14/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

En suivant la route

01/09/1991
La bretelle urbaine de l'autoroute Sun Yat-sen sert aux petites courses des usagers.

Une seconde autoroute permettra d'écouler avec plus de fluidité les automobiles dont le trafic nord-sud est déjà bien encombré. Mais sera-t-elle prête à temps? Après avoir été pendant 14 ans la principale artère routière de la zone économique si prospère de la côte occidentale de Taiwan, l'autoroute Sun Yat-sen (nord-sud) a maintenant besoin d'un secours urgent. L'encombrement chronique se pose tous les jours durant les heures de pointe, notamment dans sa partie septentrionale, ce qui provoque un ralentissement pénible et coûteux des communications par route. En fait, le problème s'étend à toute la longueur des 375 km de l'autoroute Sun Yat-sen. Les chauffeurs et les automobilistes se trouvent souvent immobilisés sur de longues sections de leur parcours où leur vitesse de croisière n'est guère plus différente de la celle de la circulation urbaine aux heures de pointe.

Des premières sections de l'autoroute Sun Yat-sen, baptisée du nom du Fondateur de la République de Chine, a été mise en service dès 1974. Tout son tracé reliant une douzaine de centres économiques et démographiques importants situés entre Kilong, au nord de l'île, et Fongchan, au sud, fut officiellement inaugurée et mise en service en octobre 1978. Comme les routes secondaires sur le littoral et de la plaine occidentale n'étaient que des routes à double voie, souvent d'un entretien médiocre et, en certains endroits, en mauvais état, l'autoroute est très vite devenue la principale voie de déplacement, le long de son parcours, des biens et des personnes. La circulation autoroutière commença à se détériorer à partir de 1986 à un rythme alarmant tandis que la nécessité d'une telle autre artère se fait de plus en plus pressante.

Le débordement de l'autoroute Sun Yat-sen s'est vite fait ressentir dans le développement de l'économie. Ainsi, le trafic des marchandises lourdes par terre (autoroute) a fait pression sur le tourisme intérieur, notamment sur les sites quelque peu éloignés des zones urbaines. Selon l'office du Tourisme, beaucoup de personnes préfèrent rester chez eux, plutôt que de se lancer à la conquête de quelque espace routier. De janvier à septembre 1990, le nombre de touristes chinois a diminué de 7% par rapport à la période correspondante de l'année précédente, soit à 22 millions de personnes. Et les perspectives d'amélioration dans ce domaine ne sont guère brillantes dans un futur proche.

Les agences de voyages ressentent le coup. Selon M. Kuo Hsi-mei, directeur des Voyages du Sud-Est, une importante agence de voyage, la corporation entrevoit un ralentissement économique qui se répercutera sur les excursions insulaires par une réduction de 30% sur les déplacements intérieurs au cours du premier semestre 1991. Son entreprise a facilité le voyage de ses clients en intensifiant leurs contacts avec le chemin de fer et l'avion, malgré un coût plus élevé. En revanche, elle a réduit le nombre des destinations offertes.

Malgré la conception de ses auteurs, l'autoroute Sun Yat-sen sert trop souvent aux courts déplacements. Ici, un poste de péage la nuit.

Mais les trains sont également saturés. Malgré l'électrification des voies, il y a maintenant plusieurs années, qui a permis l'augmentation de la capacité en voyageurs et de la fréquence des trains, la ligne de la Côte Ouest ne peut plus absorber les foules de voyageurs et de vacanciers. Ces derniers doivent souvent effectuer debout le voyage entier.

La saturation des transports routiers et ferroviaires a donc stimulé les vols intérieurs. En 1990, la valeur marchande des transports aériens entre Taipei, au nord, et le port méridional de Kaochiong a augmenté de 12% et celle entre Taipei et Tainan, de 15%. Selon la Direction générale de l'aviation civile, sur ces deux lignes, on s'attend à une croissance annuelle de 10% pour les trois années qui viennent.

La raison majeure de la saturation de l'autoroute Sun Yat-sen est le rapide accroissement du parc automobile de ces dix dernières années, une conséquence directe de la prospérité économique de Taiwan. En 1989, l'île possédait près de 2 millions de véhicules, soit presque cinq fois le nombre de 1980 qui était alors de 425 000 unités. Et comme plus de gens conduisent, le voyage en voiture privée pour un parcours touristique est devenu très populaire. Entre temps, le lent développement des voies urbaines qui a suivi une routine banale, est resté bien en deçà pour absorber l'augmentation du parc automobile et a très vite été débordé, obligeant de nombreux conducteurs à prendre l'autoroute pour une courte distance, voire un déplacement en ville.

Bien que l'autoroute soit originellement conçue pour des voyages de moyenne et longue distance, elle est devenue le chemin direct des parcours de courte distance, notamment de/vers la banlieue de Taipei. Les statistiques, comparant la circulation entre les routes primaires ou secondaires et l'autoroute dans la région nord de l'île, illustrent parfaitement le problème. L'autoroute absorbe 74% du trafic entre Taipei et le port de Kilong, distants de 23 km, 59% entre Taipei et Taoyuan, distantes de 26 km, 79% entre Taoyuan et Sintchou, distantes de 46 km, et 73% entre Kilong et Sintchou, distantes de 95 km.

CARTE : SERVICE NATIONAL DES AUTOROUTES DE TAIWAN (SERNAT)

 

La circulation sur l'ensemble de l'autoroute s'est encore aggravée par une plus grande fréquence des gros véhicules, cars de tourisme, camions et semi-remorques, qui comptent ensemble pour un tiers des véhicules la parcourant. La saturation de l'autoroute est d'autre part stimulée par le dernier élan économique de l'île. Ces vingt dernières années, une grosse tranche de population s'est déplacée vers les zones urbanisées à la recherche d'un travail mieux rémunéré. Mais cette population retourne au pays natal les week-ends et les vacances. Cet impact est particulièrement sensible aux vacances prolongées, comme celles du Nouvel An chinois ou de la fête de la Lune, où les foules se ruent sur l'autoroute pour rentrer ou visiter des amis ou des parents.

Selon le Service national des autoroutes de Taiwan (Sernat), 1,9 milliard de véhicules ont emprunté l'autoroute en 1987, soit un trafic routier de 520 000 véhicules par jour. Depuis sa mise en service en 1978, sa capacité de véhicules a augmenté au taux moyen de 12% par an. Elle continue de s'accroître de plus en plus lourdement avec des taux supérieurs : en 1987 de 20%, en 1988 de 19,6%, en 1989 de 13%, et pour le premier semestre 1990 de 11,7% (par rapport à la période correspondante de l'année précédente). Actuellement, à l'exception d'une section juste au nord de Tainan, l'autoroute a dépassé le point de saturation.

La section ayant la plus forte densité de trafic est certainement celle croisant la petite ville de Yangmeï, entre Taipei et Sintchou, avec un nombre de véhicules la parcourant deux fois supérieur à la normale. Et la section surélevée qui traverse sur viaduc le nord de Taipei, près du Grand Hôtel Yuanshan, on compte aux heures de pointe le passage de plus de 16 000 voitures-passagers par heure le matin et le soir à une vitesse fréquemment inférieure à 20km/h (la capacité prévue n'est que de 13 200 unités).

Pour répondre donc au grave problème de la circulation routière de la partie septentrionale de l'autoroute Sun Yat-sen,le Yuan exécutif a décidé en 1985 la construction d'une seconde autoroute nord de 108 km de long. Les travaux ont commencé en juillet 1987, et la mise en service doit s'effectuer en 1993. Le tracé principal s'étire sur 90 km. Il part de Sitcheu [Hsichih], (hsien de Taipei), traverse les quartiers périphériques ou banlieusards taipéiens de Nankang, Moutcha, Sintien, Tchong-he, Yingke, Tachi et Tchoutong pour rejoindre l'autoroute Sun Yat-sen à Sintchou près du Parc scientifique et industriel.

La seconde autoroute du nord a deux bretelles. La première de 12 km débute à Yingke, traverse la partie sud du hsien de Taoyuan et rejoint l'autoroute Sun Yat-sen à la hauteur de la fourche de l'aéroport international Chiang Kai-shek (CKS). L'autre de 6 km commence à Moutcha (Taipei) et se dirige vers le carrefour des avenues Sin-haï et de Kilong, où elle relie le réseau de voies express de la ville.

Comme l'autoroute était conçue pour des zones fortement peuplées en vue de réduire les empiétements sur les exploitations agricoles et les terres attenantes, il ne reste donc plus qu'un tracé montagneux pour l'autoroute qui s'étire dans la périphérie des agglomérations urbaines. Ce choix déterminé a jeté un défi aux ponts et chaussées et à ses dernières techniques. Le plus notable est certainement le tracé de 18 km dans les montagnes environnantes, entre Sitcheu et Tchong-he (sud-est de Taipei). Les ouvriers ont dû niveler de hauts versants et combler des ravines profondes. L'autoroute comprend vingt-trois tunnels sur un parcours de 15 km où la route pénètre la montagne sur une largeur de trois voies en chaque sens. Ce type de tunnel est le premier jamais perforé à Taiwan.

Malgré de hauts salaires, la main-d'œuvre a fait quelque peu défaut pour les travaux de la seconde autoroute.

Le plan de la seconde autoroute a également prévu 190 ponts et viaducs, le plus spectaculaire étant celui qui enjambe le lac de Pitan à Sintien (sud de Taipei). Le pont d'une longueur de 900 m est soutenu par des arcs-boutants au-dessus de la surface de l'eau.

A la lumière des nombreux aléas de l'autoroute Sun Yat-sen dus en partie à la saturation et au passage constant des poids-lourds surchargés, un long parcours de la seconde autoroute sera pavé de grandes dalles de béton, au lieu de l'asphaltage normal. De même, un système informatisé contrôlera le flot du trafic et avertira les conducteurs par un système signalisateur électrique des difficultés matérielles (embouteillages, accidents) ou naturelles (intempéries) sur leur parcours.

La seconde autoroute du nord aura donc coûté 2,2 milliards de dollars américains. Elle devra décongestionner la circulation routière plus intense de la partie septentrionale de l'autoroute Sun Yat-sen en absorbant une part non négligeable de son trafic taipéien et en redéfinissant le réseau routier encore mal adapté de toute la région nord de l'île. Le plus important, elle permettra une extension de l'urbanisation le long de son tracé en dehors des zones surpeuplées tandis qu'elle en revalorise les terres riveraines.

On attend beaucoup de cette deuxième voie dont la construction pénible et lente est assez décourageante. Les frictions sur les indemnités foncières entre les propriétaires expropriés et les autorités compétentes, ainsi que le manque de main-d'œuvre, ont assurément été autant d'obstacles à la bonne marche des travaux. Les expropriés se sont plaints d'avoir reçu moins du double de la valeur officielle de leurs terres réquisitionnées, soit bien en dessous du prix du marché libre. Entre temps, les travaux avaient besoin de 7 000 ouvriers par mois, or 3 000 seulement se sont présentés. Un rapport administratif fait état que le haut salaire journalier de 55 à 80 dollars américains n'est pas assez attractif.

A la fin de 1990, près du quart de la section sud de Tchong-he était terminée, un peu en deçà des prévisions, mais où 99% du terrain nécessaire a déjà été acquis. Ceci contraste fortement avec les 2% achevés de la section Sitcheu-Tchong-he, où la majorité des lotissements est encore à obtenir. Pour sortir de cette impasse, le Premier ministre, M. Hau Pei-tsun, a ordonné à un comité de travail ad hoc d'accélérer la construction de l'autoroute et des autres grands travaux publics. Ce dernier a décidé d'augmenter les indemnités d'expropriation et d'autoriser l'embauche de travailleurs étrangers.

Ces mesures ont permis de résoudre les problèmes les plus épineux. Le Service national des autoroutes de Taiwan (Sernat), responsable de cette construction, souhaite acquérir tous les lotissements pour la section nord de Tchong-he au cours du premier semestre 1991. Il a également recruté un premier groupe de 243 travailleurs étrangers provenant du Sud-Est asiatique. Pour accélérer toute l'entreprise, les ouvriers travailleront par roulement de deux équipes et les sous-traitants apporteront plus d'équipements. Désormais, tous ceux qui sont impliqués dans cette construction œuvrent contre la montre. Le Premier ministre a fixé la fin de 1992 comme date d'achèvement de la partie au sud de Tchong-he et la fin de 1993 comme celle de la section au nord de Tchong-he.

Les constructeurs d'autoroute n'ont pas lésiné sur les techniques avancées du génie civil moderne.

Un autre crédit de 1 milliard de dollars américains sera alloué à la bretelle de 22 km de l'autoroute Sun Yat-sen entre Sitcheu et Oukou [Wuku]. Ce sera une voie express en viaduc le long de la route ordinaire. Cette formule évitera les problèmes de propriétés foncières qui se posent si crucialement. La voie express permettra aux automobilistes de foncer vers la grande ceinture de l'agglomération taipéienne. Elle allégera le flux du trafic de moyenne et longue distance sur l'autoroute. Les travaux dureront de juillet 1991 à décembre 1994.

En 1993, les travaux des parties centrale et méridionale de la seconde autoroute, ainsi que de la bretelle de la section nord jusqu'à Kilong, seront mis en œuvre. Complètement achevée en 1998, la seconde autoroute, selon les calculs du Sernat, ajoutera 435 km de Kilong, dans le nord de l'île, à Linpien (Pingtong), dans le sud de Taiwan. Certaines sections seront déjà mises en service dès la fin de 1996.

Les capitaux accumulés investis dans cette grande entreprise publique s'estiment à 16,5 milliards de dollars américains, près de neuf fois ceux de l'autoroute Sun Yat-sen, inaugurée en 1978. La partie méridionale de la seconde autoroute traversant une région plus intérieure de l'île aura également un effet stimulateur sur la croissance de ces zones moins développées et, conséquemment, dispersera une partie de la population urbanisée loin des centres si denses et congestionnés.

Philip Liu,
Rédacteur en chef de l'hebdomadaire Business Taiwan, publié en anglais à Taipei.

Photographies Chen Ping-hsun.

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