Allocution de M. Lee Teng-hui, président de de Chine, à la conférence internationale tenue le 7 mai 1992 à Taipei.
M. le président Whitehead,
MM. les invités, Mesdames, Messieurs,
D'éminents chefs de gouvernements, des spécialistes et des dirigeants d'affaires de toutes les parties du monde se sont rassemblés aujourd'hui à Taipei, en République de Chine, pour assister à cette conférence internationale L'économie asiatique en plein essor : identité régionale, impact planétaire. Parrainé et organisé par The Asian Wall Street Journal, asiatique et l'Institut d'études politiques nationales, ce colloque examinera les liens qui existent entre les différentes économies de l'Asie et mesurera leur développement et leur influence dans les temps prochains. C'est un événement significatif de grande portée. C'est bien sûr un grand honneur pour moi d'être invité ici à vous parler. Au nom du gouvernement et du peuple de de Chine, je voudrais souhaiter un chaleureux accueil à tous nos hôtes distingués qui sont venus de si loin de toutes les parties du monde.
La situation mondiale a subi ces dernières années des changements radicaux. Cela inclut la désintégration de l'Union soviétique, le relâchement de la tension des relations Est-Ouest, la montée du protectionnisme et la formation d'organisations économiques régionales. En conséquence, les problèmes économiques ont remplacé les confrontations armées au centre de la recomposition d'un nouvel ordre mondial.
L'économie mondiale qui s'est jusqu'à présent centrée sur l'Europe et l'Amérique du Nord tend à se déplacer inévitablement vers la région Asie-Pacifique. C'est particulièrement vrai depuis la fin des années 80, lorsque la plupart des pays asiatiques ont adopté une stratégie de développement plus agressive qui aura sûrement un impact formidable sur l'économie mondiale.
De plus en plus, l'attention internationale se tourne vers les économies de la région Asie-Pacifique, principalement à cause du formidable potentiel et de la croissance rapide de son économie, d'autant plus que la fréquence de ses interactions économiques s'oriente vers une régionalisation.
Si on peut définir brièvement la région Asie-Pacifique par l'adhésion de tous les pays membres de de coopération économique de la région Asie-Pacifique (CERAP), la population de cette région, à l'exception des Etats-Unis et du Canada, est de 1 684 millions d'habitants en 1991, dépassant largement les 345 millions d'habitants de européenne (CE) et les 278 millions d'habitants de la région nord-américaine. Si on observe les produits nationaux bruts de ces trois régions, l'ensemble des PNB de la région Asie-Pacifique atteint actuellement 4 300 milliards de dollars américains, ce qui n'est pas encore le PNB global de 5 700 milliards de dollars américains de l'Amérique du Nord ni celui de 5 900 milliards de dollars américains de européenne. Néanmoins, ces dix dernières années, le taux moyen annuel de croissance économique de la région Asie-Pacifique est de plus de 6%, ce qui excède largement celui de 2,7% de l'Amérique du Nord et celui de 2,3% de européenne. C'est pourquoi on peut s'attendre que, d'ici la fin du XXe siècle, l'économie mondiale reposera sur trois piliers, les puissances économiques régionales de l'Asie-Pacifique, de l'Amérique du Nord et de européenne.
J'aimerais toutefois faire remarquer que, à cause de la diversité des races, des religions, des langues et des patrimoines culturels de tous ces pays composant la région Asie-Pacifique, sans parler de la disparité du niveau de leur industrialisation, il faudra accomplir des efforts immenses, répartis sur une assez longue période de temps pour parvenir à un marché commun régional du type de européenne. Cependant, l'abondance des ressources humaines et naturelles de cette région à laquelle s'ajoute un haut degré de complémentarité et mutualité économiques autorise les pays de la région Asie-Pacifique à accélérer et intensifier leur coopération mutuelle. Ainsi, l'avenir est entrevu avec beaucoup de confiance et d'éclat. Selon les statistiques de l'année 1990, la valeur du commerce international de cette région s'est élevé à 1 450 milliards de dollars américains, celle des exportations étant 750 milliards de dollars américains, presque le quart de la valeur du commerce mondial. Il n'est peut-être pas exagéré de dire que la région Asie-Pacifique devienne le plus grand lieu de fabrication et le plus important marché du monde.
Il existe plusieurs raisons à la rapide croissance économique de cette région. En plus du débouché démesuré qu'offrent les Etats-Unis et les investissements considérables des entreprises japonaises, la principale raison est que les quatre nouvelles économies industrialisées de l'Asie, de Chine, de Corée, Singapour et Hongkong, manquent toutes de ressources naturelles. Alertées par un sens d'insécurité et sensibilisées par une vive compétition à la survie, ces économies n'ont épargné aucuns efforts dans la poursuite de leur modernisation qui, à son tour, a provoqué une réaction en chaîne en Chine continentale et dans les autres pays du Sud-Est asiatique.
Une mission technique agricole chinoise à l'œuvre à l'étranger.
Prenons notre pays comme exemple. Ces quarante dernières années, sous la menace d'une invasion armée des communistes chinois, de Chine, malgré un lourd fardeau de dépenses militaires, est parvenue à maintenir un taux moyen de croissance économique de 8,8% par an. Durant cette longue période, elle a lancé une réforme agraire, mis en œuvre un système universel d'instruction publique, mené à bien neuf plans de développement économique et donné le maximum d'efficacité à ses ressources limitées. Ainsi, son produit national brut est passé de 1,2 milliard de dollars américains en 1951 à 180,3 milliards de dollars américains en 1991 pour se placer au vingtième rang parmi les pays du monde. Le revenu par habitant a conséquemment suivi, passant de 145 à 8 815 dollars américains en 1991. Cette année, on s'attend qu'il atteigne 10 000 dollars américains avec un PNB dépassant 200 milliards de dollars américains. Notre commerce extérieur est également passé de 300 millions de dollars américains en 1951 à 139 milliards de dollars américains en 1991 et dépassera probablement 150 milliards de dollars américains cette année, plaçant ainsi de Chine au 13e rang des pays commerçants du monde. Les réserves de devises étrangères s'élèvent aujourd'hui à 84 milliards de dollars américains, pratiquement les plus élevées du monde. Ce sont toutes ses réalisations que les peuples du monde entier ont baptisées « l'expérience de Taiwan ». Elles nous amènent encore plus à rejoindre le concert des pays industrialisés.
Il importe cependant que ces réalisations ne nous permettent pas de nous reposer sur nos lauriers, car nous savions parfaitement que la modernisation du pays est un chemin sans fin et que le développement économique doit assurément nous apporter la transformation sociale souhaitée, une participation plus large aux affaires politiques et une accélération de la mutation du climat politique. L'effort principal de de Chine s'oriente donc à présent d'un essor économique vers une réforme constitutionnelle et un renouveau culturel. Dans le cadre du Plan de développement national de six ans lancé l'an dernier, nous dépenserons plus de 300 milliards de dollars américains pour d'importants travaux d'infrastructure dans des domaines tels que l'énergie, la protection de l'environnement, l'aéronautique, l'informatique, les transports urbains rapides et le train à grande vitesse (TGV). Nous espérons que, à l'achèvement de ce plan, Taiwan deviendra un nœud de communications et une place financière du Pacifique occidental. Nous souhaitons vivement dans le même temps, qu'à l'issue de ce même plan, la qualité de la vie de toute la population de la région de Taiwan, l'infrastructure économique et l'environnement social et humain de Taiwan auront atteint de nouveaux horizons. Nous invitons sincèrement toutes les nations de notre planète à participer à cet immense plan de développement et à renchérir notre coopération avec divers pays à travers le monde entier au moyen des échanges financiers et technologiques.
D'autre part, en tant que membre de la région Asie-Pacifique et de la communauté internationale, de Chine n'a jamais manqué à ses obligations. Quoique confronté à une crise internationale délicate depuis son retrait de l'Organisation des Nations unies en 1971, notre pays a constamment maintenu les principes d'égalité et de réciprocité, ainsi qu'un esprit positif et pragmatique en participant activement aux organismes internationaux, en nous dépensant sur les places d'activités internationales et en mobilisant avec tenacité tous efforts à la promotion de la paix et de la prospérité de la communauté internationale. Actuellement, les investissements de de Chine dans la région Asie-Pacifique dépassent 10 milliards de dollars américains, juste derrière ceux du Japon. Nous avons signé des accords de coopération technique avec 31 pays amis et envoyé 43 missions techniques au secours des nations amies à travers le monde y développer l'agriculture, la pêche, l'assistance médicale et l'industrie artisanale. Nous avons aussi constitué un Fonds de développement et de coopération économique qui fournit prêts, capitaux et aides techniques aux pays amis. Nous poursuivrons donc notre aide financière, économique et technique et participerons activement aux affaires de toute la région Asie-Pacifique dans l'espoir que, au moyen d'une coopération plus étroite et de relations plus substantielles, de Chine apporte une plus large contribution aux liens qui se tissent dans la région Asie-Pacifique.
Wang ho-i
Membre de la région Asie-Pacifique, la République de Chine assume ses responsabilités dans cette région.
Nous demeurons parfaitement conscients des limites de nos capacités à cette contribution. Assurément, il semble difficile que ces efforts portent quelque fruit si des membres de cette région sont peu disposés à abandonner une idéologie d'esprit mesquin et un nationalisme égocentrique ou à considérer la sécurité et le développement collectif de la région. C'est donc notre fervent espoir que les Etats-Unis d'Amérique continueront d'exercer leur puissante influence sur ce bloc régional libre pour éliminer les barrières créées par un protectionnisme du commerce international. Dans le même temps, nous souhaitons également que le Japon assume ses responsabilités comme guide économique de cette région en ouvrant sa technologie industrielle, son informatique et son marché de pointe. Cela renforcerait, au bénéfice de tous, les échanges de ressources, de technologie, de commerce et de services entre les pays de la région Asie-Pacifique. De plus, il pourrait propulser dans un avenir prévisible les liens économiques de la région vers un nouveau rythme de développement.
Mesdames, Messieurs, la région Asie-Pacifique franchit le seuil d'une grande ère. La croissance économique élevée et continue fait de cette région le centre politique et économique du monde. Regardant devant nous ce qui nous attend, le chemin n'est cependant pas de toute douceur, mais plutôt parsemé de défis redoutables et innombrables. Pour en paver la voie, grâce à des liens régionaux efficaces, à une structure organisationnelle d'ensemble, il faut nous imprégner de sagesse et de prévoyance dans nos efforts conjugués.
Le thème de cette conférence L'économie asiatique en plein essor : identité régionale, impact planétaire. Les matières à l'ordre du jour comprennent Le développement mondial et les perspectives asiatiques, L'avenir du système commercial mondial, Le commerce régional et les activités financières et Perspectives politiques et sécurité de la région Asie-Pacifique, des sujets qui nous préoccupent tous justement. Je suis confiant qu'à travers votre esprit plein de sagacité, nous saurons trouver le terrain de l'efficacité pour la coopération économique de la région asiatique et injecter une plus grande vitalité au développement économique de l'Asie.
Enfin, je voudrais exprimer toute mon admiration et tous mes remerciements aux organisateurs de cette rencontre et aux différents organismes qui ensemble ont permis la réalisation d'un événement d'une telle importance. Je souhaite également le meilleur succès à cette conférence. Bonne santé et bonheur à tous. Je vous remercie.