« Que le printemps arrive avec toutes les joies qui y sont attachées. »
Le Nouvel An, selon le calendrier traditionnel, est bien sûr la fête la plus importante de l'année pour les Chinois du monde entier. C'est aussi la fête du Printemps [ 春節, tchouenn-tchié ] qui est peut-être plus connue en Europe sous son nom vietnamien Têt (la fête, par excellence). Au tout début, ce n'était qu'une simple célébration qui prit tant d'importance au fil des ans, des siècles et mêmes des millénaires. Et bien que les pratiques mystiques et supersticieuses soient tombées en désuétude, les vieilles traditions forment encore à l'heure actuelle le cadre de la conduite des Chinois pendant cette période.
A partir du 1er janvier 1912, à la fondation de de Chine, le calendrier lunaire a été abandonné au profit du calendrier grégorien. Cependant, c'est toujours selon ce calendrier lunaire que l'on célèbre le Nouvel An chinois qui tombe cette année le 20 février.
La saison officielle du Nouvel An commence le 8 de la douzième lune qui est le jour du sacrifice d'hiver ou [ 臘日 ]. Depuis on appelle communément [ 臘八 ] - La, le l2e mois ou mois du sacrifice d'hiver et Pa, le 8e jour -. Ce jour, on prépare une grande marmite de gruau sucré fait de riz glutineux, dans le sud de , ou de millet, dans le nord, et de farine de maïs, des châtaignes, des noix, des haricots rouges, des jujubes, des graines de lotus et d'autres fruits confits que l'on mange avec gourmandise.
A partir de ce jour, les gens commencent à se ruer vers les marchés des villes pour acheter la nourriture et tout le nécessaire pour les fêtes. Dans les villages, les jeunes préparent les danses du dragon et du lion, ainsi que des acrobaties traditionnelles, pour les présenter pendant les premiers jours de la nouvelle année. A l'approche du Nouvel An, les femmes nettoient de fond en comble les maisons, tandis que les hommes balaient les cours et les sols. Il n'est pas question de faire le ménage pendant les premiers jours de la nouvelle année de peur que la chance de la famille s'en aille. Par contre, les maux, les maladies et la pauvreté qui jonchent le sol sont emportés avec les dernières balayures, hors de la maison devenue toute propre.
Ces jours de fêtes, des nombreuses coutumes se sont accumulées et modifiées avec le temps. Ainsi les entreprises, à l'approche du Nouvel An, invitent leurs employés à un grand festin où un poulet entier sera la pièce maîtresse du banquet. Comme les employés prennent place autour des tables servies, tout le monde se précipite pour voir si la tête du volatile ne se pointe pas en face de ses couverts. Celui ou celle qui serait dans ce cas saurait immédiatement que l'on n'aura plus besoin de ses services l'an prochain. Cela évite à l'employeur d'annoncer une telle nouvelle en face de son employé. Si personne n'est ainsi désigné, la tête de l'oiseau est alors placée au fond du plat, et chacun de prendre place dans la détente et de festoyer ensemble dans la joie.
Le 24 du douzième mois, tous les dieux retournent au Ciel pour y rapporter tout ce qu'ils ont vu et entendu pendant l'année écoulée. Parmi eux, le dieu du Foyer, Tsao Kiun [ 竈君 ], qui a passé toute l'année dans les endroits enfumés de la cuisine donne le dernier aperçu ou entendu de tout ce qui a eu lieu dans la famille. Son rapport à l'Empereur de Jade est l'un des plus importants, car il peut décider sur les chances attribuées à la famille pour la nouvelle année, ou carrément écourté la vie de l'un des membres pour quelque chose qu'il aurait dit ou fait. Pour s'acquérir les bonnes grâces du dieu du Foyer, on prépare des confiseries spéciales le soir du 24. Cela doit en adoucir d'autant le rapport au Ciel. On confectionne en effet des tang-yuan [ 湯圓 ], boulettes de riz glutineux farcies, et l'on en barbouille la bouche de la divinité dont l'effigie est suspendue dans un coin de la cuisine. C'est une double protection contre une mauvaise allusion, car même s'il ne dit pas de vilenie, la bouche divine est si engluée qu'il ne pourra parler.
Les autres dieux importants qui sont honorés pendant cette fête sont Kouan yin [ 觀音 ], la déesse de ; le Garçonnet d'or [ 金童 , tchinn-tong] et de jade [ 玉女 , yu-nu], un couple d'amoureux qui vient sur terre avec sept vies différentes, mais que personne n'a jamais rencontré; Kouan-yu [ 關羽 ], un héros très impressioimant qui est le dieu de , mais parfois aussi celui des lettrés. Ce fut un guerrier qui connaissait par coeur les Annales des Printemps et des Automnes et qui cherchait toujours à appliquer les grands classiques de la sagesse chinoise dans la vie. Il y a encore le dieu du Commerce que l'on implore pour garantir l'honnêteté de transactions commerciales; Matsou [ 媽祖 ], la déesse de , qui protège en particulier les pêcheurs et les marins; et Tou-ti Kong [ 土地公 ], le dieu de , qui est le favori des paysans.
Yulu, sur le vantail de gauche et Chentou sur celui de droite.
Le narcisse : fleur de la nouvelle année
Depuis longtemps, la fleur préférée des Chinois au moment du Nouvel An est le narcisse. Il est plus facile à éclore. Tout ce qu'il y a à faire est de placer le bulbe dans un bol d'eau au milieu de petits cailloux blancs. Une fois éclos, il peut servir à la décoration. A cette époque, on en trouve partout chez les fleuristes.
Son histoire remonte à plusieurs siècles. Une veuve qui n'avait qu'un tout petit terrain pour vivre, elle et son jeune fils, fut charitable envers un mendiant en lui donnant le dernier bol de riz de la maison. Comme l'hôte finissait de manger, une larme tomba sur la joue de la dame. L'homme s'arrêta aussitôt de manger et lui demanda les raisons de sa tristesse. « Vous êtes en train de mange, notre dernier bol. Il n'y aura plus à manger dans notre maison quand vous l'aurez quittée. Et je n'ai plus rien à donner à mon fils quand il rentrera ce soir », répondit-elle simplement.
Le mendiant fut si touché de sa générosité qu'il partit en courant se jeter dans l'étang voisin. Elle courut après lui pour le sauver mais arriva trop tard. Il avait disparu dans les profondeurs de l'eau. Soudain, dans son terrain, des petites fleurs blanches se mirent à pousser en abondance. Bientôt tout le sol fut couvert de narcisses, et déjà les gens affluaient pour acheter ces jolies fleurs. Depuis ce temps, cette veuve a réussi à gagner confortablement sa vie pour nourrir son fils. Le mendiant? On ne l'a jamais revu, mais personne ne doute que c'était un dieu qui voyageait par là. Il récompensa la générosité de la veuve par ce don de fleurs à qui l'on donna son nom Choueï-sien [ 水仙 ], le « dieu de l'eau ». Ainsi, le narcisse est traditionnellement présent au sacrifice et sur les autels pour la célébration du Nouvel An.
Les dieux ostiaires et les couples de vers printaniers
Au Nouvel An, on achète aussi différentes images et affichettes que l'on colle en des lieux appropriés. L'une, l'image du dieu du Foyer, qui remplacera la précédente déjà souillée ou brûlée est bien sûr une obligation. Les affichettes ou bandes de papier rouge sur lesquelles sont écrits en or ou en noir des souhaits pour le Nouvel An. Des couples de vers printaniers [ 春聯, tchouenn-lienn ] imprimés ou calligraphiés seront apposés sur chacun des deux battants de la porte principale de la maison, ou pour les maisons modernes sur chaque bord du cadre de la porte. Ce sont en général des souhaits qu'une famille exprime en deux vers rimés de même pieds pour la nouvelle année. Certains sont en eux-mêmes de véritables auspices:
Puisse cette porte accueillir la bonne [chance durant les quatre saisons.]
Puisse cette porte recevoir la prospérité [des quatre points cardinaux.]
Le narcisse, fleur des meilleurs auspices.
Une variante de ces couples de vers, ce sont des carrés de papier rouge qui porte un seul caractère de bon augure écrit en diagonale. Le plus souvent, on voit « printemps » [ 春, tchouenn ] ou « bonheur » [ 福, fou ], plus rarement un caractère composé de plusieurs autres. On les colle ou les suspend dans la maison, bien souvent à l'envers. Pour quoi cette curiosité? C'est simple. Renversé se dit en chinois tao [ 倒 ] qui est aussi la prononciation du mot arrivé [ 到, tao ]. Ainsi le caractère « printemps » renversé est l'expression d'un voeu : « Que le printemps arrive avec toutes les joies qui y sont attachées!»
Sur les vantaux de la porte principale d'une habitation, on appose aussi les deux affiches des dieux ostiaires, ou gardiens de la porte contre les mauvais esprits. Ce sont Chentou [ 神荼 ] et Yulu [ 鬱律 ] qui sont sensés garder les portes des Enfers sous le pêcher magique d'une île féerique des mers du Sud. Ce sont en réalité les deux chefs militaires de Li Che-min , le fondateur de la dynastie Tang en 618, Tsin Chou-pao (Chentou) et Hou Tching-te (Yulu), qui, comme défenseurs des frontières de la nouvelle monarchie, ont été déifiés comme gardiens de impériale, puis privée. Ces dieux, d'aspect rébarbatif, tiennent à la main une hallebarde pointée en direction du danger. Au début, ils étaient carrément peints sur les vantaux de la porte principale qui étaient en bois de pêcher connu pour ses pouvoirs magiques. Mais la coutume se répandit rapidement de les dessiner sur des affichettes que l'on collait sur les portes.
Les vers printaniers avant la pose sur un cadre de porte.
La veille du jour de l'An
Le dernier jour de l'année est arrivé. C'est le Tchou-shi [ 除夕 ]. Les bureaux administratifs, les magasins et boutiques, les ateliers et usines ferment leurs portes pour les vacances. Les rues se remplissent de gens qui font leurs achats de dernière heure, et les gares ferroviaires et routières sont surpeuplées, les uns s'en viennent et les autres s'en vont, mais tous avec le même objectif : passer le Nouvel An en famille. Depuis quelques semaines déjà, les membres de la famille éparpillés dans toutes les directions affluent, parfois de l'au-delà des mers, pour passer les vacances du Nouvel An en famille.
Ce jour, alors que presque tous les préparatifs sont achevés, le moment de plaisanter et de se détendre approche, et une question monte aux lèvres: « Avez-vous apuré tous vos comptes, payé toutes vos dettes? » Au premier coucher de soleil de l'année, celui qui ne les aurait pas encore acquittées a la possibilité de prolonger la journée au moyen d'une lanterne pour ce faire. Le seul recours de celui qui ne pouvait les rembourser était de s'échapper dans le temple du dieu de la ville, sanctuaire inviolable des insolvables et de tous ceux qui « quittaient » la cité. Ils étaient ainsi mis au ban car ils ne pouvaient solder à temps leurs comptes. L'alarme passée, plus aucune réclamation ne pouvait être faite contre le mauvais payeur jusqu'au prochain jour de l'échéance.
Un choix difficile devant des myriades de douceurs du Nouvel An.
Les derniers voyageurs et les hommes d'affaires qui sont encore loin de leur famille se dépêchent de rentrer avant l'heure du sacrifice, ou paï-paï [ 拜拜 ], aux ancêtres. Après le dernier coucher de soleil de l'année, le clan familial en entier se réunit dans la cour principale pour le sacrifice aux ancêtres communs. Cette soirée est entièrement consacrée aux ancêtres qui ont contribué aux assises de la famille et à son expansion. La porte frontale est alors refermée et scellée avec des bandes de papier rouge pour préserver tous les membres dans leur bonne chance, et aucun visiteur n'est admis dans la maison avant l'aube nouvelle.
Sur l'autel des ancêtres sont disposés divers plats cuisinés, poulet, poisson, viandes, légumes et fruits, avec trois verres de vin, trois bols de riz et trois paires de baguettes. Bâtons d'encens et bougies sont allumés. Alors, le chef de famille officie la cérémonie et tous les membres de la famille s'agenouillent autour de l'autel et rendent hommage à leurs géniteurs en se prosternant par trois fois. Puis comme offrande, on brûle du papier-monnaie sacrificiel et, comme dernier geste, on verse un verre de vin dans les flammes.
Frères et soeurs auront-ils aussi leurs petits hong-pao?
Dès que se termine la cérémonie religieuse, commence la veille proprement dite, ou kouo-nien [ 過年, litt. passer l'année ]. D'une manière générale, le dîner constitue un grand festin avec les viandes de poulet, de porc, de boeuf, les fruits de mer, les légumes et les fruits. Parmi ces plats, tous plus appétissants les uns que les autres, il y a un gros poisson qui, quoique d'apparence très appétissante, n'est pas à manger: il est le symbole de la prospérité. En effet, le poisson, en chinois yu [ 魚 ], est l 'homonyme et le symbole de l’« abondance » [ 餘, yu ]. Après le repas interminable, la famille se réunit dans la salle de séjour. Les grands parents et les parents offrent aux jeunes enfants des enveloppes rouges, ou hong pao [ 紅包 ], garnies d'une petite somme d'argent, en guise de cadeau de Nouvel An. Les uns bavardent, les autres jouent à un passe-temps quelconque, tous dans la joie de se retrouver ensemble pendant cette veille. Personne, petits et grands, n'ira se coucher. Aux douze coups de l'horloge, tous les membres de la famille se rassemblent une nouvelle fois pour se prosterner avec humilité devant les dieux du Ciel et de , les dieux locaux et les génies, de même que devant l'autel des ancêtres pour demander leur bénédiction pour cette nouvelle année qui commence. Puis les plus jeunes se prosternent devant les aînés et les saluent respectueusement. Aussitôt après, on ouvre les portes pour laisser les nouveaux auspices favorables entrer dans la maison tandis que les mauvais de l'année qui vient de s'écouler sont chassés par les explosions fantastiques d'innombrables pétards qui dureront tout le reste de la nuit. Ici, on sert un petit-déjeuner traditionnel, là, on est plus patient pour attendre le lever du soleil.
Les fleurs sont partout en ville les premiers témoins de la saison nouvelle.
Le premier jour de l'année
Le jour de l'An, le bris des sceaux de papier rouge sur les portes s'accompagne donc d'assourdissantes explosions de pétards de toutes sortes qui éclatent partout dans la ville, voire dans le pays. Cela inaugure ce que l'on peut espérer dans une année avec plus de prospérité et de bonheur. C'est aussi à ce moment là que tout le panthéon céleste rend visite sur terre voir ce qu'il s'y passe.
Comme les dieux célestes et les dieux terrestres se rassemblent, des précautions inouies sont prises ce jour par les mortels pour s'assurer qu'aucune de ces créatures ne soit offensée. Dans cet esprit, toute une série de tabous se sont ajoutés les uns aux autres. On prendra soin de ne pas se servir d'aiguilles de crainte de ne piquer un dieu. On fera attention à ses gestes, à ses paroles de crainte d'offenser une modestie divine, ainsi qu'aux homonymes (et ils sont nombreux en chinois!) qui pourraient avoir un autre sens, défavorable ou porteur de malchance. Par exemple, en entrant dans la salle de bains ou les toilettes, on toussote poliment afin de prévenir toute divinité pour lui laisser le temps de quitter les lieux.
On prend aussi soin de conserver ce que la bonne chance offre à la famille. Aussi ce jour, on ne balaie pas la maison ni ne jette rien au dehors, sinon la bonne chance de la famille pourrait partir avec elle. On fait attention de ne croiser aucun couteau, ni lames, ni ciseaux, sinon la maîtresse de maison serait l'objet de commérages durant toute l'année. On ne se lave pas les cheveux, sinon un animal domestique de la maison en mourrait. De plus, on évite autant que possible de faire des funérailles ce jour. Dans le cas contraire, l'itinéraire de retour est tortueux afin que les mauvais esprits perdent toute trace de la maison et ne puissent y apporter malheur.
Le « réveillon » : Que la nouvelle année soit propice à tous!
Comme les gestes effectués ce premier jour de l'année pourraient servir d'exemple pour toute l'année, on évite aussi de se quereller et de punir les enfants. Et chacun fait de son mieux.
En matinée, chacun s'en va visiter les parents et les amis pour leur souhaiter une Nouvelle Année heureuse et prospère. Aussi le visiteur qui ne trouve personne laisse généralement une carte de visite rouge (le rouge est la couleur du bonheur) de souhait. Si l'on reçoit, il est d'usage d'offrir des douceurs et, pour les plus petits, des hong-pao. Une autre obligation de cette première matinée de l'année est d'aller brûler de l'encens au temple.
Le deuxième jour [ 初二 , tchou-eul ], les enfants avec leurs parents se rendent chez leurs grands-parents maternels pour souhaiter la bonne année et peuvent même y passer plusieurs jours. Différents cadeaux sont échangés tandis que les enfants reçoivent tous leur hong pao. Les grands-parents qui voient pour la première fois leur petit-enfant lui place autour du cou un traditionnel collier de pièces trouées (sapèques).
On refait de la cuisine le deuxième jour de l'année (le premier jour, ce n'est pas permis), mais on ne peut manger du gruau. Comme ce n'est pas une nourriture assez riche, on ne la considère pas à la hauteur en ces jours de festivité. C'est d'ailleurs de mauvais augure.
Le troisième jour [ 初三 , tchou-sann ] s'appelle le « jour du chien rouge », d'après le dieu de il rôde aux alentours, on reste en général chez soi pour éviter de le rencontrer. D'autres croient que c'est le jour de mariage des rats, aussi sèment-ils sur le sol des grains de riz et des miettes de gâteaux.
Le cinquième jour [ 初五 , tchou-ou ], on souhaite la bienvenue au dieu du Foyer, en mettant le feu à de longues queues de dragon (des pétards enfilés sur une longue cordelette). Plus les pétards qui accueillent le retour de Tsao kiun éclatent dans une maison, plus la fortune sourira à la famille. Enfin ce même jour, tout revient à la normale. On peut alors manger comme on veut. C'est la fin de tous les tabous et de leurs effets, et, surtout, tout le monde reprend le travail.
Le quinzième jour de l'année est le jour de la première pleine lune de l'année, c'est la fête des Lanternes. A cette occasion, il y a un défilé et des concours. L'aliment principal de ce jour est le yuan-chiao [元宵], une boulette faite de riz glutineux avec une farce sucrée ou salée. Avec cette fête se termine la saison officielle du Nouvel An. Bonne Année! Que l'année du Boeuf soit propice à tous! Kong-chi! Kong-chi! ■
Les voeux rituels envers la génération aînée.
Le calendrier chinois
Le calendrier traditionnel chinois [ 夏曆 , chia-li ], qui fut en vigueur jusqu'à la fondation de (le 1er janvier 1912 ou le 13 de la 11e lune de l'an Siuan t'ong III), est très exactement un calendrier luni-solaire, c'est-à-dire il suit le cycle lunaire pour l'établissement des mois (ou lunes) et s'adapte aussi, pour des raisons agricoles évidentes (saisons), au cycle solaire pour l'établissement des années.
L'année comprend douzes mois lunaires (selon la lunaison), parfois treize pour rattraper le temps, puisque l'année lunaire est plus courte que l'année solaire. Cependant, il y a une relation fixe entre ces deux années, lunaire et solaire : le cycle luni-solaire de Méthon par lequel les lunaisons reviennent justement aux mêmes dates tous les dix-neuf ans solaires. Le calendrier chinois qui suit les mouvements vrais de la lune et du soleil est donc un calendrier compa rable à celui des anciens Grecs (année olympique), qui débutait au solstice d'été, ou à celui des Juifs, qui commence après l'équinoxe d'automne (année civile). L'année solaire se définit par les vingt-quatre fêtes solaires [ 節氣, tchié-tchi ], divisions de l'année tropique, mobiles par rapport au cours de la lune, et l'année lunaire par les lunaisons. Leur comput fut redéfinit dans le Wan nien-chou [ 萬年書 ] en 1644.
Le calendrier chinois fut définitivement établi par l'empereur Wou-ti, de la dynastie Han, en 104 avant J.-C. en en fixant le jour de l'an à la première nouvelle lune après l'entrée du soleil dans les Poissons (ou 大寒 , ta-hrann, Grand Froid), c'est-à-dire un mois solaire après le solstice d'hiver. Le Nouvel An chinois peut donc se situer entre le 21 janvier et le 20 février. Comme une lunaison (ou mois) est plus courte que le mois solaire, une seconde lunaison peut commencer dans le même mois solaire, elle sera alors le mois intercalaire ou embolismique [ 閏月, jouenn-yué ] de l'année, ce qui se produit exactement sept fois en dix-neuf ans (cycle de Méthon). Ce mois est le double du mois précédent et est dépourvu de toutes désinences cosmologiques, afin de conserver à l'année les douze mois de la computation.
Par ailleurs, pour la computation générale, les Chinois ont regroupé les années en un cycle de soixante ans. Ce cycle sexagésimal qui consiste en la combinaison arithmétique des dix Troncs célestes et des douze Rameaux terrestres est le Kia-tseu [ 甲子 ], du nom des deux premiers symboles combinés. Ce sont précisément aux douze Rameaux que correspondent les douze animaux du zodiaque chinois, dans l'ordre : le Rat [ 鼠 , chou ], le Boeuf [ 牛,niô ], le Tigre [ 虎, hou ], le Lièvre [ 兔, tou ] , le Dragon [ 龍 , long ], le Serpent [ 蛇, cheu ], le Cheval [ 馬, ma ] , le Mouton [ 羊, yang ], le Singe [ 猴, hoô ], le Coq [ 雞, tchi ], le Chien [ 狗, koô ] et le Porc [ 豬, tchou ]. Ainsi, chaque année est communément désignée par son animal. Selon cette computation, l'année 1984 était l'année du Rat et, de surcroît, l'an Kia-tseu, la première année d'un nouveau cycle sexagésimal. Cette année, le 20 février nous entrerons dans l'année du Boeuf, l'an Yitcheou [ 以丑 ].
Actuellement, ce calendrier n'a plus cours légal, mais il est de garde pour la fixation des jours de fête traditionnels, un peu comme en Occident qui use toujours du calendrier luni-solaire écclésiastique pour la fixation de fêtes mobiles chrétiennes (Pâques). Le calendrier officiel et civil en vigueur est depuis la fondation de le calendrier grégorien avec les semaines qui ont remplacé les trois décades [ 旬, tchiunn ] fixes du mois lunaire. Cependant dans les campagnes, comme cette application fut plus lente à s'imposer, on a baptisé le calendrier traditionnel « calendrier des agriculteurs » [ 農曆, nong-li ]. Malgré cette appellation courante, il faut se garder de croire qu'il fut un calendrier agricole puisque les quatre saisons (solaires) n'étaient pas fixes dans ce calendrier. C'est pourquoi, on avait institué les vingt-quatre fêtes solaires, mentionnées plus haut, pour déterminer les saisons. ■
Sa Andeh