13/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La renaissance du bambou pour un avenir durable

29/06/2024
Les excellentes propriétés de séquestration du carbone par le bambou sont reconnues tant sur le plan national qu’international.
Photo de Lin Min-hsuan / MOFA

Des efforts sont en cours pour restaurer les forêts de bambous. Ils visent à maximiser le rôle crucial de cette plante dans la construction d’un avenir durable pour Taiwan.

Le bucolique village de Luoshan, dans le comté de Hualien, dans l’est de Taiwan, accueille habituellement des visiteurs venant faire du trekking jusqu’à son imposante cascade et découvrir son volcan de boue, mais cette année, le bourg recevait des innovateurs du monde entier venus découvrir le rôle qu’il a joué dans la renaissance de l’industrie du bambou. Pour la première fois cette année, le Congrès mondial du bambou se tenait à Taiwan avec le soutien de l’agence pour la Conservation des forêts et de la nature (FANCA) sous l’égide du ministère de l’Agriculture (MOA). L’événement se déroulait à l’université nationale Yang Ming Chiao Tung, siège de la Société taïwanaise du bambou, à Hsinchu dans le nord de l’île, et à l’Institut national de recherche et de développement de l’artisanat de Taiwan, où sont conçues de nouvelles méthodes d’utilisation du bambou et qui est situé dans le comté de Nantou, au centre du pays. Chaque site participait simultanément à l’exposition nationale sur le bambou qui se déroulait dans cinq villes et comtés à partir de la mi-mars.

Les habitants du village de Luoshan, dans le comté de Hualien, profitent d’un moment de paix dans une forêt de bambous régénérée. (Avec l’aimable autorisation de l’Association des agriculteurs de Fuli)

Les visiteurs de Luoshan, l’un des sites de l’exposition, ont pu y découvrir le mouvement national de renouvellement des bambouseraies qui a débuté en 2017. À l’aide de subventions de la FANCA, l’Association des agriculteurs de Fuli a transformé dix hectares de forêt en déboisant les vieilles pousses inutilisables pour faire place à de nouvelles. « Luoshan est doté de riches forêts de bambous, déclare ainsi Chang Su-hua [張素華], directeur général de l'association. Il serait dommage de ne rien faire de ces richesses.  »

 Selon la FANCA, environ 8 % de la superficie de Taiwan est couverte de bambous. Sur ces 180 000 hectares, 77 000 ont un potentiel d’utilisation commerciale. En 2021, Taiwan n’en utilisait que 106 hectares pour produire 530 000 tiges de bambou. Grâce au projet de reconstruction et de développement de l’industrie du bambou (RBIDP) de la FANCA, la superficie totale exploitée devrait atteindre 2 000 hectares d’ici 2025.

Un salon de thé nouvellement construit à Luoshan utilise du charbon de bambou dans une couche anti-humidité placée sous le plancher. (Photo aimablement fournie par l’Association des agriculteurs de Fuli)

Chang Wei-i [張偉顗], directeur du service des forêts et de l’industrie forestière de la FANCA, fait remarquer qu’avant la transition de l’industrie manufacturière vers le plastique à la fin du XXe siècle, Taiwan abattait plus de 17 millions de tiges de bambou par an. Cette plante regagne aujourd’hui en importance dans un contexte où tout le monde cherche à éliminer progressivement les matériaux dérivés des combustibles fossiles. Les forêts de bambous capturent et stockent le dioxyde de carbone de l’air, avec une performance de puits de carbone supérieure à celle des arbres. Pour ces raisons, Chang Wei-i considère que la relance de l’industrie du bambou est essentielle à la réalisation à Taiwan des objectifs de développement durable de l’Onu.

Une source naturelle

L’un des principaux objectifs du RBIDP est d’encourager l’exploitation forestière du bambou. L’un de ses outils est un paiement de 30 000 dollars taïwanais (TWD, 1 TWD = 0,029 EUR) pris en charge par le MOA en échange de chaque hectare de bambou coupé, que les propriétaires fonciers peuvent percevoir une fois tous les quatre ans. Les récoltes quadriennales sont idéales car elles maximisent les avantages du bambou pour l’environnement tout en permettant son utilisation industrielle. Au bout de sept ans, les chaumes sont considérés comme trop vieux pour être transformés, et leur capacité à absorber le carbone et à prévenir l’érosion des sols s’affaiblit également avec l’âge.

« Les politiques qui ne faisaient pas de distinction entre les types de terres forestières constituaient auparavant un obstacle important à la production du bambou », explique Zheng Yang-yi [鄭揚宜], responsable du sous-plan de revitalisation régionale dans le cadre du programme de responsabilité sociale de l’université nationale centrale mis en œuvre à Taoyuan dans l’arrondissement de Fuxing.  « C'est formidable de voir des solutions à ce problème. » Lorsque le programme a été lancé en 2020, les participants ont fait campagne pour une exploitation forestière sélective. Aujourd’hui, ils conseillent les bûcherons et facilitent la communication avec les agences gouvernementales pour mieux identifier et relever les défis de la régénération des forêts de bambous.

Des entreprises comme Yusun Bamboo indiquent que cette mesure du MOA a permis de trouver plus facilement des propriétaires fonciers disposés à faire couper leur bambou. Créée en 2015 par Lin Chih-ren [林志仁] et Li Li-ru [李俐汝] à Fuxing, l’entreprise Yusun récolte les bambous qui poussent sur l’ensemble des terres de cet arrondissement fortement boisé. L’entreprise a également été chargée par la FANCA d’éliminer les vieux arbres des forêts de bambous appartenant à l’État dans la région, dans le cadre de la revitalisation de l’industrie par le gouvernement. Employant une équipe de 20 bûcherons, Yusun est l’un des principaux fournisseurs de chaumes coupés du pays. « La production ne décollera pas s’il n'y a pas suffisamment d'offre ou de demande, dit toutefois Li Li-ru. C’est pourquoi nous nous efforçons d’encourager les deux. »

Des structures en bambou sont érigées le long du chemin de fer forestier d’Alishan, dans le sud de Taiwan, dans le cadre de l’exposition nationale sur le bambou. (Photo de Chin Hung-hao / MOFA)

Cette dernière préoccupation a conduit le couple à fonder Taiwan Makino Bamboo (TMB) en 2017. Nommée d’après l’espèce de bambou qui pousse à Fuxing et dans d’autres régions du nord de Taiwan, l’organisation non gouvernementale éduque le public par le biais de cours pratiques et d’excursions dans les forêts de bambous afin de favoriser l’appréciation de la plante et la prise de conscience du potentiel des produits à base de bambou. « Nous emmenons les gens dans des forêts de bambous régénérées regorgeant de jeunes pousses et nous leur expliquons comment l’abattage périodique contribue à l’amélioration du paysage et à la séquestration du carbone », ajoute Li Li-ru.

Une industrie en pleine modernisation

Une exploitation forestière régulière nécessite une main-d’œuvre stable et des infrastructures dédiées, telles que des chantiers où les chaumes fraîchement récoltés peuvent être stockés, coupés et calibrés. Actuellement, le bambou provenant de toute la région de Taiwan est transporté et vendu entier à des transformateurs situés principalement dans la commune de Zhushan, dans le comté central de Nantou. Toutefois, si les entreprises de transformation disposent d’un espace couvert pour procéder à la coupe préliminaire avant d’envoyer la matière première sur le marché, elles ont plus de chances de vendre toutes les sections de la plante, chacune ayant des utilisations spécifiques. « Les jours de pluie, lorsque les bûcherons ne vont pas dans la forêt, ils peuvent s’occuper de ces tâches sur place, explique Lin Chi-ren, l’autre fondateur de Yusun. Un horaire de travail plus stable permet également aux entreprises d’attirer et de retenir les travailleurs. »

Taiwan s’est fixé l’objectif d’exploiter 2 000 hectares de bambou d’ici 2025. (Photo aimablement fournie par l’Association chinoise des produits forestiers)

Dans le cadre du RBIDP, la FANCA se consacre maintenant à soutenir les fondateurs de Yusun et l’Association des agriculteurs de Longci, située à Tainan dans le sud de Taiwan, dans la construction de parcs de stockage. De plus, elle offre la même aide à toute organisation ou collectivité locale qui en exprime le besoin. L’agence envisage de faciliter la construction d’installations de recyclage sur chaque site pour éliminer les vieux bambous, qui peuvent être transformés en granulés de biocarburant ou en engrais à base de charbon de bois. Les revenus générés par les produits en bambou recyclé devraient ainsi stimuler davantage la croissance du secteur.

En outre, la FANCA introduit de nouvelles machines pour améliorer l’efficacité de la coupe et de la collecte du bambou dans les régions montagneuses. En 2022, elle a subventionné l’achat par l’université nationale des sciences de Pingtung de trois types différents de machines pour la récolte du bambou épineux, une variété qui prospère dans cette région méridionale. Grâce à ce nouvel équipement, les bûcherons peuvent récolter 273 chaumes par jour, contre 32 auparavant.

Sous l’égide du projet gouvernemental de reconstruction et de développement de l’industrie du bambou, ce secteur est en pleine renaissance. (Photo aimablement fournie par l’agence de la conservation de la forêt et de la nature, ministère de l'Agriculture)

« Les machines de pointe sont essentielles pour défricher et faire repousser rapidement les forêts de bambous dans tout le pays », déclare Lin Chi-ren. L’adoption rapide de ces machines est assurée par des formations proposées par des organisations telles que l’Association chinoise des produits forestiers, basée à Taiwan. Le programme subventionné par la FANCA a appris à Lin Chi-ren à utiliser un appareil de collecte de bambou importé qui peut déplacer les chaumes récoltés sur de longues distances à l’aide de câbles. Il a l’intention de louer la machine à l’agence pour travailler sur des sites éloignés.

Avec un soutien public aussi solide, Lin Chi-ren entrevoit un avenir radieux pour Yusun et tout le secteur en général. Avec Li Li-ru, il a présenté leurs réalisations à l’exposition nationale sur le bambou où leur ONG Taiwan Makino Bamboo tenait un stand à l’université nationale Yang Ming Chiao Tung. « Taiwan dispose d’importantes ressources en bambou et d’une longue tradition d’artisanat du bambou, précise le directeur de la FANCA, Chang Wei-i. Cet événement international offre une perspective exceptionnelle sur les efforts déployés par Taiwan pour revitaliser ses forêts de bambous, nous permettant ainsi d’exploiter pleinement leur potentiel », conclut-il.

Les plus lus

Les plus récents