Plus de 7 millions de porcs, répartis dans environ 12 000 élevages, sont engraissés chaque année dans l’île. La plupart sont des croisements de races étrangères. En effet, même si leur viande est maigre, les races locales ont longtemps été dédaignées par les éleveurs car elles produisent trop peu de viande et leurs représentants sont de piètres reproducteurs.
Racines
Les naturalistes pensent que les premiers porcs sont apparus sur le continent eurasien il y a environ 40 millions d’années, soit 33 millions d’années avant les premiers hominidés. Dans la famille des porcs, on distingue les sangliers (dotés de 36 chromosomes) et les porcs domestiques (dotés de 38 chromosomes).
La question de savoir si Taiwan possédait une race endémique de sanglier a longtemps été débattue par les scientifiques. Sur ce point, Wu Ming-che [吳明哲], chef de la division Elevage et Génétique à l’Institut de recherche sur le bétail de Taiwan, est formel : le sanglier formosan et le porc miniature de Lanyu ont tous deux 38 chromosomes, ce qui les classe parmi les porcs domestiques. Une réalité qui s’est logiquement traduite en 1996 par l’enregistrement, par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du porc miniature de Lanyu parmi les races de porcs domestiques. Pour les mêmes raisons, sangliers formosans et porcs de Lanyu ne tombent pas, ici, dans le champ d’application de la loi de Conservation de la nature.
Le plus vieux d’Asie
Les paléontologues situent l’apparition des porcs taiwanais 10 000 ans avant la fin de la dernière glaciation, au Pléistocène, lorsque l’île de Taiwan a commencé à se séparer du continent chinois.
Yang Tien-shuh [楊天樹], chercheur à l’Institut de technologie animale de Taiwan, note par ailleurs que des os de porc fossilisés ont été découverts sur la commune de Bali, dans le district de Taipei. Ces derniers sont contemporains de la civilisation de Dabenkeng, présente à Taiwan il y a 6 000 ans, au néolithique.
Les progrès de la datation génétique permettent d’affiner ce tableau et montrent que l’évolution du porc miniature de Lanyu s’est jouée sur une longue période. En 2007, Ju Yu-ten [朱有田], spécialiste de zootechnie à l’Université nationale de Taiwan (NTU), a identifié deux souches de cette race (appelées type I et type II) en étudiant leur ADN mitochondrial, qui se transmet sur un mode matrilinéaire. En les comparant avec celui de 43 races porcines d’Europe et d’Asie, il a découvert que l’ADN mitochondrial du porc de type I était non seulement tout à fait spécifique, mais en plus que sa différenciation datait de 29 000 ans, soit bien avant le porc asiatique jusqu’alors considéré comme le plus ancien, le sanglier des Ryukyu, une race vieille de 12 000 ans.
Néanmoins, cette étude sonne aussi comme un avertissement : c’est peut-être en raison d’une réduction de diversité génétique, due à tant d’années d’isolement, que le porc miniature de Lanyu ne compte aujourd’hui que deux souches distinctes. C’est pourquoi la Station de reproduction animale de Beinan élève ces deux souches ensemble, afin d’assurer une plus grande diversité et de prévenir un déclin génétique fatal à la race.
Local ou hybride ?
Quoi qu’il en soit, la viande de porc vendue à Taiwan provient d’hybrides de races importées. Selon Yang Tien-shuh, ce sont les Hakka qui ont amené dans le nord de l’île, à Zhongli, le porc noir de Canton, en 1877. L’année suivante, la même race était introduite à Meinong, une autre localité hakka, située dans le district de Kaohsiung. Bientôt connues localement sous le nom de « porc de Taoyuan » et « porc de Meinong », ces deux origines forment, avec le porc de Dingshuangxi, introduit par des immigrants de Zhangzhou, dans la province continentale du Fujian, l’essentiel des porcs domestiques élevés à Taiwan au XIXe s.
« Ces lignées ont été croisées avec des races étrangères lorsque l’île était administrée par les Japonais, dit Yang Tien-shuh, qui note qu’en 1896, un an après leur prise de contrôle de l’île, ceux-ci introduisaient le Berkshire. En 1900, c’était au tour du Yorkshire d’être importé d’Angleterre, et en 1926 le gouverneur général nippon offrait même aux habitants des subventions pour importer des races supérieures. « A cette époque, un hybride de Berkshire et de Taoyuan a conquis 95% des parts de marché. »
Les races étrangères comme le Duroc et certains Landrace sont présentes à Taiwan depuis cinq ou six décennies et la couleur des porcs élevés à Taiwan est progressivement passée du noir au blanc. Selon une étude menée en 2005 par le ministère de l’Agriculture, les cochons noirs ne représentent plus que 12% du cheptel.
« Il faut 7 mois pour engraisser un porc noir jusqu’à 100 kg, mais 5 mois suffisent pour un porc de race étrangère », indique Fang Ching-chuan [方清泉], directeur du département du Bétail à la Fondation nationale pour l’industrie animale. L’efficacité alimentaire du premier est 25% inférieure à celle du second, souligne-t-il, un handicap rédhibitoire pour des élevages de type industriel.