13/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La gravure des sceaux

01/05/1991
Des sceaux aux formes diverses.

Dans toutes les relations avec une administration ou entre les personnes, il est indispensable à Taiwan d'apposer son sceau afin de s'identifier et d'authentifier l'acte qui lie les parties contractantes. Mais qu'est donc un sceau chinois? Cest généralement un morceau de bois, de pierre, de cuivre, de fer, d'ivoire ou tout autre matériau dur dont une face est absolument plane sur laquelle sont gravés en intaille des caractères ou un dessin représentatif.

Pour « signer » des formulaires administratifs, les Taiwanais d'aujourd'hui ne peuvent décidément pas se priver de leur sceau. En effet, se rendre dans un bureau administratif ou un cabinet notarial pour une démarche quelconque sans au moins apporter son sceau personnel, c'est-à-dire gravé de son nom, est inutile. Il faut retourner chez soi pour le rapporter, faute de quoi on n'obtiendra rien. Et si on en a plus, pour cause de perte ou de vol, il faut alors en refaire graver un neuf! Par exemple, pour tirer de l'argent dans une banque ou il la caisse d'épargne postale, pour recevoir du courrier recommandé, pour « signer » un contrat d'achat d'un appartement, le sceau personnel est indispensable. De même que la signature, il sert d'identification de la personne. Au-delà de ces considérations, même une œuvre de peinture traditionnelle chinoise reçoit l'apposition d'un sceau qui reconnaît l'authenticité de l'œuvre. L'absence de toute ectype sur un tableau le considérerait comme inachevé, voire d'être un faux ou une contrefaçon. La gravure des sceaux chinois peut être un nom (sceau personnel), un titre officiel (sceau officiel), ou plus rarement un symbole qui identifie une personne physique ou morale. C'est une coutume chinoise qui s'est perpétué jusqu'à nos temps.

La gravure en intaille d’un sceau.

A présent, tous les Taiwanais possèdent au moins un sceau personnel, toutes les entreprises un sceau social, le chef d'un organisme public à la fois un sceau personnel et le sceau officiel de l'organisme qu'il dirige. Les artistes, peintres, calligraphes et écrivains, hormis plusieurs sceaux personnels, disposent encore de sceaux gravés à leurs surnoms, au nom de leur atelier, ou encore à un vers ou une expression littéraire qu'il apposera au choix au début d'une œuvre, dit k'aï-wen tchang [開文章] ou à la fin d'un article, dit ya-kiao tchang [押腳章]. Sur un ouvrage de peinture ou de calligraphie, on appose un sceau rectangulaire ou de forme naturelle de la pierre dans laquelle est taillé ce sceau, appelé yin-cheou tchang [引首章]. Cela ressemble tout à fait à un exlibris en Europe ou en Amérique On aurait le vertige devant la richesse des formes de sceau.

Sous la dynastie Chang (mi-XVIe - mi-XIe siècles av. J.-C.), les Chinois ont gravé sur des os scapulaires ou des carapaces de tortues des caractères ou des dessins propres à la divination. Certains notent des événements historiques. C'est donc à partir de là que commence l'histoire, et celle du sceau. Plus tard, ils ont utilisé le bronze, le fer, l'or, l'argent et le jade comme support pour le sceau, alors dénommé k'ieou [銶] ou encore kou-hi [古璽]. Etant donnée la dureté de ces matériaux, on fit donc appel à des artisans pour fabriquer ces sceaux, de la fonte à la gravure. Tous ces anciens sceaux sont donc pratiquement des pièces d'artisanat.

Vers le milieu du XIVe siècle, peu avant la fin de la dynastie Yuan (1271-1368), l'artiste et peintre Wang Mien [王冕] gravait des sceaux sur une pierre d'une dureté très douce, extraite des environs de Tsingtien (province du Tchékiang). Depuis beaucoup de lettrés et mandarins ont commandé leurs sceaux et leurs diverses inspirations artistiques ou littéraires dans ce matériau. Sous les dynasties Ming (1368-1644) et Ts'ing (1644-1911), un fort courant s'est très rapidement propagé dans la gravure sigillaire chez cette classe parmi lesquels membres on distingue de grands maîtres-graveurs de sceaux de différentes écoles. De nos jours, la gravure sigillaire est certainement devenue en Chine un art particulier.

La gravure des sceaux chinois semble assez facile, mais il faut travailler sur une surface assez étroite. Et le merveilleux de cet art repose en ses lignes simples qu'a tracées l'élégance de la calligraphie chinoise, ainsi qu'en ses espaces qui préfigurent dans la peinture chinoise.

Quelle joie unique de pouvoir graver des sceaux de sa propre main! Et tous ceux qui pratiquent cet art spécial sont saisis de tous les sentiments de l'univers qu'ils doivent inscrire dans un espace si étroit. Dès l'enfance, l'auteur s'est beaucoup intéressé à la calligraphie, la peinture et la gravure.

La pose du sceau, un point final.

Il étudiait assidûment ces trois arts inséparables comme s'il se fut lancé à la recherche d'un grand trésor. En deuxième année d'université, il se sentit d'un grand mouvement voulant embrasser tous les principes de la créativité artistique. Mais comme il poursuivait des études de droit, cette créativité artistique ne saurait se réaliser que lors de ses moments de détente. Mais il ne désirait alors que personne ne sût ses goûts artistiques.

Après ses études et une vie sociale assez banale d'une vingtaine d'années après la fin des études, il a commencé à comprendre la véritable signification de la vie si remplie de phénomènes abstrus. Cette vie ressemblait à ce petit pot de thé posé sur son bureau. Au début, ce n'était qu'un ustensile contenant quelques feuilles de thé. Mais au fur et à mesure que le temps s'écoulait, ce petit pot de thé devint un objet de méditation. Là se forgea l'expression de ses sentiments où il cherchait à asseoir sa philosophie de la vie. De même qu'on infuse les feuilles de thé de ce petit pot, il se livrait à de longues méditations dont les fruits semblaient jaillir par milliers comme du thé qu'on verse dans une tasse pour le savourer. Après une violente prise de conscience, sa créativité artistique toute inspirée de ses connaissances sur la calligraphie ct la gravure sigillaire prit forme.

Tout d'abord, il peignit au lavis dans le style traditionnel chinois, le petit pot de thé qui était devenu le symbole de sa vie. Il lui parut voir son alter ego en s'asseyant devant lui. Et en le peignant, il faisait une critique de son for intérieur pour mieux comprendre ce moi, ainsi que la signification de la vie. Dans une joie intense et une compréhension totale de ceux-ci, il grava le petit pot de thé et des poèmes sur des cailloux et des pierres qu'il avait ramassées au cours de randonnées dans la montagne. Puis, il les grava aussi sur de la brique et du marbre, et enfin, sur toute sorte de support minéral en dépit de sa consistance, dure ou tendre. C'est alors qu'il se rendit compte que le petit monde des sceaux chinois est ô combien vaste, si riche en variétés et en phénomènes qu'on retrouve partout dans la nature.

Quand son premier sceau fut achevé, le geste immédiat fut de le poser sur un tampon-encreur et d'en marquer la peinture du petit pot de thé. Il ressentait alors tout son univers dans l'ectype de ce sceau qu’il venait d'apposer. Ainsi, cette œuvre était donc achevée. C’est vraiment un sentiment de satisfaction complète qu'on ressent alors, car cet univers du moi est d'autant plus apprécié qu'il avait pu embrasser toute la nature. C'est pourquoi, depuis ces dix dernières années, il passe tout son temps à cette créativité artistique dans la gravure sigillaire.

Les sceaux chinois ouvrent un immense horizon à la création. Ils témoignent chez les Chinois un goût de revalorisation d'une œuvre artistique ou autre par un objet indispensable dans la vie quotidienne. Pénétrer l'art de la gravure sigillaire chinoise serait peut-être un moyen de comprendre comment les Chinois revalorisent la vie. Comment mieux le connaître qu'en tentant de graver un morceau de pierre avec un ciseau...

 

Photographies de Chung Yung-ho.

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