avocat à forte teneur en oméga-3 et le riz sauté avec des épinards riches en fer, pour étayer son propos selon lequel les aliments préparés sans viande sont tout aussi nutritionnellement complets.
Little Tree Food a ouvert son premier établissement en 2017 et continue de s’étendre, proposant actuellement des plats végétariens innovants dans quatre restaurants autour de Taipei. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)
À Taiwan, pays qui s’enorgueillit de l’étendue de son paysage culinaire, le végétarisme a une longue histoire. Les bouddhistes et les adeptes du I-Kuan Tao sont généralement de fervents défenseurs de cette pratique pour des raisons liées au précepte bouddhiste de « l’action juste », qui interdit de tuer. James Hsieh [謝政峯], directeur général adjoint de Hung Yang Foods Co. (HYFC) et ancien directeur de l’Association végétarienne de Taiwan, cite comme facteur supplémentaire la prise de conscience par le public de l’impact de la consommation de viande sur l’environnement. La population se détourne également de la viande par souci du bien-être des animaux. « De plus en plus de gens ont des animaux de compagnie et tissent des liens étroits avec eux, ce qui fait qu’ils hésitent de plus en plus à manger de la viande », explique-t-il.
L’association a été créée en 2005 en réponse à un scandale impliquant l’ajout de viande dans des produits végétariens et vise à rétablir la confiance des consommateurs dans le secteur en certifiant et en promouvant les entreprises qui produisent et vendent des produits végétariens avec intégrité. Aujourd’hui, elle estime qu’entre 10 et 15 % de la population taïwanaise est plus ou moins végétarienne, qu’il s'agisse de ceux qui évitent la viande en permanence ou de ceux qui ne s’en abstiennent qu’à certaines occasions.
TAWI encourage les régimes végétariens avec un restaurant qui vend des petits pains frits farcis de viande végétale. (Photo aimablement fournie par TAWI)
L’évangélisation par le goût
Attirer les végétariens de tous bords et les non-végétariens a été dès le début un défi pour les restaurants de TAWI. La première succursale de Little Tree Food a ouvert ses portes en 2017 et a eu du mal à remplir ses 52 places pendant les trois premiers mois. Le chef exécutif Tim Hsu [徐兆麟] se souvient de ces premiers jours en riant. « Je pensais que j’en faisais assez en me contentant d’enlever la viande de mes recettes, mais les ventes disaient le contraire, alors j’ai dû sortir des sentiers battus », déclare-t-il.
Le chef a commencé à expérimenter en offrant gratuitement des plats tests aux clients pour mieux connaître leurs préférences, ce qui a abouti à une refonte complète du menu. « Il faut se concentrer sur la préparation de plats délicieux, et pas seulement de plats sans viande, surtout si l’on veut attirer les non-végétariens », explique-t-il, ajoutant avec fierté qu’environ 70 % des clients de Little Tree Food appartiennent à cette dernière catégorie. Et certains ignorent qu’ils se trouvent dans un restaurant végétarien, même après avoir terminé leur repas !
Des lycéens de tout le pays en action lors d’un concours annuel organisé par le département de la santé et de la science végétarienne créative de l’université Fo Guang. (Photo aimablement fournie par le département de la santé et de la science végétarienne créative de l'université Fo Guang)
Les raviolis épicés du Sichuan sont un autre choix populaire du restaurant. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)
Indépendamment de l’attrait qu’elle exerce sur les convives non végétariens, la restauration des différents régimes végétariens est toujours au cœur de la mission de Little Tree Food. Les ingrédients et les ajustements possibles sont clairement communiqués aux clients afin que les végétaliens ou les végétariens bouddhistes puissent manger conformément à leurs croyances, en remplaçant le miel par du sirop d’érable dans le cas des végétaliens ou en évitant les condiments épicés, comme l’ail et l’oignon, dans le cas des bouddhistes. L’attention portée aux besoins des clients a bien servi les restaurants TAWI. Au cours des deux dernières années, cinq autres établissements de l’entreprise ont ouvert leurs portes, dont un bar à jus de fruits, un établissement de haute gastronomie proposant des menus saisonniers, deux établissements Little Tree Food et un restaurant vendant des petits pains frits à la poêle, fourrés à la viande végétale.
Les améliorations apportées aux substituts de viande sont un autre moyen de faire passer le message que l’alimentation végétarienne est à la portée de tous, et des fabricants comme HYFC innovent en matière de saveurs et de textures afin d’encourager la réduction de la consommation de viande. Basée dans le comté méridional de Yunlin, l’entreprise produit depuis près de 30 ans des substituts de viande pour les hamburgers, les garnitures de boulettes et les nuggets de poulet. Au cours des deux dernières années, elle a accéléré le rythme de ses recherches en coopérant avec des entités telles que l’Institut de recherche et de développement de l’industrie alimentaire, situé à Hsinchu.
L’exposition végétarienne internationale annuelle de Taipei présente des échantillons d'ingrédients et propose des dégustations de plats. (Photo de Chin Hung-hao / MOFA)
Un avenir visionnaire
D’autres chercheurs contribuent également à la promotion des régimes végétariens, notamment le département de la santé et de la science végétarienne créative de l’université Fo Guang. L’école située dans le comté de Yilan, dans le nord du pays, est actuellement le seul établissement supérieur taïwanais à proposer un tel programme, mais le besoin est important. « La cuisine végétarienne ne peut pas s’appuyer sur la viande pour faire rapidement ressortir les saveurs, explique Chiang Shu-hua [江淑華], la directrice du département. Il faut de l’imagination pour créer de nouvelles recettes végétariennes originales. »
Pour libérer le pouvoir créatif des étudiants, les professeurs leur font faire des recherches approfondies sur des ingrédients spécifiques et intègrent dans la formation l’enseignement des herbes médicinales chinoises. Le département recrute plus de 30 étudiants chaque année et organise des stages pour les préparer aux examens de la licence de cuisine végétarienne de l’agence de Développement de la main-d’œuvre du ministère du Travail. Pour préparer la prochaine génération de chefs végétariens, l’université organise également un concours annuel pour les lycéens de tout le pays. En mars 2023, 41 équipes de 17 écoles se sont affrontées pour être reconnues comme des étoiles montantes de la scène culinaire végétarienne.
L’exposition végétarienne internationale annuelle de Taipei attire des foules qui suivent un régime sans viande pour des raisons de santé, de religion et autres. (Photo de Chin Hung-hao / MOFA)
En 2022, la fondation Pure Green a publié pour la première fois une liste de restaurants végétariens recommandés à Taiwan. Cette organisation à but non lucratif basée à Taipei promeut le végétarisme comme moyen d’atteindre la durabilité. En 2023, le Pure Green Veg Food Guide a évalué 46 restaurants.
Un plat à base d'avocat et de betterave est joliment présenté chez Little Tree Food. (Avec l'aimable autorisation de TAWI)
À mesure que le secteur se développe, les chefs recherchent des ingrédients uniques et de haute qualité, et Taiwan répond à ces deux attentes. Chiang Shu-hua explique ainsi qu’une plante indigène appelée djulis, apparentée au quinoa et appréciée pour ses propriétés antioxydantes, est depuis longtemps cultivée et appréciée par les membres du peuple autochtone Paiwan. Ces dernières années, cette plante est devenue une céréale vedette à Taiwan. De son côté, le chef du TAWI, Tim Hsu, indique que les figues et les avocats sont également de plus en plus cultivés dans le pays. Les chiffres de l’Institut taïwanais de recherche agricole du ministère de l’Agriculture le confirment : la superficie des terres agricoles consacrées à la culture de l’avocat atteignait 1 149 hectares en 2020, contre 506 en 2011.
Les repas sans viande sont de plus en plus populaires, et Tim Hsu se félicite de cette évolution. « Taiwan est vraiment un endroit idéal pour les végétariens, poursuit-il. Alors que le mouvement continue de prendre de l’ampleur, j’ai découvert que nos produits diversifiés, frais et cultivés localement sont une véritable aubaine pour les chefs cuisiniers comme moi. La nourriture végétarienne est plus intéressante que jamais pour le public, et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde : les humains, les animaux et l’environnement. »