Si la littérature peut vraiment refléter l'âme d'un peuple, beaucoup d'aspects des romans contemporains taiwanais expriment l'esprit de la société moderne de Taiwan. C'est un esprit diversifié, souvent aventureux, original, contemplatif, capricieux et incontestablement de commerce. Cependant, la variété du caractère et de la qualité n'est devenue flagrante que lorsque les écrivains se sont mis à présenter leurs réflexions sur les rapides transformations politiques, économiques et sociales au cours de ces trentes dernières années.
N'ayant d'autres choix, les écrivains se sont laissés enfermer dans des sujets d'histoire, de civilisation, de société, ainsi que sur leurs expériences personnelles. Ce phénomène est particulièrement vrai à Taiwan. Les trentes dernières années ont œuvré une révision rigoureuse des systèmes, des institutions, des valeurs et de l'intégration. Ses effets sur la société sont alors difficiles à négliger. Même les écrivains les plus renfermés avouent que la rédaction littéraire est un acte social. Ce sont les gens que j'ai entendus et vus qui l'ont poussé à écrire, a dit Wang Chen-ho. Leurs épreuves, leurs souffrances, leurs paroles et gestes, leurs manières grotesques lui ont tous donné une impression très forte et inoubliable. Après dix, vingt ou trente années, il ne les a pas oubliés et ils sont tous devenus une partie de lui.
Il est décédé à la fin 1990 d'un cancer à l'âge de 50 ans. Il a écrit plus de 20 nouvelles et romans et qui ont marqué un tournant dans la littérature contemporaine de Taiwan. Son style continue d'inspirer les jeunes écrivains de l'île. Il était né en 1940 dans un petit village de la côte Est (hsien de Houalien). Après la fin de ses études au lycée, il est entré à la faculté de langues et littératures étrangères de l'université nationale de Taiwan à Taipei. Au début des années 70, il participa à un séminaire de l'International Writers Workshop de l'université d'Iowa (Etats-Unis).
Il a commencé à écrire pendant ses études universitaires. Dès la première année, il publie sa première nouvelle qui obtient un vif succès, Fantômes, vent du nord et hommes. Doué d'une excellente mémoire et connaissant bien les classiques chinois, il s'imprègne fortement de la littérature anglo-américaine. Dans ses interviews, il cite très souvent les grands écrivains de la littérature anglo-américaine, comme William Faulkner (1897-1962, américain), James Joyce (1882-1941, britannique) ou Katherine Anne Porter (1880-1980, américaine). Dans ses ouvrages, il aime bien commencer par une citation d'un grand écrivain occidental. Ainsi, dans Fantômes, vent du nord et hommes, il cite le norvégien Henrik Ibsen (1828-1906) : « Pour survivre, l'homme devient égoïste. »
Ssu-ma Chung-yuan.
Ses ouvrages fourmillent de portraits fidèles aux villageois de son pays natal. Son habileté et son aisance dans l'emploi d'expressions littéraires anglo-américaines, ainsi que d'autres plus familières et de l'argot dialectal parlé à Taiwan ajoutent évidemment force et vivacité aux intrigues de l'ouvrage. Tous ces éléments s'entrelacent dans Une charrette pour dot, un roman sacarstique et plein d'humour d'un amour entre trois personnes. Wang-fa, un cancre, presque sourd et entretenant avec difficulté les siens, est obligé d'échanger une charrette et ses meilleurs moyens d'existence, de partager ses fils et sa femme qui est acariâtre avec son voisin Tchien, un colporteur peu scrupuleux de vêtements.
Ce roman écrit en 1967 est un bel exemple de la littérature insulaire chinoise qui est apparue vers la fin des années 60. Elle représente essentiellement par son expression plus l'île de Taiwan que continentale. Elle est donc riche en couleurs locales et se veut retracer une identité distincte. Elle fait certainement partie d'une renaissance de la littérature qui, dans les années 50, s'était caractérisée par un anticommuniste primaire et une propagande figée et dégénérée. Elle est enfin un courant littéraire de la première moitié des années 60 qu'on veut considérer plus aventuriste et introvertie.
Chu Hsi-ning.
Le mal de la terre natale, mêlé de langueur et de mélancolie a dominé les ouvrages des écrivains chinois immigrés de Chine continentale. Hsieh Ping-ying et Peng Ko sont certainement les plus connus. Les intrigues et les personnages de leurs ouvrages sont inspirés des expériences que les auteurs ont connu en Chine continentale. Pendant ce temps, les écrivains de souche taiwanaise, comme Yeh Shih-tao ou Chung Chao-cheng, composent leurs ouvrages en langue officielle, le pékinois. C'est la langue de l'enseignement dans l'île depuis la rétrocession de Taiwan à à la fin de mondiale en 1945 qui a marqué la fin de l'occupation japonaise. Sous l'occupation japonaise, les écrivains d'origine chinoise (taiwanaise) utilisaient comme moyen d'expression la langue japonaise ou le dialecte chinois parlé à Taiwan. D'une manière générale, leurs ouvrages de cette époque reflètent l'hostilité contre l'impérialisme et la bureaucratie des occupants.
Mais, les années 60 marquent un réveil du dynamisme littéraire. Il semble bien que ce soit une période transitoire entre la stagnation précédente et le développement ultérieur. De jeunes écrivains, comme Pai Hsien-yung, Ouyang Tzu, Wang Wen-hsing et Chen Jo-hsi, ne tolèrent guère plus cette littérature écrasante des années 50 tandis que la plupart d'eux parlent l'anglais et connaissent assez bien les tournures littéraires anglo-américaines. Immigrés à Taiwan dès l'enfance, ils n'ont reçu que peu d'influence des courants littéraires de Chine continentale et, surtout, se sont orientés vers l'étude d'écrivains de l'Occident, en général, et anglo-américains, en particulier, comme Albert Camus (1913-1960, français), Franz Kafka (1883-1924, tchèque d'expression allemande), Faulkner, Joyce, Ernest Hemingway (1899-1961, américain), David Lawrence (1885-1930, britannique), dont les styles et les thèmes qu'ils ont développés exercent une formidable influence sur ces jeunes écrivains chinois de Taiwan. Ces derniers sont assez rigoureux par la nature de leurs écrit qui se veulent philosophiques et introspectifs. La plupart des thèmes qu'ils développent dans leurs écrits sont bâtis dans l'univers insulaire de Taiwan. Et ce n'est pas sur la composition des intrigues qu'il faut évaluer leurs œuvres, mais bien sur la formule, le style ou les tournures linguistiques des auteurs.
Chung Yung-ho
Adieu à la vie rurale, son mode de vie et ses traditions. La littérature moderne regarde vers les transformations rapides des institutions, des valeurs et du sens de l'appartenance.
Pai Hsien-yung, né dans la province de Kouangsi en 1937, est un brillant représentant de la littérature contemporaine de Taiwan. Ancien étudiant de l'International Writers Workshop de l'université d'Iowa, il commence à écrire dès ses études de maîtrise à la faculté de langues et littératures étrangères de l'université nationale de Taiwan. En 1960, lui et d'autres camarades et jeunes écrivains lancent une revue, Littérature moderne, qui édite toujours et a servi de tremplin culturel à la jeune génération littéraire. Fils de bonne famille, Pai Hsien-yung a écrit beaucoup de romans sur la classe élitiste chinoise. Ses évocations fortes et son style sarcastique mêlés à la fois d'ironie et de sympathie sont partout présents dans ses ouvrages. Aujourd'hui, il enseigne la littérature chinoise à l'université de Californie à Santa Barbara (Etats-Unis).
Pai Hsien-yung a écrit pendant ses études universitaires La belle-sœur. Il y raconte le point de vue d'un enfant sur la vie familiale aisée à Koueïlin avant la guerre sino-japonaise. L'enfant, Yong-yong, s'éprend de sa nouvelle nourrice, , qui fut la bru d'un riche et honorable mandarin. Devenue veuve, comme sa belle-famille périclite, sa belle-mère la chasse. C'est à travers les yeux naïfs de Yong-yong que tout le sénario se déroule depuis l'histoire malheureuse d'une belle femme qui doit faire le ménage d'une famille nantie et en tenir la maisonnée jusqu'à son obsession d'un amour passionné, violent et destructeur.
Dans son recueil de nouvelles, Merveilles dans un jardin, paru en 1969, l'une d'elles, Les Taipéiens, est appréciée pour l'interprétation fidèle de la vie à Taipei des immigrés de Chine continentale. Les scènes tournent autour des épreuves que ces immigrés connaissent pour rétablir leurs pénates et restaurer leur statut social. Cet ouvrage a été inserré dans le recueil Les gens de Dublin de James Joyce.
Wang Wen-hsing, né dans la province du Foukien en 1939, a comme ses camarades de l'université nationale de Taiwan travaillé pour la revue Littérature moderne. Maintenant, il donne des cours de littérature anglaise à cette même université de Taiwan. Ayant participé à l'International Writers Workshop de l'université d'Iowa, il a obtenu une maîtrise ès beaux-arts. C'est également un des principaux partisans de l'« occidentalisation » de la littérature chinoise.
Il a beaucoup innové le développement de l'intrigue, ce qui a généralement entraîné une appréciation très partagée chez le lecteur. Bien que ses publications datent des années 60, on ne lui a prêté attention qu'à partir de 1972, lors de la sortie en feuilleton d'une autre nouvelle, La faillite. C'est un enfant qui va à la recherche de son véritable père en quittant la famille. Il le fait certes à la demande de sa mère, mais, au fond de lui-même, il ne désire nullement que son père rentre. Le thème est la lente destruction des relations traditionnelles entre père et fils. L'auteur a provoqué de véhémentes polémiques, tant sur le sujet lui-même que sur le style en ayant morcelé et parsemé à volonté le retour à l'enfance du fils dans la trame du déroulement.
Pai Hsien-yung.
Dans sa deuxième nouvelle, L'homme de la mer d'arrière, Wang Wen-hsing met plus l'accent sur le fossé qui se creuse et le manque de communication entre deux générations à travers le monologue intérieur du protagoniste. Celui-ci, un homme criblé de dettes, s'en va se cacher dans un petit village au nord-est de Taiwan. Le fil des intrigues est hautement symbolique et fort décousu, puisque le temps et l'ordre ne sont pas pris en considération.
Probablement, l'un des points les plus remarquables du développement littéraire de ces dix dernières années est l'apparition de militaires écrivains, nés en Chine continentale, comme Ssu-ma Chung-yuan et , qui se sont tous mis à écrire durant leur carrière militaire. Presque tous s'étaient engagés dans l'armée pendant ou après la guerre sino-japonaise (1937-1945) quand ils étaient encore au lycée ou à l'université. C'est la première fois dans l'histoire de la littérature chinoise que d'anciens militaires se sont ainsi convertis pour se consacrer à exposer des valeurs traditionnelles chinoises dans leurs œuvres. Le produit de leur rédaction ou de leur imagination est généralement une aventure mêlée de légendes de antique qui s'est irrésistiblement emparée d'un grand nombre de lecteurs. Parlant de paysans épris de grande résistance, on en ressent la couleur locale, une énergie de ressort et une admiration pour l'odeur de la terre, de l'honnêteté et la force du folklore campagnard.
Chen Ping-hsun
La littérature de la terre natale, aux dimensions insulaires, met l'accent sur les valeurs du développement culturel particulier de Taiwan.
Ce penchant pour le folklore, jamais connu auparavant dans la littérature chinoise, a quelque peu formé ce qu'on a appelé plus tard la « littérature de la terre natale » ou Siang-tou wen-siué [鄉土文學]. Mais cette littérature apparue vers les années 70 ne provient pas de la passion des écrivains continentaux pour le folklore campagnard, mais plutôt des écrivains de souche taiwanaise qui se sont exaltés à leur propre terre insulaire. De cette tendance, a surgi plus tard un courant plus radical qui a mis l'accent sur l'unité de ces mêmes écrivains avec les paysans et les ouvriers et sur une identité séparée et distincte de Taiwan.
Wang Chen-ho et Huang Chun-ming sont probablement les pionniers de la « littérature de la terre natale ». Huang Chun-ming, né en 1939 à Ilan au nord-est de l'île, adore l'aventure et possède une énergie inépuisable. Il a effectué plusieurs métiers faiblement rétribués avant de parvenir à une situation professionnelle mieux rémunérée. Son pays natal et son enfance sont les sources principales de son inspiration, toujours neuve et pleine de couleurs, d'esprit et de sincérité sur les paysans. Les descriptions de la vie d'un village et de ses habitants sont comblées de critique et de compassion, car l'accent est généralement mis sur la résistance d'un paysan à la civilisation moderne et sur l'embarras qu'elle lui apporte.
Dans En noyant le vieux chat, certainement un chef-d'œuvre de Huang Chun-ming, ce dernier parle d'un vieux paysan, Oncle A-cheng, qui s'oppose opiniâtrement à la construction d'une piscine publique, parce qu'elle apportera, pense-t-il, le malheur au village. Une fois édifiée, il s'y jette dedans dans un acte de défi à toute cette population qui ne l'avait point écouté. L'auteur laisse au lecteur de conclure sur le malheureux destin d'Oncle A-cheng. La piscine aura apporté plaisir et joie aux enfants du village et, au milieu de leurs ébats, le sacrifice du vieil Oncle A-cheng n'a aucun sens.
Les années 70 sont une période pleine d'activités littéraires. Poèmes, essais, nouvelles et romans paraissent en abondance. La prolifération des écrivains est probablement la conséquence des nombreuses transformations dues au dynamisme du développement économique et social, ainsi que des revers diplomatiques causés par la préséance internationale croissante des communistes chinois. La politique, ses courants et le devoir des écrivains sont alors les sujets qui prédominent les cercles littéraires de Taiwan.
Tandis que des intellectuels réclamaient à cor et à cri une réforme dans tous les secteurs sociaux, les écrivains des années 70, quelle que fût leur idéologie, se sont intéressés autant à perfectionner leur style et expression qu'à bien décrire dans une verve vivace, réaliste et sans sentiment le train-train de la vie quotidienne du commun des mortels. Ils ont critiqué leurs confrères des années 60 d'avoir trop insisté sur des opinions personnelles en manquant complètement à un moment ou à un autre d'exposer la réalité. Aussi, les écrivains proéminents des années 70 ont défendu dans leurs œuvres les pauvres, les faibles et le opprimés, les protagonistes, comme les paysans, les pêcheurs, les étudiants, les aborigènes, les réfugiés et les ouvriers.
Beaucoup d'écrivains ont commencé à comprendre la littérature comme un témoin de l'histoire et à passer de l'expression et de la réflexion personnelles à celles des affaires sociales, des troubles et des contradictions. La « littérature de la terre natale » a pris de l'essor en devenant le courant littéraire majeur de l'île. Sans plus aucun rapport avec leurs arrières-pensées, quelques écrivains de ce courant se sont campés dans une position plus radicale et plus politique en choisissant des thèmes sur la population de Taiwan. Leurs œuvres sont donc un genre littéraire qui a répandu l'identité de Taiwan et de tous ceux qui sont nés à Taiwan. Ainsi, la « littérature de la terre natale » a pris un sens assez controversé parce qu'il a divisé le milieu littéraire taiwanais avec, d'une part, les immigrés nés en Chine continentale et, de l'autre, ceux nés à Taiwan.
Le courant des années pris pratiquement fin avec la trilogie de Li Chiao, Nuits froides, Village abandonné et Lampe solitaire. Ces trois ouvrages parlent en effet de l'histoire depuis les premiers colons chinois à Taiwan jusqu'à mondiale, soit une période de 300 ans. L'éloquence exprimant les épreuves de tous ces immigrés qui ont fait souche et les tendres descriptions de la beauté de l'île manifestent bien son amour profond envers la vie, la patrie et ses compatriotes. Ce genre de style fut vivement apprécié par les divers écrivains de cette époque malgré leurs opinions politiques divergentes. Malheureusement, les trois ouvrages n'ont connu qu'une popularité assez tardive, vers ces toutes dernières années où ils sont désormais reconnus comme les plus représentatifs de la « littérature de la terre natale ».
Chen Ping-hsun
La culture du thé et toute son économie annexe a fourni un excellent décor aux nombreuses nouvelles taiwanaises.
C'est peut-être le dédain d'une cassure qu'a provoquée la politique chez les écrivains des années 70 ou bien l'apparition d'une plus grande liberté créative qui a poussé les écrivains de la décennie suivante à changer de leur orientation littéraire et leur devoir d'écrivain. Vers le milieu des années 80, de nombreuses réformes sociales et politiques sont mises en chantier et la confiance encouragée par la richesse économique s'est ouverte sur un environnement artistique plus large. Chang Ta-chun, écrivain et critique littéraire, dans un article récent, tente d'expliquer que la polémique des écrivains des années 70 sur le statut de la littérature est soit un art soit une idéologie. En somme, la littérature est une victime, dit-il.
L'expression de la politique et de la propagande dans leurs œuvres était une affaire sérieuse pour les écrivains des années 70. Une plus grande marge de créativité, une nouvelle ouverture ur la société et un esprit d'adaptation vers le monde ont permis aux écrivains de poursuivre leur chemin. Yeh Shih-tao, écrivain de la « littérature de terre natale » et critique littéraire, décrit les nouveaux écrivains: « Ils méprisent le « devoir » de leurs prédécesseurs qui s'étaient chargés d'écrire pour la patrie, la société et leurs compatriotes. »
Huang Fan, né à Taipei en 1950, a tenté d'explorer plusieurs directions différentes. Ses nouvelles et ses romans parlent généralement de la vie citadine de Taipei. Dans L'opposant, un enseignant pleinement engagé est accusé à tort par son supérieur de tracasser une étudiante. Il est donc licencié avec le consentement du doyen de la faculté et du recteur de l'université, ce malgré la protestation véhémente de la victime elle-même et de toute la presse.
Un autre ouvrage de Huang Fan, Comment mesurer la rigole, a beaucoup attiré l'attention. Cela commence par plusieurs jeux de mots et tourne autour d'une farce qui éprouve la patience du lecteur puisqu'il tarde à donner la réponse au titre de l'ouvrage. A la fin, la mesure de la rigole semble beaucoup moins importante que la démarche pour la trouver.
L'ouvrage de Chi Teng-sheng, J'aime les mirettes noires, est aussi déroutante pour le lecteur. Cela parle d'un homme qui décide lors d'une inondation de sauver d'abord une prostituée qu'il ne connaît d'ailleurs pas avant sa propre femme. L'auteur ne fait aucun commentaire, ni même aucune analyse sur la moralité de ce personnage. Quoi qu'il en soit, c'est au seul lecteur de juger.
Tandis qu'on entame les années 90, le devoir de décrire les transformations sociales n'est plus une priorité chez les écrivains. N'espérant plus que le lecteur accepte aisément leurs œuvres sans une réaction, ils préfèrent la diversité dans tous les aspects de la réalité et développent des intrigues dans les grandes villes de Taiwan selon leur imagination ou leurs expériences en renonçant aux structures fondamentales de la grammaire et du langage. Ils inondent leurs écrits d'expressions parlées, familières, argotiques et d'autres particulières des citadins. Il s'ensuit que cette littérature est celle d'une civilisation urbanisée et industrialisée.
La couverture de son recueil de nouvelles brèves, Les histoires de Grand'pa Tsing-fan.
L'œuvre de Chang Ta-chun est assez représentative de ce dernier courant littéraire. Né à Taipei en 1957, il fait des études de littérature chinoise à l'université catholique Fu Jen à Taipei où il a commencé à écrire. Depuis la parution de son premier ouvrage en 1977, Le poulailler, ses romans d'anticipation et ses nouvelles lui rapportent plusieurs prix. Il est aussi critique littéraire et rédacteur de la page littéraire du quotidien du soir de Taipei, Tchong-Che Wan-pao (sous-titré en anglais China Times Express). Innovateur, il s'inspire d'épisodes historiques, de légendes chinoises et de l'opéra taiwanais. Enfin, il cherche un nouveau langage qui puisse exprimer une opinion sur le monde.
Se tournant vers la littérature des années 80 jusqu'à maintenant, il trouve que l'écart entre la littérature populaire et sérieuse s'estompe. Les écrivains de notre temps insistent que la raison qu'ils expriment est justement pour faire plaisir, non seulement à eux-mêmes, mais aussi, ce qui est plus important, au lecteur. Donc, dans une liberté totale que les écrivains actuels choisissent le genre, le thème, le langage et le style.
Visite d'une résidence, une autre nouvelle de Chang Ta-chun, parle avec humour et une structuration singulière de la vie urbaine. C'est un guide banal qui met au jour les pensées secrètes et chacun des actes ordinaires des habitants d'un immeuble de 12 étages. C'est ainsi l'ascenseur qui enregistre les événements que chaque résident traverse.
Quand Ouyang Tzu et Chen Jo-hsi ont commencé à écrire dans les années 60 et, plus tard, Yuan Chiung-chiung dans les années 70, une tendance est apparue : une femme doit écrire comme une femme. Leurs œuvres parlent de la nature humaine et les modes de vie. Chen Jo-hsi, née à Taipei en 1938 et résidant maintenant en Californie, est connue pour sa nouvelle, Le sous-préfet Yin, publiée pendant culturelle en Chine continentale et qui a eu un grand succès. Plus récemment, elle parle dans ses œuvres de la vie des étudiants chinois aux Etats-Unis.
Ouyang Tzu, née en 1939 au Japon de parents chinois de souche taiwanaise a fait des études de littérature anglaise à l'université nationale de Taiwan et fut la camarade de Pai Hsien-yung. Elle a écrit des nouvelles sur les rapports entre mère et fils et, à cause de son style analytique freudien de la nature de ces relations, elle a reçu louanges et condamnations. Fortement influencée par la littérature anglo-américaine, elle manifeste une fidélité remarquable aux principes de la littérature anglo-américaine classique et une grande habileté à manier la langue. Ses sources d'influence s'étalent depuis la tragédie grecque jusqu'à David Lawrence.
Dans les années 80, les femmes écrivains manifestent une activité extraordinaire. En effet, la plupart des best-sellers sont écrits par des femmes. C'est principalement à cause du changement d'esprit du lecteur et du déclenchement du mouvement féministe à Taiwan, dit Mme Chi Pang-yuan, ancien professeur de littérature anglaise à l'université nationale de Taiwan. D'autre part, de moins en moins d'hommes trouvent le temps de lire alors que les femmes, tout en réalisant que leur vie et leur rôle sont en train de se transformer, aiment lire des ouvrages qui parlent de femmes en tant que telles et de leur adaptation aux tensions causées par ces changements.
Les jeunes femmes écrivains sont pour la plupart des pigistes qui ont su s'adapter au goût du lecteur. Cependant, elles ont aussi écrit beaucoup de nouvelles et de romans qui ont quelque valeur pour plusieurs générations de femmes et d'hommes puisqu'elles traitent des tergiversations dans l'effondrement des traditions et des mœurs. Li Ang et Su Wei-chen sont les deux femmes écrivains de quelque représentativité. Ainsi, Li Ang l'a assez résumé. Ces histoires parlent toutes du caractère des femmes, de leurs maintes préoccupations devant la croissance, l'amour, le sexe, la société et les obligations sociales. Elles traitent également du désespoir, du chaos et de la lutte auxquels les femmes sont une amorce pour repousser tout imbroglio et témoigner de l'intérêt à la société et aux problèmes de la société.
Les portraits enthousiastes des femmes créés par des femmes écrivains taiwanaises ont attiré beaucoup de lectrices et de lecteurs qui ont vivement et diversement réagi. Par l'éloquence formidable, leurs nouvelles et romans présentent cordialement et honnêtement l'esprit tiraillé de Taiwan qui se fraie une place au soleil tout en goûtant l'optimisme.
Photographies de Chung Yung-ho.