11/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Nos amis les oiseaux

01/11/2013
Des spatules à face noire dans une zone protégée de Tainan, au sud de l’île. Le travail qui a été mené à Taiwan pour sauver l’espèce de l’extinction a été salué par l’organisation britannique Birdlife International en juin dernier. (PHOTO D’ARCHIVES)
Bienheureux sont les amoureux des oiseaux à Taiwan : chaque saison leur apporte son lot de visiteurs ailés, quantité d’espèces différentes faisant étape dans l’île. Certains oiseaux se rencontrent plutôt en altitude, d’autres en bord de mer, d’autres encore le long des cours d’eau. Et les ornithologues amateurs ne recensent pas seulement les espèces communes comme les moineaux, les passereaux et les bulbuls, mais aussi et surtout des volatiles plus rares. En mai dernier, par exemple, les passionnés de la faune aviaire se sont retrouvés au Parc forestier Da-an, à Taipei, pour pointer leurs objectifs sur des barbus de Formose qui avaient niché dans des cavités creusées dans des troncs d’arbres. Ces magnifiques oiseaux au plumage à cinq couleurs sont une sous-espèce propre à Taiwan.

Mais des ballets aériens d’une autre envergure se jouent à travers l’île. Selon une enquête sur les habitudes migratoires des oiseaux de proie menée par le Parc national de Kenting, entre le début du mois de mars et le début du mois de mai cette année, pas moins de 41 725 éperviers de Horsfield – un record – sont passés dans les cieux de la péninsule, à l’extrémité méridionale de Taiwan, alors qu’ils volaient vers le Nord. Le ciel de Kenting était très encombré, puisqu’à la même période, on a compté 17 499 busautours à joues grises qui avaient elles aussi pris l’autoroute aérienne vers le Nord. Des formations de onze autres espèces de rapaces ont également été observées.

Signe de la grande biodiversité qu’abrite Taiwan, on y trouve une des plus fortes densités de population aviaire du monde. Sur les quelque 10 000 espèces connues à travers la planète, selon la commission de recensement des oiseaux de la Fédération des oiseaux sauvages de la République de Chine (CWBF), un total de 608 espèces ont été observées sur l’île de Taiwan ou sur l’une des îles au large, certaines y vivant en permanence, d’autres s’y arrêtant sur leurs trajets migratoires. La CWBF, une organisation non gouvernementale plus connue sous le nom de Birdlife in Taiwan, a présenté en mars un avant-projet de son rapport annuel, la Liste des oiseaux de Taiwan. Créée en 1988 à Taipei, l’organisation rassemble une vingtaine d’associations d’amoureux des oiseaux à Taiwan et est membre depuis 1994 de Birdlife International, une association basée au Royaume-Uni. « Comme on peut observer les oiseaux aisément toute l’année à Taiwan, c’est facile d’attirer l’attention sur la nature », dit le président de la CWBF, Kent Lin [林世忠]. Les principales missions de l’association sont, outre les études de terrain et le comptage des oiseaux, la promotion de la protection de la vie sauvage et l’organisation d’activités grand public.

« La présence d’oiseaux dans un endroit donné et les espèces qui s’y rencontrent sont en général considérées comme d’importants indicateurs sur l’état de l’environnement », poursuit-il. L’étude de Kenting montre que Taiwan ne manque certainement pas de plumitifs. La CWBF reconnaît 24 espèces et 59 sous-espèces comme endémiques à Taiwan. « C’est le résultat d’une évolution en vase clos, sur une terre isolée », explique David Ho [何一先], directeur de la Société des oiseaux sauvages de Taipei (WBST). Qui plus est, les progrès récents de la biologie moléculaire rendent probable, à terme, la reclassification de plusieurs sous-espèces en espèces endémiques.

L’association à laquelle appartient David Ho, qui est membre de la CWBF, organise une Foire internationale de l’observation des oiseaux depuis 1999 dans le Parc naturel de Guandu, une zone humide de 57 ha classée depuis 1996 et qui se trouve à la confluence de la Keelung et de la Tamsui, dans le nord de Taiwan. La proximité de l’océan en fait un havre idéal pour les oiseaux dans leurs migrations en Asie de l’Est. A Guandu, on observe ainsi beaucoup de canards, d’oies et de hérons. Fin octobre, le parc a accueilli le 15e Rendez-vous des observateurs d’oiseaux et la 4e Foire asiatique des oiseaux. La première édition de l’événement asiatique avait été organisée aux Philippines en 2010, la seconde à Tainan, dans le sud de Taiwan, et la troisième en Thaïlande.

Les terres non développées du sud de l’île sont connues pour exercer une forte attraction sur les oiseaux – et sur les humains qui les guettent au travers de leurs jumelles et de leurs objectifs. Les Terres humides de Qigu, dans le Parc national de Taijiang, à Tainan, ont par exemple été déclarées Aire de conservation de la spatule à face noire. Là se retrouvent chaque hiver environ 60% de la population mondiale de cet échassier en danger.

Le zostérops du Japon, reconnaissable à ses yeux cernés de blanc, peut être observé du nord de l’archipel nippon jusqu’au Viêt-nam. (PHOTO D’ARCHIVES)

Au cours des vingt dernières années, les efforts des uns et des autres ont permis de sauver ces magnifiques oiseaux de la disparition. Désormais protégées, les spatules à face noire, une population de 300 individus à peine au début des années 90, sont maintenant environ 3 000 aujourd’hui. Lors de son congrès quinquennal à Ottawa, au Canada, en juin dernier, Birdlife International a reconnu le travail effectué par le Parc national de Taijiang, la direction des Forêts et la municipalité de Tainan, pour la protection de l’échassier en leur décernant un prix de conservation de la faune aviaire.

La création du Parc national de Taijiang, en 2009, et la protection supplémentaire qu’il offre aux Terres humides de Qigu, ainsi que la mise en place d’autres réserves naturelles et aires protégées à travers Taiwan, démontrent la détermination à protéger les espèces sauvages. C’est au total près de 20% du territoire national qui est protégé à un degré ou un autre. Les efforts des pouvoirs publics remontent à la promulgation en 1989 d’une Loi de conservation de la vie sauvage et de l’interdiction qui frappe l’abattage des arbres depuis 1991 (en dehors des exploitations forestières). Plus récemment, en juin dernier, les députés ont adopté la Loi sur les terres humides qui encadre l’exploitation et le développement des zones marécageuses.

« La législation environnementale de Taiwan et la réorientation de la mission de la direction des Forêts, depuis l’exploitation vers la conservation, ont permis d’augmenter l’intérêt pour l’écotourisme », analyse Simon Liao [廖世卿], un ancien président de la CWBF qui a contribué à la création d’un chapitre de la Société des oiseaux sauvages dans sa ville natale de Changhua, dans le centre de Taiwan, au début des années 90. A la même époque, il lançait des activités d’observation des oiseaux pour les enfants, du primaire au lycée, sur le mont Bagua, à Changhua. L’endroit est particulièrement adapté à l’observation des busautours à joues grises, au mois de mars, lorsque ces rapaces de taille moyenne migrent vers le nord depuis Kenting. L’observation des oiseaux de proie est d’ailleurs une attraction touristique prisée dans la Région panoramique nationale des trois montagnes, laquelle couvre le mont Bagua et les sommets environnants.

Simon Liao note que la quantité et la variété des oiseaux que l’on peut y observer ne sont pas les seuls atouts de Taiwan : c’est aussi une destination choisie pour la commodité des transports publics et la gentillesse de la population envers les visiteurs étrangers. Ses propos sont confirmés par Shaun Roebuck, un Britannique qui a passé deux semaines à Taiwan dans le cadre d’un séjour organisé par Simon Liao en 2010 pour des amateurs d’oiseaux venus de l’étranger. Entre autres lieux, ceux-ci ont visité l’Aire forestière de loisirs de Daxueshan, sur le territoire de la municipalité spéciale de Taichung, dans le centre de l’île, ainsi qu’une autre réserve naturelle dédiée à la brève migratrice, un petit passereau au plumage très coloré. « Après avoir passé trois semaines à traquer cet oiseau à Bornéo sans aucun succès, j’étais très étonné d’en apercevoir deux en deux heures, indique Shaun Roebuck dans une lettre de remerciement qu’il a envoyée à Simon Liao à son retour au Royaume-Uni. Taiwan est un pays magnifique avec des paysages naturels bien préservés qui recèlent une vie sauvage qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur la planète. »

Grâce à une piste de montagne de 50 km qui serpente dans la forêt à des altitudes faible, moyenne et haute, le mont des Neiges (Daxueshan), qui culmine à 3 530 m, est depuis longtemps sur les cartes des ornithologues amateurs ou professionnels. « Sur les 24 espèces endémiques de Taiwan, 22 peuvent être observées à Daxueshan, dit Kent Lin. Les seules exceptions sont la pie bleue formosane et le bulbul de Taiwan. » Là, les plus photographiés sont certainement le faisan de Swinhoe et le faisan Mikado.

Catégories de conservation

La Loi de conservation de la vie sauvage de la République de Chine distingue trois catégories d’espèces nécessitant une protection spécifique. Au premier niveau, dix espèces ou sous-espèces d’oiseaux endémiques sont listées comme « méritant conservation » ; au niveau intermédiaire, on trouve 22 espèces « rares » ; enfin, la troisième catégorie, celle des espèces « en danger », ne comporte qu’une seule espèce, l’effraie de prairie (Tyto longimembris pithecops). Des dizaines d’oiseaux non endémiques sont par ailleurs classés dans l’une de ces trois catégories, dont les aigles que l’on peut apercevoir traverser le ciel de Taiwan au printemps et à l’automne, au moment de leurs migrations saisonnières.

Des observateurs d’oiseaux en action dans le Parc naturel de Guandu, à Taipei. (AIMABLE CRÉDIT DE LA WBST)

En avril dernier, la région de Daxueshan a accueilli la troisième Course internationale d’observation d’oiseaux, un événement organisé par la CWBF et le bureau des Forêts de Dongshih, à Taichung. Plus d’une centaine de « coureurs » se sont retrouvés sur place, dont des passionnés d’oiseaux âgés de 8 à 60 ans. Certains étaient venus de France, de Chine ou encore des Philippines. Ils se sont répartis en 33 groupes, la victoire étant promise au groupe qui identifierait, de visu ou au travers de leur chant, le plus grand nombre d’espèces d’oiseaux en 24 heures. Ce n’est peut-être pas vraiment une surprise, mais ce sont des membres de la WBST qui ont remporté l’épreuve en recensant 99 espèces. Au total, durant cette journée fructueuse, les participants ont compté quelque 158 espèces, dont 21 endémiques.

Le Britannique Neil Bowman, un photographe d’oiseaux réputé qui collabore avec le magazine National Geographic, entre autres, a participé à cette course en observateur, durant le voyage de presse qu’il effectuait à Taiwan. Malgré un temps maussade, il a été impressionné par l’enthousiasme des participants. « J’ai parcouru la montagne en observant les oiseaux et en les photographiant quand c’était possible, raconte-t-il dans un courrier électronique. Lors de mes déambulations dans le parc, j’ai rencontré de nombreux ornithologues amateurs qui participaient à la course. Ils étaient tout le temps en train de sourire, l’air heureux, et ils étaient invariablement prêts à me montrer les oiseaux qu’ils avaient trouvés. » Le photographe a aussi noté que beaucoup d’entre eux étaient assez jeunes. « Au Royaume-Uni, la majorité des participants aurait été des gens au-dessus de la cinquantaine, alors qu’ici, les âges étaient beaucoup plus variés, dit-il encore. C’était tellement encourageant de voir tant de jeunes gens et même des familles se joindre à la course. Après tout, l’avenir de la conservation dépend de leur génération. »

L’intérêt pour l’observation des oiseaux s’est développé, note Kent Lin, à la faveur de la démocratisation et de l’émergence d’une conscience de l’environnement. Avant la levée de la loi martiale en 1987, rappelle-t-il, l’usage des jumelles était quasiment réservé à l’armée, et beaucoup d’endroits étaient interdits au public, par exemple sur la côte. « Maintenant, on peut utiliser son matériel partout en toute liberté, et avec l’apparition des appareils numériques, l’observation et la photographie des oiseaux sont devenues beaucoup plus populaires. »

Suite logique, les guides illustrés auxquels les amateurs d’oiseaux se réfèrent pour identifier les espèces ont aussi progressé en qualité, dit David Ho, et beaucoup présentent de très beaux dessins à la main. « Il y a tellement d’espèces d’oiseaux à Taiwan qu’il est difficile de les photographier toutes dans leurs phases juvénile et adulte », commente-t-il en ajoutant que la WBST a lancé un appel aux illustrateurs spécialisés dans les thèmes naturels.

L’aide du secteur associatif

Les oiseaux de Taiwan tout comme ceux qui les admirent, semblent en de bonnes mains grâce aux efforts de la CWBF et des associations qui lui sont affiliées. Ces organisations collectent et analysent les données récoltées sur le terrain, les publient, et elles coopèrent aussi avec les chercheurs et les pouvoirs publics pour la conservation des habitats naturels de la faune aviaire et le développement de programmes de gestion globale de l’écosystème. La CWST, par exemple, a joué un rôle crucial dans la création du Parc naturel de Guandu, qu’elle a commencé à gérer en 2001, devenant ainsi le premier groupe du secteur associatif à administrer une aire protégée à Taiwan. Quant à la CWBF, en 2012, elle a participé à la gestion de l’Ecocentre de la mangrove, qui est situé sur la Tamsui, à New Taipei. C’est là que se trouve la plus grande étendue de mangrove de Taiwan, un habitat naturel pour de nombreuses espèces d’oiseaux aquatiques. Enfin, il y a l’exemple de la Société des oiseaux sauvages de Kaohsiung, qui fait partie du réseau de la CWBF. Lin Kun-hai [林昆海], le secrétaire général de ce groupe, explique que celui-ci tente de faire connaître au plus grand nombre les joies de l’observation des oiseaux en encourageant la pratique dans les jardins privés, les parcs publics et les écoles. « L’aspect le plus gratifiant de notre travail, c’est de voir les gens vivre en harmonie avec les oiseaux et la nature », dit-il.

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