18/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Culture surf

01/12/2011
La dentiste Zhuang Chun-xin s’est réinstallée à Hengchun pour se rapprocher de l’océan.
A Hengchun, au sud de Taiwan, la plupart des familles sont installées depuis des générations. Pourtant l’une des maisons de cette localité est habitée par une « famille » un peu spéciale. Aux premières heures du jour, ses membres s’engouffrent dans deux voitures, direction Jialeshui, petit village côtier qu’ils atteindront en 20 minutes. Ils emportent avec eux parasols, livres, appareils photo et, bien sûr, planches de surf.

Il y a sept ans, Lisa et son petit ami, Yu Yung-jie [于永傑], ont quitté Taipei pour Hengchun. C’est là qu’ils accueillent leurs amis, comme eux passionnés de surf et attirés par le ciel bleu et les vagues de la région de Kenting.

Diplômée en design de la mode, Lisa confectionne de petits sacs qu’elle vend le soir aux touristes déambulant dans la rue principale de Kenting. La journée, lorsque les vagues sont belles, elle délaisse son travail et file à la plage. Ses amis A-xian [阿賢], chef pâtissier au Kenting Howard Hotel, et Pei-pei [珮珮], vendeuse dans une boutique d’articles de surf, l’accompagnent dès qu’ils ont un moment.

L’île de Taiwan compte quelques sites particulièrement favorables à la pratique du surf mais Kenting, avec son atmosphère tropicale, est le plus populaire de ces spots. Les fonds marins y sont constitués de récifs coralliens ou d’un mélange de sable et de gravier. « Cela leur procure une grande stabilité et donne des vagues régulières », explique Yu Yung-jie. Les surfers débutants apprennent à reconnaître la direction de la vague et à comprendre le jeu des marées. « Avec le temps, l’observation se fait plus fine et la compréhension progresse », dit-il.

Même à Taiwan, où le surf n’a jamais occupé le devant de la scène, on compte de plus en plus de passionnés, et une activité économique centrée autour de cette pratique s’y est développée. Ici comme ailleurs, le surf est davantage qu’une activité physique. C’est un mode de vie, une culture qui peu à peu s’enracine dans l’île.

Ces dernières années, en plus de l’habituel bouche à oreille, c’est sur internet que les passionnés s’informent en temps réel sur la météo des plages et échangent les bons plans. « Quand j’habitais à Taipei, dès que les vagues étaient bonnes, je fermais mon cabinet et partais à la plage », témoigne Zhuang Chun-xin [莊淳馨], une dentiste. Avec l’ouverture du tunnel de Xueshan, qui met Yilan à moins d’une heure de Taipei, les spots du nord-est de l’île, en particulier la baie de la Lune de miel, à Toucheng, sont devenus le terrain de jeu des surfeurs de la capitale. Mais pour certains, ces voyages éclairs ne suffisent pas. Il y a deux ans, Zhuang Chun-xin a quitté Taipei pour Hengchun. Ouvert sur place, son nouveau cabinet dentaire n’accueille les patients qu’en matinée, de 8h à midi.

A Wushi, dans le district d’Yilan, chaque été voit un afflux de surfers débutants.

L’héritage des GI’s

C’est dans les années 60 que le surf a fait son apparition à Taiwan, pratiqué par des soldats américains postés dans l’île. Au nord de Taipei, entre Jinshan et Yeliu, des clubs de surf furent constitués, premières graines qui ont germé au cours des années 70. Toutefois, il a fallu attendre la levée de la loi martiale, dans les années 80, pour que le surf ait droit de cité : auparavant, l’information circulait moins bien et l’accès aux plages était limité.

« Depuis l’an 2000, la pratique du surf s’est développée rapidement dans l’île, note Moh Chi-yung [莫季雍], professeur à l’Université nationale du sport de Taiwan. Les médias ont contribué à cet engouement, des célébrités se sont intéressées au surf et, plus généralement, les liens de la population avec l’océan se sont renforcés. Et c’est à cette époque que l’on a commencé à envisager Taiwan comme une “nation maritime”. » Davantage de planches de surf ont été importées et, avec la popularisation du bodyboard, le surf a séduit un nouveau public, plus féminin.

Les spots taiwanais ont aussi commencé à attirer des surfeurs étrangers. Takaki, un Japonais de Nagoya, a découvert l’existence du surf à Taiwan dans des magazines spécialisés nippons. Après plusieurs visites, il a obtenu un visa dans le cadre du programme vacances-travail signé entre les deux pays. Et c’est désormais sur les plages taiwanaises qu’il assouvit sa passion.

Les vagues taiwanaises sont de taille moyenne. Si on les compare aux vagues hawaïennes, hautes de 15 mètres, elles font pâle figure, mais on en trouve ici souvent de deux mètres de haut et les typhons font même tuber des vagues de 6 mètres, créant les fameuses « chambres vertes » chères aux surfeurs les plus expérimentés.

Avec l’augmentation du nombre de ses surfeurs, Taiwan commence à attirer les compétitions internationales. La baie de Jinzun, près de Taitung, a accueilli les 26 et 27 novembre dernier la première d’entre elles, une épreuve du Championnat d’Asie. La prestigieuse Association internationale de surf (ISA) a sélectionné la plage de Jihui, près de Taitung également, pour l’un de ses prochains rendez-vous. Et Taiwan est devenu cette année, sous le nom de « Taipei chinois », le 70e membre de l’ISA.

La pratique du surf participe aussi d’une communion avec la nature.

L’esprit surfeur

Au quotidien, cependant, beaucoup reste à faire pour diffuser les valeurs du surf. En plus des passionnés, on compte en effet bon nombre de surfeurs débutants, pour la plupart des étudiants qui profitent des vacances d’été pour s’égayer sur les plages. « De Jinshan à Toucheng et jusqu’à Kenting, on voit des surfeurs partout. Mais quand l’été s’achève, nous ne sommes plus qu’une poignée », dit Yu Yung-jie.

Le surf a ses règles, comme celle qui consiste à ne pas voler la vague d’un autre. « Surfer demande beaucoup d’espace, dit Li You-lin. Quand vient une vague, celui qui a la priorité se lance mais doit veiller à ne pas mettre les autres en danger. » Il y a quelques années, ces règles étaient largement méconnues des surfeurs taiwanais et les accidents étaient fréquents.

Les typhons occasionnent aussi des prises de risques inconsidérées. La houle attire comme des aimants les surfeurs qui ignorent parfois les interdictions de baignade édictées par les gardes-côtes. En août dernier, le typhon Muifa a ainsi provoqué la noyade d’une surfeuse.

« Ce genre de nouvelles nous plonge à chaque fois dans une grande tristesse et nous met en colère, dit Zhuang Chun-xin. C’est vrai que les plus grosses vagues viennent avec les typhons mais quand ceux-ci touchent la côte, les surfeurs expérimentés ne vont pas à l’eau : par prudence, mais aussi parce que la force des vents casse les vagues et les rend impraticables. »

Devant l’afflux de surfeurs débutants, des campagnes ont été menées pour inciter au respect des règles de sécurité et de l’environnement. « Le surf demande d’étudier et de respecter la nature, de s’immerger en elle, lance Liu Shi-jie. Il suppose une attitude consistant à rechercher l’harmonie avec la mer. En faisant corps avec la nature, on prend conscience de la petitesse de l’Homme. »

« Les surfeurs peuvent être solitaires et égoïstes, reconnaît Yu Yong-jie, mais ceux qui aiment vraiment le surf ne peuvent se désintéresser de la qualité de leur environnement. Si la mer est un tant soit peu polluée, les surfeurs s’en rendent compte immédiatement. » Cette attention portée à l’environnement ouvre parfois la voie à un militantisme plus engagé. En juillet dernier, plus de 500 surfers protestaient contre la construction, qu’ils jugent illégale, d’un hôtel à Meiliwan, au nord de Taitung. En signe de défiance, ils ont planté leurs planches dans le sable, face à l’immeuble construit en front de mer. « Meiliwan, comme Jihui ou Dulan un peu plus loin, compte parmi les meilleurs spots de surf à Taiwan. Il est naturel que les surfeurs cherchent à protéger ces endroits », estime Zhuang Chun-xin.

Pour ces passionnés, la fin de l’été n’a pas sonné la fin de la saison du surf et les côtes taiwanaises, du nord-est jusqu’au sud, représentent à bien des égards un paradis.

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