06/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Les rails d’antan

01/11/2011

Comme à une autre époque, l’antique locomotive CK101, un mythe encore vivant dans l’île, s’annonce bruyamment en trois coups de sifflet. Sur le quai de la petite station en bois, on se presse pour apercevoir ce trésor national ambulant. Avec la CK124, la CK101 a près d’un siècle d’existence et fait l’attraction. Mais il y a 12 ans, le 21 septembre 1999, un peu avant 2h du matin, l’une des secousses sismiques les plus meurtrières de l’histoire de l’île dévastait la région au point d’en défigurer certains de ses paysages idylliques. L’épicentre se situait dans le district de Nantou, non loin du tracé de cette ligne de train. Il fallut donc reconstruire, notamment certaines portions emportées par les glissements de terrain, les rails littéralement tordus à d’autres endroits, les tunnels considérablement fragilisés et les ponts devenus impraticables. Les gares de Zhuoshui, Shuili et Checheng furent très endommagées, et celle de Jiji souffrit particulièrement du séisme.  

La ligne de train dite de Jiji débute à la gare de Ershui, dans le district de Changhua, et longe la Zhuoshui sur sa rive est, pour s’enfoncer dans le district de Nantou. Elle dessert les petites gares de Yuanquan, Zhuoshui, Longquan, Jiji et Shuili avant de terminer sa course à Checheng. Elle parcourt ces 29,7 km en 50 minutes, ce qui en fait la ligne de chemin de fer restaurée la plus longue de l’île. C’est aussi l’unique infrastructure ferroviaire du district montagneux de Nantou. A l’origine, le tracé avait seulement pour objectif le transport des cargaisons de canne à sucre. L’écartement des rails n’était que de 76,2 cm. En 1919, la Compagnie électrique de Taiwan investit pour amener l’écartement des voies à 1 m. A l’époque, c’est le transport des matériaux nécessaires à la construction d’une centrale hydroélectrique sur le lac du Soleil et de la Lune qui commande la transformation. La ligne est mise en service en 1922.

L’âge d’or

Elle connaît rapidement un dévelop-pement sans précédent. En plus des voyageurs habituels de la région qui vont et viennent, elle offre désormais un moyen de transport aux cargaisons de toutes sortes : fruits, légumes et riz ainsi que bois. Dans les années 60, elle devient le principal axe de transport du bois depuis la zone forestière de Danda située en amont de la Zhuoshui, dans la chaîne centrale de montagnes.

Le quai de la gare.

Dans les années 70, avec l’ouverture de l’autoroute provinciale no 16, le transport routier remplace progressivement les voies ferroviaires. Dans le même temps, les exportations de bois, de moins en moins profitables, déclinent. Les locomotives tirent des wagons presque vides. L’exploitation de la ligne est de moins en moins rentable et, en 1986, l’Administration ferroviaire de Taiwan (TRA) décide sa fermeture définitive.

La renaissance arrive par des voies insoupçonnables : dans les années 90, une agence de publicité filme la petite gare en bois vermoulu de Jiji. La séquence provoque un engouement sans précédent dans une société avide de retour aux sources. On vient désormais de loin pour humer le charme nostalgique de ces vieux villages aux allures bucoliques, là où les modes de vie n’ont pas vraiment changé. Désormais, chaque week-end, ils sont un millier de visiteurs à la recherche des senteurs du passé.

Après un an de travaux et des centaines de millions de dollars taiwanais consacrés à la réfection, à la consolidation ou tout simplement à la reconstruction des tunnels, des équipements de signalisation, des quais, mais aussi des gares, la ligne rouvre le 21 janvier 2001.

La gare de Jiji a été entièrement reconstruite comme en 1933, avec sa structure simple en bois de cyprès s’étalant sur 97 m2, ses toits en pente et son allure européenne. Aujourd’hui, les Taiwanais vont s’y photographier.

La sécurité au cœur de la reconstruction

Ce sont surtout les sept tunnels, tous construits dans les années 20, qui rythment les 30 km de la ligne qui ont fait l’objet de toutes les attentions. La TRA a ainsi consacré 15,1 millions de dollars taiwanais à une complète rénovation des ouvrages d’art qui a débuté en avril 2010. Le meilleur de la technologie, comme les scanners, les radars souterrains, et les tests aux ultrasons, ont permis d’analyser le terrain de manière approfondie et les anciennes structures en brique rouge et en ciment ont été remplacées par d’autres en acier et en béton conformes aux normes antisismiques. Les tunnels ont été élargis, passant de 3,6 m à 4,1 m de diamètre, et la ligne peut désormais accueillir des trains plus modernes.

Un voyage fascinant

Maintenant que la ligne de chemin de fer de Jiji est sûre, il faut aller goûter à ses charmes, se laisser porter par le bruit caractéristique des vieux wagons sur le rail, le long de ces passages étroits qui serpentent à travers les camphriers formant des tunnels naturels, à flanc de montagne vers les sommets embrumés qui réservent bien des découvertes et des surprises. Avec les lignes toutes proches et tout aussi anciennes d’Alishan et de Neiwan, ou encore celle de Pingxi, à New Taipei, Taiwan dispose ainsi d’un patrimoine ferroviaire qui distille une certaine nostalgie et qui permet de renouer avec les pages de son histoire coloniale.

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