La flamme en veilleuse sera toujours ravivée
M. James Wang est un homme d’affaires, doublé d’un collectionneur d’art avide. De chaque voyage qu’il fait à l’étranger, il ne manque jamais de rapporter quelque souvenir. On prendrait facilement le salon de son appartement pour une salle de musée si ce n’était le divan de bois sculpté et une chaîne stéréo. Parmi tous les objets exposés, le plus attirant est un tableau de cuir gravé et frappé représentant un dragon.
Tous ses amis et invités s’empressent toujours de savoir “qui en est l’auteur”. C’est l’oeuvre d’un jeune homme originaire de Lukang, au centre de Taïwan. Son nom: Hsu Chin-yi.
Comme ses deux frères, Chin-yi s’est intéressé à la peinture depuis l’en fance. L’école secondaire terminée, il décida de s’inscrire dans une école de Beaux-Arts, mais y renonça bientôt sur les conseils de ses aînés qui affirmaient “qu’il n’est pas facile de vivre de l’art”. Il opta donc pour une école d’ingénieurs pour y apprendre un métier qui lui permettrait de vivre.
A cette époque-là, Chin-yi assouvis sait sa soif d’art en fouillant les librairies à la recherche de livres. Un jour, il découvrit une traduction sur le travail du cuir, qui réveilla son goût pour l’art. Dès lors, pendant quatre ans, il ne cessa de s’exercer jour et nuit pour devenir l’artiste accompli qu’il est aujourd’hui. Il a pris pour thèmes de ses travaux sur cuir tous les motifs de l’art populaire de sa ville natale.
Etudiant, il arrivait à peine à subvenir à ses besoins. Souvent, il se disait:
“J’aurais dû suivre les conseils de mes frères”. Cependant quatre ans d’études acharnées et de pratique ont donné leur fruit, ses peintures sur cuir sont maintenant prisées par de nombreux collectionneurs d’art et d’amateurs du cuir. Il n’a plus à se soucier de son avenir matériel.
Dans le monde moderne, la Thaïlande et le Japon sont considérés comme les précurseurs de l’art du cuir. En Chine, dès la dynastie Han—au début de l’ère chrétienne—les artisans utilisèrent des feuilles et des écorces d’arbre pour la fabrication de leurs personnages d’ombres chinoises. Mais elles furent bientôt remplacées par le cuir qui, n’est pas périssable.
M. Hsu Chin-yi s’inspire des sculptures des temples, des masques de l’opéra de Pékin et des peintures chinoises. Pour réunir un tel matériel, le jeune artiste .passe ses week-ends dans les théâtres et les expositions de Taipei. Il est toujours armé d’un appareil photo. Plusieurs fois, il a été expulsé des salles d’opéra chinois où il avait oublié pour un instant que la photo au flash est interdite.
Il est parvenu à des innovations intéressantes dans la teinture du cuir, ajoutant à ses compositions une saveur plus chinoise. Ses efforts incessants lui ont permis de se rapprocher davantage de la tradition chinoise. Il est maintenant connu. Le YMCA de Taichung, au centre de Taïwan, de même que le centre culturel et le Corps de de la ville l’ont invité à enseigner. Le succès de Chin-yi a contribué à ranimer l’intérêt pour l’art du cuir dans les expositions d’artisanat. Cela constitue un grand encouragement pour lui.
Le dragon est le symbole de et Chin-yi, souvent, lui consacres une peau toute entière. Ses images sont si vivantes que les visiteurs ont l’impression que le dragon va bondir du tableau.
Quelques dieux pieusement conservés dans les temples de Lukang comptept parmi ses sujets favoris, en particulier “l’Homme aux Yeux Télescopiques” qui se tient aux côtés de Bouddha. Chin-yi l’a miniaturisé sur une petite pièce de cuir et le garde dans un coffret de cuir. Lorsqu’il ouvre lentement le coffret pour le montrer à des visiteurs, ceux-ci sont souvent effrayés par le regard inquisiteur de ce personnage.
La jeune fille chinoise.
“Les Trois Frères Jurés” est une histoire chinoise très célèbre et Chin-yi en a concrétisé les trios personnages sur un rouleau de cuir d’un mètre de long. Il l’a composé à partir d’une ancienne peinture qu’il a découverte dans la collection d’un marchand de Lukang. Il est à noter que ses personnages sont beaucoup plus vivants que ceux de l’ancienne peinture. Son secret: le dessin de la pupille.
Lorsqu’un dragon est achevé, la touche finale est toujours dans la pupille, c’est elle qui lui donne vie. Chin-yi est passé maître dans cette technique non seulement pour la reproduction des dragons mais pour tous les personnages. Il passe quelquefois une journée entière à étudier cette dernière touche qui donnera vie à l’ensemble—le plus souvent un simple trait.
Les cyprins (poissons rouges) sont également un motif favori des peintures chinoises. Deux de ces créatures sur une pièce de cuir de Chin-yi ressemblent à s’y méprendre à deux vrais poissons dans un aquarium.Cependant, Chin-yi doit partager sa renommée avec une femme, Mlle Liu Pi-hsia. Mlle Liu a commencé sa carrière dans l’artisanat en réalisant des fleurs en tissu. Elle s’est intéressée à la peinture sur cuir après avoir lu un magazine japonais. Il y a cinq ans, elle se rendit au Japon pour participer à un court sèminaire sur cet art.
Au Japon, la grande époque de la gravure sur cuir est d’ores et déjà terminée, seuls quelques vieux artistes persévèrent encore dans cet art ancein. On attache maintenant plus d’importance à la décoration d’articles courants—ceintures, sacs, porte-clés. Ils sont confectionnés à l’aide de moules et ne sont donc pas appréciés par les amateurs d’art. Mlle Liu concentre tous ses efforts sur la décoration et la mise en relief des murs.
Le gardien du temple, de Liu Pi-hsia.
“La peinture sur cuir, dit-elle, ressemble à la peinture ordinaire. Les débutants doivent d’abrod copier les mâîtres et ne peuvent créer leurs propres motifs qu’après qu’ils ont une parfaite maîtrise des structures des chefs-d’oeuvres”.
Avant d’entre rendre la peinture sur cuir, Mlle Liu a imité les maîtres tels que Pu Hsin-yu et Huang Chun-pi. Elle reproduit les peintures sur le cuir à l’aide d’un marteau en bois. Après avoir maîtrisé cet art, elle a peu à peu embelli ses tableaux de fleurs et d’oiseaux.
D’après elle, le plus difficile à exprimer sur le cuir reste l’eau et les rochers, thèmes très courants dans la peinture chinoise. Tous les autres éléments peuvent être gravés ou frappés aussi bien sur le cuir qu’ils sont peints sur le papier dans une peinture traditionnelle.
Mais dans la réalisation d’un cuir en relief, les couleurs choisies doivent être vives, alors que dans les peintures chinoises traditionnelles, on utilise seulement des tons doux.■