Un microphone, un téléviseur grand écran, un groupe d'amis et deux mille ou trois mille kouaïs (yuans taiwanais) sont les atouts indispensables pour passer une bonne soirée, dit M. Chou Kuo-kuang, chef comptable d'une société d'informatique de Taipei. Avec tous ces éléments, on peut « aller au KTV » (lire kétivi), une version insulaire d'un passe-temps populaire japonais, le karaoké. Ces salles aménagées pour chanteurs sont vite devenues le premier choix du divertissement de milliers de citadins taiwanais.
Deux ou trois fois par semaine, M. Chou Kuo-kuang et un groupe d'amis s'en vont dîner puis chanter dans un salon KTV voisin. Après avoir réservé une salle-cabine équipée de micros et d'un magnétoscope, ils y prennent des rafraîchissements et chantent à tour de rôle sur la musique de fond distribuée par la bande sonore du vidéofilm où ils lisent les paroles en gros sous-titre sur l'écran. Au début, l'ambiance est un peu raide, mais se déride après quelques minutes (et quelques verres). Les gais lurons empoignent deux ou trois micros et se mettent à hurler le refrain préféré qu'ils ont préalablement choisi. En général, les séances de karaoké en soirée durent au-delà de minuit. De telles parties sont toujours réglées en espèces. Et selon la coutume chinoise, quand le groupe d'amis s'en va, l'un d'eux se charge de la note. Une soirée pour un groupe de quatre personnes revient au moins à 5 000 yuans taiwanais (env. 200 dollars américains) pour la petite collation, les boissons et la sélection de chansons. Mais, M. Chou Kuo-kuang n'est pas effrayé de dépenser une telle somme pour se divertir. Il choisit souvent ce mode d'amusement plusieurs fois par mois. En fait, il a dépensé tant d'argent pour des séances de karaoké qu'il peut maintenant se vanter d'être un chanteur bilingue,... en taiwanais et en pékinois, bien sûr! S'il « ne va pas au KTV », il passe alors son temps libre à jouer de l'argent au majong, un jeu de société chinois où le plaisir est dans la participation au jeu.* (Voir l’article de « La passion du majong », libre, Vol. X, No. 5, 1993.) Et ces dernières années, il s'est proposé des vacances à l'étranger. Il a ainsi voyagé deux fois en Thaïlande et effectué ce printemps une tournée de jeux à Macao.
Leçons de golf préliminaires.
Chez beaucoup de jeunes gens de l'île, la vie active et dispendieuse des loisirs à Taiwan est une source de frictions avec la génération aînée. Même si M. Chou Kuo-kuang fait bien remarquer que son mode de vie, comparé à celui de quelques amis, n'est pas du tout extravagant, ses parents le désapprouvent. L'argent qu'il dépense pour ses loisirs dépasse certainement ce que ses parents eussent fait en leur temps. Son père, un général d'armée, et sa mère, une femme au foyer, sont arrivés de Chine continentale à Taiwan en 1949 et y ont vécu modestement. Ayant même éprouvé les pires difficultés quand ils ont déménagé à Taiwan, ils sont restés prudents quant aux dépenses. Ils ont épargné autant qu'ils le purent pour le céder à leurs enfants, et encore maintenant, alors qu'ils sont retraités. Naturellement, ils aimeraient que leurs enfants adoptassent le même comportement à cet égard. Mais M. Chou Kuo-kuang a d'autres priorités. Profiter de la vie lui semble plus important que d'épargner de l'argent qu'il n'utilisera que d'ici plusieurs dizaines d'années.
Une telle philosophie de la vie, relative aux loisirs et aussi différente, a aujourd'hui créé de grandes frictions entre les générations de Taiwan. Bien que le revenu par habitant ait rapidement grimpé et que le taux d'épargne par habitant soit encore un des plus élevés du monde, beaucoup de personnes plus âgées, ainsi que de nombreux économistes, sont agacés par la volonté croissante de dépenser. La coutume traditionnelle d'épargner pour les générations futures est en perte de faveur. Des statistiques de l'office de nationale et des Statistiques (OCNS) indiquent que le taux moyen d'épargne par habitant a chuté ces dernières années. En 1986, il se tenait à 38% du revenu moyen annuel de 3 600 dollars américains par habitant. L'an dernier, ce taux n'est plus que de 28% de ce même revenu moyen qui a entre temps augmenté à 10 000 dollars américains. Pendant cette période, la part des dépenses de divertissement a grimpé de 13% du revenu par habitant en 1981 à 17% en 1992.
Exercices matinaux de taï-tchi-tchiuan.
La mutation des idées quant aux loisirs s'est radicalement opérée dans la société. Il y a quarante ans, Taiwan était une société agricole. On passait son temps à travailler. Et même, au lieu de prendre leurs congés payés, les employés de bureau en demandaient la compensation en numéraire. La nourriture, l'habillement et le logement étaient les grandes préoccupations de cette époque. Et dépenser son temps et son argent pour s'amuser était presque une honte.
La règle du jeu a commencé à se modifier comme la génération des quadragénaires et des quinquagénaires vint en âge. Quoique toujours principalement motivés par l'épargne, ils acceptent de dépenser pour se divertir. Le grand bouleversement est arrivé avec l'actuelle génération des jeunes adultes. Ils veulent profiter des fruits plantés par les générations antérieures.
Bien qu'on ait plus d'argent à dépenser pour les loisirs qu'avant, on subit encore des contraintes. Le temps disponible est court. Hormis une poignée de sociétés privées, tous les employeurs requièrent de leurs employés de travailler au moins une demi-journée le samedi. La longue semaine de travail restreint donc le temps des activités de détente, et chacun doit se ruer vers ces activités le samedi après-midi et le dimanche.
Dans les eaux limpides et sous un ciel magnifique, un sport d'eau très prisé : la planche à voile.
Un autre facteur qui réduit le temps des loisirs dans les centres urbains est la circulation routière congestionnée. Dans l'agglomération taipéienne, les heures de pointe triplent fréquemment le temps normal du déplacement. Cela peut être pire les jours de fête et les week-ends! Juste avant le Nouvel An chinois, un parcours normal d'une heure de route pour atteindre un site de banlieue limitrophe peut facilement atteindre trois ou quatre heures. Ainsi, même si Taiwan a créé cinq parcs nationaux, comptant pour 8,5% de sa superficie totale, peu de gens n'osent s'y rendre. L'histoire horrible communément répandue d'une telle randonnée veut qu'une famille parte tôt le matin du dimanche pour aller à la mer ou à la montagne et ne reviendra dans ses pénates qu'après avoir passé une demi-journée dans les bouchons de la circulation routière. Et ceux qui parviennent à une aire récréative y trouveront probablement tant de monde qu'un peu de natation ou une petite excursion seront loin d'être une détente. En conséquence, la plupart des gens restent calmement chez eux. Ce serait merveilleux de dépenser un peu de temps libre hors de cette ville surpeuplée, dit M. Chou Kuo-kuan en faisant allusion à Taipei. Mais en considérant le temps passé en voiture et la circulation routière congestionnée, il préfère passer son temps en ville ou tout simplement rester chez lui et regarder la télé!
Cette idée est malheureusement partagée par la classe croissante de gens qui ont quelqu'argent à dépenser, mais dans un endroit agréable. Cela a donc encouragé les activités de détente d'intérieur, urbaines et faciles d'accès. Comme on peut l'observer lors d'une promenade à travers la banlieue de Taipei, la législation sur le zonage du territoire qui sépare les quartiers résidentiels, commerciaux et industriels n'est pas encore en vigueur. C'est pourquoi, quel que soit l'endroit où un individu vit ou travaille, il y a des restaurants, des galeries de vidéojeux, des salles de disco, des salons de karaoké (KTV) et des boutiques de vêtements dès la première rue à côté de chez soi, ou même au pas de la porte. Et plus les citadins du quartier auront de l’argent, plus de nouvelles activités de détente apparaîtront.
L'excursion ou l'alpinisme ont également la faveur de nombreuses gens.
Ainsi, manger au restaurant est un passe-temps social important. Emmener des amis ou des parents « casser la graine » est probablement le divertissement le plus populaire de l'île. La plupart des quartiers ont une foule de restaurants de toute variété culinaire. Une sortie peut inclure un dîner dans un restaurant chic japonais ou un simple en-cas acheté à un des vendeurs omniprésents de la rue. La règle universelle est de ne pas manger tout seul! L'office municipal de estime que Taipei seule possède entre cinq mille et six mille restaurants.
Les galeries de vidéojeux sont un autre exemple de cette explosion de la vie récréative intra-urbaine. Le ministère de l'Education estime à 11 700 galeries ou salles de vidéojeux non patentées à Taiwan tandis que ce nombre croît. En mars dernier, la direction de l'Education sociale de ce ministère rapportait que, pour trois nouvelles galeries qui recevait une licence d'exploitation, 45 autres ouvraient leurs portes illégalement.
Même des activités autrefois des zones rurales se sont transplantées dans les villes avec une plus grande accessibilité. Il s'agit de la pêche aux crevettes en bassin couvert. On y loue une canne pour pêcher dans un bassin en béton. Le complexe a installé une aire de pique-nique où les clients peuvent griller leurs prises sur un petit barbecue. Si les enfants s'ennuient le temps de la pêche, ils pourront se divertir aux vidéojeux installés dans l'enceinte. Taiwan est probablement la seule île où on choisit la pêche sous couvert au lieu de la pêche au grand air. Ce phénomène peut traduire parfaitement le genre d'activités de détente de Taiwan. Les sujets les plus populaires énumérés par une grande revue chinoise de loisirs sont les passe-temps d'intérieur et en ville. En plus de la congestion du trafic routier et des limites de temps (libre), la pollution de l'air et de l'eau ont aussi contribué à cette réticence générale de passer son temps en plein air.
Pour attirer les clients qui travaillent de longues heures, la plupart des sites récréatifs sont ouverts tard dans la nuit. Les librairies et les boutiques de vêtements sont généralement bondées de flâneurs jusqu'à 22 heures, les soirées du week-ends tandis que les marchés de nuit (les rues où les vendeurs étalent leurs marchandises sur le sol chaque soir) grouillent de gens de tout âge, des grands-parents, des parents, des adolescents et même des petits bébés, jusqu'à une heure fort avancée au-delà de minuit tandis que les nombreux night-clubs restent ouverts toute la nuit durant. Soudain, des quartiers ont beaucoup de choses à présenter : la diversité est le caractère d'une vie de détente moderne. On a donc beaucoup plus de choix que les grands-parents ou les parents auparavant.
Les camps d'été des jeunes sous d'autres cieux sont l'occasion de rencontres multiples, animées et pleines de joie.
Cette explosion de divertissements d'intérieur a en même temps apporté quelques problèmes. Par exemple, la multiplication outrancière des salons de karaoké, des bars avec piano et des autres cabarets de nuit qui ne sont ni déclarés ni patentés. Ils ignorent généralement les règles de sécurité générale alors que les menaces d'incendie sont devenues une sérieuse préoccupation. Déjà, plusieurs incendies de salons de karaoké de Taipei ont été gravement meurtriers. Malgré ces dangers connus de tout le monde, beaucoup de ces curieux s'interrogent : où donc aller dans une ville comme Taipei?
Les installations du divertissement non patentées ont également des liens étroits avec l'industrie de la luxure. De nombreux sites nocturnes non patentés offrent différents services illégaux. Tandis que l'appréhension du public croît devant le manque de règlements de ces négoces, une raison que leur mise en vigueur est moins efficace est que les responsabilités sont partagées et éparpillées entre les si nombreuses agences de l'Etat. Un salon de karaoké voit, par exemple, la construction de son bâtiment tomber sous la juridiction de l'office de pendant que la patente lui est délivrée par le ministère de l'Intérieur et que l'exploitation commerciale est supervisée par le ministère de l'Economie.
Une des nombreuses galeries de patchinko (aux billes d'acier) de Taipei, un divertissement entre la machine à sous et le vidéojeu.
Beaucoup de problèmes sont ainsi concentrés dans les centres urbains de Taiwan. Une étude récente en zone rurale de M. Tsai Chi-yuan, professeur à l'institut des Sciences et Philosophie sociales de l'Academia Sinica, indique que les activités récréatives des centres urbains sont dénigrées à la campagne. Plus de la moitié des sondés expliquent qu'ils ne sont jamais allés dans un salon KTV ou MTV (une cabine aménagée d'un magnétoscope où on peut visionner des vidéofilms) et les trois quarts jouent rarement au majong.
Il n'est guère surprenant que la télévision et le magnétoscope soient les numéros un des loisirs des citadins taiwanais dont plus de 98% des foyers ont un téléviseur en couleurs. Selon une étude de l'office de nationale et des Statistiques relatives aux loisirs de la population âgée de plus de 15 ans, effectuée en octobre 1991, 77% des sondés de 18 000 familles ont nommé la télévision ou le magnétoscope parmi leurs principales activités de détente. En moyenne, les habitants de Taiwan passent plus de deux heures par jour devant le petit écran. L'étude de M. Tsai Chi-yuan plaçait, quant à elle, la télévision au premier rang des activités de détente avec 73% des 1 500 sondés âgés de 20 à 70 ans. L'écoute de la radio y est le numéro deux (49%), suivi du lèche-vitrine (37%), de la vision de vidéocassettes (28%) et de la lecture (27%). Le message global des habitants des villes et des campagnes est que l'accessibilité est le facteur majeur du choix d'une activité de détente. Plus c'est facile d'accès, plus c'est populaire.
Les courses de motos sur des parcours incroyables ont conquis un jeune public.
Avec des options récréatives limitées à leur accessibilité, un nombre croissant de gens ont alors jugé que le meilleur choix d'une détente était de quitter l'île. Mme Shirley Kao, une fonctionnaire de 31 ans, passe son temps libre à étudier l'allemand. Ce n'est peut-être pas un véritable divertissement, mais elle l'estime comme tel. Alors que presque toutes ses camarades fréquentaient des cours de langue en dehors de leur carrière ou de leurs études, Mme Kao explique qu'elle y est venue parce qu'elle aime les voyages, et une langue étrangère peut lui apporter une grande aide lors de ses séjours hors du pays. Depuis sa première tournée aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne en 1987, elle a attrapé le virus du voyage. Depuis, elle effectue un périple tous les deux ans. Elle a visité , , le Sri Lanka (Ceylan), les Maldives et -Zélande. Alors que la plupart des voyageurs taiwanais partent en groupe organisé, Mme Kao se déplace avec ses amis en dressant elle-même ses itinéraires.
La préparation de prochains voyages est donc devenu un passe-temps principal. Avant chaque départ, elle collectionne des renseignements, rencontre d'éventuels compagnons de route, fixe un parcours et s'occupe des formalités administratives de visas, du transport et du logement. Elle lit aussi beaucoup d'ouvrages d'histoire, d'art et de civilisation des contrées à visiter, en particulier, l'architecture, la sculpture et la peinture. Au retour, elle classe des rayons de photos qu'elle montrera aux parents et amis.
Ce hobby de grand prix est une activité de détente qui se répand très vite chez les Taiwanais. Les voyages à l'étranger ont augmenté en flèche depuis que l'Etat s'est mis à délivrer des passeports touristiques en 1979. Les ressortissants de de Chine ont effectué 2,9 millions de voyages en 1990 et plus 4,3 millions l'an dernier. Le flot de touristes vers l'extérieur est particulièrement révélateur : il existe plus de 1 300 agences de voyage en opération dans l'île. Les clubs de touristes se sont vite multipliés, les revues de voyage ont augmenté et tous les grands quotidiens de Taiwan consacrent plusieurs de leurs pages aux voyages et au tourisme.
Ces six dernières années, les touristes taiwanais ont aussi développé un goût assez confus pour les grands voyages. Durant la première vague de périples à l'étranger, la plupart des groupes de voyage organisés par les agents insulaires suivaient une recette invariable qui n'offrait aux voyageurs qu'un goût insipide des cultures des pays qu'ils visitaient. Le tour typique dans le Sud-Est asiatique consistait à presser un groupe d'une centaine de touristes taiwanais en une semaine vers une des cinq destinations les plus populaires, , Hongkong, , les Philippines et Singapour. Ces groupes passaient systématiquement des heures dans les autocars et ne restaient dans un site pittoresque que le temps de prendre quelques photos et d'acheter des souvenirs.
Sur les hautes terres escarpées de Taiwan, on pratique l'alpinisme de haute montagne.
La formule de tels parcours est que plus c'est rapide, meilleur est-ce, dit Mme Kao. Le touriste ne fait guère attention à la qualité du voyage. Il désire manger des mets chinois, coucher dans les meilleurs hôtels et, le plus important de tout, visiter le plus grand nombre possible de sites pour le prix le moins cher. Ces agences offrent vraiment des voyages à des prix très bas et très compétitifs, tout en essayant de récupérer de l'argent en leur faisant vendre des souvenirs exorbitants.
Mais un agent de voyage note que le goût du touriste taiwanais s'est peu à peu mué. De plus en plus de gens en ont assez de ces voyages mouvementés et à itinéraire fixe, comprenant des achats à n'en plus finir. Ils commencent maintenant à s'inquiéter de passer de meilleurs temps pour un prix raisonnable.
La mère de Mme Kao était une de ces exaltées. A l'âge de 62 ans, après s'être ainsi embarquée dans des groupes visitant le Japon, les Philippines, , Singapour, et les Etats-Unis, elle se prépare à voyager de la même manière que sa fille. Et dernièrement, elle a demandé à sa fille de l'accompagner dans son prochain périple.
A Taiwan, l'industrie des loisirs est assez stupéfaite que les gens préfèrent tant rester près de chez eux pendant leurs congés. Une revue de loisirs encourage à créer plus d'installations de loisirs culturels et de plein air. Elle insiste que le public manque d'opportunité pour passer son temps et dépenser son argent à des activités qui offrent des avantages physiques ou spirituels. Taiwan a une « culture des loisirs » plus pauvre que des pays de niveau économique comparable ou même inférieur. Ainsi, ce domaine n'a pas du tout suivi la croissance économique du pays.
On est heureux de découvrir qu'une tendance est la pénétration des sports d'aventure, tels que le surf, la plongée sous-marine en scaphandre autonome et la planche à voile. Encore à une petite échelle, ils gagnent en popularité de par toute l'île dans les diverses couches de la société grâce à un système de location et à des clubs. Même des épreuves plus violentes, comme la glissade sur herbe ou le saut de voltige, ont attiré de braves âmes peu effarouchées du danger ou de la dépense. Depuis la formation du premier groupe de saut de voltige qui a tenu des épreuves en novembre 1991, plus de deux mille personnes ont cotisé 2 000 yuans taiwanais (env. 80 dollars américains) pour se lâcher du haut d'un pont, tout en restant attaché par une corde élastique.
Cet esprit d'aventure est un encouragement pour les chefs d'entreprise, comme M. Ling Der-lin, président de l'Association des Loisirs de plein air de de Chine et professeur à l'unité d'horticulture de l'université nationale de Taiwan. On peut penser à juste raison que les activités de plein air sont meilleures et plus saines que celles d'intérieur. Il faut forcer les gens à profiter de la nature. Les associations privées entreprennent des recherches sur différents sujets relatifs aux loisirs et font la promotion des loisirs de plein air à travers des séminaires, des conférences et des activités de groupe.
En encourageant les gens à passer leur temps à l'extérieur, M. Ling Der-lin fait face à plusieurs préjugés culturels. Les générations aînées qui ont passé presque toute leur vie à travailler hors de chez eux sont peu enclines à suer dans des efforts de plein air. Aujourd'hui encore, beaucoup de femmes dénigrent vraiment le bronzage comme inutile et vulgaire! Mais M. Ling Der-lin pense que ces idées sont en train de bouger. Depuis la fondation de son association en 1988, sept cents personnes y ont déjà adhéré. On y rencontre des botanistes, des géologistes et d'autres spécialistes de la nature, ce qui permet à l'ensemble d'étendre ses connaissances lors d'un pique-nique ou d'une excursion.
L'essor des divertissements culturels et artistiques, ainsi que les activités physiques, est important pour la vie récréative de Taiwan, dit M. Morgan Sun, directeur général de culturelle King Car, établie en 1980 par King Car Food Industrial Company pour la promotion des loisirs de qualité. Il fait remarquer que des Taiwanais sont assez imbus des beaux-arts pour considérer les concerts ou les visites de musée comme une activité de détente. Il est aussi important d'orienter la population vers une conception juste des loisirs en commençant par les enfants. Presque toute l'œuvre de M. Sun se destine aux jeunes enfants. Depuis 1985, 30 000 enfants ont assisté aux camps d'été et d'hiver de la fondation pour apprendre à combler leur temps libre avec les arts folkloriques et le base-ball. Pendant que l'école fait le point sur les connaissances intellectuelles, cette fondation leur organise des activités dans le domaine physique, artistique et de groupe.
L'attraction du public à passer son peu de temps libre à une quelconque activité de détente est une rude tâche, mais c'est une faisabilité. Etant donné le succès des six équipes professionnelles de de base-ball, leur quatrième saison actuelle a gagné des fans de toutes les couches de la société. L'an dernier, les quatre équipes originelles avaient réussi à vendre plus de 1,3 million de tickets. Cette saison-ci, avec deux équipes additionnelles, espère atteindre une vente de deux millions de tickets.
Chaque équipe a un club de fans. Aux matchs, ceux-ci s'assoient dans une portion désignée du stade, portent des casquettes et des T-shirts aux couleurs de leur équipe et usent de slogans qui leur sont propres. Les plus enthousiastes louent des autocars pour suivre leur équipe dans des matchs disputés hors de la ville. Et peut-être le plus important pour l'avenir des sports de spectacle est la popularité du base-ball chez les enfants. Des écoliers de 6e année de Taipei qui sont de jeunes fans adorent Huang Ping-yang, le lanceur de l'équipe des Dragons de Weichuan. Ils l'appellent l'« homme au bras d'or ». Ils ont collectionné des cartons de base-ball depuis la première saison, et il ne leur manque plus que trois cartons pour compléter la collection.
Ces faits sont une douce musique aux oreilles de ceux qui se lancent dans la promotion d'une « culture des loisirs» de Taiwan, forte, variée et saine. Ils savent que les problèmes (les longues heures de travail, la congestion du trafic urbain et les grandes foules) qui retardent l'avénement des divertissements culturels et de plein air ne seront probablement pas résolus rapidement. Mais une stimulation suffisante de l'enthousiasme pour les surmonter sera un des plus grands défis contre lequel Taiwan aura à lutter pour parvenir à une vie de loisirs de qualité qui équivaut à ses réalisations économiques.
Hwang Chih-yin
(V.F., Jean de Sandt)
Photographies de Chang Su-ching.
* majong (n.m.), désigne un jeu de société chinois, vulgarisé en Amérique et en Europe vers le début du XXe siècle. [Par l'anglais mah-jongg, nom déposé, altération anglaise du changhaïen ma-tchang, même sens.] (Cf. note de l’article de « La passion du majong », libre, Vol. X, No. 5, 1993.) (NDLR)