Les événements du 11 septembre 2001 ont bouleversé la donne, et la Chine, qui était en mesure de figurer dans le camp des pays de l’« Axe du mal », est d’un seul coup devenu un loyal allié de Washington dans la guerre contre le terrorisme. Fabuleux tour de passe-passe diplomatique et stratégique qui montre le renouveau de la Chine consacré le mois dernier par une succession à la tête de l’Etat effectuée dans le plus grand calme, certes, mais aussi la plus complète opacité stalinienne.
La Chine a évolué en rajeunissant sa direction après avoir fixé pour la postérité son nouveau credo des « trois représentativités ». En associant au pouvoir une nouvelle élite issue du monde des affaires, les dirigeants n’ont pas cédé pour autant à la démocratie : libérés du maoïsme, les Chinois restent privés de libertés.
La Chine s’adapte donc, mais change-t-elle vraiment ? Economiquement, le pragmatisme a prévalu mais, politiquement, elle n’a pas encore démontré sa capacité de « modernisation ». La liberté d’expression, tant sur le territoire continental qu’à Taiwan, effraye toujours Pékin.
Ses dirigeants restent menaçants vis-à-vis de Taiwan, et malgré les remaniements à la tête du pays, on peut être certain que Jiang Zemin, reconduit à la présidence de la Commission militaire centrale, continuera de veiller à ce que la pression des forces armées chinoises sur l’île ne diminue pas - les quelque 400 missiles continentaux pointés sur Taiwan le sont encore pour longtemps.
Car Pékin craint toujours autant cette démocratie du monde chinois qu’est Taiwan - ce ver dans le fruit - dont le contrôle lui échappe pour la simple raison que, par le biais des urnes, il appartient aux seuls Taiwanais. Plus les dirigeants chinois s’accrochent au pouvoir à Pékin, refusant en bloc les réformes politiques nécessaires, plus la démocratie s’installe ici, au rythme d’élections qui n’étonnent plus parce que, simplement, elles sont devenues une habitude.
Plus que ce statu quo politique dont les deux parties se satisfont pour l’instant, la compétition entre les deux rives prend aujourd’hui un tour économique, car celui qui arrivera à maintenir la meilleure position dans ce domaine parviendra, sans aller jusqu’à imposer son modèle à l’autre, à s’imposer en tout cas.
Pour Taiwan comme pour la Chine, il est devenu primordial de faire tourner au plus vite le moteur économique mais, pour cela, les Chinois ont besoin des capitaux taiwanais, tandis que les Taiwanais ne peuvent se passer du marché chinois.
Comme Taipei a montré aux dirigeants chinois que, par la menace et les armes, ils n’obtiendraient rien et que de l’autre côté du détroit, on refuse de s’engager plus loin dans les réformes politiques, le seul terrain disponible pour une interaction est donc celui de l’économie. Au fond, l’enjeu aujourd’hui entre les deux rives est sans doute plus économique et social que réellement politique, à charge à Taiwan de trouver les moyens de préserver son avantage compétitif face au géant continental. ■