16/07/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Taipei, du passé au futur

01/12/2011
Le temple Longshan, la perle de l’arrondissement de Wanhua, est aussi l’un des plus vieux temples construits à Taipei. (MINISTÈRE DE L’INFORMATION)
On peut lire l’histoire de Taipei dans ses espaces microscopiques… Avec l’autre capitale, celle du grand sud ensoleillé, Kaohsiung, ces deux villes ont formé l’union sacrée du développement économique de l’île, chacune assumant une mission bien définie. A Taipei sont revenus les institutions gouvernementales, le commerce et l’éducation tandis que Kaohsiung épousait un destin industriel. Les deux cités ont été les premières à bénéficier du statut de municipalité spéciale et, résolument tournées vers l’avenir, elles écrivent aujourd’hui le chapitre des cent prochaines années

Taipei doit se lire par tranches historiques. La ville est née dans les quartiers les plus à l’ouest, ceux de Dadaocheng et de Dalongdong, et c’est là que l’on retrouve l’essence des origines.

C’est le 21 juillet 1999 que le dernier train de la vieille gare de Wanhua a définitivement quitté les quais situés au niveau de la rue, laissant derrière lui un quartier jadis prospère et plein de dynamisme, avec le Marché aux tissus de la rue Dali qui s’étalait jusqu’à la rue Juguang entre la partie ouest de la rue Heping, et la partie sud de la rue Huanhe. « A la grande époque, on y trouvait 2 000 grossistes », explique Hong Wen-he [洪文和], président de l’Association pour la promotion de l’industrie textile de Bangka, en plissant les yeux pour se remémorer cette époque bénie. « Nous avions les prix les plus bas, la meilleure qualité, des designs à la mode et des ateliers capables de produire beaucoup en peu de temps. Une commande était exécutée en 48h. Nous avions tout pour dominer le marché mondial », se rappelle-t-il.

A cette époque, la rue Dali abritait tout ce que le pays comptait de détaillants et de grossistes dans le secteur du prêt-à-porter. Quelques années plus tard, le quartier de Wufenpu, dans l’arrondissement de Xinyi, prit son essor en s’appropriant le marché de détail, sonnant ainsi les premières heures du déclin de la rue Dali. Lors de l’ouverture de la ligne de métro Bannan, en 1999, il ne restait plus que 600 boutiques dans la rue Dali qui entama alors une lente décadence commerciale, au profit de l’arrondissement de Xinyi. « Avec l’évolution du marché international du textile, il ne faut pas s’attendre à voir renaître un jour les boutiques de Wanhua », reconnaît Hong Wen-he, qui souligne que la mécanique du déclin ne s’est pas mise en place en un jour. En réalité, elle s’est étalée sur vingt ans.

Revitaliser le Taipei de l’ouest

En 2000, la mairie de Taipei a lancé un grand plan de rénovation urbaine des arrondissements de Wanhua et de Datong qui a contribué à transformer leur visage et leur allure.

Le projet municipal a permis l’aménagement d’une longue promenade commerciale, avec certaines parties en zone piétonne, qui serpente autour d’édifices historiques, le long de la Tamsui et qui relie les anciens quartiers des arrondissements de Wanhua et Datong. L’ambition est évidemment de revitaliser le tissu urbain et de le redynamiser sur le plan commercial. La promenade part du temple de Longshan, passe par le marché aux tissus, le quartier de Bopiliao, le temple Qingshui Zushi, la zone commerciale de Ximenting, puis le Hall Zhongshan, le quai de déchargement de Dadaocheng, la rue de Dihua, le temple Bao An dans le quartier de Dalongdong, puis rejoint la Taipei Story House, à côté du Musée des beaux-arts de Taipei. D’un point de vue historique, on passe par l’époque impériale, coloniale et républicaine en retrouvant l’esprit du 18e s. qui présida aux premiers développements de la cité.

Les berges de la Tamsui sont en effet riches d’une histoire de luttes entre les premiers migrants chinois venus s’installer là il y a 200 ans, organisant leur vie autour des temples, dont celui de Longshan qu’ils construisirent en 1738. Le quartier de Bangka, (« petite embarcation » dans une des langues aborigènes) devint vite un centre religieux et commercial. Les luttes des trois principaux clans aux origines différentes sur le continent chinois (Jinjiang, Nan’an et Hui’an dans la province du Fujian) se transformèrent en guerre ouverte pour le contrôle des territoires et des affaires. L’un d’entre eux dut battre retraite et alla s’installer plus loin sur le territoire de l’actuel quartier de Dadaocheng, qui finira par ravir à Bangka le centre de gravité économique de cette capitale naissante.

La rue Bopiliao, dont le nom est dérivé de « bopi » signifiant « peler l’écorce », fait référence au marché où se vendaient les troncs d’arbres déchargés non loin de là, sur les quais de la Tamsui. Rénovée entre 2003 et 2007, c’est l’une des seules rues datant de la lointaine période de la dynastie Qing encore visibles à Taipei. On peut y admirer les façades aujourd’hui fraîchement remises en valeur. Selon Lin Dawei [林大緯], un jeune expert en histoire des bâtiments qui fut partie au projet de réhabilitation, il s’agissait d’une rue ordinaire de l’époque, plutôt avare de décorations et de fantaisies architecturales.

En lieu et place de l’actuel carrefour entre la rue de Guangzhou et la rue de Kangding, se trouvait le marché au charbon de Bopiliao, un endroit très animé où les chauffeurs de tricycles et de pousse-pousse avaient l’habitude de se retrouver pour se détendre et discuter. La toute proche maison de thé Xiuying leur servait du thé glacé.

Aujourd’hui, le quartier s’est évidemment vidé de cette activité bouillonnante. Dans le cadre du programme de rénovation, il s’est mû en Centre d’éducation sur la culture et le patrimoine et en espace d’exposition pour le design. Les habitants de Taipei aiment bien venir s’y promener le week-end, mais il faut bien avouer, comme l’explique Monsieur Guo qui est né et a grandi ici, et qui travaille aujourd’hui comme guide dans les vieux quartiers de l’arrondissement de Dalongdong, qu’il ne reste plus grand-chose de l’atmosphère d’avant. Les bons vieux jours de la grande époque ne sont plus qu’un souvenir et le programme de réhabilitation a déconnecté la rue de la vie du quartier.

La Taipei Story House, sur l’avenue Zhongshan Nord, a été construite en 1914 et était connue sous le nom de Villa Yuanshan. C’est l’une des premières villas de luxe de Taipei. (JIMMY LIN / TAIWAN PANORAMA)

Préserver, rénover et revitaliser

La rue de Dihua, connue pour ses pittoresques échoppes de fruits secs et herbes médicinales et son extraordinaire activité commerciale au moment des fêtes du Nouvel An lunaire, est un bon exemple d’un programme de revitalisation réussie. La municipalité a cherché à maintenir une activité marchande durant toute l’année mais elle a également mis en place un système de transfert de surfaces bâties. Les propriétaires de vieux immeubles peuvent ainsi céder leur surface à la municipalité en échange d’une surface équivalente, ailleurs dans la ville, permettant ainsi aux pouvoirs publics de prendre en charge la rénovation des vieux immeubles et d’en préserver le caractère historique. En août 2010, 28 bâtiments de la rue de Dihua étaient enregistrés au registre des monuments historiques.

A l’époque des Qing, un grand nombre de commerçants enrichis firent construire dans la partie nord de la rue des résidences dans le style chinois méridional avec des toits inclinés en tuiles rouges, des portes et des fenêtres en bois et des arcades piétonnières. Sa partie sud abrite surtout des immeubles de style « baroque » de l’époque japonaise. Dans les années 70, la rue, dont l’existence était menacée de démolition par des programmes d’élargissement des chaussées, fut sauvée par une campagne de mobilisation initiée par des universitaires. Elle échappa aux bulldozers et fit par la suite l’objet d’une protection plus renforcée. La municipalité y développe depuis des « stations de revitalisation urbaine », explique Deng Yun-chyurn [丁育群], en charge du département de l’urbanisme à la mairie de Taipei, en prenant l’exemple d’un atelier de recherche sur l’histoire du quartier logé dans des locaux fraîchement rénovés. La rue de Dihua compte trois de ces stations.

On trouve un autre exemple de réappropriation des ressources culturelles avec la Maison rouge, dans le quartier de Ximenting. Lorsque les Japonais sont arrivés à Taiwan en 1985, ils ont entrepris de moderniser l’île et la ville de Taipei. A cette époque, les marchés dans les rues représentèrent un véritable casse-tête pour eux. Ils firent alors construire le pavillon de la Maison rouge, de forme octogonale et premier exemple de marché couvert dans l’histoire de l’île. C’est là où les produits japonais étaient d’ailleurs vendus à l’époque coloniale. Ils firent également construire des cinémas d’inspiration occidentale, faisant ainsi naître la tradition de quartier de loisirs dans cette partie de Taipei. En 1963, la Maison rouge fut transformée en théâtre et ferma finalement ses portes en 1997. En 2002, la municipalité cède l’exploitation du bâtiment à la Paper Windmill Foundation, investit dans la rénovation de cet espace pour le transformer en salle de spectacle. Et en 2007, c’est la Fondation pour la culture de Taipei qui prend le relais. Elle y ouvre en plus une maison de thé, un espace de vente de produits artisanaux et une zone commerciale. Aujourd’hui, la Maison rouge est parfaitement intégrée dans la vie moderne du quartier tout en ayant su préserver son authenticité et sa valeur patrimoniale.

La porte vers le futur

Le dernier grand projet de modernisation de la municipalité de Taipei porte le nom de « Porte de Taipei ». Il permettra de mieux connecter la partie ouest et ancienne de la ville aux zones est, beaucoup plus récentes, avec la construction d’une grande plate-forme de transports publics autour de la gare de Taipei, où se rejoindront 3 des 6 lignes du métro de Taipei, la ligne de train à grande vitesse, les lignes ferroviaires ainsi que la ligne de métro reliant l’aéroport.

Toute la partie se situant entre la gare de Taipei, le périphérique suspendu de Civic Boulevard et la berge de la rivière Tamsui laissera la place à un quartier hypermoderne, composé d’immeubles de grande hauteur allant de 56 à 74 étages, des musées, un quai d’embarquement, des pistes cyclables ainsi que des vieux immeubles restaurés et mis en valeur. Cette « Porte de Taipei » sera celle du futur mais aussi celle ouverte sur le monde puisqu’on pourra, depuis la gare de Taipei, enregistrer ses bagages pour des vols internationaux, avoir accès à toutes les informations relatives aux départs et arrivées des vols, changer de l’argent, faire des réservations d’hôtel, etc. Ce nouveau quartier tourné vers le monde et l’avenir sera le lien entre la partie historique à l’ouest et les nouveaux quartiers de l’Est. Il transformera le visage de la capitale tout en prenant soin d’associer ses racines et son passé.

Les plus lus

Les plus récents