La visite du président de la République de Chine, M. Lee Teng-hui, en tant qu'hôte officiel du gouvernement de Singapour a fait soulever de curiosité plus d'un sourcil. Pourquoi donc Singapour a-t-elle accordé un tel traitement, surtout quand aucunes relations diplomatiques n'existent entre les deux pays? N'y aurait-il pas des protestations de la part de Pékin à propos du principe d'« une seule Chine, un seul gouvernement »?
Quelles sont les implications d'une telle visite dès qu'on prend en compte la récente décision du chef de l'Etat indonésien, le général Suharto, de normaliser ses relations avec Pékin? Singapour ne poursuit-elle pas une politique assez singulière dans le cadre de l'ASEAN? Et pourquoi n'y a-t-il pas de commentaires sur cette visite de la part des pays voisins de Singapour?
Voici une analyse des postulats fondamentaux de la politique étrangère de Singapour, de son approche de la « question chinoise » et des implications de la visite du président de la République de Chine à Singapour.
Bien entendu, le point crucial de la « question chinoise » n'a pas ses sources à Singapour puisque les différends profonds qui y sont relatifs ne peuvent théoriquement être résolus que par Pékin et Taipei. Et on ne trouvera probablement pas de solution dans un avenir prévisible même si l'on observe quelque amélioration dans les rapports tendus entre les deux parties, car les différences fondamentales n'ont pas fait le moindre progrès vers une solution.
Pour Singapour, de même pour beaucoup d'autres pays, les réalités et les normes du droit international doivent toujours servir de référence, et aussi longtemps que les deux parties ne pourront résoudre le désaccord de façon satisfaisante, il est difficile de ne pas se sentir concerné par la situation qui affecte Taiwan ou la Chine continentale.
Ainsi, le président de la République de Chine y a reçu un accueil très cordial, l'événement n'ayant pas été particulièrement mis en valeur par les mass media. Et le public n'aura guère fait attention aux subtilités de langage, comme la désignation de M. Lee Teng-hui, venant de (from) Taiwan, et non de (of) Taiwan, dans le jargon diplomatique utilisé à cette occasion. Celles-ci mises à part, la cordialité envers le chef d'Etat taiwanais fut certainement spontanée et sincère et cette visite qui reflète la nature des relations a consolidé des liens politiques entre les deux pays.
Il faut bien garder à l'esprit certains principes généraux de politique étrangère quand on analyse justement ces liens. La politique étrangère est habituellement le résultat de perceptions de besoins et de craintes vis-à-vis d'autres pays et l'importance que l'on donnera à la force et la fréquence de telles interactions devraient permettre d'atteindre les objectifs d'un pays. Les intérêts primordiaux, telle la viabilité politique sont critiques à tout régime. Les relations internationales ont invariablement pour but de renforcer les intérêts primordiaux et, dans leur élaboration, d'améliorer les intérêts annexes, tels que la promotion des relations économiques.
L'analyse de la politique étrangère de Singapour présente immédiatement deux observations. La première est la stabilité politique puisqu'il n'y a pas eu de changement de gouvernement depuis l'indépendance en 1965. En plus, c'est la même personne qui est premier ministre depuis 1959. Et même si l'on prépare activement sa succession, on ne peut s'empêcher de croire que la même logique froide qui a prévalu dans le passé continuera de caractériser l'avenir. Tous les chefs de gouvernement sont préoccuper de calculer constamment une dynamique et une perception de pouvoir de l'environnement régional et planétaire, que ce soit sous forme de stratégie, de puissance ou d'économie. Le premier ministre Lee Kuan Yew est tout aussi pertinent pour discuter de ces faits et perceptions, et son opinion est de plus en plus recherchée par ses homologues d'ailleurs.
La seconde est que Singapour n'est pas gênée de poursuivre une stratégie qui diffère nettement de celles de ses voisins. La présence de conseillers israéliens pour l'entraînement de son infanterie peu après son indépendance en est une caractéristique. Plus tard, la visite du chef d'Etat israélien, M. Chaïm Herzog, a soulevé une vive polémique et une agitation exemplaire chez ses voisins. On peut donc constater que Singapour n'a pas manqué de courage politique, tant s'en faut, en particulier sur des sujets considérés importants pour les intérêts nationaux, même si ce courage repose sur des phénomènes connus comme la plus grande importance de Singapour qui permet à ses dirigeants de prendre des initiatives politiques sans devoir exposer le gouvernement à des risques non nécessaires.
Les points déterminants qui affectent la politique étrangère de Singapour ne sont pas altérés et sont connus de presque tous les observateurs : une population multiraciale, les dimensions très réduites du territoire, l'incertitude politique de la région et la rareté des ressources, y compris la main-d'œuvre. Ce qui a changé, c'est la façon de les traiter.
Singapour est bien sûr dans une meilleure position qu'en 1965 pour traiter ces points. Les cibles de sa politique étrangère sont triples : édifier une force efficace de défense; restructurer l'économie en vue d'exploiter les avantages de la distribution des biens et des services; et assurer une viabilité politique. Ce sont même des impératifs. La politique étrangère est toujours vue comme une annexe de la politique intérieure, et on satisfera les conditions essentielles de la première pour réaliser la seconde. Pendant des années, Singapour est devenu un membre actif de l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), un porte-parole avisé du libre échange et des zones non protectionnistes et a généralement poursuivi un rôle régional brillant. De plus, ses liens avec l'OCDE (Organisation pour le développement de la coopération économique) ont également été renforcés, comme l'indique l'afflux croissant des investisseurs étrangers qui utilisent Singapour comme base pour la fabrication de produits finis ou semi-finis à forte valeur ajoutée.
Cependant, Singapour ne doit pas trop étendre sa représentation diplomatique, même si de nombreux pays y ont établi la leur. A l'heure actuelle, Singapour ne dispose que de 24 ambassades et deux missions commerciales à l'étranger tandis qu'elle a'installé quelques consulats dans les pays, tels que l'Inde, le Japon ou l'Indonésie, qui ont établi une ambassade à Singapour. Mais la ramification est très restreinte.
M. Lee Teng-hui, président de la République de Chine, en conversation avec M. Lim Kim San, président ad interim de la République de Singapour.
En somme, les liens diplomatiques officiels ne sont pas essentiels au développement des relations extérieures. En planifiant un réseau commercial étendu, il est évident que ces activités vont bien au-delà du domaine réservé des missions diplomatiques. Par exemple, des sacs en plastique, de grande fabrication à Singapour, sont un article fort demandé au Mali, alors que la plus proche ambassade singapourienne sur le continent africain entre les deux pays est au Caire. L'établissement d'une mission permanente de Singapour est basé sur un critère très rigoureux, de telle sorte que sa présence dans un pays, une région est jugée essentielle et nécessaire à la politique étrangère.
Les deux missions commerciales de Singapour à l'étranger sont sises à Taipei et à Pékin qui, à leur tour, en ont établi une à Singapour. Singapour n'entretient pas de relations diplomatiques avec Pékin, arguant pendant des années que cela dépendait d'une initiative indonésienne. N'est-ce qu'une excuse pour retarder une décision politique ou une déférence à l'Indonésie, le géant de l'ASEAN et du Sud-Est asiatique, voilà une difficile réponse.
Sans doute, la « question chinoise » est d'un intérêt tout primordial pour les dirigeants singapouriens. Ayant une population à prédominance chinoise, celle-ci ressent le poids de la culture et de l'histoire que pourraient lui imposer à la fois la Chine continentale et Taiwan. D'autres facteurs sont plus significatifs que cela. Par exemple, on ne peut ignorer que le parti communiste singapourien interdit se tourne vers le parti communiste chinois et soit plus sensible aux événements de Chine continentale. Il est tout aussi vrai que le Kouomintang cherche quelque influence parmi ces « Chinois d'outre-mer ». Devant toutes ces considérations, qui, de Taipei ou de Pékin, est le plus important pour Singapour?
La Chine continentale a tout le temps été un partenaire commerciale actif quoique l'ensemble de ses échanges avec Singapour soit principalement des denrées de base. Le caoutchouc et les produits tropicaux sont les exportations traditionnelles vers la Chine continentale contre du riz, des denrées de base et des produits industriels simples, comme les tôles. L'importance de ces importations est bien soulignée maintenant que les produits manufacturés du Japon envahissent ces régions à de très haut prix, et il va sans dire que l'on recherche des sources moins onéreuses. Les produits de base moins chers peuvent réduire le coût de la vie, surtout les articles demandés par la population de souche chinoise de Singapour.
Dans le cas de Taiwan, l'accent est mis sur les produits manufacturés. Puisque celle-ci, à l'instar de Singapour, s'est élevée au rang de nouveaux pays industrialisés (NPI), les échanges sont principalement dominés par des marchandises à plus forte valeur ajoutée. Les produits made in Taiwan, comme les ordinateurs, les appareils électroniques et électriques, sont une catégorie importante des importations de Singapour, même si une partie est réexportée vers les marchés européens.
Une comparaison des statistiques commerciales est alors utile. La part des échanges entre Singapour et la Chine continentale équivalait en 1967 à 1,78% de l'ensemble du commerce extérieur de Singapour; en 1987, cette même part était de 3,5%. Toujours dans le même rapport, les chiffres des échanges avec Taiwan étaient de 1,9% en 1967 et de 3,7% en 1987. En conséquence, il appert que Taipei et la Chine continentale entretiennent avec Singapour des relations commerciales à peu près équivalentes. Dans ce cas, pourquoi Singapour n'a-t-elle pas suivi la même issue que la plupart des pays quand Taipei fut remplacé par Pékin aux Nations unies et surtout quand les Etats-Unis ont plus tard établi des liens diplomatiques avec la Chine continentale et laissé en marge Taiwan? S'il est vrai que 23 pays maintiennent toujours des relations diplomatiques avec Taipei, la position de Singapour est très différente de tous ces Etats.
M. Lee Teng-hui rendant visite aux pêcheurs taiwanais stationnés au port de Jurong.
Depuis 1971, Taipei souffre d'un isolement diplomatique grandissant. Au lieu d'être le représentant reconnu de la Chine, elle est laissée pour compte sans aucun statut défini. Elle a connu des difficultés en maintenant ses attaches avec des organisations intergouvernementales pour se retrouver finalement dans des organisations non officielles. Même là, le siège de Taipei a été contesté de nombreuses fois par Pékin. Pourtant, Singapour n'a pas abandonné Taipei. Quelle en est donc la logique?
Plusieurs réponses peuvent au mieux être apportées. La première de toutes est que Singapour ne voit pas Taipei comme une menace; au contraire, les deux capitales auraient tout à gagner en devenant des partenaires. Ainsi, en tant que NPI, Taiwan et Singapour partagent de nombreux points communs. Les NPI ont obtenu quelque renommée grâce aux réalisations de leurs stratégies économiques rationnelles, une politique agressive de mise en valeur de la productivité, de l'ouverture d'un marché libre et de la circulation des capitaux étrangers. La conception de la souveraineté a un rôle moindre dès que l'on insiste sur une logique économique, la division du travail et l'amélioration de la qualification professionnelle. Mais ils sont pris entre deux mondes, le Nord et le Sud, et ne peuvent guère s'identifier avec ces deux extrêmes. Ils forment ensemble un groupe économique à part et ce phénomène renforce leur volonté suprême de lutter et de réussir. Un puissant sens de compréhension mutuelle et la présence d'un désir commun de survivre stimulent certainement un esprit identique chez leurs dirigeants.
Une deuxième réponse serait que Taipei et Singapour sont en un sens concernés par cette logistique de survie. Taipei doit combattre pour poursuivre sa viabilité; Singapour fait de même depuis son indépendance. Grâce à la volonté de Taipei de faciliter l'entraînement des forces armées de Singapour, les exigences d'une formation militaire sont partiellement satisfaites. Il est primordial pour Singapour d'édifier une puissante dissuasion militaire, malgré de sérieux problèmes et la réticence des pays voisins à l'aider. Les motifs qui ont permis l'aide de Taipei sont peut-être parce qu'aucun des deux gouvernements ne ressent aucune menace de sécurité l'un de l'autre et probablement aussi parce que ces facilités sont à long terme puisque Singapour ne dispose pas de théâtre d'entraînement militaire. La récente décoration décernée par le gouvernement de Singapour au commandant en chef des forces de la République de Chine témoigne bien de l'importance de l'entraînement et des facilités y afférentes accordées par Taipei.
Quelle est la force de ces liens? On sait que les visites mutuelles entre les dirigeants et leurs conseillers singapouriens et taiwanais sont très fréquentes. Le premier ministre singapourien a effectué vingt et une visites à Taiwan depuis 1972, un nombre fort conséquent puisqu'il n'y a pas d'autre pays où il s'est rendu aussi souvent. Tandis que ces visites étaient dites privées ou non officielles, on ne saurait nier les possibilités de contacts d'importance. C'est également vrai pour les ministres et hauts dignitaires, dont quelques-uns, taiwanais et singapouriens, ont partagé aux Etats-Unis les mêmes bancs universitaires. De tels faits ou sentiments communs sont importants au renforcement des liens entre les deux pays.
Mais Singapour n'ignore pas pour autant la Chine continentale. L'existence même de la mission commerciale indique l'importance accordée à Pékin, également marquée par des visites du premier ministre et des ministres, même si elles ne sont pas aussi fréquentes qu'à Taiwan. On notera toutefois qu'un ancien ministre fut conseiller de Pékin pour certains aspects de la planification économique, et les avis des dirigeants singapouriens sont pris avec considération.
Singapour a aussi placé quelques capitaux partagés dans l'industrie et les services en Chine continentale depuis que l'ouverture à l'extérieur de son économie et y a invité les investissements étrangers. Quelques-uns d'entre eux connaissent une durée exemplaire mais sont effectués sur une base suivie. Dans la même visée, les lignes aériennes nationales, effectuent des vols sur Pékin et Changhaï tout autant que sur Taipei.
La politique actuelle du gouvernement de Singapour a apparemment bien fonctionné sans qu'on n'enregistrât de réactions hostiles de la part de Pékin, du moins pas de violentes dénonciations. Dans le même temps, Pékin a accepté que, malgré le prétendu caractère chinois commun, l'histoire et la géographie doivent être des facteurs essentiels et déterminants dans la différenciation des intérêts particuliers de Singapour et de Pékin. En un mot, la « question chinoise » est très simple pour les dirigeants singapouriens : il appartient à Taipei et à Pékin de la résoudre.
Les relations de Singapour avec le gouvernement de Taipei semble quelque peu plus étroites. Comment mieux les caractériser? Selon l'auteur, la meilleure façon de les décrire pourrait se récapituler par la méthode du t'aï-ki-k'iuan, art martial dont l'autorenforcement peut être positivement appliqué à une analyse de la situation.
Les arts martiaux sont pratiqués dans le but de se renforcer. Ils sont appris selon une double formule, les exercices du maître et la pratique avec des partenaires d'entraînement. Mais aux séances de combat, les pratiquants reçoivent des coups et des blessures tandis qu'ils acquièrent une plus juste valeur de l'autorenforcement par le mouvement. Le t'aï-ki-k'iuan (dite parfois « boxe des ombres ») est probablement le seul art martial qui soit différent. Si les pratiquants sont en contact étroit entre eux pendant l'exercice des mouvements de base pour parfaire des points subtiles, personne ne se blesse. Le résultat des séances sont peu apparents malgré l'amélioration sûre des capacités.
Les relations entre Singapour et Taipei ressemblent quelque peu à celles de deux pratiquants de t'aï-ki-k'iuan. Le respect mutuel est de tout premier ordre et, comme il se doit, il existe une juste compréhension des problèmes et des difficultés du partenaire. Il est exact que Singapour peut fort bien comprendre la situation de Taiwan parce que, durant les premières années de son indépendance, elle a traversé les sombres perspectives d'une éventuelle non-reconnaissance internationale. Depuis que Taipei connaît la dure expérience de son isolement, Singapour ne s'empêcher de ressentir une certaine communion de sentiments.
Il existe d'autres domaines de communes compréhension et expérience. Les deux gouvernements partagent des problèmes similaires, comme les dangers des NPI, la petitesse de territoire et le défi social dû à la rapide modernisation. En fait, chacun peut apprendre l'un de l'autre, ainsi Taiwan peut suivre Singapour pour le logement, le développement portuaire et la planification des transports, et Singapour peut apprendre de Taiwan les techniques qui lui ont permis de progresser et de percer dans le domaine de la haute technologie.
Ces connaissances de base sont intéressantes pour évaluer les conséquences de la visite du président de la République de Chine à Singapour. L'événement est particulièrement important parce qu'il suivait l'annonce par l'Indonésie de sa décision de renormaliser ses relations avec Pékin. Pour Singapour, la confirmation de son invitation était d'autant plus significative qu'il n'existe pas de relations diplomatiques avec Taipei. Comme Singapour n'est pas un pays en quête de garanties ou de prêts de Taipei, ce fut donc une rencontre entre égaux.
Si les premiers résultats de cette rencontre ont déjà été publiés dans la presse, notamment un accord sur la protection des investissements et ses problèmes annexes, le plus important cette visite est la formalisation et la force de ces relations bilatérales. Les principaux ministres se sont aussi rencontrés et les visites de courtoisie se sont multipliées avec toutes leurs conséquences politiques.
Taiwan a sans doute affiché de nouveaux records de sa puissance économique. Elle est maintenant en mesure d'accorder des crédits pour le développement d'autres pays, comme le milliard de dollars américains de son Fonds de coopération et de développement à l'étranger et de participer en tant que NPI aux préliminaires de négociations avec la Communauté économique européenne.
Taipei se tourne carrément vers les pays du Sud-Est asiatique (notamment l'ASEAN) qu'il juge d'importance comme l'a déclaré M. Lien Chan, ministre des Affaires étrangères de la République de Chine, au Straits Times de Singapour. Il a indiqué que Taiwan faisait partie de cette région géographique non seulement parce qu'elle est a une position stratégique d'un riche potentiel de développement, mais également parce qu'elle y a déjà effectué de considérables investissements. En outre, les autres pays de la région ne manqueront pas d'observer les effets positifs de la visite officielle de M. Lee Teng-hui à Singapour, avec toutes ses conséquences, et de percevoir la nouvelle direction qui pourrait en sortir dans leur politique étrangère.
Par-delà les divers centres habituellement visités par les dignitaires étrangers, comme les grands travaux immobiliers, le parc scientifique, le Centre des Sciences et le front de mer, il convient de noter ce qu'il y a eu de nouveau lors de la visite de M. Lee Teng-hui, l'atmosphère toute cordiale qui entoura les dignitaires taiwanais et surtout leur apparition en public.
Pour Singapour, la visite témoigne d'un grand courage politique de ses dirigeants. Si un travail doit être fait, il sera effectué. Il n'y a eu pas d'échos désapprobateurs chez les voisins de Singapour, ni même une note de désaccord de la part de Pékin. Probablement, les représentants de Singapour à l'étranger auront su expliquer cette visite puisque tous s'étaient réunis la même semaine pour être informés des modifications de la situation internationale et régionale et de leur effets sur la politique étrangère de Singapour.
Une autre implication que l'on peut glaner de cette visite est la consolidation des liens qui pourraient survenir entre les deux chefs d'Etat et de gouvernement et aussi entre les ministres des deux pays. Mais les dirigeants singapouriens n'aideront-ils pas leurs homologues taiwanais en transmettant leurs idées à d'autres dirigeants? On ne saurait l'affirmer, même s'il y a communion d'intérêts, tels les préoccupations du marché libre et les sentiments antiprotectionnistes. Ce qu'a exprimé Singapour aura certainement un effet positif sur les intérêts de Taipei. Et si les dirigeants de Singapour ont une réelle connaissance de l'évolution de Taipei, celle-ci pourra vraisemblablement être mise à profit dans les grandes décisions politiques.
Indépendamment de cette évolution, les investissements continueront d'affluer de Taipei vers Singapour dont le marché financier attire probablement un vif courant d'intérêts. Ils sont du domaine de l'espoir, surtout pour ceux qui recherchent une partie des investissements que le gouvernement de Taipei et les investisseurs taiwanais sont inquiets de placer à l'étranger. Singapour est toujours une place saine et également de bon rapport.
Les décisions de politique étrangère ne produisent guère d'effets rapides. Une visite ne peut pas prouver grand-chose, exactement comme l'hirondelle ne fait pas le printemps. Mais les chances sont à l'optimisme. Comme au t'aï-ki-k'iuan, on ne délivre pas de certificat pour l'acquisition d'un nouveau mouvement. Et contrairement aux autres sports martiaux, comme le karaté, où les niveaux sont distingués par de belles ceintures de couleur, le t'aï-ki-k'iuan est beaucoup moins apparent. Toutefois, on ne peut nier son importance en tant qu'art martial extrêmement efficace, surtout quand il peut être utilisé pour améliorer la santé et l'autodéveloppement. Le test final de la méthode du t'aï-ki-k'iuan est que ses pratiquants trouvent une meilleure qualification, une nouvelle force et se reconnaissent les uns des autres une dépendance constante pour se consolider, au moins au niveau de l'équilibre des aptitudes. Enfin, ils apprendront à mieux se faire confiance.
Seah Chee Meow,
directeur et professeur du Département d'études japonaises de l'Université nationale de Singapour.