04/08/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Chen Chieh-jen, Softlipa, Chiu Row-long

01/11/2013
Empire’s Borders Ⅱ – Western Enterprises, Inc, 2010. (AIMABLE CRÉDIT DE YANG CHEN-HAO)
VIDÉO
Chen Chieh-jen
Factory, The Route, Empire’s Borders I & II

Né à Taiwan en 1960, Chen Chieh-jen [陳界仁] développe depuis les années 1980 une œuvre intimement liée à l’histoire de son pays, interrogeant les structures du pouvoir, l’écriture de l’histoire et la construction de la mémoire collective dans une société qui, du régime autoritaire du Kuomintang (1949-1987) au contexte néolibéral contemporain, a selon lui perdu toute forme d’identité. En prise directe avec les questions sociales et politiques soulevées par la situation actuelle de Taiwan, ses films abordent les conséquences de la libération du marché du travail (Factory), la complexité des relations qu’entretient Taiwan avec les deux « empires » des Etats-Unis et de la république populaire de Chine (Empire’s Borders I), les mouvements de résistance des travailleurs (The Route), ou encore les pans oubliés de l’histoire récente de son pays (Empire’s Borders II – Western Enterprises, Inc.). Rassemblant quatre films réalisés entre 2003 et 2010, l’exposition organisée au Musée d’art moderne Grand-Duc Jean (Mudam), au Luxembourg, s’articule autour d’un « cinéma temporaire » installé dans l’espace central. Cette installation vidéo, spécialement conçue pour l’occasion, présente en boucle une scène extraite de son dernier film, Happiness Building I (2012), montrant huit jeunes gens qui, ensemble, mais sans vraiment former un groupe, poussent un chariot de bagages dans le vide – une image métaphorique de la société taiwanaise contemporaine.

Jusqu’au 19 janvier 2014, au Mudam Luxembourg.


RAP
Softlipa
Secrets of Tu Cheng-hsi: Renovate

Taiwan a son prince du chill-hop (musique hip-hop au rythme nonchalant), et il vient du Sud. Originaire de Tainan, Softlipa [蛋堡], de son vrai nom Tu Cheng-hsi [杜振熙], n’en est pas à son coup d’essai puisque son dernier album en date, Secrets of Tu Cheng-hsi: Renovate [你所不知道的杜振熙之內部整修], est le sixième publié par le label qu’il a lui-même créé en 2009. En pas moins de 26 titres, il dévoile plusieurs facettes, depuis des morceaux aux atmosphères sombres ou critiques de la société, comme « Fall » ou « Kidnap Me », jusqu’à des fantaisies potaches en passant par des épisodes plus commerciaux à l’image de « Ahh Yeah ». (P.-Y.B.)

Kao! Inc, 2013.


BANDE DESSINÉE
Chiu Row-long
Seediq Bale, les guerriers de l’arc-en-ciel

Il est impossible de dissocier la carrière de dessinateur de Chiu Row-long [邱若龍] de sa rencontre, au milieu des années 80, avec l’histoire du peuple seediq, l’un des quatorze groupes de population aborigènes officiellement reconnus à Taiwan. Au terme d’un travail de recherche remarquable, il est devenu un expert de la « révolte de Wushe » menée en 1930 par le chef seediq Mona Rudao contre l’occupant japonais. De cet épisode historique tragique, il a tiré en 1990 une bande dessinée, puis un documentaire en 1998, avant de consacrer en 2005 un film d’animation à la vision du monde et aux règles de vie des Seediq, désignées par ces derniers par le terme gaya. En 2011, sa bande dessinée est adaptée au cinéma par Wei Te-sheng [魏德聖]. Elle est rééditée la même année à Taiwan sous le titre Seediq Bale, les guerriers de l’arc-en-ciel. Chiu Row-long, qui a pu rencontrer des témoins directs des événements, y décrit, avec minutie et un souci permanent d’historicité, les origines et le déroulement de la révolte. La traduction française publiée en septembre dernier par les éditions Akata est, elle aussi, remarquable de précision – on regrettera toutefois que la transcription des noms aborigènes ne tienne pas compte des règles patronymiques seediq. Le récit associe rythme et pédagogie mais c’est le dessin de Chiu Row-long qui lui donne toute sa force. L’auteur traite avec pudeur et justesse de pratiques traditionnelles dont celle de la chasse aux têtes, de la violence des combats, de la fureur des représailles japonaises ou encore des suicides collectifs de dizaines de femmes et de vieillards seediq refusant d’être une charge pour les combattants. Si l’auteur souligne la fierté regagnée par ce peuple en lutte contre l’occupant, il garde suffisamment de distance avec les événements pour laisser le lecteur découvrir avec des yeux neufs ce passé méconnu, dont les seuls récits disponibles étaient jusque là le fait des historiens nippons ou de la propagande nationaliste. Un livre remarquable. (P.-Y.B.)

Editions Akata, 2013.

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