01/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Problèmes à résoudre

01/09/1994
Les maths sont amusantes. Le leimotiv des professeurs, pris en considération dans la révision du programme de mathématiques élémentaires, tend à diminuer les exercices de mémorisation, de rabâchement et de vitesse.

Les lycéens de Taiwan obtiennent les meilleurs résultats du monde aux épreuves de mathématiques. Mais les enseignants et les parents d'élèves savent que les jeunes paient un haut prix pour atteindre ces notes dans un système éducatif à forte compétitivité. Et lorsque l'ancien secrétaire à l'Education américain, M. William Bennett, est venu à Taiwan en janvier 1994, il a prononcé des louanges familières en faveur du système d'instruction des mathématiques de Taiwan, déclarant notamment que les Etats-Unis pouvaient en tirer une leçon. Il a cité des chiffres de 1992 des Evalua­tions internationales du progrès éducatif qui a contrôlé dans vingt pays les connaissances en mathématiques et en sciences de 175 000 élèves âgés de 9 à 13 ans. Dans une étude du Service des examens du secrétariat à l'Education des Etats-Unis, les jeunes de 13 ans de Taiwan se plaçaient au premier rang mondial.

Les paroles de M. Bennett ont fait la une des journaux insulaires et ont suscité une nouvelle fierté aux plus doués en mathématiques des élèves taiwanais. Mais, certains sont critiques à l'égard du système éducatif qui a produit de tels résultats. Beaucoup d'éducateurs taiwanais affirment que les résultats des contrôles des Evaluations internationales du progrès éducatif reflètent à la fois les mérites et les faiblesses de l'enseignement des mathématiques, et ils se demandent si ces résultats sont dignes du sacrifice demandé aux élèves.

M. Lin Fou-lai, professeur de mathématiques à l'université nationale normale de Taiwan, explique que les principaux ressorts des résultats élevés qui apparaissent dans les Evaluations internationales du progrès éducatif sont dus aux efforts des élèves, à la pression des parents et aux cours de mathématiques dispensés dans l'île. Aux Etats­-Unis, en Suisse ou au Canada, les pro­grammes scolaires varient selon les établissements; mais à Taiwan, tous les établissements suivent un pro­gramme d'enseignement unique. Tandis que la standardisation assure aux en­fants une instruction équitable, le revers de la médaille est qu'il intensifie la rivalité entre les élèves. Tous savent qu'ils affronteront un jour l'examen (concours) d'entrée au lycée [équivalent de l'ancien brevet d'études du premier cycle (BEPC)] où ils devront surpasser les trois quarts de leurs camarades pour s'assurer une des places disponibles.

La différence est que les élèves taiwanais passent plus de temps à l'école et aux études que leurs pairs d'ailleurs. Chaque semaine, ils vont à l'école six jours pour un total de 32 heures de cours effectifs, alors qu'aux Etats-Unis, on ne fréquente l'école que cinq jours pour une durée de 28 heures. Le rapport des Evaluations internationales du progrès éducatif a aussi noté que les jeunes de 13 ans de Taiwan passent plus de temps à leurs devoirs à la maison. Parmi les jeunes Américains sondés de huitième année [équivalent de la quatrième], 15% passent plus de quatre heures par semaine sur des devoirs de mathéma­tiques; 22% ont deux ou trois heures et 63% seulement une heure ou moins par semaine. A Taiwan, 24% travaillent plus de quatre heures par semaine sur la même discipline, 29% entre deux et trois heures et 47% une heure ou moins.

Mais ces chiffres ne comprennent pas le temps que les élèves taiwanais passent en soirées et en week-ends dans les « cours complémentaires ou de rattrapage » ni aux devoirs de ces cours à la maison. Plus de la moitié des collégiens vont à ces cours pour un mini­mum hebdomadaire de 3 heures par matière. Ainsi, un collégien de quatrième [l'équivalent à Taiwan] arrive à l'école à 7h 30 pour une interrogation ou une lec­ture préliminaire et en sort à 17h 30, après une étude ou une interrogation obligatoire après les classes. Ils prennent un léger dîner chez un marchand de nouilles du coin, puis repartent dans un « cours complémentaire » de 18h à 20h. Beaucoup de ces collégiens ne rentrent pas à la maison avant 21h où ils se mettent à leurs devoirs de la journée.

Une autre différence, ajoute M. Lin Fou-lai, est que ces devoirs à la maison sont plus étroitement liés aux succès académiques à Taiwan qu'aux Etats-­Unis. Il affirme que, pendant que beaucoup de jeunes Américains peuvent obtenir de bonnes notes sans faire beaucoup de devoirs, les collégiens taiwanais doivent consacrer un temps considérable à leurs devoirs pour obtenir de bonnes notes. Il conclut que, si faire ses devoirs à la maison est souvent une méthode de sanction de l'élève paresseux aux Etats-Unis, c'est à Taiwan une part intégrée du système éducatif. En fait, les enseignants taiwanais donnent souvent plus de devoirs aux meilleurs élèves afin de les mettre au défi. Une troisième différence est que les collégiens taiwanais ont plus d'épreuves de mathématiques. L'étude des Evaluations internationales du progrès éducatif rapporte que 87% des jeunes Taiwanais subissent au moins une interrogation en mathématiques par semaine pour seulement 68% de leurs camarades américains.

Les enseignants ne sont pas les seuls à pousser leurs élèves en mathématiques. Des parents envoient leurs en­fants dans des cours complémentaires de mathématiques dès l'âge de 5 ans, et plus rarement à l'âge de 3 ans. L'accent des parents sur cette discipline ne re­pose pas sur un intérêt, mais sur une considération pratique puisque les mathématiques sont une des matières les plus importantes de l'examen d'entrée au lycée. Il est donc nécessaire d'avoir d'excellentes notes en cette matière le plus tôt possible parce que les élèves qui sont bons passent dans une classe privilégiée dès la septième année [à Taiwan, c'est la première année de l'enseignement secondaire, l'école primaire durant 6 ans] et tout avantage dans la préparation de l'examen d'entrée au lycée est justement très apprécié. L'an dernier, environ 25% des jeunes Taipéiens ont réussi cet examen d'entrée. Ceux qui ont échoué peuvent abandonner les études, essayer à nouveau l'année suivante après avoir suivi des cours spéciaux préparatoires ou bien passer un examen pour un lycée privé, un lycée professionnel ou un établissement d'enseignement spécia­lisé* pendant cinq ans. Mais l'échec à cet examen d'entrée national après des années de préparation et de pression est souvent traumatisant.

Chen Mei-ling
La rue des « cours complémentaires privés », ou des pouchiban, comme l'appellent les jeunes Taipéiens. Toutes leurs enseignes aux noms les plus prestigieux « garantissent » des succès impeccables aux divers examens.

Depuis leur plus jeune âge, la plupart des enfants sont poussés à placer les études au-dessus de tout autre intérêt. Leur temps de loisirs est limité, et on les dissuade, voire leur interdit de jouer dehors ou de regarder la télé. Lorsqu'on demande à Tai Yin-fang, une jeune Taipéienne de cinquième année de l'enseignement général de Taiwan [équivalent au cours moyen 2e année], ce qui l'incite à étudier, elle réplique aussitôt que c'est l'encouragement de ses parents. Pour la plupart des enfants, le temps des loisirs est sévèrement surveillé. « Je n'ai que le droit de regarder les informations télévisées », dit en faisant la moue Chang Ya-ching, en dernière année de l'école primaire de Jen-ai à Taipeh. Mais elle aime bien aussi les mélodrames chinois en feuilletons. Ses parents lui accordent une exception pour le bulletin d'information, car à l'examen d'entrée, il y a une épreuve sur l'actualité.

Même la lecture est guidée par de nombreux parents. Mme Chang Chi-ying, professeur de mathématiques dans un cours complémentaire, dit que, alors que beaucoup de parents interdisent à leurs enfants de lire autre chose que leurs manuels scolaires, elle a organisé des cours de lecture comprenant des B.D., des livres de contes ou des romans et des encyclopédies. La lecture de détente joue aussi un rôle dans le développement de l'imagination et de la personnalité de l'enfant, explique­-t-elle. Les parents n'ont pas la patience d'attendre un accomplissement de leurs enfants à long terme.

Dans la classe de mathématiques de Mme Wu Jui-hsiang, les écoliers de CM.1 ont la chance de s'exprimer librement. Elle a adopté la nouvelle méthode d'enseignement pour que les enfants profitent de sa discipline.

Des enseignants et des conseillers s'inquiètent de ce que l'étroit point de mire sur la préparation des examens crée une tension malsaine de contraintes et encourage les enfants à lier trop directement leur propre image aux succès académiques. Le système scolaire suscite des tensions supplémentaires en séparant les meilleurs élèves de leurs autres camarades, dit Mme Susan Lin, conseillère au lycée Tcheng-te (Cheng­-te) de Taipeh. Peu après leur entrée au lycée, les élèves passent des épreuves pour leur répartition en classes spéciales de mathématiques, d'anglais et de sciences qui accroît la pression sur les meilleurs et donne une impression d'échec aux élèves moyens, tout en suscitant un ressentiment entre les deux groupes.

Ceux qui réussissent parfaitement peuvent, à un moment donné, vaciller parce qu'ils ne supportent plus les contraintes de ces innombrables contrôles et qu'ils s'inquiètent de ne pas atteindre les moyennes recommandées par leurs professeurs, dit Mme Lin. Elle ajoute que cette coercition peut parfois conduire les bons élèves à rechercher une échappatoire, telle qu'une maladie feinte afin de rester à la maison. Ceux qui ont de plus faibles notes se conduisent différemment. Ils sont plus enclins à renoncer à tout effort, car ils n'entrevoient guère de chance de réussir l'examen d'entrée au lycée. Ce qui est pire, certains professeurs relâchent complètement leur attention sur ces élèves moins performants et leur permettent de faire ce qu'ils veulent pendant les cours pourvu qu'ils le fassent en silence. Dans les cas extrêmes, ces élèves sont exarcerbés par cette frustra­tion et font l'école buissonnière ou tombent dans la délinquance.

Les éducateurs font encore remarquer que l'intense compétitivité aux succès académiques peut fausser les objectifs mêmes de l'éducation. Et le professeur Lin Fou-lai de dire que la politique éducationnelle actuelle n'a pas pour but d'instruire tous les citoyens, mais de promouvoir une sélection par élimination.

Beaucoup de parents d'élèves comprennent que cette contrainte est malsaine. Mme Shen Yiu-yu, une mère de deux garçons de 10 et 13 ans, s'exclame tout simplement : « Si mes en­fants pouvaient faire des études dans un autre système éducatif que l'actuel, je suis sûre qu'ils seraient plus heureux. La vie d'un collégien taiwanais est vraiment terrible. Même les parents en souffrent. » Les deux garçons vont en classe six jours par semaine, puis fréquentent les cours complémentaires, l'aîné pendant quatre jours et le cadet pendant deux jours par semaine. La famille entière ne peut pro­grammer aucune sortie de week-end à cause du calendrier scolaire surchargé de l'aîné. De plus, les « cours de rattrapage » et les précepteurs privés sont onéreux. La valeur d'un mois de huit demi-heures de leçons de mathématiques de niveau élémentaire coûte au moins 37 dollars américains dans un « cours complémentaire » alors que des cours de niveau du collège ou du lycée de 90 minutes sont de l'ordre de 74 dollars américains. Les précep­teurs privés sont encore plus chers. Dans un pays ayant un produit national brut annuel par habitant d'environ 11 000 dollars américains, les frais de scolarisation de deux enfants dans un cours complémentaire s'additionnent très vite.

En plus des effets négatifs sur les élèves, le système éducatif peut même limiter les facultés des enfants, disent les éducateurs. Afin d'avoir des notes excellentes à leurs épreuves de mathématiques, des élèves passeront presque tout leur temps aux calculs et aux exercices sans réfléchir, dit M. Chu Chien-chen, professeur de mathéma­tiques à l'université nationale de Taiwan. Il trouve que, souvent fort doués pour apprendre par cœur, les élèves manquent d'esprit d'indépen­dance. Ils ne savent pas résoudre un problème qu'ils n'ont jamais fait auparavant, précise-t-il. Par ce système, l'étude des mathématiques se tient au niveau de l'arithmétique et peut se réduire à une opération machinale des formules-solutions de problème. Parmi les élèves qui ont passé les épreuves des Evaluations internationales du progrès éducatif, 54% affirment que les mathématiques sont essentiellement une discipline faisant appel à la mémorisation.

Une telle attitude est créée dès le jeune âge dans les « cours complémen­taires ». Une méthode d'enseignement des plus populaires pour les enfants de moins de dix ans, la méthode Kumon, fut introduite du Japon vers le milieu des années 60. Par cette méthode, l'enfant se forge des aptitudes ès mathématiques au moyen d'exercices de rabâchement qui deviennent de plus en plus complexes jusqu'à ce qu'il puisse résoudre automatiquement des problèmes mathématiques. Bien que la méthode Kumon ait récemment été critiquée pour la trop forte contrainte de mémorisation, beaucoup de parents ne jurent que par elle. Pour les élèves plus âgés, les « cours de rattrapage » suivent étroitement le programme normalisé de mathématiques des collèges et lycées qui accorde une large part à la mémorisation.

De telles méthodes, disent les éducateurs, peuvent étouffer la motiva­tion de l'élève pour les mathématiques et briser en général l'enthousiasme pour les études. L'étude des Evaluations internationales du progrès éducatif remarque que les enfants taiwanais, malgré leurs excellentes notes aux épreuves de mathématiques, se rangent à la seizième place des 20 pays étudiés quant à leur intérêt pour les mathé­matiques. Autre découverte : plus le niveau des classes est élevé, plus cet intérêt est faible.

A la lumière de ces problèmes, l'Etat et les fondations privées taiwanaises de l'éducation s'emploient à améliorer le programme des mathématiques. C'est en 1992 que le ministère de l'Education a lancé une méthode d'enseignement interactif à titre expérimental pour les cours de mathématiques. Cette méthode a été conçue par un groupe de professeurs de mathématiques et autres éducateurs, puis mise en œuvre dans 31 écoles primaires de toute l'île au cours de l'année scolaire 1992-1993. Elle sera appliquée à toutes les écoles primaires d'ici l'année scolaire 1996-1997. Le groupe composé d'une trentaine de pédagogues qui se rencontrent une fois par semaine a aussi révisé les manuels de mathématiques des première et seconde années [équivalent des classes CP et CE.1] distribués dans ces 31 écoles. Il projette de réviser les manuels de mathématiques de toutes les années de l'enseignement primaire.

Fondée sur la philosophie que les connaissances s'acquièrent à travers les efforts mentaux de chaque individu, une théorie extraite des éducateurs constructivistes, comme Jean Piaget (1896-1980), philosophe suisse, la nouvelle méthode est une brèche significative dans le style de l'instruction traditionnelle chinoise où le maître donne à l'élève des problèmes-formules à résoudre pour les mémoriser. Bien que la mémorisation et les exercices rabâchés fassent encore partie de l'enseignement, une grande part du temps des cours se passe à débattre plutôt qu'à entraîner l'esprit à la vitesse et l'exactitude.

Selon le nouveau système, on ne demande plus aux élèves de répondre à des questions, mais de trouver et d'expliquer les différentes possibilités pour parvenir à une solution. Après avoir posé les données d'un problème, le professeur demande d'en trouver la ou les solution(s) au lieu de formuler la réponse toute plate. Les élèves font des approches et choisissent parmi les divers moyens qu'ils ont appris ou proposent une nouvelle opération pour résoudre le problème.

Il est peut-être plus important que les relations maître-élève se transfor­ment du rapport supérieur-inférieur en un niveau égal. Au lieu de parler sur une estrade, les enseignants s'assoient au milieu de leurs élèves pour faciliter le débat. Dès que les élèves entament la discussion, le maître n'intervient que pour maintenir le thème de la discus­sion, pour engager toute la classe à y participer et pour éclaircir les malentendus.

Le professeur de mathématiques de l'école primaire Tong-yuan de Taipeh, Mme Wu Jui-hsiang, a enseigné la méthode traditionnelle depuis plus de vingt ans avant de se lancer dans la nouvelle norme. Elle explique pourquoi elle a changé : « Je désire que les enfants profitent de leurs leçons de mathématiques. » Elle rappelle que son enthou­siasme remonte à la visite d'une de ses anciennes élèves il y a quelque six ans. La jeune fille était devenue professeur d'anglais de collège. Mme Wu Jui-hsiang osa lui demander pourquoi elle n'était pas professeur de mathématiques, celle­-ci lui rétorqua qu'elle n'avait jamais vraiment bien compris ses cours de maths et qu'elle avait obtenu de bonnes notes en apprenant par cœur les formules et les solutions. Choquée par cette franche confession, Mme Wu Jui­-hsiang s'est lancée dans la promotion de la réforme éducative.

Les programmes scolaires trépidants font participer les parents. Une mère explique que « la vie des collégiens taiwanais est vraiment terrible, même les parents en souffrent ».

Abordant maintenant sa troisième année de méthode interactive, Mme Wu Jui-hsiang contrôle le progrès de ses élèves en enregistrant ses cours et en revoyant les vidéobandes après les cours. Elle demande aussi à chaque élève de conserver un carnet journalier de mathématiques pour transcrire les idées discutées en classe. Les élèves sont encouragées à développer leur langage, en se servant des combinaisons de mots et d'images pour décrire les idées mathématiques. Cela les aide à absorber et analyser ce qu'ils étudient.

Comment la nouvelle méthode se compare-t-elle avec l'ancienne? Mme Wu Jui-hsiang explique que ses élèves saisissent rapidement les concepts mathématiques et semblent être plus heureux en classe; ils développent tout aussi bien d'importantes aptitudes non mathématiques, comme la pensée critique, la confiance en soi et le respect des idées des autres.

A part l'école publique, plusieurs institutions privées promeuvent également la réforme de l'instruction. Depuis 1987, le Gwo-yeu Ryh-baw (sous­-titré en anglais Mandarin Daily News) a inserré une rubrique, La classe de mathématiques, destinée à rehausser l'intérêt des élèves de 4e et 5e années [équivalent CM.1 et CM.2] pour les mathématiques. Chaque année, 90 enfants participent à une des trois sessions. Pour 130 dollars américains, ils peuvent rejoindre une telle classe à raison de deux heures par semaine pendant trois mois. Le but est de présenter les véritables problèmes mathématiques dans une ambiance gaie qui encourage la pensée indépendante. Dans un des programmes familiers, la salle de classe se transforme en vaste forum où les élèves jouent de véritables rôles de la vie quotidienne demandant une apti­tude en mathématiques, comme les caissiers, les vendeurs de rue, les comptables et les ingénieurs. Les programmes sont formulés par des enseignants provenant des écoles primaires, des établissements secon­daires et des universités de Taiwan. « Le but essentiel de ce programme est d'aider les enfants à surmonter la phobie des mathématiques et à stimuler un esprit de curiosité et d'intérêt sur cette matière », dit Mme Lee Pik-lan, directrice d'école. La classe est devenue si populaire que les parents d'élèves font la queue la nuit pour les inscriptions du lendemain. Certains louent des chambres d'hôtel dans le voisinage afin de prendre leur relais d'attente au cours de la nuit.

La Fondation de la Jeunesse de Chine a aussi accueilli des activités de jeux-devinettes publics et a attiré un millier d'élèves et leurs parents à chacune de ses sept activités. Elles se tiennent généralement dans un parc public, encouragent les parents et les en­fants à œuvrer ensemble pour résoudre des problèmes de mathématiques basés sur des exemples concrets, comme, par exemple, la mesure de la profondeur de l'étang voisin. L'objectif est de prouver tant aux enfants qu'aux parents que la solution des problèmes de mathématiques peut être sympathique et que les mathématiques sont une partie inhérente de la vie. Les organisateurs encouragent donc les enfants à découvrir leur propre aptitude pour résoudre un problème en soulignant que les réponses correctes sont secondaires afin d'encourager la créativité des enfants.

Malgré ces réussites, faire accepter les nouvelles méthodes de l'enseigne­ment aux parents et aux maîtres plus conservateurs est une tâche ardue. Tous les enseignants ont été formés selon les valeurs traditionnelles, dit M. Huang Men-fon, professeur de l'université nationale de Taiwan, qui a participé à la révision des programmes de mathématiques. Ceux qui soutiennent la méthode interactive craignent que beaucoup de maîtres n'adoptent pas totalement le nouveau programme lorsque les nouveaux manuels de l'élève et livres du maître seront distribués aux établissements scolaires d'ici 1996.


L'attitude des parents pourrait s'avérer encore plus difficile à modifier, car les parents sont plus conscients de l'importance de la réussite à l'examen d'entrée au lycée, et ils ont du mal à accepter l'idée que l'enseignement est plus important que les résultats académiques. Toutefois, les parents sont de plus en plus nombreux à être contrariés par les effets négatifs secondaires du système de l'enseignement des mathématiques. Beaucoup d'entre eux se souviennent d'avoir vraiment peiné dans ces classes de mathématiques. « Quand j'étais au collège puis au lycée, la matière qui m'effrayait le plus était les mathématiques, dit Mme Shen Yiu-yu. Je me rappelle en­core des terribles efforts pour apprendre par cœur les formules et la frousse de passer les examens. Je déteste voir mes enfants traverser les mêmes moments. Je souhaite que l'enseignement des mathématiques soit vraiment réformé afin que ce cauchemar cesse de hanter mes enfants et moi-même. »

Wang Fei-yun

(V.F., Jean de Sandt)

Photographies de Chang Su-ching.

* L'établissement d'enseignement spécialisé est un peu particulier, mais nécessaire, dans le système de l'enseignement de la République de Chine. Généralement traduit en anglais junior college, c'est une appellation impropre mais commode. L'enseignement dispensé dans une discipline donnée (d'où le terme spécialisé, en chinois et sa traduction française) dure cinq ans et est accessible aux diplômés de l'enseignement secondaire premier cycle (collège). Il se situe donc à cheval sur le lycée et les premières années d'université. Les principales matières sont le commerce, le management, l'assistance médicale (infir­mière), l'éducation physique, l'industrie, la technologie, l'agriculture, l'art dramatique, la technologie marine, les beaux-arts, l'équipement médical, la pharmacie, les langues étrangères. Il existe aujourd'hui concurremment un programme court de trois ans réservé aux diplômés de l'enseignement secondaire deuxième cycle (lycée). Les diplômés de ces établissements possèdent dans leur discipline respective des équivalences de niveau universitaire pour poursuivre leurs études. Ce service éducatif peut apparaître comme une issue de secours, mais il s'est révélé utile et excellent fournisseur de cadres à l'économie taiwanaise en plein essor. (NDLR)

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