On dit que les montagnes portent chance à Taiwan. Mais l'an dernier, un typhon dévastateur a provoqué des glissements de terrain et emporté des vies humaines, entraînant de lourdes pertes financières aussi bien pour l'Etat que pour les entreprises. Après des siècles de générosité, les montagnes ont-elles enfin commencé à demander des comptes?
Au début du mois de mars 1997, l'institut des Ressources mondiales (WRl), à Washington, a publié un rapport. Jonathon Lash, le président du WRI, explique en préface que les chercheurs ont analysé les données climatiques pour juger de l'étendue de la couverture forestière mondiale il y a 8 000 ans, avant que l'activité humaine ne commence à entraîner une dégradation des terres boisées. Des photos prises par satellite avaient été distribuées à plus d'un millier d'experts dans le monde entier afin de faciliter leur travail d'évaluation de l'état des forêts dans leurs régions respectives.
Le WRI a comparé les résultats des deux études et conclu qu'il n'existe plus que 20% de forêts vierges dans le monde. Elles sont situées pour l'essentiel dans les grands Nord canadien et russe et en Amazonie. Dans les autres régions, les forêts sont, soit en mauvais état, soit menacées par l'exploitation et le développement, soit trop petites et trop fragmentées pour permettre la survie d'écosystèmes complets. L'étude a montré que les forêts les plus menacées sont frontalières des régions tempérées. Taiwan vient immédiatement après en termes de région en danger, étant une zone dans laquelle il ne reste que 5% de forêt vierge.
Ce rapport a été ressenti comme une claque dans l'île de Taiwan où le reboisement fait partie de la politique du gouvernement depuis plus de vingt ans. L'organe administratif en charge de ce domaine est le bureau provincial des Forêts de Taiwan (TBF). Mlle Ho Wai-jane, sa directrice générale, sort un rapport intitulé : Inventaire des ressources forestières et de l'utilisation des terres à Taiwan. « Ce rapport, qui est sorti l'an dernier, est le résultat d'une collaboration entre de nombreuses personnes, dit-elle avec emphase. Nous n'avons pas seulement analysé des photos aériennes; nous avons aussi envoyé des gens dans des forêts profondes et lointaines. Le terrain était souvent dangereux de sorte qu'ils ont même dû risquer leur vie. L'enquête a duré huit ans. Le rapport a conclu que 58,5% de la surface de l'île est recouverte de forêts, dont plus de 70% est à l'état vierge ».
Mlle Ho sort une collection de photos prises dans les régions montagneuses de Taiwan. « Ces photos font actuellement l'objet d'une exposition, dit-elle. Regardez comme nos montagnes sont belles, si vertes et luxuriantes. Allez faire un tour en voiture n'importe où en montagne et vous verrez au premier coup d'œil que le rapport du WRI est complètement faux pour ce qui concerne Taiwan ».
Taiwan s'enorgueillit de posséder des lois strictes réglementant les activités agricoles dans les zones montagneuses. Mais les habitants de ces régions disent : « Personne ne gouverne dans les montagnes ».
Aller en montagne : c'est ce que Mlle Ho fait régulièrement depuis qu'elle occupe ce poste. Mais malgré la promotion enthousiaste à laquelle elle se livre en faveur des forêts taiwanaises, elle conserve une opinion mitigée. « J'ai vu aussi bien la plus grande beauté que la pire laideur, admet-elle. Les paysages sont si beaux avec leurs pentes escarpées, leurs pics majestueux et leurs vagues de cyprès, de pins et d'érables! Mais quand les montagnes sont nues pour avoir été déboisées, cultivées ou transformées en cimetières, elles deviennent tellement laides! Du bois sec et des souches mortes gisent un peu partout. On dirait que toute la zone est rongée par une maladie de peau ».
Ce que Mlle Ho décrit est le résultat d'une longue évolution. Pendant des siècles, les gens ont profité des ressources apparemment inépuisables que les montagnes offraient généreusement. Dans les années cinquante et soixante, l'exploitation forestière était la principale activité du TBE. L'idéologie de l'époque prônait le « développement industriel grâce aux revenus de l'agriculture ». En fait, jusqu'à ce que l'industrie et le commerce international aient pris leur essor dans les années soixante-dix, la sylviculture a considérablement contribué à remplir les caisses de l'Etat et à lancer l'économie sur la voie de l'expansion. « Que pouvions-nous faire d'autre?, soupire Mlle Ho Wai-jane. Le pays avait grand besoin d'argent et nous n'avions d'autres ressources naturelles que les forêts. A cette époque, on évaluait les fonctionnaires du TBF d'après les quantités de bois qu'ils avaient fait abattre. De nombreux temples japonais, que l'on peut voir encore aujourd'hui, ont été construits avec du cyprès importé de Taiwan ».
Après l'époque de l'abattage des arbres, est arrivée celle de l'exploitation agricole des régions montagneuses. La construction d'une importante route nationale à travers la Chaîne centrale dans les années 60 a conduit à l'empiétement des exploitations agricoles sur les forêts. Le Mont Li, dans le nord-est (à ne pas confondre avec le Mont Ali, qui se trouve dans le centre de Taiwan), est devenu un site privilégié pour la culture de légumes et de fruits tels que les pommes, les oranges, les prunes et les poires qui ne poussent que sous les climats tempérés ou froids et qui valent très cher sur cette île tropicale qu'est Taiwan. Les prix de ces produits étaient si élevés que les gens disaient que « l'or pousse sur les pommiers ».
En 1996, le typhon Herb a provoqué de graves dommages dans de larges zones de Taiwan, occasionnant des pertes en vies humaines et d'importants dégâts. Le gouvernement a accusé la nature mais certains experts ont montré du doigt le développement des pentes.
A cette époque, la commission d'Etat de la Reconversion professionnelle des militaires, cherchait à aider les soldats qui étaient venus du continent chinois en 1949 et qui approchaient de l'âge de la retraite. Les vergers de montagne semblaient être une solution commode et lucrative. De nombreux militaires à la retraite se sont donc transformés en « producteurs d'or ».
II n'a pas fallu longtemps pour que d'autres personnes se mettent à investir dans cet intéressant commerce. Certains ont loué de vastes étendues de forêts à très bas prix auprès du TBF. D'autres se sont servis des domaines forestiers de l'Etat sans se soucier de solliciter un permis. Les arbres ont été abattus pour céder la place à des cultures plus rentables. Hormis les fruits et les légumes, le thé et les noix d'arec ont aussi connu un grand succès. Ces cultures non seulement satisfaisaient le goût des consommateurs taiwanais mais pouvaient également être rapidement récoltées et rapportaient beaucoup, tout particulièrement celles qui poussaient sur des terres acquises à bas prix ou — pour s'exprimer de façon plus directe — volées.
De telles cultures ne demandent que peu de soins : arrosez-les d'engrais, de pesticides et d'herbicides et préparez-vous à récolter toute l'année. Un hectare d'aréquiers rapporte 120 USD par jour environ. De plus, si les gens étaient verbalisés pour usage illégal de terrains, ils risquaient une amende comprise entre 360 et 1 100 USD, ce qui n'était rien en comparaison des profits qu'ils réalisaient. Enfin, ces activités se tenaient loin de Taipei et les habitants du coin avaient pour habitude de dire : « Personne ne gouverne dans les montagnes ».
En quelques années seulement, ces cultures ont encerclé le Mont Li dans un large rayon, entre 1 800 et 2 500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Chaque fois qu'une nouvelle route était ouverte, les cultures s'engouffraient à sa suite, s'étalant comme un cancer. Les autres régions montagneuses étaient également affectées. Il y a quinze ans, la route qui menait au Mont Ali traversait une zone sauvage. Aujourd'hui, elle est bordée de pentes cultivées sur pratiquement toute sa longueur.
Les cultures ont provoqué l'érosion des montagnes, qui jouent un rôle pivot dans le système écologique de Taiwan, avant même que quiconque ne se rende compte de ce qui était en train de se passer. Les randonneurs ont commencé à remarquer que le nombre de mouches avait considérablement augmenté, conséquence de l'utilisation massive de fiente de poulet comme engrais. Quand il pleuvait, ces produits se déversaient dans les barrages-réservoirs dont un grand nombre est situé dans les vallées voisines. Le barrage-réservoir de Tehchi, au pied de la montagne Li, a été complètement eutrophisé. Privé d'oxygène, il s'est rapidement rempli d'algues et a commencé à sentir.
Les aréquiers et les théiers ne sont pas des arbres profondément enracinés. Ils ne peuvent donc consolider les sols qui sont en grande partie lessivés lors de la saison des pluies. En conséquence, de nombreux barrages-réservoirs souffrent d'un important envasement. Selon les statistiques publiées par l'office des Eaux, sous la tutelle du ministère de l'Economie, la quantité de vase accumulée dans tous les barrages-réservoirs de Taiwan en une année pourrait remplir la réserve d'eau de Mingte, d'une capacité de 14 millions de m3.
En réponse à cette menace, de nombreuses digues et levées ont été construites sur les principales rivières. Selon l'office des Eaux, plus de 2 000 de ces ouvrages ont été édifiés au cours des vingt années passées. Soixante-dix digues ont été érigées pour protéger le seul barrage-réservoir de Tehchi à la suite de travaux qui ont coûté 60 millions d'USD aux contribuables. Mais ces digues ont eu un effet pervers : elles ont piégé les poissons. Les saumons formosans, un vestige de l'ère glaciaire que l'on ne trouve plus qu'à Taiwan, vivaient dans le cours supérieur de la rivière Tachi qui descend du Mont Li. Mais avec le développement des exploitations agricoles et la construction des levées, leur habitat a peu à peu rétréci et leur population est désormais en déclin.
Quelque 2 000 levées et digues ont été édifiées au cours des vingt années passées afin d'empêcher les rivières de s'envaser. Mais ces structures piègent aussi les poissons, provoquant un déclin de leur population.
Les poissons ne sont pas les seuls à être touchés. Les produits chimiques utilisés dans les exploitations agricoles ont pollué les eaux des barrages-réservoirs. Selon une étude réalisée l'an dernier par Chang Chen-nan, professeur d'écologie à l'université Tunghai, les toxiques, dont certains cancérigènes, se fraient un chemin depuis les barrages-réservoirs jusque dans les robinets d'eau potable des consommateurs.
Il est clairement apparu aux citoyens comme aux pouvoirs publics que quelque chose n'allait pas. L'adoption par le gouvernement des trois principes de l'Aménagement des forêts en 1975 a constitué un changement majeur dans la politique forestière. La conservation et la préservation des ressources sont devenues les principaux objectifs. Des mesures ont été prises pour limiter le prêt de terres aux agriculteurs, réduire les zones d'exploitation du bois et empêcher l'érosion des sols. Le gouvernement a interdit l'abattage des cyprès naturels en 1989, interdiction qui a été étendue à toutes les activités d'exploitation du bois dans les forêts naturelles en 1992. Le volume annuel du bois voué à l'abattage est passé cette année-là de 1 500 000 m3 à 200 000.
En 1992 également, un projet de six ans a été lancé pour accélérer le reboisement avec l'aide d'une allocation de 377 millions d'USD émanant du gouvernement provincial. Le budget alloué au bureau provincial de la Conservation des sols et des eaux a atteint 220 millions d'USD, contre 140 000 USD dix ans auparavant. Dans le même temps, une loi a été adoptée, accordant 5 500 USD aux agriculteurs des régions montagneuses pour chaque hectare d'exploitation reconverti en forêt, somme qui a été considérablement augmentée par la suite. Depuis 1991, le gouvernement a repris possession de 299 hectares dans les régions montagneuses comprises dans le bassin du barrage-réservoir de Tehchi.
Mais en août dernier, une catastrophe naturelle dévastatrice a jeté une ombre sur ces initiatives. Le typhon Herb a balayé Taiwan, déversant en deux jours autant de précipitations que ce que l'île reçoit en moyenne sur une année. En l'espace de vingt-quatre heures, 1 800 millimètres de pluie sont tombés sur le seul Mont Ali. Les glissements de terrain ont enterré de nombreuses maisons et fermes. L'entrée d'une école élémentaire dans le district de Nantou a été totalement emportée, de même que de nombreuses routes secondaires. Certaines régions montagneuses se sont retrouvées quasiment isolées, reliées au monde extérieur par les seuls hélicoptères qui leur jetaient nourriture et médicaments et qui transportaient les cas médicaux d'urgence. Une cinquantaine de personnes ont trouvé la mort et une vingtaine d'autres sont toujours portées disparues. Les pertes agricoles ont été évaluées à 727 millions d'USD.
Après le typhon, huit professeurs d'université ont formé une équipe d'investigation. Lee Kuo-chung, professeur d'économie forestière à l'université nationale de Taiwan, en faisait partie. « Le gouvernement maintient que des facteurs naturels sont les principaux responsables de la catastrophe, dit-il, mais je pense que le développement des pentes en a en fait été la cause majeure ».
M. Lee explique que de vastes étendues de domaines forestiers appartenant à l'Etat sont louées aux agriculteurs. Les contrats contiennent une provision qui stipule que 70% des terres louées doivent être conservées à l'état de forêt, mais la plupart des agriculteurs l'ignorent, accordant leur préférence à des cultures commerciales telles que le thé et les noix d'arec. « J'ai prévenu, il y a des années, que ces terrains étaient fragiles et que personne ne devait habiter là, rappelle-t-il. Mais tout ce que les gens voient, ce sont les gains financiers à court terme et non les dangers qui les menacent. Même quand les exploitants utilisaient les terrains de façon illégale, la commission d'Etat de l'Agriculture continuait à les soutenir (en subventionnant certaines cultures, dont le thé). C'est révélateur du manque de coopération entre les diverses administrations du gouvernement ».
M. Lee fait remarquer que les zones les plus abîmées sont celles où les cultures illégales ont atteint un summum. La région qui a le plus souffert du typhon est la zone montagneuse du district de Chiayi. Selon les statistiques du TBF, sur les huit bureaux forestiers de district de l'île, c'est celui de Chiayi qui a signalé la plus forte concentration d'exploitation du bois et de cultures illégales sur les plus larges domaines.
Yu Chun-jung est le directeur des bureaux forestiers du district de Chiayi. Il travaille pour le TBF depuis trente-deux ans. « J'étais là à l'époque de la politique d'exploitation du bois et j'étais aussi là à l'époque de la politique de reboisement », dit-il. Dans les faits, il est très difficile de réglementer les cultures dans les régions montagneuses. « Nous appliquons strictement la loi, explique-t-il, mais les agriculteurs pensent que nous mettons leurs moyens d'existence en danger et ils allument souvent des incendies pour se venger. Ils mettent le feu dans un endroit reculé de la forêt et ils s'en vont. Il est quasiment impossible de retrouver les coupables. Nous n'avons pas plutôt circonscrit l'incendie dans une zone qu'ils en allument un dans une autre. Pour la seule année passée, nous avons recensé vingt-huit de ces incendies dont chacun a détruit environ cinq hectares de forêt ».
M. Yu se plaint aussi du manque de personnel. Un garde-forestier est responsable de 1 800 hectares de forêt environ. Les exploitants illégaux agissent souvent en groupe, se servant de téléphones portables pour s'informer mutuellement des déplacements des gardes-forestiers. Même si ces derniers débusquent des bûcherons illégaux et les prennent la main dans le sac, il est dangereux pour eux de les approcher parce qu'ils sont souvent armés. D'ailleurs, les gardes-forestiers n'ont pas le pouvoir de procéder à des arrestations. Le temps que la police arrive, parfois deux jours plus tard, il est bien trop tard pour faire guoi que ce soit.
M. Yu pense que le typhon Herb a eu au moins un effet positif : il a renforcé la prise de conscience du public. Il donne un exemple : « Quatre mois après le typhon, nous avons tenté de mettre fin aux activités illégales de planteurs d'aréquiers mais ils nous ont opposé une vive résistance, raconte-t-il. Quelque 120 policiers et plusieurs procureurs sont venus à la rescousse. Voyant cela, les planteurs ont demandé aux conseillers du district de les aider. Dans le passé, ces conseillers l'auraient fait, pour des raisons électorales. Mais après le passage du typhon Herb, ils ont eu peur de l'opinion publique. Nous avons coupé tous les aréquiers, qui occupaient une superficie de cinq hectares, et nous les avons remplacés par de nouveaux semis ».
Les gardes-forestiers ont également gagné un important allié. Deux mois après le typhon, le président de la République, M. Lee Teng-hui, a annoncé en personne le début d'une campagne de reboisement dans toute l'île. Encouragés par cette décision, la commission d'Etat de l'Agriculture, le gouvernement provincial et plusieurs autres organes concernés ont défini des Lignes directrices pour une campagne nationale de reboisement. Ces admirùstrations prédisent que d'ici à l'an 2002, les zones forestières de Taiwan auront augmenté de plus de 50 000 hectares. La campagne dispose d'un budget de 356 millions d'USD. A titre d'encouragement, il a été décidé que ceux gui reconvertiront leurs terres agricoles en forêts recevront une indemnité totale de 19 000 USD par hectare, — une amélioration importante par rapport à l'ancien chiffre de 5 500 USD — à la condition qu'ils effectuent un sans-faute au cours des inspections régulières qui seront menées sur une durée de vingt ans.
Mais les bonnes intentions et les mesures d'encouragement ne font pas tout. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement tente de promouvoir le reboisement et Lee Kuo-chung, de l'université nationale de Taiwan, se souvient encore avec un pincement de cœur des erreurs passées. « A une époque, tout ce que les gens voulaient, c'était que les forêts soient rapidement reconstituées, dit-il. On a donc recouvert une zone complète d'une seule variété d'arbres, ce qui a nui au système écologique. Cela risquait de provoquer une prolifération rapide de certaines maladies. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé voici quelques années, quand les pins de Taiwan ont été envahis par des vers. La maladie s'est propagée à une telle allure que le TBF a fini par décider d'abattre une grande quantité de pins ».
Pour Mlle Ho Wai-jane cependant, ces problèmes appartiennent au passé. La nouvelle campagne de reboisement va commencer par une évaluation soigneuse de l'ensemble de l'écosystème. Toutes les forêts reconstituées possèderont plusieurs essences d'arbres, avec une préférence accordée aux variétés locales. Mlle Ho espère aussi que les tarifs douaniers portant sur les fruits importés seront considérablement réduits. « De la sorte, poursuit-elle, ceux qui font pousser des arbres fruitiers dans les régions montagneuses ne feront plus d'aussi gros profits qu'auparavant et ils finiront par abandonner une activité qui aura cessé d'être rentable ».
A chaque fête des Arbres, le TBF donne des semis. Cette année, plus de 37 000 semis ont été distribués, beaucoup plus que d'habitude. « Nous offrons des semis dans l'espoir d'apprendre aux gens à aimer et à protéger les arbres et les forêts, dit-elle. Cependant, j'ai tendance à me demander par la suite si le message a bien été reçu ». Une visite sur la montagne Ali, six mois après le passage du typhon Herb, laisse entrevoir la réponse. Les aréquiers abattus par le vent ont été redressés. La route conduisant aux plantations a été rouverte (elle a été reconstruite avant même que les routes nationales proches ne soient réparées). Les habitants vous disent qu'effectivement, plusieurs personnes ont été tuées par le typhon, mais ils expliquent aussi qu'ils doivent gagner leur vie. Aucun autre violent typhon n'a frappé Taiwan depuis Herb et la vie continue.
Les résultats de la nouvelle politique de reboisement ne seront pas connus avant vingt ans au moins. Reste donc à savoir quel est le prix que les montagnes vont réclamer et comment Taiwan s'en acquittera.
(v. f. : V. Etrillard)
Photos de Huang Chung-hsin