15/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Les thèmes traditionnels

01/03/1992
Pièces artistiques que l'auteur décrit.

Dans une société devenant industrielle et commerciale, les motifs traditionnels d'ornementation défendent avec acharnement leur place au soleil devant la tendance générale, pour le meilleur de la conservation du patrimoine culturel. Privées des valeurs créatives pour n'être plus que de la copie, ces compositions décoratives possèdent rarement de couleurs locales où la qualité est médiocre et l'emballage grossier. A mesure que se développe l'économie, s'élève le goût du public qui poursuit inlassablement l'agréable de la vie en préférant avec plus de discrétion des objets de tous les jours de meilleure qualité.

Les motifs traditionnels chinois d'ornementation font partie de l'art folklorique. Basés sur une philosophie humaniste et humanitaire et sur une harmonie entre les lois naturelles et les passions humaines, ils ne possèdent aucun trait d'affection ni les contraintes de la noblesse. Empreints de fortes couleurs locales, ils s'expriment avec chaleur et netteté qui les distinguent du réalisme et du rationalisme de leurs homologues occidentaux.

Depuis des années, Tchen I-tsong a toujours travaillé sur les toits d'édifices historiques, au milieu de briques, de tuiles, d'arbres et de pierres pour des réfections ou des restaurations. C'est là qu'il réalisa la profondeur esthétique de la puissance et de la composition des motifs traditionnels d'ornementation. Il en tire l'essentiel de son inspiration et de sa technique par décomposition et recomposition des traits et, enfin, par transformation en une équation moderne dans différentes applications de la vie quotidienne. Il présente quelques-unes de ses œuvres.

Le thème Richesse, honneur et printemps du Nouvel An

(C'est une œuvre candidate au Prix 1988 des tableaux et estampes de Nouvel An organisé par la commission d'Etat de )

Les thèmes de Nouvel An qu'on trouve un peu partout en Chine ont presque tous le motif traditionnel de bon augure, comme l'arrivée de la richesse, l'aisance tout au long de l'année ou les dieux ostiaires. Le thème de Nouvel An repose essentiellement sur trois idéogrammes, richesse (fou), honneur (koueï) et printemps (tchouen) d'après l'écriture sigillaire stylisée qui sont entourés d'une frise géométrique comportant la liaison du svastika et du sauvastika bouddhiques et de nombreux entrelacs angulaires. L'ensemble a une signification symbolique de bon augure ayant un effet occulte. Etant donné que la richesse et l'honneur sont les deux principes constamment recherchés par l'âme chinoise, ces deux idéogrammes auront la préférence dans les souhaits de bon augure. Toutefois, le caractère printemps a deux sens, l'un est la saison où est sensé tomber le Nouvel An chinois, l'autre est celui de son homo­phone en dialecte taiwanais signifiant surplus. L'ensemble de ces trois caractères veulent dire clairement que la richesse et l'honneur sauront apporter un surplus à chaque année.

Le svatiska bouddhique (ouan en chinois) représente les rayons du soleil, de la vie, de la santé et de l'espoir tandis que les écritures classiques chinoises le citent comme le symbole de la bonne fortune et du bonheur. Comme la religion bouddhique se répand en Chine, le pictogramme même du svatiska est directement adopté dans l'écriture chinoise en 693 sous le règne de l'impératrice Wou Tse-tien (624-705, règne personnel 684-705). Depuis, il est généralement utilisé comme un motif d'ornementation. La figure géométrique composée de multiples svatiskas se propage à partir de la figure primitive dans les quatre directions. On l'appelle en chinois brocart du svastika. L'enche­vêtrement de toutes ces lignes ne semble avoir de cesse. Son déploiement peut se composer de différentes façons. On le retrouve très souvent sur presque tous les objets artisanaux, bois, pierre ou brique sculptés. Ce brocart est peut-être encore plus représentatif avec le treillage traditionnel de fenêtre. Ce motif devenu design s'est conformé, d'une part, à la tradition chinoise et, d'autre part, aux règles dimensionnelles de bon ou mauvais augures énoncées par le grand maître architecte Lou Pan. Selon lui, une longueur de 40, (env. 14 tsouen) représente la base tandis qu'une largeur de (env. 5,6 tsouen) est la loyauté.

Les timbales et la breloque en faïence aux idéogrammes richesse et honneur

A l'origine, les idéogrammes chinois sont des signes ou des dessins représentatifs pour enregistrer les événements et les activités de l'homme. La figure formée de l'un des deux ideo­grammes, richesse et honneur, sur une timbale à couvercle ou des deux sur une breloque en faïence s'inspire de la source originale dans le dessin, le symbole et même l'imagination de leur auteur, tout en y incorporant des no­tions de philosophie, de sentiment et d'esthétique. Les deux idéogrammes sont placés au milieu de la décoration d'un encensoir où on brûle des bâtonnets d'encens en l'honneur des ancêtres et qui symbolise la pérennité de la famille, ou bien celle d'un jou-yi, un talisman qui doit assurer la réalisation des vœux. L'ornementation autour de ces deux idéogrammes et leur support expriment des souhaits vifs et sincères.

La création de cette paire de timbales portant chacune richesse et honneur a recueilli un vif élan des plusieurs artistes pour la promotion et l'intégration de cet art folklorique dans la vie quotidienne. L'artiste potier, M. Yang Tcheng-yong, est ainsi responsable du dessin et de la fabrica­tion. L'objet mat sert de support au mo­tif d'ornementation vernissé en bleu, ce qui en rehausse la sobriété classique. Pour embellir la création, un coffret en bois de cyprès. Sur le couvercle, une calligraphie en cursive de M. Houang Tien-sou. A l'intérieur, un carton explique en trois langues (chinois, anglais et japonais) les diverses parties de l'ornementation. C'est en même temps une singulière carte de vœux.

Aujourd'hui, la tendance de cette composition décorative s'inspire de thèmes et de styles occidentaux. On a tout de même conservé les idéogrammes richesse et honneur sur les objets décoratifs de bon augure. Ici, c'est une petite plaquette en céramique où, recto et verso, sont tracés le design de ces deux caractères. Elle se place dans un pendentif en macramé traditionnel chinois. La breloque avec les mêmes motifs d'ornementation est aussi pleine de couleurs locales et de grâce tandis que l'ensemble symbole des vœux les plus sincères.

Le manteau de porte Dédié à la paix éternelle.

Le faire-part de mariage des familles Lin et Wou

Le mariage est un des plus importants événements de la vie dans les grandes sociétés. Il est donc préférable que le faire-part de mariage s'écarte des poncifs traditionnels et assez uniformes qui usent de motifs constants et à peine renouvelés de bon augure. Le motif de décoration de ce faire-part de mariage s'inspire de thèmes sculpturaux sur brique. Par une habile conception, les esprits traditionnels et modernes cherchent tous à manifester davantage l'atmosphère joyeuse qui animent les noces.

Le design de ce faire-part se fonde sur l'idéogramme joie (hi) doublé et le brocart du svastika. Il symbolise les vœux les plus sincères aux nouveaux mariés afin qu'ils puissent se baigner dans le fleuve de l'amour durant toute leur vie. Selon une tradition, à gauche se tient la place masculine et à droite la place féminine, et conformément à un dicton populaire, « l'homme rouge et la femme vert », le patronyme du marié sera à gauche en rouge et celui de la mariée à droite en vert. De plus, pour bien rappeler aux invités lors du festin nup­tial, une enseigne encadrée aux motifs identiques à ceux du faire-part peut être suspendue sur le mur d'honneur de la salle.

Le manteau de porte Dédié à la paix éternelle

Le manteau de porte en papier suspendu au linteau de la porte d'une maison pendant la saison du Nouvel An chinois s'appelle familièrement par jeu de mots (homophonie), l'argent suspendu. Le manteau est en papier, frappé en sa partie supérieure d'une estampe ou creusé par un découpage de papier et collé au-dessus de la porte, justement sur le linteau. Ordinairement, il s'agit de cinq feuilles toutes rouges ou bien chacune ayant une couleur différente (rouge, bleue, jaune, verte et rose). Le manteau multicolore se dénomme également le Charme des cinq bonheurs. Sur la partie supérieure, on appose souvent une image populaire de circonstance, L'officier céleste distribuant le bonheur (fortune, progéniture mâle et longévité) ou Le comble du bonheur, de la richesse et de la longévité, tandis que, dans tous les cas, la partie inférieure est tailladée en lambeaux qui se laissent balancer au gré du vent pour mieux accueillir les cinq bonheurs. A cause du développement économique et de la transformation de la société ces dernières années, le Nouvel An chinois a un peu perdu, et chaque année un peu plus, de son charme classique et folklorique. Ainsi, on constate non seulement la disparition des ornements et des objets décoratifs de fête, mais aussi à leur appauvrissement et à leur médiocrité à cause de la production de masse.

Ce manteau de porte du Nouvel An chinois créé par Tchen I-tsong est inspiré des treillages de fenêtre tradi­tionnels. L'artiste en a recomposé et rassemblé les parties les plus attrayantes avec les différents idéogrammes de style sigillaire, comme Dédié à la paix éternelle. Cette composition toute décorative comprend le pan-tchang, signifiant la continuité, la carapace de tortue signifiant la réussite à l'examen impérial, donc aux honneurs, le brocart du svastika signifiant la pérennité, la gourde, homophone de la richesse et de l'honneur, les quatre ki, idéogramme du bon augure et homophone de la distribution des bonheurs, et l'ensemble de la gourde et des sapèques signifiant l'acquisition de la richesse et des honneurs. A travers ces motifs d'ornementation de bon augure qu'on peut reproduire sur tous les objets de la vie quotidienne, il tente d'en rehausser le goût artistique et de créer un style nouveau et original tandis que les gens se souhaitent vivement et sincèrement le bonheur et la paix pour la nouvelle année qui vient.

La carte de vœux aux bonheur, honneur et longévité.

Chaque année, les fêtes de Noël, du Nouvel An grégorien et du Nouvel An chinois se succèdent inévitablement. Mais la jeune génération de Taiwan, fortement influencée par la culture occidentale, envoie ses cartes de vœux à ses parents et amis dès la saison de Noël. Afin de suivre cette tendance universelle, Tchen I-tsong a combiné les styles occidentaux et chinois. Ses cartes de vœux sont décorées des motifs traditionnels d'ornementation avec les idéogrammes classiques d'inspiration du style sigillaire bonheur (fou), honneur (lou) et longévité (cheou). Autour de ces trois caractères s'étalent les frises du svastika et du houeï, la perpétuité. Au dos de la carte, on trouvera les explications des motifs et bien sûr les traditionnelles expressions de vœux, tant en chinois qu'en anglais. C'est bien agréable et original d'envoyer à des amis chinois ou étrangers de si jolies cartes! Le manteau de porte cité plus haut est aussi une grande carte de vœux.

La plaquette en céramique aux bonheur, honneur et longévité

Le motif d'ornementation de la carte de vœux est une fois de plus repris pour la plaquette en céramique. Cette dernière peut être encadrée et suspendue au mur comme un tableau ou bien plaquée à un mur comme partie d'un revêtement intérieur de maison. Enfin, il peut être tracé dans un plat ou même un service à fruits ou à dessert.

Les répertoires aux figures de treillage et motifs d'encensoir.

Ce répertoire se porte généra­lement sur soi, car on pourra y inscrire diverses notes, réflexions ou dessins personnels en maints instants de la vie. Tchen I-tsong en a édité deux sur lesquels ont été rassemblés les images et fac-similés de motifs traditionnels chinois d'ornementation des treillages de fenêtre et de l'encensoir du tcheu-hou (un dragon écorné jaune légendaire). Ils peuvent intéresser tous ceux qui font des recherches sur les motifs traditionnels d'ornementation et qui s'y référeront volontiers.

En chinois, les treillages de fenêtre s'appellent aussi « fleurs de fenêtre ». Ils se composent de divers motifs entre­croisés de lattes de bois. Le motif du brocart musulman (nom chinois), probablement l'arabesque géométrique, avait déjà été adopté et appliqué aux treillages de fenêtres. Ce type d'art visuel a trouvé en Occident un homo­logue qui s'est développé dans les années 60. C'est l'op'art. Mais ce qui distingue les motifs du brocart musulman géométrique de l'op'art est la significa­tion réelle et le sentiment de la perpétuité familiale.

L'encensoir du dragon écorné jaune, ainsi dénommé par ses maîtres artisanaux, se place normalement devant chaque maison ou la niche d'un temple. Ses motifs d'ornementation sont notamment appliqués aux treillages de fenêtre tandis que le dragon écorné jaune se love pour former l'encensoir. Cet encensoir porte en soi tout le respect dû aux ancêtres et à la transmission des préceptes familiaux de génération en génération. Dans de nombreux motifs d'ornementation, on retrouve souvent divers symboles de bon augure, comme le lithophone (homophone de fête), la chauve-souris (homophone de bonheur), le jou-yi (le désir satisfait). Ce qui paraît le plus intéressant dans ces motifs combien variés, c'est la forme du dragon écorné jaune qui, en se lovant, retracent les idéogrammes richesse et honneur.

Tchen I-tsong

(Traduction du chinois : libre.)

Crédits photographiques de l'auteur.

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