Mai 1973. Alors âgé de 66 ans, Georges Remi, plus connu sous le nom de Hergé, visite Taiwan. Dès 1939, l’auteur belge de bandes dessinées avait été invité par Soong Mayling [宋美齡], l’épouse de Chiang Kai-shek [蔣介石], à se rendre en Chine en remerciement des services rendus à la cause chinoise avec Le lotus bleu. La guerre avait toutefois empêché le père de Tintin de quitter l’Europe. En 1972, le gouvernement de la République de Chine, désormais installé à Taiwan, réitère l’invitation. C’est donc à Formose que Hergé réalise l’année suivante l’un de ses plus vieux rêves : partir à la rencontre de la culture chinoise.
Quarante ans plus tard, c’est au tour de Tintin de fouler le sol taiwanais : du 30 janvier au 4 février, la Foire internationale du livre de Taipei (TIBE) fait en effet de la Belgique son invitée d’honneur. Cet événement permettra aux plus de 600 000 visiteurs du salon, plus habitués aux manhua, de découvrir toute la palette de la bande dessinée belge, mais aussi les travaux de l’architecte Victor Horta (1861-1947), des manuscrits originaux du poète Maurice Carême (1899-1978), ou encore les ouvrages pour enfants de Kitty Crowther, lauréate en 2010 du prix Astrid Lindgren du Conseil suédois des arts. Cette célébration culturelle a aussi une dimension économique : pour les secteurs belge et taiwanais de l’édition, elle est l’occasion de renforcer des liens déjà féconds, notamment dans les domaines des achats de droits.
TINTIN À TAIPEI
Elle permettra en outre aux responsables des deux pays de souligner la force des liens bilatéraux, laquelle n’est pas seulement due à la présence des institutions européennes à Bruxelles. Sur le plan commercial, en effet, les deux pays ont vu leurs échanges considérablement progresser ces dernières années, une tendance facilitée par la signature, dès 2004, d’une convention préventive de la double imposition, ainsi que par le renforcement de la présence en Belgique des transporteurs EVA Air, Evergreen Marine et Yang Ming Marine Transport, notamment. Si les métaux, les produits chimiques, les matériels de transport, les machines-outils et les appareils de précision contribuent de manière décisive aux échanges, le secteur des nouvelles technologies occupe désormais une place de choix, avec l’implantation en Belgique de Macronix, MiTAC, ATEN Technology ou encore du groupe ASE, et l’ouverture à Taipei d’un centre de recherche du groupe belge de nanoélectronique IMEC.
L’excellence de ces liens, malgré l’absence de relations diplomatiques, s’est encore manifestée par le soutien apporté par la Belgique à l’exemption de visa pour les ressortissants taiwanais effectuant de courts séjours en Europe, ainsi qu’à la participation de Taiwan aux travaux de diverses organisations internationales.
De toutes ces avancées, les visiteurs du TIBE ne seront sans doute pas conscients mais ils pourront apprendre à mieux connaître la Belgique et, sans avoir comme Hergé à patienter de longues années, partir à la rencontre de sa culture.