18/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Une bouffée d’airs frais

01/01/2009

>>Musique éléctronique, chants aborigènes, pop rock indépendante: Taiwan fait le pari de la diversité pour sa participation au MIDEM 2009

C’est une voix étrange, à situer quelque part entre Morrissey, le charismatique chanteur des Smiths, Thom York, celui de Radiohead, et… Barbara. Cette voix est celle de Qing Feng [吳青峯], le chanteur et auteur de la plupart des textes de Sodagreen [蘇打綠], un groupe pop rock indépendant insolemment talentueux, formé en 2001 à Taipei, et qui, après avoir conquis Taiwan et l’Asie, brûle de rencontrer les publics européens et américains. En compagnie du musicien électronique Lim Giong [林強] et des artistes aborigènes de l’ensemble Taiwan Soul, Sodagreen représente cette année Taiwan au marché international de la musique, le Midem, du 18 au 21 janvier à Cannes. Avec son nom pétillant, Sodagreen est le dernier bourgeon en date de l’éclosion qui, sur fond de diversité culturelle, de jeunesse et de liberté, a fait de Taiwan une véritable serre musicale. Voix féminine ou masculine ? Peu importe, on sent vibrer dans celle de Qing Feng la joie et la passion, qui emportent un public entre frissons et ivresse. Parler de cette voix, c’est parler d’eux : des jeunes nés dans les années 80 ou 90, à l’heure où Taiwan se frayait un chemin vers la démocratie.

Taiwan : la pop au cœur

En 1987, la loi martiale vient d’être levée dans l’île. La chanson en dialecte taiwanais, longtemps réprimée par un gouvernement inquiet qu’elle puisse encourager les tendances indépendantistes, regagne rapidement le terrain perdu. Elle a de fortes tonalités japonaises – l’île a été colonie de l’empire nippon de 1895 à 1945 –, tout en célébrant l’attachement à cette terre que les Occidentaux appelaient autrefois Formose. Déjà, à la fin des années 70, les « chansons de campus », des titres folks aux accents chaleureux et aux rythmes lents, avaient conquis la deuxième génération des Chinois ayant fui la guerre civile. Ceux-ci, sentant confusément que le retour en Chine était un rêve de plus en plus irréalisable, se montraient sensibles à la nostalgie des chansons en mandarin de Teresa Teng [鄧麗君] ou de Hou De-jian [侯德健].

Mais à la fin des années 80, c’est la pop en taiwanais qui est à la pointe de cette reconquête culturelle, avec Chiang Hui [江惠], Chen Yin-jie [陳盈潔] et Hung Jung-hung [洪榮宏] notamment. En 1990, Lim Giong, cheveux ondulés et coupés au bol, chante : « Oh ! Je n’ai peur de rien ! Oh ! Allons de l’avant ! » La chanson, un hit instantané, propulse le jeune homme sur le devant de la scène. Vecteurs principaux de ce rayonnement, les chaînes de télévision et de radio diffusent du matin au soir des titres en mandarin, en taiwanais, en hakka ou en langues aborigènes, une diversité culturelle qui attire bientôt les artistes de la diaspora chinoise.

L’île devient le centre de la pop en Asie. Les chanteurs chinois d’Asie du Sud-Est, de Hongkong et de Chine, et même des Coréens et des Japonais, viennent y lancer leur carrière. De la chanteuse d’origine aborigène A-mei [張惠妹] à Jay Chou [周杰倫], en passant par le Taiwano-Américain Wang Lee-hom [王力宏], le Taiwano-Japonais Takeshi Kaneshiro, ou la Singapourienne Sun Yanzi [孫燕姿], tous y ont pris leur envol.

« L’industrie de la chanson est particulièrement créative à Taiwan, dit Cherng Jan-chun [程正春], le directeur de la Publication au ministère de l’Information (GIO), à Taipei, chargé de promouvoir à l’étranger la production musicale insulaire. Un des atouts dont dispose Taiwan en matière de musique pop est le savoir-faire, explique-t-il. Leur parfaite maîtrise du mandarin ainsi que leur expérience dans ce métier font des professionnels taiwanais une ressource précieuse pour l’industrie musicale chinoise. » En fait, Taiwan apparaît de plus en plus comme un centre de formation des professionnels de la musique. Dès le début des années 1990, les Taiwanais sont aux quatre coins de la Chine, employés par des majors étrangères ou à la tête d’un joint-venture.

Au début des années 2000, toutefois, d’aucuns s’inquiètent d’un appauvrissement de la pop commerciale taiwanaise. Rythmes simplistes, mélodies sirupeuses, paroles mièvres, mercantilisme : les détracteurs ne manquent pas d’arguments. Mais l’île bouillonne pourtant de festivals en tous genres, où chanteurs et groupes amateurs tentent leur chance.

Sodagreen, la chanson avec bulles

C’est en juillet 2003, au détour d’une allée du festival rock Hohaiyan, organisé chaque été sur la plage de Fulong, au nord de l’île, que le producteur de musique Will Lin [林暐哲], réputé pour ses découvertes de jeunes talents, remarque Sodagreen. D’abord intrigué par la voix de Qing Feng, il est vite convaincu par la prestation scénique et la maturité musicale de ce groupe d’étudiants, qu’il signe l’année suivante sur son label indépendant, Willin. Quatre ans et quatre albums plus tard, Sodagreen a gardé tout son mordant. Fin décembre 2008, quelques minutes avant le début d’un concert à The Wall, la salle de leurs débuts dans le quartier étudiant de Gongguan, à Taipei, les 6 artistes échangent piques et sarcasmes, un exercice qui se prolongera sur scène au grand bonheur des spectateurs.

« D’accord, notre batteur est trop gros, lance Qing Feng à l’attention de Xiao Wei [史俊威], également auteur de la plupart des mélodies. Mais est-ce que le public français saura apprécier la beauté de notre guitariste Kay ? » Présenté comme le favori de ces demoiselles, sur scène, Kay [劉家凱] se cache un peu derrière sa guitare électrique. Avec Claire [謝馨儀], la très sexy bassiste et seule fille du groupe, ils donnent aux sonorités un style assez british. « La voix de Qing Feng m’inspire beaucoup et il m’est facile d’improviser quand il chante, explique quant à lui A-fu [何景揚], qui, à la guitariste acoustique, a pour modèle le guitariste de blues John Mayer. Comme lui, j’espère trouver le bon accompagnement pour chaque morceau », confie le musicien, dont le sourire est permanent. Retrouver la trace de toutes les influences à l’œuvre dans les chansons de Sodagreen est cependant chose ardue, tant le processus de création reste intuitif et les goûts de chacun très marqués. A-gong [龔鈺祺], aux claviers et au violon, et dont les références vont de Claude Debussy à Kylie Minogue, se charge d’harmoniser cet assemblage éclectique.

Le résultat, des ballades pop rock aux arrangements élaborés, marqués par de nombreux changements de rythme et de tonalité, a été salué tant par la critique que par le public. Ils étaient plus de 10 000, le 3 novembre 2007, à assister aux 5 heures du concert donné par le groupe à Taipei Arena. Consacré « meilleur groupe de l’année » lors des deux dernières éditions des Golden Melody Awards (les Victoires de la musique taiwanaises), Sodagreen a également été récompensé du prix de la meilleure chanson de l’année 2007 pour le titre Petite chanson d’amour [小情歌]. Sodagreen s’avèrerait-il finalement guimauve ? C’est sans compter sur la qualité des textes de Qing Feng. « Quand je découvre un nouveau texte, il m’arrive de ne pas comprendre certains caractères », confie Claire. C’est en effet un choix raffiné des mots en chinois qui distingue le style d’écriture du jeune parolier, et qui permet une écoute des morceaux à plusieurs degrés.

Avec ses faux airs de Françoise Hardy, Claire est en charge d’un projet central pour le développement de la popularité du groupe : la parution hebdomadaire d’un post sur le blog de Sodagreen, lui-même couplé à un site où les fans sont guidés par un plan de métro virtuel à la découverte des différentes facettes du groupe. « Après le premier album, nous avons compris qu’il nous fallait renforcer nos liens avec le public, explique-t-elle. Grâce à ce blog, nos fans peuvent assister à nos délires et aux coulisses de nos tournées. Fréquemment, nous publions aussi des extraits de nouveaux morceaux, notre sélection de lectures ou de restaurants. Et quand nous manquons vraiment d’idées, nous allons dans la rue interviewer les passants ! » Le site est truffé de gags, comme cette rubrique intitulée « les trois lignes » – une référence aux trois coulées de sueur qui traversent le visage des héros de manga japonais pris dans une situation embarrassante – et où sont exposées les pires grimaces des membres du groupe.

Comme l’explique Leslie Chung [鍾礽依], en charge des artistes et du répertoire à Willin, « les bouleversements de l’industrie musicale touchent aussi le marché de la chanson en mandarin, et affectent tant les majors que les labels indépendants. La promotion s’appuie de plus en plus sur les qualités propres à chaque artiste. » Aussi, Sodagreen et son producteur Will Lin voient-ils les choses en grand et ne comptent pas se contenter du marché asiatique, où ils rencontrent actuellement un succès grandissant.

Lim Giong : hors des sentiers battus

Autre pionnier de la production indépendante, Lim Giong a perdu sa coupe au bol et son statut d’idôle. En fait, il a quitté les pages des magazines et les plateaux de télévision depuis une dizaine d’années. Mais il n’a pas disparu. Reconverti dans la musique électronique, il compose des bandes originales de film, comme par exemple pour Still Life, le long-métrage du réalisateur chinois Jia Zhangke [賈樟柯], Lion d’or au festival de Venise en 2006.

« En fait, je sais que je suis quelqu’un de très ordinaire. J’aime juste la musique et le cinéma. Avec le succès, tout le monde imaginait toutes sortes de choses à mon sujet, mais ce n’était là que de la manipulation, dans l’intérêt commercial des maisons de disque et des médias », dit Lim Giong. Après sa rupture avec la pop commerciale, consacrée par l’album Entertainment World, en 1994, le chanteur a la chance de croiser Hou Hsiao-hsien [侯孝賢]. Ce dernier le choisit pour jouer dans Le Maître de marionnettes, un film basé sur la vie du marionnettiste Li Tien-Lu [李天祿].

Impressionné par la puissance et la créativité du chanteur, Hou Hsiao-hsien lui confie par la suite d’autres rôles, notamment celui d’un gangster pour Goodbye South, Goodbye, film pour lequel Lim Giong compose la bande originale. Pour ce projet, ce dernier collabore avec les groupes de rock indépendant Peter And The Wolf et LTK Commune, ainsi qu’avec les artistes Summer Lei [雷光夏] et Chao Yi-hao [趙一豪]. Self-Destruction, la chanson du générique, remporte en 1996 le prix de la meilleure chanson originale au festival du Cheval d’or (Golden Horse Awards), à Taipei.

« Grâce à cette expérience de production, j’ai découvert l’alchimie qui peut exister entre la musique et les images », dit Lim Giong. A partir de 1997, il s’immerge dans la musique techno et électronique. Il mixe dans des bars, des hangars abandonnés ou des galeries d’art, organisant des dizaines d’événements pour faire connaître cette musique qui lui tient à cœur. Avec des amis, il fonde bientôt Fluid-mix, un studio qui compose pour des spots publicitaires ou des sites Internet.

En 2001, il honore un vieux contrat le liant à la société Magic Rock Records, mais cette dernière refuse finalement de sortir l’album de musique électronique qu’il a composé. Elle ne s’attendait évidemment pas à ce que Hou Hsiao-hsien en fasse la bande originale de son film Millennium Mambo, ni à ce que cette création à l’écart des sentiers battus remporte à nouveau le prix de la meilleure musique originale aux Golden Horse Awards. Après le succès du film au festival de Cannes, la société française de production et de distribution MK2 invite Lim Giong à travailler sur un nouvel album, Insects Awaken, sorti en 2005, à propos duquel il évoque des « images en stéréo ». Pour cet album, l’artiste a collectionné à travers toute l’île des sons de chutes d’eau, d’insectes, de chants d’oiseaux, de conversations, de musique traditionnelle d’opéra taiwanais et d’ambiances de la vie quotidienne des insulaires, filtrés et mixés sur des rythmes électroniques. Cet opus lui a valu en 2006 le prix du meilleur album dans la catégorie « musiques du monde » aux Golden Melody Awards.

En 2008, il a collaboré avec d’autres artistes multimédias taiwanais au projet Lightening Music Seeds, qui a été exposé pendant quatre mois au Musée national des beaux-arts de Taichung, à Taiwan. Pour le Midem 2009, à Cannes, il mixera lors de la Nuit de Taiwan pour une version multimédia de la pièce Sanlang vend du thé. Il partagera la scène avec des marionnettes taiwanaises et des danseurs, pour une de ces rencontres créatives qui font sa joie.

Taiwan Soul : l’esprit aborigène

Fécondité des rencontres. A ces mots, le regard de Lee Shou-hsin [李守信] s’éclaire. Plus connu sous le nom de Xiao Bai [小白], il est batteur et producteur. Parallèlement à de multiples collaborations musicales, la musique aborigène est, pour ce neveu d’un chef atayal, à la fois un refuge et un champ d’exploration.

Xiao Bai possède un studio d’enregistrement aménagé dans un ancien atelier jouxtant la maison familiale. En y montant, on aperçoit la tour Taipei 101, toute proche. De part et d’autre de l’allée en ciment qui serpente à flanc de colline, des petites maisons enchevêtrées semblent avoir été poussées là par le dépôt de bus et le métro aérien voisins. Si de nombreux Hakkas habitent la rue en contrebas, la colline, elle, est principalement peuplée de familles aborigènes.

Xiao Bai est né à Wanrong, dans le district de Hualien, mais a grandi dans la capitale. Il y a étudié l’anthropologie à l’université, peut-être un moyen de mieux connaître ses racines. Après diverses expériences au sein de groupes locaux, Xiao Bai est devenu depuis une dizaine d’années l’un des batteurs les plus en vue dans le monde chinois. De Coco Lee [李玟] à Na Ying [那英], en passant par Karen Mok [莫文蔚] ou Penny Tai [戴佩妮], toutes les stars de la pop taiwanaise, hongkongaise, malaise et chinoise ont sollicité son talent.

Entre Pékin et Taipei, Xiao Bai n’en oublie pas pour autant ses racines aborigènes. A l’intérieur du petit studio à flanc de colline, résonne ce soir la voix de Lea Kao [高蕾雅], accompagnée à la guitare par Huang Ting-yao [黃廷堯] et aux percussions par Xiao Bai. Avec deux autres artistes, ils forment Taiwan Soul, un groupe constitué en perspective du Midem, pour y présenter les talents aborigènes de Taiwan.

Pourtant, ici, aucun instrument traditionnel en vue. Pas de guimbarde ni de flûte nasale. « Nous répétons des chants traditionnels en provenance de différentes tribus aborigènes de l’île, mais les réarrangeons avec des instruments contemporains, imprégnés de multiples influences, qui vont de la musique afro-cubaine au funk, en passant par le jazz, explique Xiao Bai. D’autant plus qu’à la différence d’autres peuples austronésiens qui font grand usage de tambours, les aborigènes privilégient traditionnellement la voix. » Si l’esprit aborigène souffle, c’est avant tout dans le choix des chants et la façon de les interpréter.

Par exemple Ho ai ye yan, une chanson puyuma. « La chanson est très connue à Taiwan, mais nous avons voulu lui donner une nouvelle vie. Loin du formatage de la pop commerciale, nous voulons garder notre spontanéité, nous écouter les uns les autres quand nous l’interprétons, un peu comme si nous jouions du jazz », dit Xiao Bai. Le groove est donné par la guitare et les tambours, en dialogue permanent avec la voix de Lea, bientôt rejointe par sa sœur Vivian [高慧君]. Aux claviers, Chou Heng-yi [周恆毅] enchantera plus tard le morceau avec des sons de la forêt tropicale.

La plupart des chants sélectionnés sont toutefois puisés dans le patrimoine d’une autre tribu de l’île, les Tsou, originaires de la région d’Alishan, et d’où sont issues les sœurs Kao. Miyome, l’un des morceaux présentés au MIDEM, est d’une simplicité poignante et intrigante. Son tempo rapide laisse pourtant percer une plainte sourde. « C’est un chant funéraire, explique Lea. Les paroles n’en sont pas vraiment : il s’agit plutôt d’une mélopée interprétée par les villageois pour réconforter les proches du défunt, sur une cadence beaucoup plus lente que celle que nous avons retenue. » En accélérant le rythme, les interprètes ont certes changé l’allure de ce chant, mais n’ont en rien amoindri sa force.

On l’aura compris, sous l’étiquette Taiwan Soul se cachent en fait des artistes à la singularité affirmée. Huang Ting-yao, par exemple, un Paiwan, charme par ses traits doux, son calme et sa dextérité. A l’image du guitariste hawaïen Jack Johnson, il insuffle beaucoup d’énergie dans un style musical pondéré. Vivian Kao mène quant à elle de front plusieurs carrières. Actrice pour la télévision, elle est la lauréate en 2006 des Golden Bell Awards pour son interprétation dans La Beauté de l’aube. Chanteuse solo déjà auréolée de succès, elle vient de sortir un album avec sa sœur Lea et trois autres interprètes également d’origine tsou.

Tous sont impatients de participer au MIDEM. « En dehors de Tokyo peut-être, il s’agit là d’une occasion unique de présenter nos créations aux acteurs de l’industrie musicale internationale. Chacun des membres de Taiwan Soul a son propre style et suit sa propre voie, mais c’est pour nous tout naturel de nous réunir et de partager ces instants fraternels. Cela est dans la plus pure tradition aborigène ! », explique Xiao Bai.

Peut-être à cause de son insularité, Taiwan a fait du métissage et de la redécouverte de son identité le socle de sa créativité musicale. A côté d’une puissante industrie pop qui domine le marché asiatique, les labels indépendants promeuvent aujourd’hui des artistes qui respirent la joie de jouer et de chanter, en toute simplicité, et n’entendent pas rester prisonniers de logiques géographiques ni d’a priori stylistiques. Une diversité enthousiasmante, plaisir d’écoute à la clé ! ■


« Osez promouvoir votre musique à l’étranger ! »

P.-Y. B.

Dominique Leguern, directrice du Midem, répond aux questions de Taiwan Aujourd’hui.

Qu’évoque Taiwan pour vous en termes musicaux ?

Mon impression de la musique taiwanaise est celle d’un grand éclectisme. En 2007, le Midem a hébergé un premier tremplin taiwanais, au cours duquel se sont produits les groupes Hohak et Chthonic, ainsi que Lim Giong. Leur musique allait du métal à l’électronique en passant par des sonorités traditionnelles aborigènes. Cette année, la Nuit de Taiwan met à nouveau à l’affiche trois groupes d’artistes : Dream T., un mélange, avec Lim Giong, de musique électronique, de danse et d’art des marionnettes ; Taiwan Soul, aux sonorités plus traditionnelles ; et le groupe pop Sodagreen.

Comment les Européens perçoivent-ils les musiques asiatiques ?

D’une manière générale, la musique asiatique, et taiwanaise en l’occurrence, est peu connue du public européen et reçoit très peu de couverture de la part des médias. La barrière de la langue joue pour beaucoup, l’anglais étant jusqu’à présent la seule langue qui s’exporte mondialement. Mais aujourd’hui, avec Internet, les consommateurs ont accès à un spectre musical plus large et le Midem peut jouer très positivement le rôle de tremplin pour promouvoir la musique asiatique en Occident.

Faut-il aux artistes taiwanais passer par des voies détournées comme les chants aborigènes utilisés par Enigma, la B.O. des films de Wong Kar-wai ou les thèmes du jeu vidéo Final Fantasy, pour toucher le public européen ?

Il y a quelques années, la musique était presque exclusivement distribuée sur support CD et sa promotion était assurée principalement par la radio et les médias traditionnels. Aujourd’hui, il y a de multiples façons d’atteindre le public et le CD n’est plus au centre du modèle commercial en vigueur. ;Beaucoup d’artistes sont lancés à travers des tournées, en ayant un titre sélectionné pour la bande son d’une série télévisée, d’un film, d’un jeu vidéo ou même d’une campagne publicitaire. La seule façon de savoir si la musique taiwanaise peut dépasser les frontières régionales est de la jouer et d’en faire la promotion à l’étranger. La barrière linguistique à laquelle doivent faire face les Taiwanais est la même pour tout artiste qui ne chante pas en anglais.

En matière de technologies numériques et de convergence des supports, qu’a-t-on à apprendre en Europe, selon vous, du marché de la musique en Asie et à Taiwan ?

L’Asie est très certainement en avance sur l’Europe et les Etats-Unis en matière d’utilisation des technologies numériques. La chute des ventes de CD n’a pas eu les mêmes répercussions sur l’industrie musicale asiatique, tout simplement parce que ce support n’a là-bas jamais été le socle d’un modèle commercial stable. Le consommateur asiatique est particulièrement au fait d’Internet, de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux en ligne, à la fois en tant que médias d’information et plate-formes d’accès aux contenus. La manière dont la musique est consommée en Asie et spécialement à Taiwan nous offre un modèle pour notre propre industrie dans les années à venir. ■

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