Introduction
A son inauguration officielle, le 28 novembre 1986, le parc national de Taroko avait déjà une valeur symbolique : il attestait de la prise de conscience, tant dans le public que dans le gouvernement, des graves dommages subis par l'environnement, malgré ou à cause du succès économique extraordinaire des quatre décennies précédentes. Le parc national de Taroko, de même que les quatre autres parcs nationaux existant aujourd'hui ─ Kenting, Yushan, Yangminshan et Shei-pa ─ a donc été investi de trois missions principales :
- préservation des sites, des vestiges, de la faune et de la flore
- promotion de la recherche
- sensibilisation du public aux problèmes de l'environnement.
Un paysage de montagnes exceptionnel
Situé dans la partie nord-est de l'île de Taiwan, en bordure de l'océan Pacifique, le parc national de Taroko couvre une superficie de 92 000 hectares, à cheval entre les districts (hsien) de Hualien, Nantou et Taichung. Il comprend de nombreux sommets, dont certains dépassent 3 000 mètres d'altitude, et de profondes gorges taillées dans le marbre par les eaux puissantes de peut admirer ces paysages grandioses depuis la route nationale traversant l'île d'est en ouest. Les nombreuses cascades, la végétation luxuriante, la faune variée, et la tribu Atayal, qui habite ces montagnes depuis plusieurs siècles, sont autant de maillons indispensables de l'écosystème de la région.
Le parc est bordé au nord par , à l'ouest par et à l'est par deux torrents, le Sanchan et le Mukua. et ses affluents arrosent les deux tiers du parc.
An Shih-chung. Les gorges de Taroko sont le résultat de plusieurs millions d'années de travail de la roche par les eaux des glaciers. On peut admirer cet admirable paysage depuis la route traversant le parc d'est en ouest. La richesse du sous-sol de la région en marbre de qualité est à l'origine de l'importante industrie de marbrerie de la ville de Hualien.
Celui-ci est constitué pour moitié de montagnes de plus de 2 000 mètres d'altitude. Sur la centaine de sommets que compte l'île de Taiwan, 27 sont situés dans le périmètre du parc de Taroko. Citons les plus renommés d'entre eux : le mont Nanhu, la coupole enneigée de Hohuan et les pics accidentés de Chilai.
Du fait de la présence de sommets élevés et de l'influence de la mousson du nord-est, les températures et le climat sont très variables. La grande diversité de reliefs offre à toute saison des couchers de soleil d'une beauté toujours renouvelée, à travers les nuages et la brume, ou sur les cimes enneigées.
Du haut de ses 3 740 mètres, le mont Nanhu (Nanhutashan) domine l'ensemble de la région. Son sommet, qui ressemble à une longue toiture pentue, lui donne un air majestueux. Près des hauteurs du mont Nanhu se trouve un cirque, vestige de la période glaciaire
Le pic Taosai (alt. 3 500 mètres) présente en son sommet des falaises rocheuses verticales de 60 mètres de hauteur, qui lui donnent un air de château gothique. Le « donjon » du château est le résultat d'une érosion de la roche par les rafales de vent.
Le mont Hohuan (alt. 3 417 mètres), formé d'ardoise, offre des pentes plus douces. Il existe là depuis quelques années une mini-station de ski, ouverte quand l'enneigement le permet, c'est-à-dire assez rarement.
Très escarpé, le mont Chilai (alt. 3 560 mètres) s'élève au-dessus d'une arête très accidentée. Chilai veut dire « chapeau de neige » en language atayal. Sur la face sud-ouest se trouve le célèbre pic Kaloro, ou « corne du buffle-démon ». Le pic nord, qui culmine à 3 605 mètres d'altitude, est l'un des plus élégants, mais aussi le plus dangereux, aux dires des alpinistes, du fait des brusques changements de températures.
Pan Chien-hung
Avant toute randonnée ou escalade, il est plus prudent de vous procurer cartes et itinéraires auprès de l'office du Tourisme ou du bureau du parc national de Taroko, et de faire part à vos connaissances de vos projets d'excursion.
Relief et géologie
A Taroko, les cours d'eaux racontent encore l'histoire de la formation des gorges qu'ils ont creusées pendant des millions d'années. Les mouvements orogéniques et l'érosion engendrée par les eaux de ont donné au relief ses caractéristiques principales. Les falaises de marbres, qui s'élèvent parfois sur plusieurs centaines de mètres au-dessus de la rivière, offrent un spectacle unique au monde. En hauteur, les jeunes sommets aux arêtes acérées forment des paysages de montagne saisissants.
La formation de Taroko s'est faite en plusieurs phases au cours des millénaires :
1. La formation du gypse
Avant même l'existence de Taiwan, des sédiments calcaires se sont déposés au fond de l'océan. Avec le temps, ces sédiments se sont accumulés en couches superposées, puis lentement transformés en gypse.
2. La métamorphose du gypse en marbre
Le gypse a été recouvert par d'autres sédiments, et sous l'effet d'une pression et d'une chaleur souterraine intenses, s'est transformé en marbre.
3. Elévation du marbre
Il y a environ 70 millions d'années, les strates rocheuses situées au fond de la mer, et avec elles les strates de marbre, se sont soulevées pour former les crêtes montagneuses de Taiwan.
Chen Chia-shen. Le lucane (Neolucanus swinhoei) et le cratérope (Liocichla sterii sterii), deux habitants des forêts de Taroko.
4. Nouvelle élévation du marbre
Il y a à peu près 2 millions d'années, la plaque portant les îles des Philippines et celle des montagnes de Taiwan se sont heurtées. Au cours d'un lent processus, les montagnes se sont poussées les unes contre les autres, ce qui les a encore surélevées. Les strates de marbre elles aussi se sont élevées, bien que restant recouvertes par des strates d'une autre nature.
5. Formation des vallées sous l'effet de l'érosion
L'on peut estimer qu'au cours des millions d'années passées, l'eau de pluie et les cours d'eau ont érodé la roche sur plus de 10 000 mètres de hauteur. Dans le même temps, les continents se sont surélevés, contribuant à l'élévation des montagnes, tandis que les vallées se creusaient.
6. Formation des Gorges de Taroko
Comme le marbre exposé était dur et résistant, il ne s'est pas érodé facilement. Aussi les vallées sont-elles très étroites, et bordées de hautes falaises. Ce sont ces vallées vertigineuses qui sont appelées Gorges de Taroko.
Lu Sheng-yu. La pie bleue formosane (Urocissa cærulea) fait partie des espèces protégées.
Pour en savoir plus sur la naissance de l'île de Taiwan et sur la tectonique des plaques, l'on peut visiter le musée géologique de Lushui, à environ deux kilomètres à l'est de Tienhsiang, sur la route transversale.
Des orchidées aux fleurs des champs
Le parc national de Taroko s'étend du niveau de la mer jusqu'à 3 700 mètres d'altitude. Il comprend donc plusieurs zones climatiques différentes. Tous les types de végétation existant à Taiwan (à l'exception de ceux particuliers aux sols sablonneux, aux forêts de bord de mer et aux petites îles) sont présents dans les limites du parc : l'on peut par exemple y observer des genévriers alpins, des bambous nains, des pins, des ciguës, des épicéas, des chênes de Taroko et des photinias chinois. Le parc compte plus de 1 100 espèces de plantes vasculaires, dont 57 sont classées parmi les espèces végétales en danger de disparition.
Les montagnes de la région offrent des paysages spectaculaires, aux végétations contrastées. Ici, les forêts de bambous sont parsemées de conifères et de genévriers altiers, avec leurs racines torturées et leurs troncs noueux. Là, au sommet de la montagne, des brassées de fleurs colorées, telles l'Epilobium nankotaizanense (famille des onagrariacées), l'Hypericum nagaswia (plantes guttifères) le Rhododendron noriakianum (éricacées) et le Leontopodium microphyllum (composacées), se mêlent aux genévriers et s'agrippent aux rochers et aux cailloux.
Luo Lio-tseh. Le faisan Mikado, une espèce qui est propre à l'île de Taiwan, fait partie des nombreuses espèces d'oiseaux protégées.
La flore est variée et pleine de surprises pour qui sait l'observer. En août, par exemple, les promeneurs peuvent picorer les baies sucrées de « l'arbre à monnaie », un arbre de la famille du mûrier. Outre ses fruits rouges, qui ressemblent aux arbouses, tout, dans cet arbre aux dehors anonymes, peut être utilisé. Ses feuilles sont une friandise pour les daims. Son écorce, dont les fibres sont très longues et résistantes, entre dans la fabrication d'un papier de riz d'excellente qualité. Ce papier a même servi à la fabrication de billets de banque (d'où son surnom) sous l'occupation japonaise. Le bois de l'arbre à monnaie, léger et tendre, est particulièrement adapté à la fabrication du mobilier, mais il donne également un excellent charbon de bois. Sa résine, enfin, peut être utilisée pour faire de la colle, ou bien une peinture de couleur dorée.
Autre curiosité parmi tant d'autres, la « mousse de la résurrection », qui se recroqueville en une petite boule verte, comme un armadillo, pour échapper à la chaleur intense qui frappe les falaises pendant les torrides journées d'été. De la famille des fougères, cette plante qui ne fait que quelques centimètres de haut s'accroche aux plus petites anfractuosités de la roche pour y chercher un peu d'humidité. Quand la pluie arrive finalement, la petite boule vert pâle, qui semblait flétrie pour de bon, se gorge d'eau et ouvre ses feuilles crochues en une belle couronne vert satiné.
You Teng-liang. La rainette (Rana narina swinhoana) aime à se poser sur les rochers, au bord la rivière, où son dos brun tacheté lui sert de camouflage.
Le royaume des papillons et des oiseaux
Le parc national de Taroko est en grande partie épargné par les incursions humaines, et la faune y est très variée. Les chercheurs ont recensé 139 espèces d'oiseaux dans le périmètre du parc, dont 14 espèces présentes uniquement à Taiwan, comme le faisan de Swinhoe, la pie bleue formosane et le passereau butineur. Au moins 14 espèces d'amphibiens sont présentes le long des cours d'eaux sur les versants de montagne de moyenne altitude. Les entomologistes ont également recensé 239 espèces de papillons. En outre, 24 espèces de grands mammifères, dont l'ours noir, le macaque formosan, la chèvre formosane à poils longs, le marcassin et le cerf, peuvent être observées dans leur habitat naturel. Quelques 25 espèces de reptiles et 16 espèces de poissons fréquentent également la région. Parmi les espèces particulièrement dignes d'intérêt pour les chercheurs, l'on peut noter le macaque formosan et la chèvre formosane; le Cryptobranchus japonicus (famille des amphibiens); le Tachydromus hsuehshanensis (sauriens); le Trimesurus gracilis (serpents); la truite d'eau douce; ainsi que le Troides aeacus et le Minois nagasawae (papillons).
Pan Chien-hung. Le Graphium cloanthus kuge, une des nombreuses espèces de papillons de l'île, s'observe en particulier dans la Vallée mystérieuse et autour du Lac du Lotus.
Au cœur de la montagne, à la source des rivières qui miroitent sous le soleil, les salamandres (Cryptobranchus japonicus) vivent et se reproduisent depuis des centaines de milliers d'années. Quand les glaciers se sont retirés, ces créatures, qui vivaient dans les montagnes au-dessus de 2 000 mètres d'altitude s'éparpillèrent et donnèrent naissance à des populations distinctes du fait de leur isolement derrière des barrières rocheuses. Elles apparaissent maintenant dans des teintes dorées, laiteuses ou encore brun sombre, une métamorphose due à une mutation génétique.
Traversant les bosquets de bambous, le promeneur entendra le pinson pourpré (Carpodacus vinaceus formosana) et la grive chanteuse (Garrulax morrisonianus) se répondre; il apercevra peut-être le solitaire gros-bec (Nucifraga caryocatactes) perché sur un rocher. Il surprendra parfois un Tachydromus hsuehshanensis aux dessins élaborés lézardant sur les pierres chaudes. Avec un peu d'attention, il remarquera peut-être les traces laissées par la belette, à moins qu'il ne voit filer entre ses pieds un rat formosan au ventre blanc ou un rat des champs formosan. Et dans les éboulis, sur le flanc de la montagne, la chèvre formosane aura sans doute laissé des traces de sabots et du crottin.
Lorsque l'on suit le sentier traversant la forêt de bambous, il n'est pas rare d'observer les empreintes laissées par un marcassin ou un muntjac formosan. Des animaux de toutes espèces habitent la forêt. Dans la partie supérieure de celle-ci, l'on peut apercevoir des écureuils courir dans les branches, des écureuils volants sauter lestement d'arbre en arbre, et des macaques formosans grimper sur les rochers. Dans la partie basse de la forêt, il y a non seulement des mammifères en grand nombre, mais aussi de gros oiseaux, dont quelques représentants de la famille des gallinacés, comme le faisan Mikado et le faisan bleu de Swinhoe, deux espèces particulières à Taiwan et classées parmi les animaux protégés.
Chang Chen-shan. Le « singe des rochers » formosan passe en réalité le plus clair de son temps à l'abri dans les arbres.
Dans les forêts mixtes et à feuilles caduques, en moyenne et basse altitude, la flore variée permet à un grand nombre d'espèces animales de survivre. Par exemple, la plupart des espèces d'oiseaux qui habitent le parc peuvent être observées ici, en particulier le long de la route nationale transversale reliant Tayuling à Tzuen, ainsi que dans la vallée de et dans mystérieuse. La mésange couronnée, (Yuhina brunneiceps), la mésange à tête rouge (Regithalos concinnus), le cratérope (Liocichla steerii sterii), la pie bleue formosane (Urocissa cærulea), le barbu à cinq couleurs (Megalaima oorti nuchalis), le martinet à gorge jaune, ... les espèces d'oiseaux abondent, toutes plus colorées les unes que les autres.
En descendant encore un peu plus bas, dans mystérieuse, l'on peut admirer de splendides papillons, dont le Graphium cloanthus kuge, le Papilio Thaiwonus et l'Hebomoia Glaucippe formosana. La plupart des espèces présentes dans le parc le sont en grand nombre.
Traces du passé
Les sites archéologiques fournissent de nombreuses preuves d'une présence humaine fort ancienne. Les premières fouilles ont permis de distinguer sept zones d'habitation humaine dans le périmètre du parc ou à proximité.
Le site de Taroko est le plus célèbre. Là ont été découverts 85 monolithes alignés selon un ordre précis sur une terrasse. Ces alignements de pierres levées sont similaires à ceux de la civilisation Chi-Lin, mais datent du Néolithique, comme la civilisation Pei-Nan. Par ailleurs, des sarcophages de pierre ont été découverts sur ce même site non loin des monolithes, ce qui semble indiquer le mélange des deux cultures. En outre, la position latérale fléchie dans laquelle ont été inhumés les défunts rappelle la technique funéraire employée dans la civilisation Shih San Hang, dans le nord de Taiwan, qui date d'avant l'ère chrétienne. Ces éléments permettent de penser que les restes de civilisation humaine découverts dans la région de Taroko ont entre deux et trois mille ans.
Sur les autres sites archéologiques du parc (Pulowan, Sidagan, Batagan, Bulexengan, Tura-Sag et Hsipao), l'on a exhumé des tessons de poterie, des silex et des objets en fer.
Les plus récentes découvertes datent du début du mois de janvier de cette année : une équipe d'archéologiques étudiant sur le terrain les trajets migratoires de la tribu Pingpu a exhumé, près de Puli, dans le district de Nantou, un groupe de sarcophages en ardoise semblant remonter à plus de 2000 ans. Les chercheurs privilégient pour l'instant l'hypothèse que ces sarcophages relèvent de la même civilisation que ceux trouvés précédemment à Chuping, en amont de