13/05/2025

Taiwan Today

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Climat : Taiwan sur tous les fronts

01/11/2015
Photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review
Tenu à l’écart de la conférence sur le climat de Paris, Taiwan met en avant son action contre les émissions de gaz à effet de serre

En septembre dernier, Wei Kuo-yen [魏國彥], le ministre taiwanais de la Protection de l’environnement, était à Paris pour présenter l’action de Taiwan contre le réchauffement climatique. Dans la capitale française, les préparatifs allaient déjà bon train en vue de la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) qui réunira, du 30 novembre au 11 décembre, les représentants des gouvernements de toute la planète. Si Wei Kuo-yen avait choisi le mois de septembre pour sa visite en France, c’est pour une bonne raison : ne disposant pas du droit de siéger aux Nations unies, la République de Chine n’est pas partie à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et n’est donc pas invitée à la COP21.

Pourtant, selon l’Agence internationale de l’énergie, Taiwan contribuait en 2013 pour 0,8% aux émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2), ce qui en faisait le 17e plus important émetteur de CO2dans le monde. L’île est dans le même temps particulièrement exposée aux menaces que font peser les dérèglements climatiques, comme la multiplication des typhons et l’élévation du niveau des océans. La COP21 doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir en deçà de 2 °C le réchauffement climatique mondial par rapport à la période préindustrielle. Face à cette échéance cruciale, et quand bien même il est tenu à l’écart des discussions, Taiwan a décidé de s’impliquer.

L’île fait même figure de bon élève. « Je ne pense pas que beaucoup d’Etats dans le monde sont capables de mesurer avec précision leurs émissions de carbone et d’élaborer une stratégie d’ensemble crédible pour les réduire, secteur par secteur. Nos efforts de mesure des émissions remontent à plus de 20 ans et nous avons passé des mois à évaluer la faisabilité de nos scénarios », confiait Wei Kuo-yen à Taiwan aujourd’hui en septembre, quelques jours avant de dévoiler la contribution taiwanaise à l’objectif mondial de limitation du réchauffement à 2 °C.

En vue de l’accord de Paris, les parties à la CCNUCC avaient en effet jusqu’au 1er octobre pour présenter leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets des changements climatiques. Appliquant cette procédure à la lettre, Taipei a annoncé le 17 septembre vouloir réduire d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 50% par rapport à un scénario sans mesures supplémentaires. Autrement dit, Taiwan compte émettre en 2030 la moitié des 428 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt eq CO2) qu’il émettrait cette année-là si rien de nouveau n’était entrepris.

« En prenant en compte les changements démographiques, l’évolution attendue du produit intérieur brut et les modifications prévues de la structure industrielle, nous pensons pouvoir diminuer les émissions d’entre 220 et 260 Mt eq CO2 d’ici 2030 », explique Wei Kuo-yen. D’autres mesures telles que la capture et le stockage du carbone ou l’augmentation des capacités de production d’énergie renouvelable, devraient entraîner une baisse supplémentaire de 6 Mt eq CO2. Si l’objectif ambitieux annoncé par Taiwan est atteint, le niveau d’émissions en 2030 sera de 214 Mt eq CO2, soit 20% de moins que celui constaté en 2005. Cela placera l’île sur une trajectoire conforme à celle qu’elle s’est fixée en juin dernier avec la Loi sur la gestion et la réduction des gaz à effet de serre : ramener, d’ici à 2050, les émissions taiwanaises à la moitié du niveau qui était le leur en 2005.

A titre de comparaison, la Corée du Sud, 10e émetteur mondial de gaz à effet de serre, vise une réduction d’ici 2030 de 37% de ses émissions par rapport au niveau qui serait le leur si elle ne prenait pas de mesures nouvelles, soit 850 Mt eq CO2.

 

Une équation difficile à résoudre

A Taiwan, sept gaz à effet de serre sont pris en compte pour les calculs des émissions, le CO2 relâché dans l’air par combustion de matières fossiles représentant 87,5% du total. Il faut dire que l’île couvre 90% de ses besoins énergétiques grâce aux énergies fossiles. Les énergies renouvelables n’entraient en 2014 qu’à hauteur de 1,7% dans le bouquet énergétique taiwanais, les 8,3% restants étant fournis par l’énergie nucléaire (sur le plan de la seule production d’électricité, 18,6% proviennent du nucléaire). Réduire drastiquement les émissions de CO2 suppose donc pour Taiwan de consommer moins d’énergie en proportion de la quantité de biens et de services produite, mais aussi de faire évoluer son bouquet énergétique. Cette double stratégie doit en outre prendre en compte l’objectif d’une sortie progressive du nucléaire, dont le principe a été inscrit dans la loi en 2011, et celui d’un maintien des capacités de production électrique à un niveau suffisant.

En matière d’économies d’énergie, le ministre de la Protection de l’environnement se veut optimiste, en s’appuyant sur les résultats obtenus ces dernières années. « Notre consommation totale d’énergie croît toujours mais l’intensité énergétique de notre économie s’est réduite de 2,8% par an en moyenne depuis 2000. » Grâce à cet effort d’efficacité, pour chaque dollar taiwanais produit, l’énergie consommée en 2014 était inférieure de 20% à celle consommée en 2005. L’objectif formulé dans le Plan d’ensemble pour les énergies vertes et les basses émissions de carbone adopté par l’Etat est que l’intensité énergétique de l’économie taiwanaise soit réduite de moitié d’ici 2025, toujours par rapport à 2005.

Pour y parvenir, les pouvoirs publics ont adopté des mesures d’incitation comme l’« étiquette énergie » volontairement apposée sur plus de 8 100 produits de consommation courante ; mis au point des normes de performance énergétique pour 17 catégories de produits dont les diodes électroluminescentes (DEL) ; et engagé le remplacement de l’ensemble de l’éclairage public par des DEL. Ainsi, 25% de l’éclairage public est déjà constitué de DEL, et les lampadaires à vapeur de mercure devront avoir totalement disparu d’ici à 2030. Les normes d’émission des moteurs ont également été progressivement renforcées. Enfin, dans l’industrie, l’Etat a formulé des normes pour les principaux équipements consommateurs d’énergie et soumis à des obligations d’économies les six secteurs les plus gourmands en énergie, dont la pétrochimie, les aciéries et les fabricants de semiconducteurs.

Une voie étroite

C’est sur le front de la production énergétique que les objectifs affichés paraissent les plus ambitieux. La capacité de production d’origine renouvelable doit atteindre 17 250 mégawatts (MW) en 2030, contre un peu plus de 4 000 MW aujourd’hui, a annoncé en août dernier le Bureau de l’énergie qui dépend du ministère de l’Economie. Cela correspondrait à une part d’environ 15% d’énergies renouvelables dans le mix taiwanais.

« Etant donné le relief de Taiwan et sa forte densité de population, nos capacités de production d’hydroélectricité et d’énergie éolienne à partir d’installations sur la terre ferme ne sont guère extensibles, explique Weng Su-chen [翁素真], directrice de la planification au Bureau de l’énergie. Nous misons donc avant tout sur l’énergie photovoltaïque et l’éolien off-shore. » Des projets en matière de biomasse (matières organiques pouvant devenir source d’énergie par combustion ou transformation chimique) et de géothermie (exploitation des phénomènes thermiques du sous-sol terrestre), sont également à l’ordre du jour.

Deux programmes phares adoptés depuis 2012 et ayant pour horizon l’année 2030 symbolisent cet engagement : le premier consiste à placer des panneaux solaires sur un million de toits à Taiwan, le second à ériger 1 000 éoliennes, dont 600 off-shore. Taiwan, estime-t-on au Bureau de l’énergie, devrait bénéficier à plein de la baisse des coûts de revient du photovoltaïque rendue possible par les progrès technologiques et la massification de la production. Cela permettrait en outre de soutenir indirectement les entreprises locales, Taiwan étant le deuxième producteur de cellules photovoltaïques dans le monde. Longtemps anecdotique, la capacité installée de production d’électricité solaire est passée à Taiwan de 384 MW en 2009 à 1 252 MW en 2014. L’objectif est d’atteindre 8 700 MW en 2030.

Quant aux parcs éoliens off-shore, 120 éoliennes doivent être installées d’ici 2020 au large des côtes des districts de Miaoli et de Changhua. Elles seront opérées par la société nationale d’électricité, Taipower, et par deux entreprises privées, FormosaWind et Fuhai Windfarm. D’ici 2030, le nombre total d’éoliennes offshore pourrait même être porté à 800 pour une capacité installée de 4 000 MW, indique Joseph Wang [王人謙], directeur de la planification et du développement commercial au Laboratoire de recherche sur l’environnement et l’énergie verte de l’Institut de recherche sur les technologies industrielles, à Hsinchu.

La mise entre parenthèses de la quatrième centrale nucléaire complique toutefois l’équation. En effet, sauf si la prolongation de leur durée de vie venait à être inscrite dans la loi, les six réacteurs du parc nucléaire taiwanais actuellement en service seront tour à tour arrêtés entre 2018 et 2025. La quatrième centrale nucléaire construite à Lungmen, dans l’arrondissement de Gongliao à New Taipei, était censée prendre le relais mais d’importantes manifestations antinucléaire ont conduit le gouvernement a décidé de sceller l’installation en attendant que son sort soit tranché ultérieurement par voie référendaire. De ce fait, la sortie progressive du nucléaire inscrite dans la loi risque d’être plus rapide que prévu.

Au cours des dix années qui viennent, l’île devra donc jouer serré pour garantir un niveau de production d’électricité suffisant à la bonne marche de ses entreprises et à la vie quotidienne de sa population, tout en évitant de remplacer ses réacteurs nucléaires par des énergies par trop polluantes, la crainte de certains étant que le charbon prenne la place du nucléaire. « Nous envisageons de compenser la perte de capacité de production nucléaire par des centrales thermiques fonctionnant au gaz naturel, moins émettrices de CO2 que celles fonctionnant au charbon », explique Weng Su-chen, au Bureau de l’énergie.

 

Coopération

« Ces dernières années, nous avons mis en place le cadre juridique permettant le développement des énergies renouvelables et la promotion des économies d’énergie à Taiwan », résume le ministre de la Protection de l’environnement, Wei Kuo-yen. Pour le ministre, l’absence de Taiwan à la Conférence de Paris sur le climat est d’abord un coup au moral. « Nous travaillons d’arrache-pied mais ces efforts ne sont pas reconnus », regrette-t-il. Taipei craint aussi de voir ses entreprises ne pas pouvoir accéder aux systèmes internationaux d’échanges de crédits d’émissions de carbone, et multiplie les contacts avec des pays européens, l’Allemagne et la France notamment, pour acquérir des compétences dans ce domaine. « C’est pour nous la prochaine grande étape », indique le ministre.

Ecarté des discussions multilatérales sur le climat, Taiwan s’efforce de donner des gages de son sérieux dans sa lutte contre le réchauffement climatique. Tout en renouvelant sa demande d’une participation aux travaux de la CCNUCC, l’île s’appuie sur la coopération bilatérale et puise dans ses propres ressources pour réduire l’empreinte carbone de son économie. Un défi que Taiwan aimerait ne pas relever en solitaire.

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