03/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Sur le chemin du nirvana

01/03/1995
Chang Su-ching Des similarités avec d'autres systèmes de croyances, et une approche non dogmatique, ont contribué à l'intégration du bouddhisme à la culture chinoise.

Importé de l'Inde aux alentours du Ier siècle de notre ère, le bouddhisme a très vite eu une influence considérable en Chine. En l'espace de quelques centaines d'années, il est devenu l'une des croyances les plus répandues parmi le peuple chinois.

L'école qui a fleuri en Chine est connue sous le nom de bouddhisme mahayana, ou Grand Véhicule, par op­position au bouddhisme theravada, ou Petit Véhicule, plus répandu en Asie du Sud-Est.

Le bouddhisme theravada insiste sur la possibilité pour les individus d'atteindre l'Illumination en devenant moines ou nonnes, pour consacrer leur vie à la contemplation et aux autres pratiques bouddhistes. Le bouddhisme mahayana offre en revanche un espoir de salut universel, que chacun peut obtenir grâce à la foi et à la dévotion à Bouddha.

Au cours des siècles, divers groupes de moines se sont concentré sur l'étude des centaines de sûtras au fur et à mesure qu'ils étaient traduits du sanskrit en chinois. Les interprétations différentes qui en ont résulté ont donné naissance à une douzaine de sectes bouddhistes répandues à travers la Chine.

Sous une certaine bigarrure, voire une apparente disparité, les différents mouvements recèlent une approche fondamentalement homogène. L'étude scrupuleuse de ces sectes chinoises, séparée d'une considération plus générale de la pensée ou de la philosophie, insistera sur les différences internes du bouddhisme chinois. Toutefois, malgré quelques nuances, toutes ces sectes partagent la même at­titude au monde : tout ce qui est présent dans l'univers et tous les événements qui y surviennent émanent d'une combinaison singulière de causes indirectes. Par exemple, le fait que cet article soit écrit et qu'il soit lu est le résultat de nombreuses données, dont la vie de l'auteur, sa formation, et son expérience professionnelle, auxquelles s'ajoutent les décisions de son rédacteur en chef, et les intérêts du lecteur, pour n'en citer que quelques-unes. Une imbrication particulière de conditions engendre un résultat particulier. Si l'une quelconque de ces données de base était différente, par exemple, si le lecteur n'avait jamais entendu parler de ce magazine, le résultat serait différent.

Entre autres analyses profondes, un développement sur les conditions, sur le lien causal, conduit à une remise en question de la permanence, de la consistance des choses de ce monde.

Cette conception d'une réalité incertaine, labile, modifiable à l'infini, introduit la notion bouddhiste de vacuité; toute existence terrestre est vide, sans substance. Ceux qui sont capables de comprendre avec lucidité cette vacuité, aussi appelée Néant, peuvent se libérer du monde matériel et de la souffrance inhérente à celui-ci.

La suppression de la souffrance est au cœur du projet bouddhiste. Au plus haut, au bout d'un cheminement profond et difficile demeure le stade de l'Illumination spirituelle, à partir duquel le sage peut échapper au cycle des réincarnations et atteindre le nirvana, ou l'état de bouddha.

L'Illumination peut être atteinte de diverses manières, selon les différentes sectes du bouddhisme : en étudiant les sûtras, en méditant, en répétant le nom du Bouddha, ou en accomplissant de bonnes actions.

Pourquoi le bouddhisme est-il devenu si populaire en Chine? L'un des facteurs déterminants de cette large propagation est la similarité avec certaines croyances déjà prédominantes dans la culture chinoise, notamment le taoïsme. La possibilité pour chacun d'atteindre l'état de bouddha est par exemple compatible avec l'idée taoïste que tout être humain ordinaire peut devenir immortel à l'aide de certaines pratiques, dont la méditation.

Par ailleurs, en ces temps d'intégrismes, soulignons la nature non exclusive du bouddhisme, qui a également contribué à son déploiement en Chine. Partout où il s'est répandu, le bouddhisme n'a jamais dénié à ses adeptes la possibilité de poursuivre d'autres pratiques religieuses. L'on est considéré comme bouddhiste tant que l'on respecte les dogmes fondamentaux de la religion. Les Chinois, par exemple, peuvent continuer de rendre un culte aux dieux taoïstes ou aux déités populaires, comme le dieu de la For­tune, ou le dieu de la Cuisine, ou en­core continuer de pratiquer le traditionnel culte aux ancêtres, et rester malgré tout de fidèles bouddhistes.

Apporté à Taiwan par des immi­grants venus de Chine continentale, vers la fin du XVIe siècle, le bouddhisme continua de coexister — et souvent de se mélanger — avec d'autres croyances. En­core aujourd'hui, de nombreux temples abritent des statues bouddhistes aux côtés de statues propres au taoïsme ou à d'autres cultes, et peu de pratiquants font réellement la différence entre elles. Un grand nombre de pratiques taoïstes essentielles, comme celle consistant à brûler de la monnaie votive, ont également été absorbées. Si les experts qualifient ces formes de religion de « populaires », leurs adeptes ne sont en général pas rejetés par les orthodoxes.

Le récent développement du bouddhisme à Taiwan s'est accompagné d'une émergence des pratiquants orthodoxes, qui ne prennent pas seulement part aux rites, mais étudient également les enseignements de la reli­gion, et rejettent les pratiques taoïstes ou autres. Parmi ces bouddhistes orthodoxes, une part croissante — ils ne sont toutefois que 8% de l'ensemble des bouddhistes aujourd'hui — prennent part à une cérémonie solennelle appelée « kuei-yi », au cours de laquelle ils deviennent des bouddhistes confirmés, sous la direction du moine ou de la nonne de leur choix. Beaucoup d'autres pratiquent tout simplement leur foi en suivant leur propre voie.

Comme en Chine continentale, le Bouddhisme s'est développé à Taiwan autour de deux écoles dominantes, l'école du Pays Pur, et l'école Chan (ou Zen), bien qu'il existe un certain nombre d'écoles de moindre importance. Ces différentes écoles ont par ailleurs été influencées par des écoles similaires du bouddhisme japonais (originaire de Chine lui aussi), lors de l'occupation japonaise de l'île au début du XXe siècle.

L'école du Pays Pur, la secte dominante à Taiwan, prône le culte d'Amithaba, le Bouddha de longue vie. Apparus en Inde un peu avant le le siècle de notre ère, les sûtras mettant en scène la vie d'Amithaba parlent d'un Bouddha à la compassion infinie, et décrivent de façon très précise son paradis (le « Pays Pur de l'Ouest »). Ce Bouddha a fait le vœu d'apporter le salut à quiconque prononce son nom avec une foi sincère. « Namu Amithaba », la prière des adeptes de l'école du Pays Pur, signifie « je rends hommage à Amithaba ». Elle est parfois psalmodiée à l'aide d'un chapelet de prière. Etroitement associée à Amithaba, l'on trouve la déesse Kuanyin — la déesse de la miséricorde. C'est un bodhisattva, c'est-à-dire un être de lumière qui a choisi de rester dans le monde matériel pour aider les autres à atteindre l'Illumination.

La secte Zen, de son côté, considère que les enseignements du bouddhisme ne peuvent être compris qu'intuitivement. Ils ne peuvent être saisis par une analyse intellectuelle ou une réflexion rationnelle. Celles-ci sont en fait nuisibles à l'Illumination, parce qu'elles n'aident à comprendre que le monde fini. Le bouddhisme Zen est donc essentiellement basé sur la méditation, c'est-à-dire la recherche in­tuitive de la nature du Bouddha à l'intérieur de soi-même.

Mais de même que le bouddhisme n'exclut pas les autres pratiques religieuses, les différentes sectes ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres. De nombreux croyants — et quelques moines et nonnes également ­— ne font aucune distinction entre les différentes écoles. Certains pensent même qu'il est bon d'étudier les idées des différentes sectes. En fait, si la plupart des chefs spirituels populaires peuvent être considérés comme étant de tendance Zen, ils adoptent souvent certaines des pratiques de l'école du Pays Pur ou des autres sectes, pour créer leur propre école. Quoiqu'il en soit, la décision de suivre les enseignements de tel ou tel maître est simplement considérée comme un choix entre plusieurs routes ayant toutes la même destination.

Jim Hwang

(v.f. Laurence Marcout)

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