28/08/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Le bambou miraculeux

01/06/2003
Le bambou, une plante exotique mais aussi un végétal miraculeux.

>> Qu’on le déguste en mets fins, qu’on en fasse des échafaudages ou du shampooing, le bambou a de nombreuses applications, parfois même dans des domaines de pointe

L’Institut de recherche sur les technologies industrielles (ITRI) mène depuis longtemps des recherches sur le bambou et ses applications. Avec la collaboration de la commission d’Etat de l’Agriculture (COA), ces travaux ont débouché, entre autres, sur la mise au point d’un shampooing et d’une série de produits pour le bain, tous à base de dérivés du bambou - charbon, vinaigre... Une autre gamme de produits à usage ménager ou industriel, parmi lesquels des détergents ou des filtres à air, est en cours d’élaboration, toujours à partir de ce végétal.

Un charbon aux multiples propriétés
Brûlé à haute température, le bambou se transforme en effet en un charbon poreux qui a révélé des propriétés déodorantes, désinfectantes et qui a la capacité de diminuer la teneur en humidité dans l’air ou encore d’arrêter les ondes électro-magnétiques.

La texture du charbon de bambou facilite l’absorption de matières volatiles telles que les sulfures, le méthanol, le benzène et le phénol. Plus le degré d’humidité est élevé, plus le charbon de bambou agit comme un rétenteur. Lorsque l’air est sec, l’effet est inverse. Ces propriétés ouvrent la voie à des applications multiples dans la fabrication d’oreillers, de purificateurs d’air

Un vinaigre de bambou est, lui, obtenu par condensation de la fumée résultant du processus de carbonisation. Le liquide acide que l’on en retire a des applications si diverses qu’il peut entrer dans la composition de désinfectants, de produits cosmétiques ou être utilisé pour enrichir une terre agricole.

Prenant en compte les retombées commerciales éventuelles, l’ITRI a développé une gamme de trois douzaines de produits dérivés, avec les équipements complets pour les produire, explique Chen Wen-chi [陳文祈], un responsable de projet auprès de l’Institut. En plus de proposer aux sociétés intéressées sa technologie et son savoir-faire, l’ITRI est prête à garantir la qualité des produits obtenus en les certifiant. « Nos efforts commencent à porter leurs fruits, indique-t-il, et une nouvelle industrie est en train d’apparaître. »

Utiliser le charbon de bambou pour fabriquer des produits de nettoyage ou bien des cosmétiques n’est pourtant pas une idée nouvelle. Des fabricants japonais ont étudié les propriétés de ce charbon dès le début des années 90, en élaborant une gamme de produits commercialisés depuis six ans déjà.

Taiwan veut pénétrer ce marché, même si elle le fait tardivement, et entend l’élargir en développant de nouvelles applications, pas seulement à partir du charbon mais aussi de la plante elle-même. S’inspirant d’anciennes traditions, les chercheurs de l’ITRI tentent ainsi de faire du bambou un nouveau matériau de construction.

« La raison pour laquelle les habitations en bambou construites par les Japonais ou les aborigènes [de Taiwan] ont parfois pu rester debout pendant plus de cent ans est que ceux qui les habitaient avaient pour habitude d’entretenir un foyer à l’intérieur », explique Chen Wen-chi. La fumée de ces feux de bois carbonisait à la longue les supports en bambou de l’habitation, ce qui les protégeait avec le temps des attaques des termites. Une équipe de l’ITRI travaille donc actuellement sur cette idée, afin de produire un matériel de construction en bambou qui aurait le triple avantage d’être pratique, peu coûteux et de permettre de grosses économies de bois.

Jusqu’à 1,2 m de hauteur par jour
La COA pense pouvoir remplacer le bois par le bambou dans virtuellement toutes ses appplications. Les Etats à travers le monde s’étant engagés à préserver les dernières grandes forêts, Taiwan n’est pas en marge. Le bambou est un excellent produit de substitution, pas seulement pour le bois. En outre, les plantations de ce végétal ont l’avantage de prévenir l’érosion des sols et les glissements de terrain, grâce à des racines robustes et très étendues qui retiennent efficacement la terre.

Le bambou serait une des meilleures ressources végétales dont nous pourrions disposer dans la nature. Contrairement aux arbres qui demandent 30 à 50 ans de croissance avant d’arriver à maturité, le bambou lui peut croître, selon l’espèce, jusqu’à 1,2 m en une journée. En moyenne, une bambouseraie est exploitable après quatre ans d’efforts. En outre, après avoir coupé le bambou mature, les racines donneront naissance à de nouvelles pousses. C’est ainsi que les planteurs estiment que plus on coupe un bambou, plus son métabolisme se renforce, aidant à la propagation de l’espèce.

Selon les données dont on dispose ici, il existe plus de 2,2 millions d’hectares de forêts de bambou dans le monde, 85% d’entre elles se situant en Asie. Taiwan dispose à elle seule de 150 000 hectares, la moitié étant plantés des six espèces qui sont le plus souvent utilisées pour développer des produits dérivés. Ces espèces sont Phyllostachys makinoi, Dendrocalamus latiflorus, Bambusa stenostachya, Bambusa dolichoclada et Bambusa oldhamii.

Une industrie en voie de renaissance
Huang Miao-hsiu [黃妙修], qui appartient à la COA, rappelle que les années 60 et 70 ont été celles du boom dans l’industrie insulaire du bambou, la production de pousses de bambou fraîches atteignant jusqu’à 100 000 t par an. Plus de 10 millions de tiges étaient alors commercialisées annuellement. Puis le déclin est arrivé, lorsque des bambous moins chers venus de Chine et d’autres pays d’Asie du Sud-Est ont inondé le marché local.

Le tremblement de terre du 21 septembre 1999 a semé, dans le centre de l’île, une dévastation qui n’a pas épargné la « ceinture de bambou », les planteurs ayant alors eu à faire face à une situation difficile.

Huang Miao-hsiu souligne que la COA a incité les entrepreneurs et les planteurs à travailler ensemble, avec l’idée sous-jacente de faire en sorte que les bambous utilisés dans l’île soient tous produits localement, afin de développer une industrie qui soit localement créatrice d’emplois et de revenus. « Nous pensons aussi, ajoute-t-elle, aider les entreprises à obtenir des labels pour faciliter la commercialisation de leurs produits ici et à l’étranger. »

Pour le moment, seules deux coopératives ont commencé à sentir les premiers effets bénéfiques de cette initiative. A Tapu, hsien de Chiayi, et Chushan, hsien de Nantou, où l’économie liée au bambou était tombée au plus bas, les fermiers retrouvent le sourire et produisent maintenant leur propre gamme de shampooings et de gels de douche à base de bambou. L’ITRI leur a également fourni l’assistance technique afin de construire leurs propres fours destinés à produire les charbons.

« Les fermiers se réjouissent de voir que le bambou a un tel potentiel et placent dans son développement de vifs espoirs », assure Chen Wen-chi qui révèle que les produits de soin du corps à base de charbon de bambou se vendent très bien dans la boutique de l’ITRI, pour un chiffre d’affaires quotidien d’environ 1 200 euros, même si le grand public n’a pas encore été sensibilisé à leurs bienfaits ou à ceux du vinaigre de charbon de bambou.

Des cosmétiques aux boîtiers d’ordinateurs
Propriétaire de la société Jingledye Cosmetics, Hsu Su-hsia [許素霞], qui a fait grand bruit en lançant une gamme de produits à base de gingembre, pense elle aussi qu’il y a dans le bambou une mine d’or à exploiter. Jingledye est d’ailleurs l’un des bénéficiaires des transferts de technologie offerts par l’ITRI et a mis en vente depuis octobre des produits à base de bambou, mais il faut davantage de publicité pour les promouvoir, reconnaît Hsu Su-hsia. « La plupart des consommateurs n’ont aucune idée de ce que peut être le shampooing au charbon de bambou, dit-elle, alors que le gingembre a des propriétés bien connues qui favorisent la circulation du sang. Nos clients choisissent plus facilement des produits à base de gingembre que de charbon de bambou. »

Hsu Su-hsia est allée jusqu’à acheter des espaces publicitaires le long des autoroutes pour faire connaître sa nouvelle ligne de produits au bambou, mais cela se révèle être une politique coûteuse. Aussi espère-t-elle que la COA pourra aider à la promotion des avantages sur le plan de la santé des produits au charbon de bambou.

Au-delà des articles de soin du corps, l’ITRI a développé des technologies permettant d’intégrer la poudre de charbon de bambou dans la peinture pour la rendre plus résistante aux moisissures, dans des fibres textiles pour fabriquer des filtres et dans des sacs à fermeture rapide pour protéger les aliments

Le plant de bambou âgé de quatre ans produit le meilleur charbon, précise Chen Wen-chi, qui ajoute aussi que les fours traditionnels sont mieux adaptés, mais qu’ils demandent un temps de carbonisation plus long. Certains producteurs utilisent toutefois le gaz comme combustible, afin d’accélérer le processus, même si le charbon ainsi produit est de bien moins bonne qualité : rempli de carcinogènes, il devient impropre à un usage purificateur ou hygiénique. C’est aussi là la raison pour laquelle une certification est nécessaire, afin de garantir que cette méthode nocive n’a pas été utlisée.

Les applications les plus prometteuses sur lesquelles travaille l’ITRI visent un usage industriel, en particulier dans les industries de pointe. Carbonisé à une température de 2 800°, le charbon de bambou peut servir d’électrode sur des batteries à hautes performances, grâce à sa conductivité élevée. Chen Wen-chi fait remarquer qu’on peut également en tirer des nanotubes au carbone - un fil cylindrique de carbone à 60 molécules qui est un substitut potentiel du silicium utilisé par les industries de pointe.

« Il est envisageable d’utiliser le charbon de bambou pour fabriquer des boîtiers d’ordinateurs, de téléviseurs ou de téléphones mobiles, car ce matériau constitue un isolant actif contre les ondes électromagnétiques », ajoute le responsable de projet à l’ITRI.

Source d’inspiration pour les poètes et les peintres, le bambou est une plante aux vertus multiples. De la tradition aux hautes technologies, il n’a pas cessé de tenir une place à part, spécialement en Asie. Gageons qu’il en sera de même pour les futures générations. ■

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